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Lectures

Danielle PAILLER et Anne-France KOGAN (dir.) (2020), Entre réception et participation. Droits culturels et innovations sociales

préface de Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Presses universitaires de Rennes, coll. Économie, Gestion et Société
Alexis Messina
Référence(s) :

Danielle PAILLER et Anne-France KOGAN (dir.) (2020), Entre réception et participation. Droits culturels et innovations sociales, préface de Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Presses universitaires de Rennes. Collection « Économie, Gestion et Société »

Texte intégral

  • 1 Projet piloté par le GRANEM, équipe d’accueil de l’Université d’Angers et hébergé par la Maison des (...)

1L’ouvrage dirigé par Danielle Pailler et Anne-France Kogan se propose de présenter plusieurs initiatives interrogeant les mécanismes de démocratisation et de démocratie culturelles, du principe de droits culturels à la distinction entre publics et non-publics ; des considérations qui remettent en question la chaîne traditionnellement entendue de création de valeurs et d’enjeux artistiques. Cette édition s’inscrit dans le processus de publication de trois ouvrages autonomes (Emin et Schieb-Bienfait, 2019 ; Langeard, 2020), mais complémentaires, tirés du programme Valeur(s) et utilité de la culture1 — résumé par Dominique Sagot-Duvauroux dans la préface de cet ouvrage. Supervisé par plus d’une trentaine de chercheurs et de professionnels du secteur culturel, le programme en question ambitionne d’aborder les valeurs et activités culturelles se distillant sur un territoire. Le présent ouvrage vise plus particulièrement à éclairer les enjeux et les concepts de participation et d’appropriation par les publics, comme non-publics, dans des territoires définis.

2Le premier dossier de cet ouvrage, « Du rôle des publics dans les organisations culturelles », s’intéresse aux enjeux théoriques et méthodologiques participant à la définition, puis à l’élargissement, de la notion de public. La première contribution de ce chapitre, signée par Alice Anberrée, introduit ces questions en proposant un historique critique des politiques publiques culturelles menées en France, de l’optique de « démocratisation culturelle » envisagée par le ministre gaulliste André Malraux à la résistance de la « démocratie culturelle » des années 1970 et de l’époque Jack Lang, en passant par l’inscription fribourgeoise récente de la culture comme droit inaltérable au fondement de la citoyenneté. Ce faisant, l’autrice montre l’existence de deux acceptations différentes de la culture, descendante et ascendante, qui fondent les différentes doctrines abordées. Cette dichotomie — entre démocratisation et démocratie culturelles — ne doit cependant pas être traitée de manière systématique, ces paradigmes pouvant poursuivre des objectifs communs, parfois conciliables. Dans le second article de ce dossier, Chloé Langeard revient sur les représentations que les usagers d’un équipement culturel se font par sa fréquentation secondaire, en dehors du fait d’assister à une manifestation culturelle. Sur base de l’étude d’un équipement situé dans une ville du Grand-Ouest, l’autrice interroge le rôle d’espace intermédiaire que relève l’agora, en s’intéressant non seulement à la relation entre celui-ci, son acceptation par les professionnels du lieu et les usagers, mais également aux usages sociaux qui en sont faits. Cette contribution illustre un double mouvement de publicisation et de privatisation du lieu, relevant d’acceptations spatiales publique et privée qui dépendent, notamment, du degré d’appropriation : entre soumission de l’individu à une série d’usages normés et sentiment d’autonomie et de liberté à pouvoir s’approprier l’espace. In fine, cette recherche permet de dépasser la conception restreinte des publics d’un équipement culturel en y intégrant tous ceux qui, par leur expérience, participent à sa définition, à ses représentations et à son existence. Anne-France Kogan clôture ce dossier thématique en proposant une revue de la littérature abordant le rôle d’Internet dans la participation des publics. Cette contribution montre que malgré les possibilités d’échange que permet la configuration réticulaire (Flichy, 2008) d’Internet, celui-ci contribue à faire exister un « modèle normatif particulier du fonctionnement démocratique » (p.  86). Ce canal d’expression relève donc d’une dimension performative, laquelle s’exprime à travers un mouvement d’inclusion/exclusion qui dépend non seulement des connaissances techniques des publics, mais également du modèle économique envisagé par les diffuseurs, entre don d’un lieu d’expression et valorisation économique du processus. La question de la participation des publics — dans un écosystème de « prolifération » des intermédiaires de la réception — est donc centrale et met en lumière le caractère politique du choix du dispositif technique servant à faire médiation.

