1La crise de communication pendant la COVID-19 est le sujet principal de cet ouvrage de l’universitaire marocain Mustapha Elouizi. Après avoir discuté quelques théories de la communication, l’auteur montre principalement que l’agir communicationnel a dérapé sur une crise de la communication pendant le premier confinement à cause de manque d’anticipation aussi bien chez les décideurs politiques que chez les journalistes. L’auteur cite trois enjeux de la communication, à savoir l’enjeu identitaire qui donne à chaque communicant un statut bien défini, l’enjeu d’influence révélant la dimension argumentative de toute situation de communication et l’enjeu relationnel qui inscrit toute communication dans un cadre référentiel.

2La fabrique de l’information pendant le coronavirus subit un discours de la rumeur, ce qui a endommagé les enjeux de l’information. Les réseaux sociaux ont participé à cette crise, notamment parce qu’ils ont été un espace fertile de l’« infodémie », soit une pandémie en matière d’information. Ce sont en particulier des espaces sans contrôle, dépourvus d’éthique, et des lieux d’informations non sourcées. En ce sens, l’auteur écrit : « Beaucoup d’internautes se trouvant “libres” devant leurs claviers n’hésitent pas à créer, à transmettre, à partager et à rediffuser de fausses informations, sans aucune vérification auprès de sources crédibles » (p. 77).

3L’imprudence des médias durant la crise sanitaire a encouragé ces rumeurs qui ne sont pas négatives en soi, puisque c’est la non-vérification de l’information qui en est l’aspect néfaste. En fait, « […] les médias nationaux se comportaient comme si le virus n’allait jamais sortir de Chine et des pays avoisinants le cas échéant » (p. 78). Ainsi les journalistes traitent-ils de l’information concernant le virus à partir de ce qu’ils appellent la « loi kilomètre », ce qui explique et justifie l’absence d’anticipation chez eux. Selon l’auteur, le slogan scandé dans les rues au Maroc explique — chez les décideurs politiques et les journalistes — l’absence d’une culture de prévention : « Le Corona n’est pas marocain ! »

4Si on se fie à l’auteur, la dimension positive de la pandémie se révèle dans la place qu’elle a réservée à la recherche scientifique, de sorte que les discours politique et religieux ont cédé la place au discours scientifique. Toutefois, la crise sanitaire s’est doublée de la crise informationnelle ou de ce que l’auteur appelle l’« infodémie ».

5La crise du journalisme pendant le coronavirus au Maroc se révèle notamment dans la rencontre du chef de gouvernement avec les journalistes des chaînes nationales, alors que ces derniers

[…] ne laissaient pas le chef de gouvernement articuler une seule phrase sans l’interrompre par une autre. Un mode d’entretien qui ne convient aucunement au temps de crise, où l’on doit normalement poser des questions ouvertes et laisser le responsable dépositaire de l’information s’exprimer librement (p. 100).

6La communication dévoile en effet les lacunes d’un champ politique en entier, d’autant plus que la longueur du discours fait perdre l’essentiel de l’information. De plus, les positions non transparentes de l’ancien chef de gouvernement marocain rendent les choses plus complexes et floues. C’est dans cette perspective que l’auteur fait une nuance entre communication et information, puis fait référence à Régis Debray lorsqu’il disait que « trop de communication tue la communication ». Il s’agit principalement d’une communication qui favorise l’amalgame et la confusion au lieu de la transparence du message.