1L’activité politique ne peut se concevoir sans communication. Cette consubstantialité de fait entre le politique et le communicationnel, particulièrement prégnante à l’aune du modèle aristotélicien (Gerstlé, 1987), invite donc à se questionner sur le phénomène de la communication politique, entendu comme « l’ensemble des pratiques, des croyances et des transactions qui organisent l’économie sociale des biens symboliques en lien avec le vivre-ensemble et l’avenir commun d’une société » (Aldrin et Hubé, 2017, p. 15). Et en matière de politique, force est de constater que l’on ne communique plus de la même manière qu’au ve siècle avant Jésus-Christ, un temps où le logos — au double sens de parole et de raison — autorise une juste délibération fondée sur un procédé argumentatif : « La polis est précisément la communauté des hommes qui partagent une conception de la justice, et c’est par le langage que le partage se réalise » (Gerstlé, op. cit., p. 663).
2À la suite de la percée des médias de masse au xxe siècle, un processus de médiatisation s’est mis en marche par gradations successives dans les sociétés modernes, attestant du poids croissant du système médiatique sur la réalité politique : « […] la médiatisation désigne le processus relativement long par lequel des éléments centraux de l’activité sociale et culturelle se retrouvent progressivement sous le contrôle des logiques médiatiques » (Aldrin et Hubé, op. cit., p. 72). Or, si l’instance médiatique (Charaudeau, 2005) procède bien à la base d’une visée démocratique, elle ne s’inscrit pas moins concomitamment dans une logique de séduction commerciale. Ainsi, dans leur quête perpétuelle de captation de l’audience, la plupart des entreprises médiatiques s’attellent aujourd’hui à mettre en place un dispositif peu ou prou spectaculaire, afin de fidéliser au maximum leur public.
- 1 Confer la manière dont a été raillée la campagne dite à l’américaine du candidat centriste Jean Lec (...)
3Ces logiques commerciales de séduction, l’univers politique français les a progressivement intégrées depuis le milieu du xxe siècle, période qui voit s’immiscer dans les affaires publiques les professionnels de la publicité. Dès lors, malgré quelques réserves initiales de la part du personnel politique1, les méthodes publicitaires s’imposent face aux conquêtes d’un marketing naissant. À tel point que, depuis les années 1980, le modèle marketing (Achache, 1989) apparaît dominer le monde politique. Désormais, il s’agira de façonner l’offre politique en fonction de la demande citoyenne, autrement dit, de rapprocher les dirigeants du peuple, dans une démarche d’homologie ou de proximité. L’objet du présent article consiste, alors, à revenir sur les évolutions récentes de la communication politique en France. Plus précisément, nous allons analyser la manière dont ce rapprochement entre politiques et citoyens s’opère de nos jours au sein de l’espace public (Habermas, 1993/1962), par l’intermédiaire du processus communicationnel.
- 2 En accord avec une anthropologie de la communication : « […] le “terrain” est ce que le chercheur d (...)
4Tout d’abord, dans la première partie, nous exposerons ce qui représente à nos yeux les changements majeurs de ces dernières années s’agissant de la communication politique, sur le plan national — et qui découle justement de cette disposition à plus de proximité : la peopolisation et les médias sociaux. À partir de ce cadre théorique, nous nous demanderons comment ces deux facteurs s’articulent présentement au cœur de l’espace public français. En quoi la peopolisation se prolonge-t-elle dans les nouveaux médias, dits sociaux, transformant de fait l’espace public traditionnel ? Afin de répondre à cette question, nous resserrerons notre focale sur l’un des médias les plus usités en ligne, YouTube, ce dernier ayant été témoin récemment d’un événement atypique mettant en scène le président de la République en poste avec deux humoristes du Web. Ainsi, dans la deuxième partie, nous délimiterons le terrain2 que nous avons constitué et qui nous servira d’assise pour esquisser des pistes de réponse. Puis, dans la troisième partie, nous décrirons le cadre méthodologique qui a été le nôtre tout au long de cette étude. Enfin, dans la quatrième et dernière partie, nous présenterons les principaux résultats de notre recherche.
- 3 Dans les années 1990, l’éditeur Prisma Presse — filiale française du groupe allemand Bertelsmann — (...)
- 4 Voir les chiffres de vente exposés par Dakhlia (2008, p. 38).
5Au début des années 2000 apparaît dans l’Hexagone un phénomène relativement novateur, à tout le moins au regard de l’histoire du pays : la peopolisation. En effet, sous l’impulsion d’une presse échotière revivifiée3, une information d’un nouveau genre commence à se répandre dans l’espace médiatique : l’information-people, qui se situe « entre rhétorique du cas particulier et récit de l’intimité » (Dubied, 2009). Un type d’information dont le succès patent, auprès du public4, ne tarde pas à séduire les professionnels à la fois de la politique et du journalisme. Si bien que se cristallise, fin des années 2000, dans l’espace public français, un phénomène de peopolisation dont les ramifications se développent suivant deux pôles prépondérants : « […] d’une part, la “vedettisation” illustrée par des rapprochements bilatéraux entre classe politique et univers des célébrités ; d’autre part, l’étalage, volontaire ou non, de la vie privée des candidats et des élus » (Dakhlia, 2008, p. 12).
- 5 À titre d’exemple, mentionnons les travaux du Britannique John Street, qui a classifié les « celebr (...)
6Le premier pôle, la vedettisation, renvoie à l’ensemble des études que la recherche anglo-saxonne a colligées sous la formule « celebrity politics ». Une formule destinée à mettre en exergue la tendance exacerbée, dans les sociétés contemporaines, à asseoir une légitimité démocratique sur la base de paramètres empruntés à l’univers du divertissement5. Ainsi, un mécanisme à double sens se met en place : à une spectacularisation du politique répond, inversement, une politisation du spectacle. Le deuxième pôle, pour sa part, relève d’un processus de personnalisation : « […] l’énonciation people se focalise sur un personnage, elle est intrinsèquement personnalisée » (Desterbecq, 2015, p. 16). Cela se traduit par un traitement médiatique qui fait la part belle à une approche psychologisante de la politique, au détriment des grandes questions de société. Se joue alors une forme de dépolitisation du débat public, polarisé non plus sur les enjeux politiques, mais sur le jeu politique (Bristielle, 2020). En fin de compte, tout cela concourt de l’ego-politique : « […] une politique qui met en scène des individus plus que des institutions, qui valorise les ressources individuelles plus que les ressources collectives, qui accorde à la singularité autant d’importance qu’à l’exemplarité » (Le Bart, 2013, p. 8).
- 6 L’on peut citer le blogue participatif Désirs d’avenir proposé par la candidate socialiste de l’épo (...)
- 7 Un média social se définit comme « un groupe d’applications Internet qui s’établit sur l’idéologie (...)
