À privilégier l’étude des relations sociales concrètes reliant les titulaires des fonctions politiques (les « gouvernants ») aux divers professionnels de la communication ainsi qu’à l’ensemble des groupes sociaux sur lesquels ils sont censés exercer leur autorité par divers moyens et, parmi eux, le maintien de l’ordre symbolique (p. 5).

2Une telle perspective s’étale sur quatre axes principaux, qui constituent les différentes subdivisions de l’ouvrage.

Métamorphoses de la communication politique

3Dans le premier chapitre, Riutort conteste l’idée que la communication politique ne soit née qu’à l’époque moderne, avec les moyens de communication de masse : « […] il est permis d’affirmer, d’une certaine façon, que la “communication politique” a toujours existé, puisqu’elle recouvre l’ensemble des actions entreprises par les gouvernants et leurs soutiens afin de légitimer leur action » (p. 6). L’auteur donne un bref aperçu des différentes façons dont la communication a été nécessaire pour la représentation (les « mises en scène ») de divers pouvoirs politiques ainsi que pour leur légitimation aux yeux de la communauté et jusqu’à leur propre existence, que ce soit à travers des élections formelles ou des faveurs d’un groupe restreint de personnes.

4Ce sujet en entraîne naturellement un autre, notamment celui des origines de la communication politique.

Naissance(s) de la communication politique

5Dans le deuxième chapitre, Riutort détaille les débuts et les caractéristiques de ce que l’on peut définir comme « la communication politique moderne », qui voit le jour aux États-Unis au début du XX^e siècle. Elle est étroitement liée au concept d’opinion publique, qui à son tour implique trois dimensions principales : la presse, les sciences sociales (et le marketing) et les experts en communication travaillant pour les hommes et femmes politiques « de profession ». Le chapitre se focalise particulièrement sur l’instrument constitué par les sondages d’opinion et les nombreuses raisons pour lesquelles il ne s’agit nullement d’un outil « neutre », mais bien au contraire d’une possible distorsion et même une possible manipulation de l’opinion publique qu’il est censé refléter.

La communication politique en pratique

6Le troisième chapitre est justement consacré au questionnement, et encore avant cela à l’analyse, des pratiques mises en acte par cette professionnalisation (l’instauration de plusieurs figures professionnelles de la communication politique) — mais aussi par « l’américanisation » — de la politique. Ce chapitre aborde de façon un peu plus approfondie l’histoire et l’évolution des pratiques et des modèles de la communication politique « moderne », « américaine », en Europe et plus particulièrement en France. Il en détaille également les conséquences possibles, parmi lesquelles une homogénéisation des messages politiques produits par des figures professionnelles qui partagent la même formation et les mêmes objectifs.

Transformations de l’espace public, mutations du jeu politique

7Finalement, le dernier chapitre traite des mutations de l’espace public à « l’ère de la communication politique ». Il analyse les effets de l’omniprésence de la communication politique amenée par les nouvelles technologies ainsi que les pratiques détaillées dans le chapitre précédent. Il énumère les principales stratégies mises en œuvre par les spécialistes de la politique dans le domaine de la communication (ex. : « grandir la cause », « s’allier le public et la presse », « parler au nom de l’opinion publique ») et les façons dont les politiciennes et politiciens peuvent garder un certain pouvoir même face à la montée des figures professionnelles de la communication.

8Clair et concis, la Sociologie de la communication politique parvient parfaitement au but de son auteur, c’est-à-dire donner un aperçu de cette nouvelle perspective sur un objet d’étude déjà longuement traité sous de nombreux autres angles. La présence d’exemples copieux tirés de l’histoire ainsi que de l’actualité politique aide le lectorat dans la compréhension des concepts proposés, tout en écartant le risque d’un excès d’abstraction théorique. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire serait de ne pas avoir d’espace pour approfondir les différents aspects du sujet ; l’ouvrage se contente de demeurer à un niveau assez superficiel. Or, tel n’est pas le sens de ce texte, qui veut au contraire tracer un panorama général qui pourra servir de point de départ de plusieurs recherches futures. Pour reprendre les mots de l’auteur dans la conclusion de l’œuvre :

L’étude de la communication politique ne vise ainsi rien de moins que rendre compte des conditions de fonctionnement et de transformation des systèmes politiques — notamment démocratiques — contemporains (comment les opinions politiques s’élaborent-elles ? Que pèse une campagne électorale ? Les sondages ont-ils transformé l’activité politique ?) en prenant au sérieux la place croissante des médias (et surtout des divers agents qui en vivent directement ou indirectement) qui s’immiscent désormais quotidiennement au sein des relations établies entre représentants et représentés, au point de faire largement partie du jeu politique (p. 108).