3Le deuxième dossier thématique, intitulé « De la transaction à la relation », présente trois enquêtes abordant des pratiques culturelles à travers le prisme de la temporalité de la rencontre avec des populations. Un premier article, signé par Alice Anberrée et Danielle Pailler, interroge les différentes pratiques culturelles de jeunes publics étudiants. Dans le contexte d’une démocratisation de l’éducation supérieure, en pleine période de vieillissement des publics et sachant le maintien, tout au long de la vie, de certaines pratiques vécues au plus tôt de l’expérience (Donnat, 2011), cette contribution souhaite questionner les comportements de jeunes publics à l’égard de produits culturels ainsi que leurs déterminants internes et externes. Il en résulte la définition de deux profils se distinguant non seulement par les genres des objets culturels, mais également par la motivation centrale à vivre l’expérience esthétique, les habitudes et la perception de soi/des autres membres du public. En guise de conclusion, les autrices proposent quelques solutions managériales permettant aux professionnels du secteur d’appréhender les facteurs endogènes restreignant le public cible étudiant à expérimenter des pratiques. Dans une deuxième étude, présentée par Sylvain Maresca, c’est au tour d’étudiants plus âgés d’être interrogés sur leurs pratiques, notamment sur leur attrait pour l’offre culturelle d’un quartier nantais de type « hub créatif ». L’échantillon étudié se compose majoritairement de sexagénaires suivant des cours dans une université permanente aux abords du quartier. Il en résulte deux profils : entre une culture de sorties relativement minoritaire, s’inscrivant dans un éclectisme pour une culture légitime, et une culture classiciste majoritaire qui tient à l’écart certaines pratiques perçues comme expérimentales. Dès lors, l’auteur réfute la possibilité d’identifier ces étudiants à un non-public qui se considérerait comme « extérieur » à l’offre du quartier. Enfin, une troisième contribution à ce dossier, signée par Stéphanie Peltier, interroge la place des festivals audiovisuels sur le territoire de La Rochelle, et notamment la perception des populations locales à leur égard. Ce faisant, l’autrice propose une revue de la littérature quant à l’émergence de manifestations culturelles du type festival. Le projet de recherche abordé, lequel a interrogé plusieurs événements de la région en période volontairement creuse, traite des profils des spectateurs ainsi que des non-publics et analyse leur perception de l’offre proposée. Il en résulte un relatif consensus autour de l’offre, perçue de manière positive et « d’autant meilleure que la participation est forte » (p. 121).