7Nonobstant, en parallèle de ce phénomène de peopolisation, la politique française est également marquée en ce début de xxie siècle par l’arrivée des outils numériques. En effet, depuis la campagne présidentielle de 20076, un intérêt croissant pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication se fait jour dans le personnel politique hexagonal. Inspirés par les États-Unis d’Amérique, qui sont passés maîtres dans l’art du e-marketing politique (Barquisseau et Schlenker, 2017), les responsables publics français investissent Internet avec l’espoir que leurs efforts trouvent une issue favorable dans les urnes. Si, en 2012, ce sont surtout les réseaux socionumériques Facebook et Twitter qui ont leur préférence, l’année 2017 voit émerger dans le champ politique un média social7 en particulier : YouTube.
8Créé en février 2005 par trois anciens salariés de PayPal, YouTube est un site gratuit d’hébergement de vidéos en ligne qui permet à tout un chacun de diffuser n’importe quel enregistrement de son choix, sans contrainte technique quelconque. Par conséquent, cette plateforme numérique ne propose aucun contenu en nom propre : « […] son rôle d’appariement et de mise en visibilité en fait un acteur agissant à un niveau “méta-éditorial” » (Babeau, 2014, p. 131). Le site accueille, de la sorte, une quantité phénoménale de vidéos en streaming que les internautes peuvent consulter et commenter à loisir. Un dispositif à la fois ouvert et fédérateur, somme toute intéressant, pour quiconque souhaite faire porter sa voix au-delà des canaux médiatiques traditionnels.
9À l’instar des candidats à l’élection présidentielle de 2017 qui, tous, à l’époque, déploient une chaîne sur YouTube afin d’accroître leur visibilité auprès de la population. Avec plus ou moins de réussite… Car si la plupart peinent à rassembler une audience significative, seul un compétiteur parvient à tirer son épingle du jeu : Jean-Luc Mélenchon. Contrairement à ses concurrents directs, qui pour la plupart comptent moins de 7 000 abonnés sur leur chaîne, le leader de la France insoumise peut s’enorgueillir d’avoir rassemblé plus de 225 000 abonnés (Theviot, 2019). Sans nul doute, cette prouesse a contribué au score plus qu’honorable obtenu par le candidat au premier tour du scrutin (19,58 %). Ce faisant, l’élection présidentielle de 2017 aura pour effet de consacrer YouTube en tant que « nouvel espace de communication politique » (Douyère et Ricaud, 2019, p. 18), autorisant une expression désintermédiée plus proche des citoyens.
- 8 « En simplifiant à l’extrême, on tient pour “postmoderne” l’incrédulité à l’égard des métarécits » (...)
- 9 Nous paraphrasons ici la définition dissymétrique de la célébrité donnée par Alain Chenu : « […] un (...)
10La reconnaissance de YouTube par le personnel politique français, prégnante lors de la campagne présidentielle de 2017, nous incite tout naturellement à porter notre regard sur cette plateforme numérique. D’autant plus que YouTube est l’un des sites Internet les plus visités de la planète (avec plus de deux milliards d’utilisateurs actifs par mois) et qu’il abrite en son sein ce qui nous apparaît être le dernier avatar de la célébrité à l’heure de la postmodernité8 : le youtubeur. En effet, tout comme le people qui constitue « l’expression paroxystique de notre rapport à la célébrité » (Erner, 2016, p. 32), le youtubeur appartient à cette catégorie privilégiée d’individus « reconnus par plus de personnes qu’ils n’en connaissent eux-mêmes9 », que la culture de masse a consacrés au milieu du xxe siècle comme les « nouveaux olympiens » (Morin, 1962, p. 123).
- 10 Les millenials sont des individus relativement jeunes « nés depuis les années 1990, qui se sont dév (...)
- 11 Pour exemple, le plus suivi des youtubeurs français, Lucas Hauchard (alias Squeezie), trône fièreme (...)
11Difficiles à définir d’un point de vue sociologique, en raison du caractère tautologique de leur appellation (Jahjah, 2017a), les youtubeurs constituent des relais de communication à part entière, extrêmement efficaces auprès de ceux que l’on appelle par convention les millenials10. Disposant pour les plus célèbres d’entre eux d’une communauté de plusieurs millions d’abonnés11, les youtubeurs sont de puissants agents d’influence, d’autant plus incontournables aujourd’hui du fait de la « plateformisation du monde » (Beuscart et Flichy, 2018, p. 16). Apparentés à des leaders d’opinion (Katz et Lazarsfeld, 2008/1955) ou encore à des influenceurs (Frau-Meigs, op. cit.), les youtubeurs sont régulièrement approchés par les marques afin qu’ils fassent leur promotion à travers un « storyliving expérientiel, situé, dépublicitarisé et ludicisé » (Marty, 2021, p. 55).
- 12 Nous excluons ici les youtubeurs dont le commentaire politique est la spécialité, à l’instar de la (...)
- 13 De leurs vrais noms David Coscas et Raphaël Carlier, McFly et Carlito commencent leur carrière médi (...)
12Cependant, si les utilisations commerciales des youtubeurs paraissent somme toute assez banales, leurs implications dans le domaine politique demeurent encore exceptionnelles12. Voilà pourquoi une vidéo diffusée fin mai 2021, sur la plateforme YouTube, a retenu toute notre attention : celle-ci expose deux humoristes du Web, McFly et Carlito13, en compagnie de l’homme le plus important de l’État français, Emmanuel Macron, l’actuel président de la République. Cette vidéo nous est présentée comme un « concours d’anecdotes », l’un des formats à succès de la chaîne YouTube de McFly et Carlito. Il consiste à inviter des personnalités, généralement issues du show-business, afin de les faire participer à un jeu où chaque participant doit raconter, à tour de rôle, une histoire drôle ou surprenante. Aux adversaires, alors, de deviner si l’histoire est vraie ou fausse, sachant que les perdants devront obligatoirement se soumettre à un gage décidé à l’avance.
- 14 La vidéo en question s’intitule « Le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE nous lance un défi. Voilà. Dingueri (...)
- 15 Comme expliqué dans la vidéo, les principaux concernés ont d’abord cru à un « canular » téléphoniqu (...)
- 16 Un message qui a été enregistré avec son téléphone portable, selon un cadrage selfie.
- 17 Ci-après, les mots du président : « Je vous lance un défi : faites une vidéo pour réexpliquer ces g (...)
13Cet exercice, a priori hors de propos pour un chef d’État, se justifie par un défi lancé plus tôt par le principal concerné. En effet, le 19 février 2021, alors que l’épidémie de la COVID-19 est en pleine recrudescence en France, le duo comique publie sur sa chaîne YouTube une vidéo14 dans laquelle il annonce avoir été contacté par un responsable de la communication numérique de l’Élysée. À la surprise générale15, le président de la République Emmanuel Macron désire leur adresser un message personnel16. Il s’agit d’un défi : réaliser une vidéo encourageant au respect des gestes barrières, afin de lutter contre la propagation du virus17. Si la vidéo dépasse les dix millions de vues, Macron s’engage à participer à un concours d’anecdotes avec les deux vedettes du Web, au sein même du palais présidentiel.
- 18 Ci-après, le refrain de la chanson : « Je me souviens de ce monde, où les seules barrières étaient (...)
- 19 En référence au dossier spécial : Pascale Goetschel et Christophe Granger (dir.) (2012), « Faire l’ (...)
