« Le cinéma est un art, cela ne fait aucun doute. C’est aussi, disait Malraux, une industrie. C’est cette industrie mondiale qui est présentée ici dans sa singularité et dans ses enjeux contemporains » (p. 4).

1C’est ce que développent ici les auteurs, en cinq courts chapitres particulièrement documentés. Parcourons-les au fil de la lecture.

I. Une filière de production stable

2On peut noter que l’industrie du cinéma « s’organise en une séquence constituée des maillons génériques suivants : création, production, édition, distribution, diffusion […]. Ces maillons sont le fait de cinq métiers différents : conception, gestion de projets (production), industrialisation (distribution), marketing (distribution) et vente (diffusion) » (p. 11-12). Dans ce chapitre, les auteurs précisent les modifications survenues dans ces différents métiers depuis les premiers temps du cinéma.

II. L’exploitation du cinéma : de la salle au multicanal

3C’est ici que l’on rencontre les plus importants bouleversements dans la production et dans les nouveaux modes de consommation. Ainsi, pour la production, à l’échelle mondiale comme nationale, un petit nombre d’acteurs, « Walt Disney Pictures, Warner Bros, Universal, Columbia et Paramount, réalisent […] à la fin des années 2010, 85 % du marché nord-américain et 56 % du marché mondial » (p. 32). Quant au mode de consommation, la fréquentation en salle a progressé, bien que ce ne soit plus « le mode principal d’exploitation, ni en volume ni en valeur » (p. 38). La télévision, qui fut dans un premier temps le grand concurrent de la diffusion des films en salle, montre « un engouement croissant […] depuis les années 1980-1990 […] » pour le sport et les séries qui représentaient par exemple en 2011 « 76 des meilleures audiences TV en France » (p. 41).

III. Financement et régulation du cinéma

4Ainsi, « quelles que soient les différences nationales, quatre modes de financement coexistent : fonds propres, cessions de droits, emprunts et subventions directes ou indirectes par la fiscalité » (p. 50). Les auteurs rappellent la particularité française qui crée, en 1948, une taxe sur les billets pour financer le cinéma national — les productions américaines financent ainsi en partie le cinéma hexagonal — et l’avance sur recette en 1959 ainsi que l’établissement « du label “cinéma d’art et d’essai” (1961) » (p. 63). Autre élément important, le rapport entre le cinéma et la télévision. Dans tous les pays, le développement des chaînes de télévision (hertziennes ou par câble) a provoqué une baisse de fréquentation des salles, ce qui a imposé de plus en plus une participation directe des opérateurs comme HBO ou Canal+ dans le financement des films.

IV. Les dynamiques du marché mondial

5Dans ce chapitre, les auteurs soulignent l’apparition de nouveaux lieux de production. Si l’Europe « forme un espace de production et de consommation majeur, mais morcelé culturellement et toujours dominé par le cinéma américain » (p. 78), il faut à présent tenir compte de nouveaux marchés, entre autres le Japon et la Corée du Sud. Cette dernière, avec ce « qu’on appelle “Hallyuwood”, fait figure d’exception compte tenu de la taille du marché et du bassin linguistique » (p. 82), et elle se défend en imposant des quotas d’importation.

6L’Inde est présente depuis plusieurs décennies sur le marché grâce à la production importante de « Bollywood » (p. 84), mais depuis quelques années, l’Afrique —notamment le Nigeria, « Nollywood » (p. 86) — connaît un fort développement grâce aux aides gouvernementales.

7En conclusion « de ce tour d’horizon — incomplet —, il apparaît que la place du cinéma américain, sans avoir fléchi, est plus concurrencée par d’autres pôles de production, notamment en Asie [mais] en termes de diffusion il conserve sa domination sur chacun des marchés nationaux » (p. 87).

V. Les enjeux contemporains

8« Historiquement, l’offre cinématographique s’est organisée par “genres” […]. À présent, cette segmentation perd de sa pertinence, lui sont préférés des outils numériques, au premier chef desquels la prescription algorithmique » (p. 106). Mais il faut tenir compte de l’arrivée des nouveaux que sont Netflix et les GAFAM : Google avec YouTube, Amazon avec Amazon Prime et Apple avec iTunes, « qui sont entrés sur l’offre numérique du cinéma » (p. 95).

9Philippe Chantepie et Thomas Paris concluent en interrogeant largement l’avenir : à la suite de la COVID, alors que les plateformes ont accéléré « encore l’acquisition des abonnés face à l’absence de concurrence des salles » (p. 111), ces dernières redeviendront-elles « les lieux d’affirmation d’un cinéma d’auteur » (p. 112) ? Faudra-t-il être abonné à telle ou telle plateforme pour voir un film ? « La fin du film, on LE voit, est loin d’être écrite » (p. 112).