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2025

La place du sexe dans les magazines de bande dessinée pour adultes dans les années 1980

Yoan Vérilhac

Résumés

Entre 1975 et 1990, tout semble devenir pornographique, et les magazines de bandes dessinées adultes sont à la fois des témoins et des acteurs de la pornification massive de la culture visuelle. Plus généralement, l’investissement du sexe et de la nudité sont des traits très caractéristiques d’une histoire de la bande dessinée s’affirmant comme un art de la transgression et de la libération esthétque et morale. En étudiant les contenus éditoriaux des journaux comme Métal hurlant, Charlie Mensuel, Pilote et Charlie, L’Écho des savanes, Rigolo ou Circus, on appréhende ces processus sous un autre angle, plus culturel et communicationnel, et on mesure l’importance du traitement du thème du sexe (par le dessin mais aussi par la photographie, la critique cinéma, le clip vidéo, la publicité…) dans la définition de l’identité des différents titres.

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Texte intégral

Bande dessinée, érotisme et délimitation du secteur « adultes »

  • 1 La « pornification » de la culture occidentale désigne la contamination de tous les départements de (...)

1La pornification1 de la culture visuelle en Occident tient en bonne part au magazine, forme journalistique connaissant un succès immense après la Première Guerre mondiale, du fait de la place accordée à la photographie (Blandin 2018). En ce qui concerne le dessin, l’incompatibilité, fermement organisée par la loi, entre sexe et bande dessinée (associée aux jeunes publics) ne doit pas faire oublier le compagnonnage ancien entre illustrateurs et érotisation des supports médiatiques : ornements des revues littéraires et artistiques (les femmes alanguies dans La Plume ou dans la Revue blanche, par exemple), caricatures et pages grivoises du Courrier français, de La Vie parisienne ou du Rire, les périodiques participent très précocement de cette alliance entre flux médiatique et stimulation sexuelle.

  • 2 Selon Benoit Berthou, c’est là le premier ouvrage qui propose de « considérer le Neuvième art comme (...)
  • 3 Voir à ce sujet, dans le présent numéro, l’article de Nicolas Labarre sur les rapports du magazine (...)

2À partir des années 1960, la bande dessinée érotique devient un objet d’histoire. Dès 1968, Jacques Sadoul publie L’Enfer des bulles. L’Érotisme dans la bande dessinée, chez Pauvert2 et Les Filles de papier chez Elvifrance en 1971. Michel Bourgeois lui rend hommage en 1978, dans la préface de son livre Érotisme et pornographie dans la bande dessinée, publié par Glénat. Une tradition se met en place, les dictionnaires, anthologies, beaux livres et compilations de pin-ups, accompagnant la montée en puissance d’un dessin presque « naturellement » suggestif, à partir des années 1980, dans la plupart des genres à succès (science-fiction, humour, aventures, policier). Henri Filippini publie L’Encyclopédie de la bande dessinée érotique aux éditions de La Musardine en 1997. Dans l’avant-propos, il dit espérer « sortir d’un injuste ghetto des créateurs talentueux » et démontrer « que la bande dessinée pour adultes est multiple et variée ». Ce jugement semble toutefois peu en phase avec le rôle joué par l’érotisme dans la fabrication de la valeur artistique de la bande dessinée. De fait, l’introduction du sexe dans la bande dessinée participe fortement de ce que Sylvain Lesage, après Christopher Pizzino, décrit comme le bildungsroman de la bande dessinée (Lesage 2019, Pizzino 2016) : la bande dessinée gagnerait en légitimité en devenant adulte, elle devient adulte en étant lue par des adultes, elle attire les lecteurs adultes, c’est-à-dire les hommes éduqués, en montrant des jeunes filles nues et des scènes sexuelles. Or cette puberté imaginaire de la bande dessinée se joue en large part, dans les magazines de la période 1972-19823. Le sexe permet alors d’associer certaines formes d’expression graphique à des discours militants et des revendications de légitimité. Il s’agit aussi de dissocier des formes artistiques de bande dessinée d’une offre qui ne se destinait pas aux enfants, mais proposait des aventures ou des histoires sentimentales publiées dans Nous Deux ou Héroïc-albums après la Seconde Guerre Mondiale, par exemple (Lesage 2019). À partir de 1980, une fuite en avant pornographique aurait lieu, qu’illustrent particulièrement le second Écho des savanes (repris par Albin Michel), Charlie Mensuel ou Circus. Dans sa thèse intitulée Journal et bande dessinée ou l’histoire d’une fusion entre support et média (1970-1990), Alexandra Rolland documente l’apparition instantanée de cette lecture à charge de l’évolution racoleuse des magazines de bande dessinée. Elle reprend notamment l’article du Monde (27 et 28 janvier 1985) dans lequel Nicole Claveloux, Florence Cestac, Chantal Montellier et Jeanne Puchol dénoncent « l’idéologie Filippacchi » qui règne dans Charlie mensuel et L’Écho des savanes (Rolland 2010, 445). La même année, dans le hors-série « Spécial Putes » de Circus, Henri Filippini tire un bilan de l’évolution de la presse de bande dessinée : « Racolage, le mot est lancé, serait-ce que les éditeurs de bandes dessinées doivent se mettre à “faire la pute” pour vendre ? » Lorsque ce n’est pas le sexe qui sert à faire vendre les magazines, par exemple dans Pif ou Mickey, ce sont les gadgets, les stars du dessin animé, de la télévision ou de la chanson qui attirent les lecteur·ice·s, tandis que Spirou ou Tintin se portent mal, croyant encore attirer les clients uniquement avec des histoires dessinées. Selon Filippini, la première génération des magazines pour adultes exploitait essentiellement les figures des auteur·ice·s stars de la bande dessinée :

Avec les années quatre-vingt, les choses changent. […] C’est L’Écho des savanes, version Filipacchi, dont Wolinski a repris la rédaction en chef, qui le premier a joué la carte de l’érotisme. Jolies filles, en couverture, strip des copines à l’intérieur auquel il faut ajouter des articles plus que racoleurs. C’est le succès immédiat et les ventes de l’Écho atteignent des chiffres qui font rêver tous les éditeurs de B.D. Philippe Mellot, qui vient de reprendre la rédaction en chef de la nouvelle version de Charlie Mensuel aux éditions Dargaud, se lance à son tour dans l’érotisme avec des couvertures « coquines » et va même jusqu’à faire réaliser des photos par le photographe de Dargaud. Là encore, les ventes montent de façon significative dès la publication de cette nouvelle formule. (À suivre) est le seul titre à ne pas encore jouer avec l’érotisme, puisque Circus propose des couvertures dessinées, mais sexys, Métal hurlant aussi et même les titres comiques comme Fluide glacial proposent de plus en plus de gags tournant autour du sexe. […]
Ce qui peut être dommage, c’est la lente ascension vers ce type de bandes dessinées dans lesquelles les dessinateurs et les scénaristes mettent au moins une scène intime. Reconnaissons pourtant que le cinéma et même la télévision proposent rarement de films ou de dramatiques sans nous offrir l’intimité de l’héroïne. Après tout, la bande dessinée n’a fait que suivre la tendance des autres moyens d’expression. Mais l’image dessinée reste, contrairement à l’image sur pellicule qui ne fait que passer. Les auteurs de B.D. sont des créateurs au même titre que ceux des autres médias et ils se doivent de montrer le monde tel qu’il est sans tabou ni contrainte. (Henri Filippini, « Racolage ! », Circus, no 82bis, hors-série « Spécial putes », février 1985.)