14Le défi est alors accepté par les youtubeurs qui, dans la foulée, réalisent un clip musical diffusé le 21 février 2021. Intitulée « Je me souviens », la chanson, entonnée sur un air de guitare entraînant, invite les internautes à respecter les gestes barrières afin de retrouver la vie d’avant la pandémie18. Moins de trois jours après sa mise en ligne, le palier des dix millions de vues est atteint, annonçant la vidéo qui va « faire l’événement19 » quelques semaines plus tard sous le titre : « CONCOURS D’ANECDOTES vs LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ». Par conséquent, tout au long de cette étude, nous nous proposons de revenir sur ce concours d’anecdotes, tant il nous paraît être représentatif des mutations contemporaines de la communication politique sur le territoire national. À travers cet événement spécifique, nous nous donnons pour objectif principal de mettre au jour les changements actuels en matière de mise en scène politique ainsi que leurs répercussions plus ou moins directes au sein de l’espace public français.
- 20 Concept fuyant par excellence, l’événement a progressivement perdu depuis le xxe siècle son sens hi (...)
15Afin de comprendre ce qui d’un point de vue médiatique a été exposé comme un événement20, nous avons mis en place une méthode qualitative d’investigation : « Une méthode qualitative est une succession d’opérations et de manipulations techniques et intellectuelles qu’un chercheur fait subir à un objet ou phénomène humain pour en faire surgir les significations pour lui-même et les autres hommes » (Mucchielli, op. cit., p. 212). Dans les faits, notre corpus d’étude s’articule autour de trois espaces documentaires différents : la vidéo du concours d’anecdotes avec le président Macron, diffusée le 23 mai 2021 sur la chaîne YouTube de McFly et Carlito, les commentaires laissés par les internautes sur la même plateforme numérique, juste en dessous de la vidéo, et la presse quotidienne nationale ayant couvert l’événement, sur toute son étendue temporelle.
16Concernant le premier matériau de recherche, la vidéo, nous avons effectué une transcription intégrale des discours tenus par les différents protagonistes en présence, focalisant ainsi notre attention principalement sur la dimension verbale. Néanmoins, puisque la communication est « un processus social permanent intégrant de multiples modes de comportement : la parole, le geste, le regard, la mimique, l’espace interindividuel, etc. » (Winkin, 1981, p. 24), nous avons également pris en compte au minimum, dans une démarche plus sémiotique, certains éléments non verbaux et contextuels significatifs eu égard au phénomène observé. À ce titre, nous avons été particulièrement attentif aux éléments dénotant peu ou prou avec le cadre traditionnel, attendu lors d’une prise de parole présidentielle.
17Concernant le deuxième matériau de recherche, les commentaires, nous avons effectué un recueil sur deux journées consécutives, les 26 et 27 juillet 2021. Au vu du nombre conséquent de messages publiés à la suite de la vidéo (plus de 70 000), nous nous sommes concentrés sur les premiers commentaires et leurs réponses respectives, affichés sur le site YouTube selon un tri par « Top des commentaires ». Nous nous cantonnons à ces messages en raison de leur visibilité accrue, supposant qu’ils sont les plus lus et donc les plus influents au cœur du dispositif. À noter que la collecte s’est effectuée au moyen de captures d’écran, jusqu’à ce qu’une certaine redondance se fasse ressentir en vertu du critère de la saturation, « moment lors duquel le chercheur réalise que l’ajout de données nouvelles dans sa recherche n’occasionne pas une meilleure compréhension du phénomène étudié » (Mucchielli, op. cit., p. 234). Au jugé, cette saturation est intervenue après la lecture d’environ mille commentaires.
- 21 Ci-après, la liste des journaux investigués : 20 Minutes, Aujourd’hui en France/Le Parisien, La Cro (...)
18Concernant le troisième matériau de recherche, la presse, nous avons recensé sur Europresse les articles publiés à propos de l’événement, à partir de trois mots-clés : Macron, McFly et Carlito. La période considérée débute le 19 février 2021, date de diffusion de la vidéo révélant le défi présidentiel, et s’achève le 15 juillet 2021, au lendemain de la date envisagée pour la réalisation des gages consécutifs au concours d’anecdotes. Nous avons pris en compte aussi bien les éditions papier des principaux titres de la presse quotidienne nationale à tendance généraliste21 que leur appendice numérique, étant donné que notre objet de recherche procède à la base d’un événement en ligne. De la sorte, 166 articles de presse ont été collectés au total, bien qu’environ un tiers d’entre eux n’aient pas été retenus lors de l’analyse pour des raisons de doublon ou de hors sujet.
- 22 Empruntée à la topographie, la technique de triangulation est « une stratégie de recherche au cours (...)
19Précisons que cette triangulation22 des données, outre les avantages méthodologiques qu’elle procure, nous permet de reconstituer en ce lieu un modèle de la communication politique, conceptualisé comme « l’espace où s’échangent les discours contradictoires des trois acteurs qui ont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique et qui sont les hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique au travers des sondages » (Wolton, 1989, p. 30). Cela dit, nous nous sommes permis d’extrapoler la définition de l’opinion publique au-delà de celle prônée par les médias et les instituts de sondage, les réseaux socionumériques constituant à l’heure actuelle « de nouveaux "thermomètres" ou "baromètres de l’opinion publique" dont la propriété sondagière est inépuisable » (Richaud, 2017, p. 43).
20Une fois ce corpus de données constitué, nous l’avons soumis dans son entièreté à une analyse de contenu à dominante thématique, celle-ci fonctionnant par « opérations de découpage du texte en unités puis classification de ces unités en catégories selon des regroupements analogiques » (Bardin, 2003/1977, p. 207). Cette démarche empirico-inductive nous a ainsi permis de déceler quelques points de convergence entre les différentes données, issues des trois matériaux de recherche précédemment évoqués. De cette confrontation ont alors été abstraites les grandes catégories — par exemple, l’aspect feuilletonnant ou le processus désacralisant — qui servent de fil conducteur à l’analyse proposée ci-dessous. Notons, pour finir, que ces divers éléments empiriques sont mis en perspective avec de la littérature scientifique ayant abordé, par le passé, des phénomènes identiques ou analogues aux nôtres.
21À la suite de l’analyse des données recueillies, il ressort premièrement que le concours d’anecdotes du président Macron constitue un feuilleton médiatique, relayé par différents canaux d’information, et surtout propice à une tension narrative savamment entretenue par les parties prenantes du processus. Deuxièmement, il appert que cette vidéo participe d’une stratégie globale de propagande électorale, visant à draper la présidence en cours des atours d’une modernité, tout droit issue des codes en vigueur sur Internet. Troisièmement, il est clair que ce divertissement numérique ne peut guère être apparenté à un « hapax » de la vie politique française, autrement dit à un fait unique et isolé, celui-ci s’inscrivant avec du recul dans un mouvement historique au long cours de désacralisation du pouvoir.