4Le dernier dossier de cet ouvrage, « Nouvelles formes de liens aux publics : résultats d’expérimentations », présente les conclusions de plusieurs recherches-actions ayant interrogé, toutes trois de manière singulière, la constitution classique de médiations et de liens avec les publics d’équipements culturels. Le premier article — signé collectivement par Caroline Urbain, Danielle Pailler, Nicolas Antheaume, Nathalie Schieb-Bienfait et Catherine Vargues — revient sur la recherche-action menée auprès d’un public fragilisé par la précarité économique et sociale par le biais d’un nouveau modèle de médiation : « l’abonnement culturel solidaire ». Testé au sein d’un écosystème culturel en Loire-Atlantique, le projet vise à l’accompagnement de ces publics précarisés vers les spectacles vivants afin de permettre une autonomisation de la personne, une confiance en soi retrouvée et, à terme, de participer à la transformation de la relation entre publics, acteurs sociaux et acteurs culturels. Cette méthodologie aboutit à la création d’un « levier de transformation sociale » (p. 140-142) qui, dans son application, produit des résultats convaincants, mais empreints de résistances et questionnements. Dans une deuxième contribution, Anne-France Kogan, Alice Anberrée et Danielle Pailler s’intéressent aux innovations et temporalités de la mise en place d’un circuit court culturel, le « panier culture », qui propose aux artistes, citoyens contributeurs et organismes culturels de co-construire une offre plurielle, par le biais d’une communication tripartie, à destination d’un public. En conclusion, les autrices reviennent sur le parcours méthodologique impliqué et se focalisent sur trois temporalités ayant permis au projet de se développer avec plus ou moins d’efficacité : les temps « médiatique » du relais communicationnel, « saisonnier » de la distribution du panier et « lent » de la transformation sociale induite par le projet démocratique. Dans le dernier article de ce dossier, Danielle Pailler revient sur un projet de recherche-action visant à étudier les non-publics d’un diffuseur de spectacles vivants, acte nécessaire face à la stratification sociologique toujours forte au sein des publics des organisations culturelles (Donnat, 2011). Pour ce faire, l’étude menée aborde son échantillon avec une méthodologie relativement « atypique » ayant recours au portrait chinois, à l’intégration de logiques managériales et se basant sur une médiation de confiance, dans le but de solliciter l’échantillon à un travail de co-construction du savoir. Si l’étude se conclut sur une série de recommandations à destination du diffuseur afin de mieux définir son identité, sur laquelle se basent les non-publics, elle met également en évidence les enjeux méthodologiques d’une recherche-intervention institutionnelle.

5L’ouvrage Entre réception et participation offre, au travers de ses chapitres thématiques, un regard essentiel sur les réalités vécues par les professionnels du secteur culturel quant aux enjeux de démocratisation et de démocratie culturelles, mais également quant à la mobilisation de leurs publics et non-publics dans des territoires donnés. Dès lors, ces professionnels trouveront, dans cette édition, de multiples réflexions susceptibles de retenir leur attention. De plus, les différentes contributions scientifiques permettront aux chercheurs de découvrir des méthodologies de terrain, lesquelles comportent des outils théoriques ainsi qu’une approche critique. Enfin, les étudiants en études culturelles et médiation trouveront également, dans cet ouvrage, un contenu pédagogique des plus pertinents.

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Bibliographie

DONNAT Olivier (2011), « Pratiques culturelles, 1973-2008. Dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales », Culture Études, 7 (7), pp. 1-36.

EMIN Sandrine et Nathalie SCHIEB-BIENFAIT (dir.) (2019), Scènes locales, clusters culturels et quartiers créatifs. Les ressorts et enjeux territoriaux du développement culturel, Rennes, Presses universitaire de Rennes

FLICHY Patrice (2008), « Internet et le débat démocratique », Réseaux, 4 (150), p. 159-185.

LANGEARD Chloé (dir.) (2020), Valeurs de la culture : méthodes et concepts à l’épreuve du pluralisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes

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Notes

1 Projet piloté par le GRANEM, équipe d’accueil de l’Université d’Angers et hébergé par la Maison des sciences de l’homme Ange Guépin, Nantes. Le projet rassemblait des équipes des universités d’Angers et de Nantes, de l’École des beaux-arts de Nantes, mais également des acteurs culturels de la région des Pays de la Loire.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alexis Messina, « Danielle PAILLER et Anne-France KOGAN (dir.) (2020), Entre réception et participation. Droits culturels et innovations sociales »Communication [En ligne], Vol. 39/2 | 2022, mis en ligne le , consulté le 01 avril 2023. URL : http://journals.openedition.org/communication/16213 ; DOI : https://doi.org/10.4000/communication.16213

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Auteur

Alexis Messina

Alexis Messina est assistant en humanités numériques et cultures vidéoludiques à l’Université de Liège, Belgique, et membre du Liège Game Lab, laboratoire de recherche sur le jeu vidéo. Il est également doctorant en sciences du jeu, médiateur culturel et formateur indépendant. Courriel : alexis.messina@uliege.be

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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