3De l’intérieur et de l’extérieur du monde de la presse de bande dessinée, on le voit, les grandes lignes du récit sont instantanément mises en place, et la dynamique historique est observée sous l’angle de la dégradation marchande. On remarque aussi trois lieux fondamentaux de polarisation du discours sur l’invasion du sexe dans les magazines : la une racoleuse, la cohabitation entre photographie et dessin, la contamination générale des contenus par la nudité et les scènes intimes.

4Pour observer un peu différemment cette histoire, en large part axiologique, nous essaierons de caractériser le rôle du thème sexuel dans le fonctionnement médiatique et communicationnel des magazines. L’objectif n’est pas d’abord d’alimenter les études sur la pornification de la culture et l’exploitation médiatique de la nudité, que ce soit dans une perspective d’histoire de l’art, de sociologie du « fait social total » que constitue la pornographie (Baudry1997 ; Schmoll 2015 ; Vörös 2020) ou du point de vue des relations entre les genres (Williams 1999 ; Buszek 2006), mais de décrire les magazines, en tant que supports médiatiques encodant leur identité et leur intérêt à partir de dessins explicitement ou suggestivement sexuels, érotiques ou pornographiques, et de caractériser les différentes tendances que représentent Métal Hurlant, Rigolo, Charlie mensuel, Pilote et Charlie, L’Écho des savanes ou Circus dans les années 1980-1988.

La pornification de la culture médiatique dans les années 1980

  • 4 Super Nana sur Carbone 14, par exemple, ou Pierre Bellanger qui lance La Voix du Lézard en 1982, av (...)

5Il n’est pas utile ici de développer trop longuement le bain médiatique pornifié de la période, dont les acteurs sont bien connus : Canal plus, la VHS, le clip vidéo, la publicité érotique soft, les Coco Girls, les magazines de charme, la radio libre parlant ouvertement de sexe4, le téléphone rose et le minitel, les lieux urbains de consommation sexuelle (sex-shops, vidéoclubs, cinéma X). Le magazine de bandes dessinées épouse ce mouvement, qui convertit la pornographie en « monde », en « genre » et en « mode de vie » qui s’affiche, pour reprendre l’analyse de Patrick Baudry (Baudry 1997, 41). Dans son Dictionnaire des livres et des journaux interdits, Bernard Joubert résume bien cette transformation, et souligne le tournant de 1983 comme bascule permissive dans le champ de la presse de bande dessinée (Joubert 2011, 15).

6Le magazine de bande dessinée n’est pas un observateur passif ou discret de ce phénomène, les tirages à plus de 200 000 exemplaires pour L’Écho des savanes et plus de 100 000 pour Charlie mensuel le disent éloquemment. Les publicités, d’abord, notamment pour les journaux de photographie ou de vidéo, reflètent cette relation à une culture de l’image érotique et pornographique (voir fig. 1 et fig. 2). Mais, cette attention se porte jusque dans les recoins les plus underground comme en témoignent, par exemple, la chronique de Jean-Luc Fromental sur les jeux vidéo X-Men et Custer’s revenge dans Métal hurlant en 1983 (fig. 3), ou les nombreuses annonces pour des services sexuels dans L’Écho des savanes (fig. 4 et fig. 5).

Fig. 1 : Publicité pour Zoom, Métal hurlant, no 103, septembre 1984.

Fig. 2 : Publicité pour Télé Ciné Vidéo, Métal hurlant, no 133, juillet 1987.

Fig. 3 : Jean-Luc Fromental, « Custer’s revenge », Métal hurlant, no 87, mai 1983.

Fig. 4 : Publicité pour 3615 Stéréomatez NRJ, L’Écho des savanes (pleine page), no 45, 1er décembre 1986.

Fig. 5 : Publicité pour le « Flashing », outil de drague électronique, insérée dans L’Écho des savanes, no 18, 1er avril 1984.

7Les magazines accompagnent aussi la formation du champ de la bande dessinée érotique. Les publicités pour les entreprises éditoriales sont insérées (fig. 6), de même que les offres d’abonnements aux magazines érotiques et les publications des signatures-vedettes, comme Sex’Bulles, Manara, G. Levis et W.G. Colber.

Fig. 6 : Publicité pour Les Chefs-d’œuvre de la bande dessinée érotique, Rombaldi éditeurs, insérée dans Pilote et Charlie, no 12, mars 1987.

8Cette promotion s’accompagne d’un contre-discours ambigu. Ainsi, par exemple, un article d’Adam Edery, intitulé « Hot pub », dans le no 45 de L’Écho des savanes, est un prétexte à reproduire des extraits des spots télévisés les plus érotiques du moment :

Qu’il s’agisse de bas ou de rouge à lèvres, de soutien-gorge, de déodorant ou de lessive, de lait ou de bière, un seul mot d’ordre : le cul. […]
Mais ce qui est nouveau, c’est la façon subreptice que le cul a de se glisser partout où on ne l’attend pas, là où à vrai dire il n’a rien à faire. Prenez Régilait, par exemple. A-t-elle vraiment besoin, la jeune fille avec son T-shirt juste assez long, de se faire culbuter avant d’attaquer le breakfast ? […]
Jouer avec le sexe plaît à la pub. Elle est désormais trop engagée dans ce jeu, on ne pourra plus l’arrêter. Et c’est tant mieux : il n’y a vraiment rien de pire que le coït interrompu… (Adam Edery, « Hot pub », L’Écho des savanes, no 45, 1er décembre 1986.)

Fig. 7 : Adam Edery, « Hot pub », L’Écho des savanes, no 45, 1er décembre 1986.

9La vigueur critique du propos se dissout dans une chute humoristique. En 1983, que ce soit en faisant la recension d’un album et d’une VHS X venus du Japon, ou d’une parodie de Dallas, dans Métal hurlant l’image sulfureuse est accompagnée d’un texte tenant à distance sa lecture littérale, et la promotion au premier degré de l’œuvre dont elle est extraite.

Effets de mise en série et de télescopage

10On dira, à raison, que cette pratique ambivalente de la citation n’a rien de spécifique au magazine de bande dessinée, et qu’elle est aussi courante dans les programmes télévisés ou même les magazines de reportage et d’information générale. À tous les niveaux (ou presque), les images et les textes se mettent à fonctionner par allusion à des corpus érotiques qui, désormais, irriguent la culture commune, comme l’indique Patrick Baudry :

C’est donc la virtualisation qui caractérise un nouvel essor du marché du sexe, dans lequel la revue la plus classique devient elle-même le support et le relais d’un sexe “à distance” et lié aux nouvelles technologies. Les photographies qui accompagnent la publicité pour les numéros “roses”, celles qui figurent dans les reportages-publicités des CD-Roms, peuvent d’ailleurs être elles-mêmes beaucoup plus osées que celles qui contribuent au dispositif érotico-pornographique de telle revue. De même, les textes des annonces de rencontres peuvent être plus crus et directs que les textes qui donnent à la revue sa dimension de magazine. (Baudry 1997, 97.)