22Sans nous prononcer sur la valeur historiographique de ce concours d’anecdotes, l’on ne peut nier qu’il a constitué au moment de sa diffusion un événement pour de nombreux usagers du Web, mais également pour certains médias d’information. Nous avons affaire, ici, à ce genre d’événements viraux — communément appelés « buzz » — dont Internet a le secret. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil au nombre de visionnages capitalisés par la vidéo en question : 470 000 vues en une heure, environ 1,3 million trois heures après… En l’espace d’une journée, elle parvient à cumuler presque 9 millions de visionnages et plus de 13 millions une semaine plus tard. À ce jour, la vidéo peut se targuer d’avoir été visionnée près de 18 millions de fois.
- 23 La première vidéo, celle qui annonce le défi présidentiel, a été visionnée presque sept millions de (...)
23Ainsi, tout comme pour les vidéos précédant le concours d’anecdotes23, l’engouement est de mise chez les internautes. Tandis que la presse, de son côté, tient les comptes en termes de visibilité :
En attendant, dimanche après-midi, l’entourage d’Emmanuel Macron se réjouissait en tout cas de la viralité de la vidéo, avec plus de 3 millions de vues et près de 700 000 likes (Le Figaro, 24 mai 2021).
Plus de 8,5 millions de vues en vingt-quatre heures (Le Monde, 26 mai 2021).
13,7 millions : C’est le nombre de vues, sur YouTube et en une semaine, de la vidéo mettant en scène Emmanuel Macron avec les influenceurs Web Mcfly et Carlito (L’Humanité, 1er juin 2021).
24C’est alors qu’à la suite du visionnage du concours d’anecdotes opposant le chef de l’État français au duo comique McFly et Carlito, les spectateurs n’ont pu cacher leur surprise. Quelques-uns sont même allés jusqu’à acter la dimension historique de l’événement, à l’instar du consultant politique Mathieu Slama, qui, le 23 mai 2021, déclare sur le site Web du Figaro : « Cette vidéo est sans précédent dans l’histoire de la communication politique ». Cet aspect inédit a également été relevé par les internautes, certains d’entre eux soulignant en parallèle le rôle historique de ce concours d’anecdotes, non seulement pour YouTube, mais également pour Internet.
Capture d’écran 1
Commentaires YouTube : historique
25De l’avis de nombreux commentateurs, cette vidéo est sans commune mesure dans l’histoire du pays, tranchant avec les comportements habituellement observés tant en politique que sur Internet. Ce qui atteste en partie la nature événementielle de l’objet, ou en tout cas sa perception en tant que telle auprès du public. Insolite de prime abord, la vidéo semble rompre avec la quotidienneté. Telle est la nature première de l’événement : « Un événement est avant tout une rupture dans un ordre des choses. Rupture qui survient contre toute attente. Les événements sèment le désordre, ne peuvent être prévus ni anticipés » (Arquembourg-Moreau, 2003, p. 28).
26À bien des égards, cette vidéo apparaît comme disruptive par rapport au domaine qu’elle concerne, la politique. C’est pourquoi elle a généré dans l’espace public, si ce n’est un trouble, du moins un étonnement généralisé. Un étonnement qui a ensuite suscité un récit, le récit se présentant comme « une manière d’émousser le tranchant de l’événement, de le réinsérer dans un textus, le tissu narratif qui relie des acteurs, des causes, des motifs et des buts, etc. » (id.). Chose à laquelle se sont attelés les médias d’information qui, dès la publication de la première vidéo annonçant la mise au défi des deux youtubeurs par le président, se sont immédiatement saisis des faits afin de les mettre en récit.
- 24 Il s’agit des trois phases mises en lumière par Eliseo Verón dans son analyse de la couverture médi (...)
27Dès lors, l’événement a donné lieu dans la presse à un récit feuilletonnant, ce processus de feuilletonnisation s’expliquant par la temporalité même du phénomène. Car, avec du recul, le concours d’anecdotes ne constitue qu’un seul épisode — certes central — de l’événement engendré. En effet, si l’on conçoit que les événements sociaux « n’existent que dans la mesure où [l]es médias les façonnent » (Verón, 1981, p. 8), il est loisible de distinguer plusieurs phases dans le traitement médiatique d’un événement : la mise en place de l’événement, le sommet informatif et les discours de clôture24. Ainsi, si l’on grossit les traits, la mise en place de notre événement correspond à l’annonce du défi présidentiel par les youtubeurs (soit le 19 février 2021), le sommet informatif à la diffusion du concours d’anecdotes sur Internet (soit le 23 mai 2021) et les discours de clôture à la date initialement prévue pour la réalisation des gages relatifs au concours (soit le 14 juillet 2021).
28S’étalant sur plusieurs mois, cet événement a donc fait l’objet d’une narration feuilletonnante de la part des médias, cela afin que le public ne perde pas le fil de l’histoire contée. Voilà pourquoi nous relevons, dans le discours de presse, non seulement des rappels anaphoriques, mais aussi des projections hypothétiques :
Tout commence en février. Les deux youtubeurs aux 6,5 millions d’abonnés répondent à un « challenge » que leur propose le président de la République : réaliser une vidéo sur l’importance des gestes barrières (lefigaro.fr, 20 juin 2021).
Les YouTubeurs Mcfly & Carlito contre Emmanuel Macron : à quoi s’attendre ? (leparisien.fr, 20 février 2021)
29Ces procédures de cimentage, vouées à offrir une cohérence interne au récit en cours de construction, constituent alors les deux traits caractéristiques du feuilleton médiatique : « […] d’un côté, un texte isolé se rattache en amont, anaphoriquement, à un interdiscours déjà constitué dressant les contours provisoires d’une histoire déjà entamée ; et de l’autre, il se projette en aval, vers le dénouement incertain de cette même histoire » (Revaz et Baroni, 2007, p. 196).
- 25 Aujourd’hui en France/Le Parisien a été l’un des premiers journaux à couvrir l’événement, de concer (...)
- 26 Une publication qui, là encore, devient virale en peu de temps : plus de 300 000 j’aime récoltés un (...)
30Nonobstant, nul doute que ce feuilleton n’aurait pas autant « pris » dans les médias si les principaux concernés ne s’étaient pas montrés aussi habiles à garder éveillé l’intérêt du public tout au long du processus. En ne donnant aucune nouvelle à la suite de l’atteinte de l’objectif des dix millions de vues, et ce, pendant plusieurs semaines, autant le président que les youtubeurs ont su attiser la curiosité — voire parfois l’impatience — chez certains journalistes. À l’instar d’Emmanuel Marolle, chef du service culture au Parisien25, qui, le 23 avril 2021, s’interroge sur le site Web du journal : « Lettre ouverte aux youtubeurs McFly et Carlito : avez-vous été invités à l’Élysée ? » Une question qui restera sans réponse jusqu’au 18 mai 2021. Date à laquelle les deux youtubeurs, dans un teasing savamment orchestré, publient sur Instagram une photographie de leur personne, le dos tourné, face au palais présidentiel. En légende, un court commentaire confirme l’évidence : « C’est dans la boîte26 ». Deux jours après, le 20 mai 2021, ils publient sur leur compte Twitter un extrait audio où l’on entend la voix du chef de l’État avec, à la clé, la date de diffusion du concours d’anecdotes. Cette date sera largement relayée dans les médias d’information, notamment en ligne :
McFly et Carlito donnent la date et l’heure de la publication de leur vidéo avec Emmanuel Macron (lefigaro.fr, 18 mai 2021).
Coronavirus : Le concours d’anecdotes de McFly et Carlito avec Emmanuel Macron diffusé dimanche à 10 heures (20minutes.fr, 20 mai 2021).
Mcfly et Carlito face à Emmanuel Macron : la vidéo diffusée dimanche à 10 heures (leparisien.fr, 20 mai 2021).
31De la sorte, l’événement narré se veut d’autant plus impactant qu’il repose sur la coopération, plus ou moins entendue, entre différents supports médiatiques (presse écrite, médias en ligne, réseaux sociaux). Il occasionne alors dans l’écosystème informationnel un récit transmédiatique, qui parvient à engager son public sur la durée, selon une stratégie de transmedia storytelling (Jenkins, 2003).
- 27 Le jeu s’est terminé sur un score de 4 points partout, après une belle remontée du chef de l’État, (...)
- 28 Le chef de l’État finira par afficher un cadre photo des deux youtubeurs en pleine rentrée, le 2 se (...)
32Mais ce n’est pas tout, car la narration a également pu compter sur quelques effets de suspense, notamment perceptibles à l’occasion du match nul arraché de justesse par le président lors du concours27. L’ensemble des compétiteurs se voyant assujettis à des gages, les deux youtubeurs se sont engagés à participer au défilé du 14 juillet à bord de la Patrouille de France, tandis que le président a promis d’exposer un cadre photo de McFly et Carlito durant une allocution officielle (éventuellement le même jour). Tant et si bien qu’après cette décision, quelques journalistes ont mis en doute le fait que Macron respecte sa parole. À l’instar de la reporter politique Pauline Théveniaud, qui, le 24 mai 2021, s’interroge dans Aujourd’hui en France : « Le fera-t-il réellement ? » De quoi alimenter, encore un peu, le feuilleton médiatique…28
- 29 Ci-après un extrait de journal particulièrement probant, du fait de sa formule de clôture supposant (...)
33Par conséquent, du fait même de sa configuration peu ou prou naturelle, cet événement regroupe en son sein tous les artifices dont les auteurs de fiction usent pour maintenir en haleine leurs lecteurs, à savoir les trois piliers de la tension narrative (Baroni, 2007) : de la surprise, par la nature de l’événement en question, qui par son aspect singulier a rompu avec la routine de l’actualité politique ; de la curiosité, par l’attente suscitée par les protagonistes eux-mêmes, qui au moyen de leur silence et de leurs effets d’annonce ont réussi à capter l’attention du public ; et du suspense, par l’incomplétude d’une histoire en train de se faire, qui d’ailleurs ne trouvera son point d’achèvement que plusieurs mois plus tard29.
- 30 Cf. la vidéo « Le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE nous lance un défi. Voilà. Dinguerie ? Oui ».
- 31 Les recettes générées par le concours d’anecdotes ont été reversées aux AGORAé, des épiceries solid (...)
34De prime abord, l’existence même de ce concours d’anecdotes entre le président Macron et le duo comique McFly et Carlito semble se rattacher à un enjeu sanitaire : inciter la population française, et plus particulièrement les individus les plus jeunes qui la composent, à respecter les gestes barrières dans un contexte de crise sanitaire. Pourtant, à l’époque, de nombreuses voix se sont élevées afin de dénoncer les enjeux soi-disant cachés derrière cette apparente campagne de santé publique, et ce, malgré les précautions d’usage prises par les youtubeurs qui, dès le départ, ont essayé d’évacuer toute dimension politique. Sans y parvenir, néanmoins… Quand bien même affirment-ils en chœur, « […] on ne souhaite pas faire de la politique30 », quand bien même décident-ils de reverser tous les bénéfices à des épiceries solidaires31, l’idée d’une récupération politique va rapidement pointer à l’horizon, entraînant avec elle son lot de critiques.
35Dès lors, McFly et Carlito ont suscité une certaine défiance sur Internet, accusés de servir de faire-valoir au pouvoir en place.
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Commentaires YouTube : faire-valoir
36Au regard du contexte, l’expression « bouffons du roi » n’est pas si galvaudée que cela, à tout le moins d’un point de vue anthropologique. Car, dans les cérémonies de certaines sociétés prémodernes, le bouffon joue un rôle éminemment cathartique : « […] il est un libérateur de tensions, il travaille à la remise en état des rapports sociaux. Brouilleur de cartes, il est aussi faiseur d’ordre. Il lève les disciplines en contribuant à les restaurer. Il transforme, par les voies de l’imaginaire et du spectacle, les facteurs réels de ruptures en figures de drame » (Balandier, 2006, p. 64). Ce qui à l’aune des tensions sociales de l’époque, la crise sanitaire ayant obligé le gouvernement à prendre toute une série de mesures attentatoires aux libertés individuelles, aurait pu contribuer à la stabilité du pays.
- 32 Dans la vidéo « Le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE nous lance un défi. Voilà. Dinguerie ? Oui », le duo (...)
37Quoi qu’il en soit, les deux amuseurs du Web ont eu beau clamer haut et fort leur lucidité par rapport à d’éventuelles arrière-pensées électorales32, ils ne sont guère parvenus à couper court aux objurgations en tout genre, une partie de leurs abonnés leur reprochant de vendre leur âme au diable. Difficile de leur en vouloir, tant l’activité des youtubeurs est sujette à la suspicion, notamment depuis que YouTube monétise l’audience de ses vedettes aux plus offrants. À tel point que, de nos jours, les youtubeurs s’apparentent plus à des marques : « […] comme elles, ils “vendent silencieusement”. Plus précisément, les youtubeurs sont des “marque-caution” » (Jahjah, 2017a). Envisagés comme des panneaux publicitaires, à l’aune d’une relation de co-branding (Marty, op. cit.), les youtubeurs risquent gros à l’occasion de ce genre de collaboration. À l’instar de n’importe quel influenceur, ils s’exposent à un déluge de critiques plus ou moins acrimonieuses : « Les internautes ne supportent pas d’être dupés par des youtubeurs auxquels ils s’identifient et qu’ils considèrent comme des amis » (Maire, 2019, p. 26).
38En conséquence, cette collaboration du chef de l’État avec deux vedettes d’Internet a souvent été perçue, puis dénoncée, comme une vaste entreprise d’instrumentalisation en direction de la jeunesse. Dans la presse ou sur YouTube, de nombreuses personnes se sont offusquées de cette publicité gratuite, offerte au pouvoir en place. À commencer par les membres de l’opposition qui, par le truchement des médias d’information, ont pris un malin plaisir à décrypter la stratégie du chef de l’État :
« Plutôt que présider, Emmanuel Macron est en opération séduction. Il essaie de surfer sur la période de déconfinement », dénonce Julien Dive, député Les Républicains de l’Aisne (20 Minutes, 2 juin 2021).
« Un méchant coup de com peut abîmer la République » Gilles Platret, vice-président des républicains, maire de Chalon-sur-Saône (Le Figaro, 25 mai 2021).
39Des qualificatifs peu amènes, que l’on retrouve tels quels dans la bouche de certains journalistes :
L’opération de séduction auprès des jeunes « et peut-être des autres » — est assumée (Aujourd’hui en France, 24 mai 2021).