11Mais nos magazines ne se contentent pas de participer de ce mode vague de la connotation sexuelle, et se donnent à lire comme des dispositifs de concentration de la mise en série et des télescopages d’images (photos et dessins), intensifiant les effets de pornographie et de voyeurisme. Le cas le plus net est celui de Charlie mensuel, mais tous nos titres sont concernés à un degré ou un autre. Dans le numéro 3, par exemple, un article sur Détective permet de reproduire de nombreuses unes du suflureux magazine de faits divers, tout en développant une critique du voyeurisme médiatique. Le texte, signé « C. Loïs Strauss », est un pastiche d’analyse structuraliste des titrailles et des couvertures de Détective, décodant l’instrumentalisation automatisée des mots et des images de la transgression au service du racolage journalistique :

C’est un croisement serré d’interdits. Ainsi se crée un schéma fécond comme les mille milliards de poèmes de Queneau.
Il suffit de prendre un sujet, un verbe, un complément direct et un d’attribution dans ce sac de mots connotés jusqu’à la gueule.
La liste est là : Verbes : partager, prostituer, livrer, procurer, violer, échanger, arracher, découvrir, payer, draguer, se diner, participer…
Sujets : il, elle, les deux sœurs, la lesbienne, des femmes du monde, la femme, la mère, la fille, le proxénète, le travesti, le mari…
Compléments directs : on prend les mêmes et on recommence.
Circonstanciels : maison, close, fiançailles, mariage, partouze…
Ainsi on peut s’en faire soi-même aisément. Exemples : « violée par sa sœur lesbienne le jour de son mariage » ou « elle est livrée à un proxénète par son mari homosexuel ». C’est facile, vous pouvez jouer en famille ! C’est comme les chiffres et les lettres avec en plus ces joies simples que sont la délation, et le commérage croustillant. (C. Loïs Strauss, « L’affichage de l’interdit », Charlie mensuel, no 3, juin 1982.)

12Or de tous les magazines de bande dessinée adulte, Charlie mensuel est celui qui correspond le mieux à cette grammaire du racolage, comprise comme parataxe générative de stimuli érotiques. Dès le no 6, le journal est façonné comme support voyeuriste, ainsi que l’exprime la couverture : une serrure à travers laquelle on voit des jambes croisées. L’édito est (comme dans le numéro précédent) agrémenté de pin-ups fortement érotisées, et la nouvelle rubrique people montre une Pia Zadora enfantine, offerte à un regard hypocritement dénoncé comme « é-cœur-ant » (fig. 8) dans le film Butterfly.

Fig. 8 : Sommaire illustré de pin-ups et rubrique « Charlie’s stars », par Elsa van Beever, Charlie mensuel, no 6, septembre 1982.

13Dans le même temps, la rubrique de cinéma devient une machine à fantasmer et à fétichiser les actrices (fig. 9 et 10).

Fig. 9 : Guy Delcourt, « Kino news », Charlie mensuel, no 6, septembre 1982.

Fig. 10 : Pierre Charles, « Kino news », Charlie mensuel, no 9, décembre 1982.

14On trouve un traitement comparable du cinéma ou des clips musicaux dans Métal hurlant (fig. 11).

Fig. 11 : « Relax, Frankie goes to Hollywood », Métal hurlant, no 97, mars 1984.

  • 5 Devo est un groupe de rock électronique, fondé en 1972.

15Comme « Loïs Strauss » se faisait anthropologue du voyeurisme de Détective, Margerin se fait sociologue de l’éducation sexuelle contemporaine, dans le no 5 de Rigolo. Albert emmène son petit frère à l’école, qui, à chaque case, est confronté à une expérience d’ordre sexuel : ses parents qui font l’amour dans leur chambre, le « Pinorama » qui diffuse des films X que le petit garçon dit avoir « déjà vus sur la vidéo du frère de Frédo », une prostituée qui lui demande quand il viendra la voir, un voisin qui sort du sex-shop, un van-baisodrome, un couple d’hommes, un travesti, des chiens qui copulent, un exhibitionniste… À chaque étape, le petit Louis en sait autant sinon plus que les adultes. Albert et son frère s’arrêtent à un kiosque à peu près entièrement consacré à l’image pornographique et à l’information sensationnelle : « Métal urgent » est placé entre « Qui les flics », « Lui », « Moi » et « Détective », « Kosmik comix » est en dessous de « Sexy ». L’éducation sexuelle se joue au kiosque par l’intermédiaire du grand frère rocker. Dans le même numéro, Karl Zéro raconte l’histoire des membres du groupe Devo5, les « puceaux du rock », qui, pour se consoler de leurs échecs répétés, relisent leur collection de magazines de charme, dont les titres évoquent des publications soft et hard : Globe, Playboy, Lui, Sex, Nues, Seins, Sperme, Sexy body, Cul hebdo, Hot sex, Dégueu, S&M…

16Le magazine de bande dessinée se situe donc lui-même au cœur de ce nouvel imaginaire médiatique, et se définit comme un genre proche de celui du charme voire des titres les plus explicites. Toutefois, il entre aussi intentionnellement en relation avec d’autres secteurs du périodique et d’autres publics, par son ton (jeune, humoristique, ironique), ses publicités, ses rubriques, et ses thèmes.

L’identité hybride du magazine de bande dessinée pour adultes

  • 6 Au sujet des diverses séries médiatiques auxquelles le magazine de bandes dessinées s’associe, voir (...)

17Le magazine de bande dessinée pour adultes se comprend, en effet, par rapport à d’autres formes proches, à savoir : les magazines de bandes dessinées « jeunesse », comme Pif ou Spirou ; les périodiques de bandes dessinées adultes-pornographiques, comme BD Adult’ ou Kiss Kiss Comix ; les magazines de charme, modèle Playboy ; les publications pornographiques, comme Union ; les magazines culturels (Best, Rock and Folk)6.

Genre

Titre-phare

Genre d’images

Magazine de BD jeunesse

Spirou

Dessin

Magazine de BD « adulte »

Charlie Mensuel

 

Dessin et Photo

 

Périodique de BD pornographique

Bédéadult’

Dessin

Petits formats de BD pornographique

Jacula (Elvifrance)

Dessin

Magazine de charme

Playboy

Photo/Dessin occasionnel

Magazine pornographique

Union

Photo

Fig. 12 : Genres de périodiques et genres d’images.

18Comme le résume le tableau ci-dessus (fig. 12), le magazine de bande dessinée adulte se distingue par une tendance au mélange des genres d’images. En effet, la cohabitation permanente du dessin et de la photographie est un trait caractéristique de ce genre, et produit des effets particuliers au regard des périodiques uniquement dessinés ou uniquement illustrés de photographies. Cette caractéristique, qui découle de sa vocation culturelle, est fondamentale de ce genre bâtard, incapable d’afficher ni sa spécialité thématique (de quoi parlent ces magazines ?), son « code » dominant (du dessin, avec des photos, des textes, des images issues des films et de la télévision…), sa cible et son ton. Enfin, ces périodiques, s’organisent plus ou moins en recueils de feuilletons dessinés (Circus ou (À suivre) sont proches de ce modèle) ou en rubriques articulées autour d’une offre journalistique organisant le sommaire à égalité avec la fiction (L’Écho des savanes ou Métal hurlant).