Trois jours plus tard, c’était réglé et le rendez-vous était pris pour le coup de com… pardon, le concours d’anecdotes (20minutes.fr, 20 mai 2021).
40En ligne, les internautes ont davantage été directs, préférant employer des termes plus connotés comme celui de « propagande ».
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Commentaires YouTube : propagande
41Loin d’être anodin, le vocable « propagande » a ainsi été employé par divers internautes afin de déprécier la démarche présidentielle. Tel est l’usage prédominant de cette notion qui, depuis les années 1960, subit un véritable anathème dans le langage courant : « Occulté de l’espace public, propagande est devenu un objet d’histoire et un concept pour évoquer les relations entre masses et élites dans une perspective machiavélique. Son emploi est donc essentiellement critique et sert à dénoncer une forme pernicieuse de circulation de l’information » (D’Almeida, 2002, p. 148). Pour de nombreuses personnes, la vidéo de McFly et Carlito revêt des allures de campagne déguisée, Macron ayant à l’époque en ligne de mire les prochaines échéances électorales, à savoir le scrutin présidentiel de 2022. Dès lors, si l’on s’accorde sur la dimension propagandiste de l’événement — claire d’un point de vue sanitaire, floue d’un point de vue politique —, quels ont été les principaux ressorts utilisés en la matière ?
- 33 Les internautes ont notamment relevé une scène où le président attrape un fou rire, jugé authentiqu (...)
- 34 Plusieurs fois, lorsqu’il remonte au score, Macron tape du poing ou se frotte les mains.
- 35 Comme la réplique « Je les consolerai », prononcée par le président à la suite du message d’encoura (...)
42Premièrement, on trouve le registre humoristique, que l’on sait efficace pour fédérer au-delà des lignes partisanes. En effet, « il semblerait que les contenus souvent considérés comme triviaux soient les plus à même de cristalliser des publics hétérogènes et de rassembler deux populations qui traditionnellement n’échangent pas sur la politique : les profanes et les individus politisés » (Babeau, op. cit., p. 135). D’où les efforts du personnel politique à proposer, sur Internet, des vidéos davantage tournées vers le divertissement : « L’humour est ainsi souvent utilisé dans ces formats vidéos qui se donnent pour objectif de parler aux électeurs non politisés, voire aux abstentionnistes » (Theviot, 2019, p. 69). L’on comprend mieux, alors, le ton badin et la bonne humeur qui se dégagent de ce concours d’anecdotes. Face aux galéjades et autres pitreries des deux youtubeurs, le chef de l’État reste détendu, riant et souriant à de multiples reprises33. Lui-même semble se prendre au jeu, son langage corporel trahissant fréquemment de l’enthousiasme34. Enfin, il enchaîne assez naturellement les joutes verbales avec ses interlocuteurs, se permettant même quelques piques à leur égard35.
- 36 Des instruments qui font écho à l’un des moments-clés de la vidéo : le concert final donné par le g (...)
- 37 Le point d’orgue de l’émission étant l’appel « inopiné » du chef de l’État à Kylian Mbappé, une ved (...)
- 38 Dans le feu de l’action, Macron lâche spontanément de nombreux « ouais », agrémentés de quelques ju (...)
43Deuxièmement, on trouve le contenu populaire, dont le but est de rapprocher le représentant politique des occupations plus prosaïques du citoyen lambda. Pour l’occasion, l’Élysée a été réaménagé : filmée dans un salon du palais présidentiel, sous les ors de la République, la vidéo expose quelques objets qui dénotent avec la majesté du lieu. En l’occurrence, des produits de la pop culture ont été disposés sur une étagère (par exemple le coffret collector d’un célèbre jeu vidéo : Red Dead Redemption 2) et des instruments de musique ont été installés au sol (une guitare électrique ainsi qu’une batterie36). Mais, au-delà de cette décoration, ce sont surtout les thèmes abordés qui tranchent avec les traditionnelles allocutions présidentielles : étonnamment, aucun sujet politique n’est abordé durant le concours. Par contre, Macron multiplie les références au sport préféré des Français, le football37. Ces allusions sportives lui permettent alors de « jouer sur le potentiel fédérateur d’un nationalisme soft » (Dakhlia, 2017, p. 129). Le tout est parfois accompagné d’un langage fleuri, chose assez inattendue pour un président de la République38.
- 39 Par exemple, en plein milieu de la vidéo, une scène montre le président en train de se faire remaqu (...)
- 40 Celle-là même qui a été diffusée le 19 février 2021, sous le nom : « Le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE (...)
44Troisièmement, on trouve le cadrage authentique, qui vise à tout montrer jusqu’à l’envers du décor. Car si le théâtre classique nous a appris à nous focaliser sur le devant de la scène, les œuvres audiovisuelles issues d’Internet n’hésitent pas à s’attarder dans les coulisses : « […] un lieu, en rapport avec une représentation donnée, où l’on a toute latitude de contredire sciemment l’impression produite par la représentation » (Goffman, 1973, p. 110). Ainsi n’est-il pas rare que les youtubeurs fassent des coulisses la scène principale de leur représentation, et ce, dans le but de nouer une relation de confiance avec leurs abonnés : « La dissolution des espaces de la représentation traduit alors une intention d’authenticité (la vérité est dans les coulisses) » (Jahjah, 2017b). De la sorte, afin d’apporter une touche de crédibilité au concours, la réalisation s’est permis parfois de filmer le hors-champ, avec notamment des plans où l’on aperçoit l’équipe technique s’affairer en coulisses39. Dans le même ordre d’idées, il n’est pas innocent que cette vidéo ait été précédée par une autre, qui révèle comment les youtubeurs ont été approchés par Macron40. Ces divers éléments rajoutent de la sincérité au spectacle, faisant oublier que « le vlog du youtubeur est avant tout un geste de représentation, c’est-à-dire une performance livrée par un internaute-créateur » (Châteauvert, 2020, p. 37).
- 41 Les youtubeurs les plus renommés travaillent de concert avec des agences spécialisées, appelées mul (...)
45En résumé, si propagande il y a eu lors de ce concours d’anecdotes, celle-ci a été immaculée de tout propos politique, préférant plutôt épouser les codes relationnels en vigueur sur Internet. Car pour l’élu désireux de s’exprimer en ligne, il est nécessaire d’abandonner la distance et la froideur des discours institutionnels, au risque de paraître en décalage avec la culture endogène au dispositif : « Être youtubeur ne signifie donc pas seulement “poster des vidéos sur YouTube”, mais également en adopter les codes (de présentation, d’expression,…) qui permettent “d’en être” » (Jahjah, 2017b). L’ensemble de ces codes, ostensiblement mis en scène par les youtubeurs eux-mêmes, servent à instiller un sentiment de proximité auprès des communautés du Web. C’est la raison pour laquelle de nombreux youtubeurs prennent soin de sertir leur vidéo d’une facture « amateur », alors qu’ils disposent en réalité de moyens techniques relativement importants41. Faire accroire à un contrat d’authenticité, tel est donc l’objectif principal de la mise en scène orchestrée par les parties constitutives de cet événement.
46Nul doute que par sa participation à un programme de divertissement en ligne, le chef de l’État a prêté le flanc à une pléthore d’attaques de nature institutionnelle. En substance, il lui a été reproché d’écorner l’autorité de l’État ainsi que l’image de la République. Car cette représentation plus familière du pouvoir, proposée par Macron lors du concours d’anecdotes, se heurte de plein fouet à la solennité intrinsèque à la fonction présidentielle. Chose qui a été pointée du doigt par toute une partie de l’opposition, il est vrai davantage positionnée à droite de l’échiquier politique. De sorte que les opposants au gouvernement ont regretté que le chef de l’État ait autant exposé son corps naturel, au détriment de son corps politique, « un Corps qui ne peut être vu ni touché, consistant en une société politique ou en un gouvernement, et constitué pour la direction du peuple et la gestion du Bien public » (Kantorowicz, 1989/1957, p. 22). Si cette métaphore de la double corporéité du monarque date de l’Ancien Régime, force est de constater qu’elle conserve toujours une certaine portée dans notre société politique, à en croire en tout cas les réactions produites par la vidéo.
- 42 En référence au titre quelque peu irrévérencieux, affiché lors de la vidéo : « CONCOURS D’ANECDOTES (...)
- 43 Comme le pied de nez adressé par McFly au chef de l’État, à la suite d’une boutade de ce dernier.
47Partant, de nombreux adversaires politiques se sont engouffrés dans un procès en désacralisation. La plupart n’ont guère apprécié que « LE DIRECTEUR DE LA GAULE42 » soit traité comme n’importe quelle vedette issue de l’industrie du spectacle. Non plus qu’il tolère les bravades et autres facéties de ses invités43, au cœur même du palais de l’Élysée. D’après eux, Macron a commis un crime de lèse-majesté, reniant toute une tradition républicaine de componction, lointain héritage d’un gaullisme peu ou prou idéalisé. D’où les cris d’orfraie poussés par quelques figures de la droite conservatrice qui, dans la presse, accusent le chef de l’État de porter atteinte à la verticalité du pouvoir :
« Qui imagine le général de Gaulle recevoir McFly et Carlito pour faire des roulades dans le jardin de l’Élysée ? Comment avons-nous pu tomber si bas ? », s’est indigné le député (Les Républicains) Eric Ciotti (Le Monde, 26 mai 2021).
Le « concours d’anecdotes » qui s’est tenu à l’Élysée finit de saper la verticalité du pouvoir et de déconstruire l’État, déplore Philippe de Villiers (lefigaro.fr, 25 mai 2021).
48En toute logique, ces prises de position sont partagées par des éditorialistes de même bord politique, à l’instar du journaliste et essayiste Ivan Rioufol qui, le 28 mai 2021, déclare dans Le Figaro :
« […] c’est sa propre fonction qu’il malmène quand il se prête, comme dimanche, à un marketing électoral racoleur. Le procédé l’a mis au niveau inconsistant de deux “influenceurs” humoristiques, McFly et Carlito. Le pays s’affaisse, mais l’un des pitres a fait une galipette dans les jardins de l’Élysée, sous l’œil amusé du président. »
49Dans le même temps, ces récriminations ont trouvé un certain écho sur le Web, des internautes s’indignant de cette prestation jugée dégradante de la part du chef de l’État.
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Commentaires YouTube : dégradant
- 44 À l’occasion d’une visite à Tain-l’Hermitage, le 8 juin 2021, Macron a été agressé physiquement par (...)
50Ces internautes déplorent ainsi un (r)abaissement de la fonction présidentielle, et in extenso de la France tout entière. À nouveau, on peut se rendre compte qu’Internet et les réseaux sociaux servent de relais privilégiés à une indignation publique, portée par des individus déçus de voir en politique des comportements selon eux inopportuns : « Sans forcément tomber dans l’invective et l’injure, les internautes emploient ce support à forte expressivité pour pousser des cris de colère face à ce qui leur apparaît comme une injustice ou des faits indignes d’un comportement politique et civique » (Mercier, 2015, p. 153). D’ailleurs, à ce propos, notons que certains internautes en ont profité pour faire le parallèle avec un autre fait d’actualité : la gifle donnée au président de la République lors d’un déplacement officiel dans la Drôme44. Ceux-ci se sont alors permis de justifier cet acte délictueux à l’aune de ce concours, estimant qu’à force de négliger la fonction présidentielle, Macron n’a que ce qu’il mérite.
51Par conséquent, à écouter l’ensemble de ces contempteurs du pouvoir, le chef de l’État s’est rendu coupable de légèreté : légèreté par rapport au contexte sociétal de l’époque, qui appelle plus de retenue de sa part, mais également légèreté par rapport à l’institution étatique, dont le prestige requiert plus de sérieux. Ces critiques font caisse de résonance à celles entendues, il y a quelques années, à propos de la présidence normale de François Hollande ou des confessions intimes de Nicolas Sarkozy. C’est pourquoi, à présent, il nous paraît nécessaire de relativiser l’aspect extraordinaire de cette vidéo au regard de l’histoire politique de la France. En effet, sommes-nous vraiment en présence d’un exercice inédit sur le plan de la communication politique ?
- 45 Valéry Giscard d’Estaing a participé à deux reprises à la célèbre émission de France Inter : les 22 (...)
- 46 Durant l’émission, on apprend que le chef de l’État — apparemment « câblé » — maîtrise le verlan.
52Les historiens, spécialistes du sujet, trouveront sûrement à redire en la matière. Rappelons que Valéry Giscard d’Estaing a lui aussi été moqué en son temps lors de ses diverses tentatives de rapprochement avec le peuple. Doit-on rappeler le dîner avec les éboueurs lors du Noël 1974 ou encore les repas partagés au domicile des Français entre 1975 et 1979 ? Souffrant dès le départ d’un déficit en image, l’ancien président de la République n’a eu de cesse de multiplier les coups de communication tout au long de son mandat. Comme les fois où il a pris part à une émission radiophonique très populaire, présentée par Jacques Chancel : Radioscopie45. Et que dire de François Mitterrand qui, le 28 avril 1985, a participé à l’émission de divertissement Ça nous intéresse, Monsieur le Président sur la chaîne de télévision TF1, en compagnie de la vedette du petit écran Yves Mourousi ? Tout comme Macron, le président socialiste s’est plié à l’époque aux règles d’un format médiatique exogène, supportant l’impertinence feinte d’un présentateur et s’écartant même parfois du registre formel de la politique46. Un programme qui s’inscrit, de fait, dans la lignée des émissions d’infotainment (Brants, 2003) en vogue dans les années 1980-1990.
- 47 Là réside, d’un point de vue politique, la dimension inédite de cet événement : dans le fait, juste (...)