19Pour positionner les magazines de bande dessinée les uns par rapport aux autres, il faut donc opérer une première triangulation, qu’illustre sommairement le schéma 13. Entre les pôles « jeunesse », « culturel » et « charme », naviguent les titres de notre corpus. Dans cette opération d’étiquetage, la couverture assure la reconnaissance du genre par rapport au public visé : les adultes, et encode des pactes de lecture plus ou moins dirigés vers l’un ou l’autre des pôles.

Fig. 13 : Position des magazines de bande dessinée entre les pôles jeunesse/culturel/charme.

20Dans cet ensemble, l’image de couverture (la pin-up, l’héroïne sexy ou la photographie racoleuse) identifie le journal comme un magazine pour adultes, et l’inscrit dans la série des périodiques d’images érotiques et pornographiques allant d’Union à Métal hurlant, Circus, Charlie Mensuel et passant graduellement par les petits formats Elvifrance, Bédé adult’, Multilove, Palyboy, L’Écho des savanes. Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’il s’agit de son identité thématique, et que ce magazine illustré par une femme dénudée parlera de sexe, racontera des histoires érotiques ou proposera un recueil d’images excitantes, à la différence, par exemple, du magazine de charme ou, plus proche dans le kiosque, des petits formats Elvifrance ou de Kiss Kiss Comix, qui promettent de la nudité et du sexe, et tiennent leur promesse.

21La différence principale entre les périodiques de ce secteur se situe dans la présentation des informations autour de l’image de couverture. Playboy, par ses annonces de matières hétéroclites autour de la pin-up, souligne qu’il est un journal adulte, certes, mais un journal d’informations pour les hommes, regardant le monde avec des yeux hyperboliquement masculins, dans toutes ses dimensions (les femmes, la politique, la musique, l’actualité internationale, etc.). Union affirme son unité thématique autour des matières sexuelles et ses titres vont dans le sens d’une presse de « vie pratique » (jouir en 5 minutes, six façons de réveiller une femme frigide, etc.). Multilove et Bédé adult’ affichent aussi leur cohérence et simplifient les choses autour du récit sexuel, en plusieurs feuilletons ou en une seule livraison. La couverture est épurée, à l’image du contenu, qui efface au maximum la dimension médiatique du périodique, de même pour les pockets Elvifrance.

22Dans les journaux de bande dessinée, le sexe est d’abord un produit d’appel. La une se donne à lire comme un support autonome de séduction, voire comme un seuil ambigu d’encodage d’un pacte de lecture reposant sur un « je sais bien mais quand même » caractéristique du sensationnel. Cette autonomie publicitaire et tendanciellement ironique, est spécialement illustrée par la « Page porno », annoncée en une du no 95 (fig. 14) de Métal hurlant.

Fig. 14 : Métal hurlant, no 95, janvier 1984, une et p. 69.

23Bien entendu, la pornographie n’est qu’à la une, d’ailleurs ce numéro est un des plus sages que l’on peut lire depuis 1983. La p. 69 se joue du lecteur de kiosque qui a tourné frénétiquement les pages. L’intérêt de ce dispositif est de désamorcer les modes de lecture adultes tout en capitalisant sur leur pouvoir de séduction, et de formuler, dans le même mouvement, une forme de consensus général, des dessinateurs aux lecteurs, quant à l’ironie qui domine le pacte de communication.

24Dans L’Écho des savanes, la femme nue au centre de la une n’est pas seulement l’objet du regard du lecteur, mais est cernée des regards des personnages en vignettes, dont les visages traduisent les émotions et sensations visées par le journal : surpris, sidérés, méfiants, effrayés, excités, lascifs, voyeurs…

Fig. 15 : Une de L’Écho des savanes, no 18, 1er avril 1984.

25La vignette que le no 18 place au centre est particulièrement claire (fig. 15) : un œil derrière des lunettes, dirigé vers les fesses nues de la pin-up. La couverture du no 38 explicite de façon amusante le fonctionnement sensationnaliste du magazine, en annonçant une rubrique « vraie », une « fausse », une « vraie ou fausse », les trois résumant des centres d’intérêt fondamentaux du discours sensationnel : le fait divers (le japonais cannibale), le sexe/les célébrités, le surnaturel/le sexe (coucher avec un extraterrestre). À droite, la mention « B.D. 50 pages d’humour, de sexe et d’aventure » indique le caractère périphérique du média « B.D. » mais aussi sa cohérence thématique avec le support. On retrouve la même chose dans le dispositif couverture/sommaire du no 14. À la page du sommaire illustré, Wolinski représente son journal comme un bateau à rames, gagnant une course au succès grâce à la motivation que le rameur trouve en regardant les fesses de la femme qui est à la proue.

26Dans le numéro 18, on avait déjà un sommaire dessiné, cette fois par Martin Veyron, qui traduisait un pacte ironiquement racoleur. La dernière case, représentant une « copine » qui soulève, hilare, sa robe « pour faire plaisir à [s]on copain » résume le plaisir général que recherche le journal, ce plaisir de « la montrer à un max de gens ». Pourtant, le sexe du personnage de la copine n’est pas dans le cadre, et reste un objet de discours vague auquel on ramène tout, mais qu’on n’investit pas vraiment d’un désir ou d’un intérêt frontal : une voix hors-champ demande, ainsi, si « ça ne serait pas possible pleine page, parce que là on voit pas bien »... Cette fameuse rubrique du « Striptease des copines » (ici annoncée par le dessin de Martin Veyron) est d’ailleurs caractéristique du caractère central et désinvolte de l’érotisme. Cette rubrique a marqué l’image du journal, mais ce qui frappe est son insertion hasardeuse et variable, dans les pages du magazine (alors même qu’il en fait la promotion fréquemment en une). Ces bandes de polaroïds encadrent des articles de variétés, produisant tantôt des effets de cohérence pornographique, tantôt des télescopages déconcertants : « Papillon colle », « Mini-miss », « Le mal rouge », « Le portrait oriental », « Indes galantes », « Monsieur Corbillard »…

27Comme Playboy, L’Écho des savanes fédère des variétés autour de la motivation érotique et, en contrepartie, le sexe et le désir sont intégrés au traitement sensationnaliste des curiosités. Le paradoxe est donc que les matières les plus explicitement sexuelles apparaissent, par l’effet du support, comme des matières sensationnelles parmi d’autres, exagérant l’irritation de la curiosité générale à quoi tout concourt. Pour le dire en une formule rapide, tout se rapporte au sexe de manière obsessionnelle et, dans le même temps, tout ce qui se rapporte au sexe dessert la logique communicationnelle du journal. Or, ainsi qu’on l’a souligné plus haut, la bâtardise constitutive du magazine de bande dessinée pour adultes, tient à sa conservation du lien au secteur jeunesse. Ainsi, aussi proche de Lui ou Playboy que soit L’Écho des savanes, il instaure malgré tout — par le dessin, par son ironie générale, par son goût du jeu — un pacte de lecture spécifique qui découle du lien irréductible, et très singulier, qu’il s’agit de fabriquer entre sexe et jeunesse.

Pornification et juvénilisation de la culture médiatique : le rôle des magazines de bande dessinée

28Observer la scansion 1980-1988 revient à s’intéresser à un moment d’accélération dans l’imbrication de la culture jeune et des thématiques adultes, « juvénilisation » qui se traduit notamment par la libération de la relation désirante aux objets de la culture commune — dont la fan fiction est une autre étape importante, par exemple. Pornification et juvénilisation de la culture correspondent à deux directions a priori antagonistes et pourtant convergentes. Le phénomène a, d’une part, une portée subjectivante et émancipatrice pour la jeunesse, fondée sur l’expression des désirs et de la complexité des relations, sur la possibilité de faire circuler l’information (éducation sexuelle) ; d’autre part, une portée objectivante et aliénante, instituant les corps jeunes, notamment de femmes et de très jeunes filles, comme objets de désir et comme marchandises.

29Les magazines qui nous intéressent ont un rôle important dans ce processus, dans la mesure où ils proposent, de façon pionnière mais fluide, et comme évidente, la fusion des codes de la culture pour la jeunesse et de la pornographie. Il suffit de jeter un œil au sommaire de Circus, par exemple, pour être frappé par le naturel avec lequel la Bianca alanguie de Crépax est encadrée par les héros des feuilletons d’aventures.

30L’interview, dans Pilote et Charlie en décembre 1987, de quatre dessinateurs phares qui ont accepté de dénuder leurs héroïnes pour Playboy est éclairante de ce point de vue. Jean-Claude Mézières (pour Laureline de Valérian), Bernard Yslaire (pour Julie de Sambre), François Walthéry (pour Natacha), et Dany (pour Colombe dans Olivier Rameau) expliquent les raisons qui les ont poussés à accepter ce travail et les choix esthétiques qu’ils ont faits pour répondre à la commande. Ils évoquent leur relation sensuelle au dessin (« Je caresse Colombe du crayon », dit Dany), et des demandes privées, d’amis ou de lecteurs lors de séances de dédicaces : le déshabillage des héroïnes de la bande dessinée tout public existe déjà, mais n’a pas une existence médiatique.

Natacha a quand même été le premier personnage féminin de ce type-là du journal Spirou, qui dit journal Spirou dit journal pour tout le monde, et ce n’était pas le fait de Natacha de montrer son cul à tout vent. Ceci dit, il se trouve que je l’ai souvent dessinée ainsi pour des copains qui me le demandaient. Mais toujours des trucs marrants, je n’aime pas la pornographie. S’il n’y a pas le sourire, ce n’est pas la peine. Ce n’est pas un étalage de viande, une femme ! (Walthéry.)

Il y a de plus en plus de jeunes gens qui fantasment sur le personnage [de Colombe] et depuis pas mal de temps déjà, j’ai ce que j’appelle des « demandes spéciales » en dédicace. Alors l’idée m’a été soufflée par un jeune éditeur de faire une série d’aquarelles de Colombe dans le plus simple appareil. (Dany.)

31Ces héroïnes véhiculent en elles-mêmes le plaisir de les imaginer dénudées, de telle sorte que répondre favorablement à la commande de Playboy consiste surtout à préserver la juvénilité de cette relation au désir, que Walthéry associe au « sourire » et au « rêve » et les autres plutôt à l’humour. Significativement, la quatrième de couverture de l’Encyclopédie de la bande dessinée érotique de Henri Filippini reprend Natacha, dévêtue, poursuivie par les héros du journal de Spirou, de Pilote et de Tintin. Cette image, comme les parodies que dessinait déjà Roger Brunel dans Circus, résume bien la dynamique à l’œuvre.

Sexe et rire rock

  • 7 Au sujet de la place de la culture rock dans les magazines de bande dessinée, voir l’article de Six (...)

32« L’esprit rock » des magazines de bande dessinée est une autre manière de traduire cette fusion, cohabitant d’ailleurs sans peine avec la veine enfantine et rêveuse de pornification. En bonne part, la culture rock repose sur la libération de l’énergie sexuelle de la jeunesse et, mécaniquement, institue la jeunesse comme sujet et comme objet normal de désir. Simon Reynolds et Joy Press dans The Sex revolts (Press et Reynolds 1995) proposent de distinguer trois modèles de relations entre rock et sexe : les jeunes garçons en colère, marqués par l’agressivité envers les femmes et la célébration de la camaraderie masculine ; les fils à maman psychédéliques, projetant, dans une mystique de l’amour, une vision idéalisée des femmes ; les femmes elles-mêmes, ouvrant des voies singulières au sein de cet univers phallocentré. La bande dessinée n’est qu’un département possible, et tardif, de fait, de la direction prise par la culture occidentale depuis la Seconde Guerre mondiale et les magazines qui nous intéressent réinvestissent ce triple imaginaire « rock » du sexe — agressivité, idéalisation timide, conquête féminine — en l’intégrant aux codes de la culture jeunesse et au contexte français7.

33Rigolo, par exemple, décline autour d’un thème, le « rire rock » bon enfant qui l’identifie en couverture. Dans ses pages, le rock est une imagerie et un ton, au cœur duquel la « drague » et le sexe sont omniprésents. Ainsi, les premiers numéros ont pour thèmes : « Qui est cocu en France ? » (no 1/2, mai 1983), « Spécial deux roues » (no 3 d’octobre 1983), « Le sexe des bédés » (no 51 novembre 1983), « Gros seins et petites guitares » (no 10, 1er avril 1984).

Fig. 16 : Rigolo, une du no 5, novembre 1983.

34La couverture du cinquième numéro de Rigolo (fig. 16) résume les directions ambivalentes de ce rire rock, tendu entre timidité de puceaux, enfermés dans une sociabilité masculine réconfortante mais sclérosante, et agressivité du voyou rockeur. Le bandeau annonce un thème énigmatique : « Le sexe des bédés », jeu de mots renvoyant de manière un peu absurde à celui des « bébés », qu’on découvre à la naissance d’un enfant, et à l’innocence de ceux qui ne savent pas comment les choses fonctionnent et qu’incarnent les deux personnages parodiés par Daniel Goosens : le rockeur Lucien (de Margerin) et le loubard Kebra (de Jano), propres sur eux, n’osent pas inviter une jeune femme à danser et expriment leur peur du ridicule.