53Alors, certes, on pourra objecter que ces précédentes initiatives ont toujours su conserver un fond politique, contrairement à ce concours d’anecdotes qui constitue, pour ainsi dire, un pur objet de divertissement47. Mais cela n’enlève rien au fait que tous les présidents de la Ve République ont sacrifié, à un moment donné, plus particulièrement à l’approche des élections, un peu de la dignité de leur fonction pour s’attirer la sympathie des électeurs. Dès lors, si les formats médiatiques changent, le principe reste le même : interpeller le citoyen là où il se trouve, en vertu de la recherche permanente d’un soutien populaire. Cette stratégie du going public, qui s’est progressivement développée depuis la Seconde Guerre mondiale, est devenue « une arme routinière du répertoire de la présidence » (Aldrin et Hubé, op. cit., p. 13). Donc, si l’on prend en considération ces quelques faits historiques, est-ce que le concours d’anecdotes entre le président Macron et le duo comique McFly et Carlito constitue un événement au sens strict du terme ?
54Selon toute vraisemblance, non. Tout au plus peut-il être considéré comme un pseudo-événement, « un artefact, fabriqué selon les techniques du marketing, utilisant toutes les ressources de la mise en scène, qui est offert en pâture aux médias dans l’espoir qu’ils le valideront et donc le traiteront comme un événement » (Mercier, 2018, p. 136). Mais, en tant que tel, il n’en est pas moins emblématique des dernières mutations de la communication politique en France. S’inscrivant dans le sillon de cette mythologie de la peopolisation (Dakhlia, 2010), évoquée plus tôt, cet épiphénomène représente plutôt une différence de degré que de nature. Comme d’ailleurs la peopolisation en son temps, qui n’a fait qu’amplifier les modes discursifs en vigueur dans la presse échotière. En revanche, une véritable nouveauté se niche dans l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, celles-ci contribuant à une déritualisation du fait politique : « La dimension formelle et officielle de la ritualité politique est évacuée au profit d’une convivialité de bon aloi, de la spontanéité et de la connivence censées régir les expressions numériques » (Lardellier, 2015, p. 20).
55Dès lors, à l’heure des sociétés connectées, le pouvoir politique ne peut pas se permettre de surplomber ses sujets. Sur Internet, tout responsable public a pour obligation de faire preuve d’humilité et d’entretenir des relations égalitaires avec ses concitoyens :
« À la verticalité des rapports au sein du groupe et des relations professionnelles et familiales, se substitue un espace numérique et virtuel qui a aplani les rapports entre les individus en bâtissant un mode de communication et d’échange guidé par l’horizontalité » (Richaud, op. cit., p. 32).
56Quiconque souhaite s’exprimer sur les réseaux doit accepter ce préalable, au risque d’en devenir inaudible, ou pire d’en être exclu. De ce point de vue, la performance du chef de l’État lors de ce concours d’anecdotes traduit quelques velléités de la part du pouvoir à s’adapter aux mœurs d’un espace public numérique, où il ne peut plus désormais régner en maître dans toute sa superbe.
57Nous venons de voir que le concours d’anecdotes entre le président Macron et les youtubeurs McFly et Carlito a donné lieu à un véritable feuilleton sur le plan médiatique. Ce feuilleton s’est étalé sur plusieurs mois, de février à septembre 2021, et a reposé sur une habile narration suscitant l’intérêt du public. À partir de cet ancrage numérique, le chef de l’État est donc parvenu à faire parler de lui dans tout l’espace public, autrement dit à « mettre à l’agenda » (McCombs et Shaw, 1972) sa propre personne. D’où l’avantage qu’il peut y avoir, en politique, d’impulser quelques actions ponctuelles sur Internet afin qu’elles rejaillissent, plus durablement, sur les médias traditionnels : « La communication en ligne ne se fait pas encore sans penser à ses effets sur les journalistes hors ligne. Au contraire, elle est mise en place pour orienter le cadrage et l’agenda médiatique » (Theviot, 2019, p. 93). Surtout si cette communication s’inscrit dans une stratégie plus large, de propagande électorale. Ce qui, sans nul doute possible, a été le cas en ce lieu.
58Car, au-delà d’un message de santé publique adressé à la jeunesse, cette séquence a eu pour effet majeur de mettre sur le devant de la scène un président moderne, candidat à sa propre réélection. Ici encore, l’on se rend compte que le numérique peut constituer le moteur d’un plan global de communication : « […] parler aux plus jeunes en ligne et faire parler de soi hors ligne, dans les médias traditionnels, pour toucher un public plus âgé ou moins connecté » (Theviot, 2018, p. 28). Or, il ne suffit pas de prendre la parole dans un média en ligne pour que l’on retienne, automatiquement, l’attention du public. Encore faut-il proposer un format qui soit adapté au dispositif. Dès lors, quoi de mieux qu’une émission de divertissement pour fédérer un maximum d’individus, au-delà de toute obédience politique ? En y ajoutant un contenu populaire et une sincérité de bon aloi, l’on obtient par conséquent la recette a priori gagnante de ce concours d’anecdotes…
59A priori gagnante, étant donné que le succès de la vidéo sur Internet doit être relativisé à l’aune de l’indignation exprimée par certaines personnes, quelque peu réticentes à l’idée d’une représentation légère du pouvoir. En effet, ce spectacle numérique a été largement stigmatisé sous couvert d’une désacralisation de la fonction présidentielle, prétendument néfaste pour la parole politique en général. Une critique qui revient avec régularité dans l’espace public, chaque fois qu’un haut responsable fait le choix de se rapprocher un peu trop près de l’homme de la rue, sacrifiant alors la gravité inhérente à son rôle. Mais ceux qui instruisent ce genre de procès oublient, hâtivement, que les mœurs de l’espace public contemporain ont évolué. Depuis les années 2000, il est commun pour les dirigeants publics d’opter pour un discours people afin de « réchauffer la communication politique, de la rendre plus vivante et plus proche des gens » (Dakhlia, 2008, p. 110). Ce phénomène se prolonge donc actuellement sur le Web, les médias sociaux ayant tendance à horizontaliser davantage les relations de pouvoir entre gouvernants et gouvernés.
60Partant, au lieu de s’offusquer de ce mouvement de fond déjà bien entamé, il est préférable de s’intéresser de près à ce qui nous apparaît être une évolution naturelle du phénomène de peopolisation : la peopolisation numérique. Puisque la politique se décline dorénavant sur Internet, c’est-à-dire dans un « nouvel espace public numérique » (Brachotte et Frame, 2015, p. 9), les dirigeants doivent prendre acte des modifications que cela induit dans leur manière de communiquer. À ce titre, la plateforme YouTube semble être un terrain privilégié pour l’analyse des nouveaux comportements en politique. Certes, YouTube ne révolutionne pas fondamentalement la communication politique. Nonobstant, à travers son dispositif technologique, ce média social propose une « ontologie relationnelle, par une relation simulée dans l’adresse, artefact de l’échange, et par la relation expressive dans laquelle s’engagent les web-spectateurs » (Douyère, 2020, p. 239). Ce qui, dans le domaine politique, constitue une réelle occasion à saisir en vue de renouer le contact entre des élites soi-disant déconnectées et une base citoyenne défiante. Dans cet espace public virtuel, les youtubeurs et autres influenceurs peuvent alors s’instituer comme de précieux médiateurs, notamment auprès des millenials. Sous réserve, néanmoins, que l’opprobre ne les touche pas en chemin.
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