35Dans Métal hurlant, le sexe, comme le reste, se plie à un ton « enfants du rock » agressif et viril, que résume exemplairement l’adaptation par « Mad Manœuvre », de l’article « Les filles négatives », écrit par le journaliste rock Victor Bockris. « Ah les salopes ! nous les aimons, nous les détestons, mais comment nous en débarrasser », indique le chapô précédant le texte, écrit depuis « les chiottes des filles » d’une boîte de nuit :

Ce qui ennuie le plus les filles négatives c’est que quelqu’un puisse croire qu’elles ont pris leur pied. D’ailleurs elles refusent comme un seul homme de passer au-dessus durant l’acte coïtal. Elles préfèrent jouer les petites filles qui ont besoin d’aide. Leur meilleur déguisement reste la vulnérabilité. Chaque fois qu’on baise une fille négative, elle a mal !
« Ouille, ouille, tu me fais mal ! Stop ! Oh mon dieu… »
Le sexe embarrasse les filles négatives. Elles n’aiment pas trop en parler. Si vous commencez à bien vous entendre avec une fille négative, elle se met à hurler : « Je suis ivre morte ! Je veux que tu me violes ! Baise-moi ! Viole-moi ! Oh, pour l’amour du ciel, viole-moi ! » (Victor Bockris/Mad Manœuvre, « Les filles négatives », Métal hurlant, no 92, octobre 1983.)

36Cette violence est justifiée par un argument ambigument libertaire, qu’on retrouve dans les assauts contre la ministre déléguée aux femmes, Yvette Roudy, par exemple sous la plume de Joe Staline :

Quant à Madame Yvette Roudy dont nous n’avons pas parlé depuis longtemps, qu’elle m’explique exactement ce qu’elle appelle une femme-objet. Est-ce une femme habillée en compteur à gaz ou en boîte à chaussures ? Ou est-ce une femme qui reste rigoureusement immobile pendant des années ? (Métal hurlant, no 95, janvier 1984.)

37Métal hurlant est d’ailleurs très conscient de son attitude et éditorialise cette agressivité masculine à la fois assumée et accueillante :

Au commencement de Métal, nous n’avions pas de lectrices.
Les lectrices préféraient Ah nana ! et elles étaient si nombreuses que Ah nana ! en mourut. Au bout de 2 ans d’existence, de fusées et de machisme, il y avait 5 % de lectrices et puis voilà, coup de tonnerre, qu’il y a 6 mois nous réalisâmes un sondage et nous nous aperçûmes qu’il y avait maintenant 30 % de lectrices !
Est-ce parce qu’à la rédaction Anne-Marie Schropff a remplacé « un jeune homme branché » ?
Est-ce parce que les dessinatrices sont de plus en plus nombreuses à métal comme Agnès Thouvenin après Montellier, Claveloux et les autres ?
Est-ce parce que les femmes sont machos et aiment se faire insulter dans les articles de Manœuvre ?
Est-ce parce qu’elles ont appris à lire, des bandes dessinées je veux dire, et parce que les journaux poussiéreux comme Lisette ou Fillette sont morts, les obligeant à commencer par Mickey ou Spirou… (Joe Staline, « Mort aux femmes », Métal hurlant, no 93, novembre 1983.)

38Comme dans les conversations de lycée entre garçons, les filles sont des objets de connivence, comme le résume l’interview de Johnny Hallyday, blagueuse, agressive et crâneuse, par Philippe Manœuvre et Jean-Pierre Dionnet.

P.M. — Les femmes… parlons de toutes ces compagnes qui ont embelli ou agité ta légende de remous, de potins, de scandales.
J.H. — Oh, y’en a trop pour qu’on les rencontre toutes !
P.M. — Une de tes ex-danseuses m’a dit que t’étais macho ?
J.H. — Ouais, j’suis complètement macho. Déjà quand j’étais môme, à chaque fois que je me faisais une fille, je faisais une croix sur le mur. J’ai arrêté d’en faire à mille, le jour de mes seize ans (silence) À raison de 365 par an… Nan, je plaisante, je suis pas macho du tout.
P.M — Faudrait savoir !
J.H. — Si tu veux j’aime les femmes et je me suis tout le temps trompé. C’est tout. Les femmes, elles aiment pas les hommes. Moins que les hommes ne les aiment en tout cas.
J.P.D — Ouh là là, comme c’est vrai ! (Métal hurlant, no 94, décembre 1983.)

39Mais Jean-Pierre Dionnet a aussi été à l’initiative du lancement du journal féministe Ah ! nana en 1976, et Métal hurlant oppose à sa tendance virile écrivaines et dessinatrices affirmées. Le no 93 de Métal hurlant met en avant la plume provocatrice de Jeanne Folly, « et ses femmes terroristes », ou le féminisme vengeur de Chantal Montellier dans Odile et les crocodiles, par exemple. Agressivité et timidité des garçons, articles ou dessins des autrices sont pris ensemble dans l’amusement collectif « rock » que constituent la fabrication et la consommation d’un magazine de BD adultes comme Métal hurlant.

40Rigolo se plaît aussi à mettre en scène, dans le courrier des lecteurs, la sociabilité masculine, et à représenter le rôle du magazine dans ces rituels. Ainsi, par exemple, dans le courrier des lecteurs du numéro 5, ce témoignage signé « El Pedro » :

Lors de ma découverte de Rigolo (le no 3), j’eus le malheur d’ouvrir ledit mensuel au lycée entouré de potes :
1re page : un jeu de l’oie. Première réaction dans l’assistance : « Pfff hi, hi, hi » (voyez le genre) […]
« Roooah ! Fais voir ! Y’a une B.D. de Lucien ! fais voir, merde ! »
Exaspéré par tant d’exubérance, je saute la B.D. de Margerin et quelques autres du même style. Arrive « L’homme qui aimait une bicyclette » :
« Montre la photo ! Wooah ! J’comprends pourquoi tu lis ça, p’tit salaud (je passe sur les détails juteux). Désabusé, je tourne les pages (…). Vient « Jacky et les espionnes » : « Fais voir la brune ! Ouaip, pas mal ! »
« Ch’préfère l’aut’, l’est plus bat ! », Etc. (« Le courrier d’Onc’Rigolo ! », Rigolo, no 5, novembre 1983.)

41Dans le numéro 4, Sade prend la plume pour exprimer, à sa manière, ce que Margerin fait résumer à Albert ainsi : « Tu t’vois avec une meuf pareille, p’tit Louis ? » :

Chers- amis de Rigolo,
J’aimerais savoir où l’on peut se procurer les filles du roman-photo. Elles correspondent exactement à ce que je cherche et j’aimerais bien en avoir une ou deux comme ça rien que pour moi.
Donatien-Alphonse FRANÇOIS
69069 SODOME s/YVETTE

Mon cher D.A.F.
Ces filles ne sont malheureusement pas à vendre. Elles proviennent de ma collection particulière et je ne désire pas m’en séparer. Mais peut-être qu’en cherchant bien, tu pourras en trouver d’assez approchantes (cela m’étonnerait fort, cependant…). (« Le courrier d’Onc’Rigolo ! », Rigolo, no 4, octobre 1983)

42Le magazine — comme les posters, ou les produits dérivés — est un support de rêverie commune. C’est une différence fondamentale avec la presse pornographique, par exemple, dont la fonction est bien moins orientée vers le plaisir de la communication et du partage de fantasme que vers l’application pratique. Nos magazines favorisent leur usage sociabilitaire, comme s’ils intégraient a priori cette dimension simple qu’ils sont avant tout des supports d’échange, d’admiration commune (tandis que les petits formats Elvifrance ou Union ne sont pas conçus en ce sens). Cette vertu communicationnelle de l’érotisme en images est le produit des communautés culturelles que fédèrent ces supports, et que leur forme hybride a vocation à traduire. Cela se voit, notamment, dans les jeux qui sont une rubrique importante de nos magazines pour adultes.

Le jeu sexuel 

43Toujours à la frontière du contenu et du « cadeau » de fidélisation, les jeux traduisent, à leur tour, la fusion de l’imaginaire jeune et des thématiques adultes. Ils engagent aussi un degré supplémentaire dans l’embrayage énonciatif, puisqu’ils sollicitent une interaction (« faire » le jeu) et des actes de communication dans le réel (le faire à plusieurs, le faire ensemble, le commenter, etc.). En 1980, Circus fait concevoir un jeu de tarot complet à une quarantaine de dessinateurs, mêlant figures de la bande dessinée jeunesse, scènes amusantes ou provocatrices et pin-ups, et Rigolo se lance en offrant le jeu de sept familles contenant les « Nymphomax ». Le lecteur est invité à découper, manipuler, crayonner le support : le coupon d’abonnement ou le sommaire deviennent des espaces à investir activement, sur un régime érotique ou ironiquement pornographique (« Tu me déchires », crie la partie à découper…), comme le faisait d’ailleurs la p. 69 de Métal hurlant dont on a parlé plus haut (fig. 17 et 18).

Fig. 17 : Coupon d’abonnement à Rigolo, no 4, septembre 1983.

Fig. 18 : Cadeau dans Rigolo, no 1&2, mai 1983.

44On s’inscrit là dans la tradition de l’édition pour la jeunesse dont Matthieu Letourneux indique la tendance à exploiter « la matérialité du média » (Letourneux 2009). Mais dans le magazine pour adultes, cette inventivité est mise au service d’une interaction sexualisée, participant au carré du plaisir sociabilitaire associé à la lecture du journal.

Fig. 19 : « Le test du mois – Êtes-vous masochiste ? », Charlie mensuel, no 3, Juin 1982.

45Le plus virtuose dans le domaine est L’Écho des savanes, dont les tests et jeux sont parfois de véritables dispositifs libertins. Le « Test-amant », dans le numéro 23, par exemple, propose une combinatoire de scénarios sexuels. Le joueur part de sept situations initiales auxquelles il s’identifie (Touriste dans un restaurant, Pique-nique après une balade, Soirée d’entreprise, Au volant, etc.) puis choisit les étapes de son aventure, de la rencontre à la relation sexuelle la plus soft ou la plus hard. Dans le numéro 41, double spécial été, le « Double jeu de l’Écho » invite un lecteur et une lectrice à fabriquer leur récit érotico-amoureux en suivant un scénario à choix, qu’ils lisent d’un côté et de l’autre du journal (fig. 20) : « le but du jeu : aller jusqu’au bout (et plus loin) avec elle, sans prendre la veste fatidique ».

Fig. 20 : Hervé Hauss, « Drague, jouez le double jeu de l’Écho », juillet 1986.

46Le no 77 anticipe sur des rubriques désormais ordinaires dans la presse people en proposant de deviner à qui appartiennent les décolletés de stars, tandis que le no 45 propose un test de séduction avec Lio, dont l’enjeu est de correspondre aux choix de la « star la plus excitante de la décennie ».

L’obsession sexuelle

47Tout se passe donc comme si le rôle du magazine de bande dessinée était de participer à la normalisation de l’obsession sexuelle, comme thème ludique et comme forme donnée au plaisir de la communication médiatique. Dans Métal hurlant, « Salut les copains ! » est remplacé par « Salut les obs’ (obscènes ! obsédés) » (Philippe Manœuvre, « Le sexe book », no 89, juillet 1983), par « Salut, les pervers ! » à Charlie mensuel (Guy Delcourt, « Lookers », 1er juin 1984, no 27). On se comprend — et on décode convenablement l’omniprésence des nus et des discours sexuels — dans la mesure où on partage une « obsession » pour des images dont on a conscience à la fois de la puissance (esthétique, sensationnelle) et de la dérision (sociale, humaine, relationnelle).

48Le sexe est un pôle d’attraction de toute matière, de tout récit (parodie ou érotisation généralisées des genres traditionnels — aventures, policier, science-fiction, humour…), de toute interaction (courrier des lecteurs, jeux, interviews tournent autour des situations de drague, d’allusions…), de tout comique, de telle sorte que le magazine forme un cadre à la fois suffisamment libérateur — parfois radical dans la pornographie — et suffisamment répressif, pour assurer le déploiement de cette obsession, et son désamorçage comme façon amusante d’être jeune, excessif mais non aliéné. Il s’agit d’une clé de connivence conversationnelle qui organise les échanges, et, en contrepartie, donne une forme acceptable et commune à la pornification du discours public. Pour que le sexe ait été aussi banalement omniprésent dans la culture médiatique de la période, il a fallu inventer un mode superficiel de traitement de ce thème, qui le fait vivre en le coupant, comme a pu le faire remarquer Jean Baudrillard, de ce qu’il y a de si énigmatique, sérieux, profond, indicible dans le sexe ou le fantasme (Baudrillard, 1970 : 229-235).

  • 8 Voir l’article de Julien Schuh dans le présent numéro.

49La charge créative, la valeur politique associées à la transgression par mai 1968 et par la longue histoire du modernisme, formaient une garantie, sur laquelle s’appuyait la vague de sexualisation de la culture médiatique entre 1968 et 1980. Comparativement, dans la première grande vague de pornification de l’espace public à la Belle Époque, la garantie était plutôt scientifique et sociale (la justification naturaliste de tout représenter). Dans les années 1980, la garantie de la transgression est supplantée par la garantie « amusement ». Le mot d’ordre qui traverse cette culture de l’érotisme superficiel et du charme est résumé par cette expression de Philippe Mellot, recueillie par Julien Schuh8 à propos de ses années à Charlie mensuel : « C’était marrant ». Marrant de faire ce journal, de le bricoler avec des photos sexy tirées des dossiers de presse distribués au Festival de Cannes, de trouver des jeunes filles en boîtes de nuit ou de convaincre les actrices à la mode de poser en une, dévêtues. Ainsi, on rencontre souvent des propositions d’une grande radicalité qui, coupées de ce cadre général, semblent désormais « impossibles ». On peut penser, par exemple, à la fréquence du motif du viol, à celui des « perverses lolitas » et à la banalité du désir pédophile, dont la possibilité n’est concevable qu’en relation avec cette garantie générale que tout cela est prioritairement perçu comme « marrant » par ceux qui fabriquent et lisent le journal.

  • 9 On peut penser, par exemple, à Christian Vicini et René Durand, « Le crabe enrage », Circus, hors-s (...)

50On comprend, ainsi que le traitement sérieux du sexe soit chose rare. Le sexe devient un enjeu vraiment adulte lorsqu’il croise les questions sérieuses réservées aux grandes personnes : les problèmes de couple, de reproduction, de travail, d’argent, etc. thèmes dont s’occupent précisément des genres de magazines qui n’ont pas leur équivalent dans le secteur jeunesse. Les tentatives de traitement mature du sexe sont assez marginales, et réservées aux scénarios des fictions dessinées. La maladie, le vieillissement, l’échangisme, la crise du couple, la difficulté de s’aimer toujours et de se désirer longtemps, la douleur de ne pas avoir d’enfants, la violence des hommes… plusieurs auteurs et autrices s’en soucient dans leurs histoires courtes ou leurs albums publiés en feuilletons, mais tout cela n’a pas vraiment d’écho dans les autres parties du journal9.

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Bibliographie

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Letourneux, Matthieu. 2009. « Littérature de jeunesse et culture médiatique », dans La Littérature de jeunesse en question(s), Nathalie Prince dir., Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Interférences, p. 185-235.

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Notes

1 La « pornification » de la culture occidentale désigne la contamination de tous les départements de la communication médiatique par les modèles issus de la pornographie, ainsi que le posent très simplement Susanna Paasonen, Kaarina Nikunen and Laura Saarenmaa dans Pornification, sex and sexuality in media culture. J’utiliserai cependant pornification pour évoquer plus généralement la visibilité croissante de la sexualité dans l’espace public — ce qui ne recoupe pas tout à fait le processus précis que désigne le concept. Par ailleurs, je précise d’emblée que les distinctions entre pornographie et érotisme n’entreront pas en ligne de compte, d’autant, comme l’indique Jacques Sadoul dans L’Enfer des bulles, que ces nuances sont si profondément liées à des distinctions culturelles et sociales qu’elles font écran à une compréhension globale des phénomènes. On s’en tiendra donc à une terminologie « molle », plus à même de saisir le traitement médiatique du « sexe » par les magazines de bande dessinée, dont il est question ici : la nudité, le désir, les relations sexuelles, les images suggestives, les questions liées à la sexualité — contraception, maladies, accouchement, reproduction — les produits et les institutions liés à la sexualité — sex shops, cinémas pornographiques, cours d’éducation sexuelle, etc.

2 Selon Benoit Berthou, c’est là le premier ouvrage qui propose de « considérer le Neuvième art comme un mode d’expression sexué », au sein d’une production européenne « caractérisée par une exclusion pure et simple de tout ce qui peut avoir de près ou de loin un rapport à la sexualité ». Benoit Berthou, « Sexe et bande dessinée : L’Enfer des bulles », 19 février 2012, http://neuviemeart.citebd.org/spip.php ?article363

3 Voir à ce sujet, dans le présent numéro, l’article de Nicolas Labarre sur les rapports du magazine français à l’underground américain, et la pornographie « ruisselant » progressivement dans les journaux des années 1970.

4 Super Nana sur Carbone 14, par exemple, ou Pierre Bellanger qui lance La Voix du Lézard en 1982, avec le « sexophone », radio qui devient Skyrock sous la bannière de Filippachi en 1986.

5 Devo est un groupe de rock électronique, fondé en 1972.

6 Au sujet des diverses séries médiatiques auxquelles le magazine de bandes dessinées s’associe, voir notre Introduction dans le présent numéro.

7 Au sujet de la place de la culture rock dans les magazines de bande dessinée, voir l’article de Sixtine Audebert dans le présent numéro.

8 Voir l’article de Julien Schuh dans le présent numéro.

9 On peut penser, par exemple, à Christian Vicini et René Durand, « Le crabe enrage », Circus, hors-série spécial « Couples », no 75, juillet 1984 ; Serpieri, « Selon toute apparence », Circus no 58, février 1983 ; Chantal Montellier, Odile et les crocodiles, Métal hurlant, no 93, novembre 1983 ; Denis Frémond, Cet Hiver-là, Pilote et Charlie, no 23, mars 1988 ; Circus, « Le pêcheur de Brooklyn », Barreiro Rotundono 63, juillet 1983.

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Table des illustrations

Légende Fig. 1 : Publicité pour Zoom, Métal hurlant, no 103, septembre 1984.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Légende Fig. 2 : Publicité pour Télé Ciné Vidéo, Métal hurlant, no 133, juillet 1987.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 37k
Légende Fig. 3 : Jean-Luc Fromental, « Custer’s revenge », Métal hurlant, no 87, mai 1983.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 43k
Légende Fig. 4 : Publicité pour 3615 Stéréomatez NRJ, L’Écho des savanes (pleine page), no 45, 1er décembre 1986.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
Légende Fig. 5 : Publicité pour le « Flashing », outil de drague électronique, insérée dans L’Écho des savanes, no 18, 1er avril 1984.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 71k
Légende Fig. 6 : Publicité pour Les Chefs-d’œuvre de la bande dessinée érotique, Rombaldi éditeurs, insérée dans Pilote et Charlie, no 12, mars 1987.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-6.png
Fichier image/png, 452k
Légende Fig. 7 : Adam Edery, « Hot pub », L’Écho des savanes, no 45, 1er décembre 1986.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 71k
Légende Fig. 8 : Sommaire illustré de pin-ups et rubrique « Charlie’s stars », par Elsa van Beever, Charlie mensuel, no 6, septembre 1982.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-8.png
Fichier image/png, 479k
Légende Fig. 9 : Guy Delcourt, « Kino news », Charlie mensuel, no 6, septembre 1982.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 98k
Légende Fig. 10 : Pierre Charles, « Kino news », Charlie mensuel, no 9, décembre 1982.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-10.png
Fichier image/png, 305k
Légende Fig. 11 : « Relax, Frankie goes to Hollywood », Métal hurlant, no 97, mars 1984.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Légende Fig. 13 : Position des magazines de bande dessinée entre les pôles jeunesse/culturel/charme.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-12.png
Fichier image/png, 234k
Légende Fig. 14 : Métal hurlant, no 95, janvier 1984, une et p. 69.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-13.jpg
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Légende Fig. 15 : Une de L’Écho des savanes, no 18, 1er avril 1984.
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Légende Fig. 16 : Rigolo, une du no 5, novembre 1983.
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Légende Fig. 17 : Coupon d’abonnement à Rigolo, no 4, septembre 1983.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-16.png
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Légende Fig. 18 : Cadeau dans Rigolo, no 1&2, mai 1983.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-17.png
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Légende Fig. 19 : « Le test du mois – Êtes-vous masochiste ? », Charlie mensuel, no 3, Juin 1982.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-18.jpg
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Légende Fig. 20 : Hervé Hauss, « Drague, jouez le double jeu de l’Écho », juillet 1986.
URL http://journals.openedition.org/comicalites/docannexe/image/10547/img-19.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Yoan Vérilhac, « La place du sexe dans les magazines de bande dessinée pour adultes dans les années 1980 »Comicalités [En ligne], Les magazines de bande dessinée en France, mis en ligne le 01 mars 2025, consulté le 18 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/comicalites/10547 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13u2e

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Auteur

Yoan Vérilhac

Yoan Vérilhac est maître de conférences à l’université de Nîmes. Il est spécialiste des rapports entre presse et littérature et de l’histoire de la culture médiatique (xixe-xxe siècles). Il a notamment publié La Jeune Critique des petites revues symbolistes, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2010, et Sensationnalisme. Enquête sur le bavardage médiatique, Amsterdam, 2024.

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