Gabriel SEGRÉ (2020), Les fans, une approche sociologique
Gabriel SEGRÉ (2020), Les fans, une approche sociologique, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, Coll. « L’Opportune »
Texte intégral
1L’intéressante collection « L’Opportune », qui vise à éclairer un sujet des sciences humaines et sociales, propose un petit ouvrage sur les fans. Alors que le sujet est de plus en plus investi en sciences de l’information et de la communication, avec l’émergence revendiquée des « aca-fans » et la revalorisation d’une fonction dépréciée, Gabriel Segré décide de laisser de côté les pans les plus étudiés du genre (notamment les fans de séries) pour consacrer son étude aux fans les moins légitimés. Spécialiste d’Elvis Presley et des mythes qui y sont liés, il va notamment ancrer ses portraits chez les fans de musiques populaires, souvent dépréciées par les classes supérieures (Johnny, Elvis, BTS, Indochine…). Il assume un choix sociologique, cette borne relativement arbitraire étant même l’un des outils de sa démonstration définitionnelle, tant le terme paraît flou et utilisé de diverses manières, notamment après une « mode » récente.
2Après cet exposé des différentes approches du mot « fans » et de sa destinée critique, avec ce qu’elle a compris de réappropriation, l’auteur s’intéresse au pourquoi et au comment de la fannatitude. Cette partie décrit notamment les différentes manières de relationner avec les stars tant aimées — collection, imitation, expertise… — et la façon dont les fandoms se constituent en lieu de sociabilités où des spécialistes sont reconnus par leurs pairs. Atteindre cet état a un coût, en investissement personnel, voire financier, et peut parfois même se professionnaliser, mais ce n’est jamais le but initial du fan. Si la comparaison à l’adoration religieuse est également décrite, quoique régulièrement contestée désormais, elle n’est pas la seule grille de lecture apportée et est mise en contexte, fidèle à la vocation engagée mais aussi synthétique de la collection.
3Le dernier chapitre pose une question désormais souvent évacuée des fan studies : « Les fans sont-ils dangereux ? » Si la question se veut provocatrice et que l’auteur semble peu y accorder de crédit, cela permet de revenir sur la mauvaise image du fan, le stalker, le harceleur, voire le criminel, pour très vite en montrer l’envers. En réalité, cette partie se consacre bien plus au fan dans son rapport au monde, au miroir qu’il renvoie et aux nouveaux investissements liés aux évolutions technologiques (fanfictions en lignes, sites, sous-titrage collectif…) qu’à la réponse à une question rapidement évacuée.
4Le lecteur et la lectrice obtiennent ainsi un portrait limpide, riche en exemples, cherchant à faire résonner un état rigoureux de la recherche en cours. Si l’approche se veut d’abord une étude des interactions sociales des fans et de leur construction identitaire, elle n’évacue pas, loin de là, les autres approches. À distance relative de son sujet, l’auteur ne tombe pas dans l’excès, souvent compensatoire, de l’acclamation totale des fans et n’hésite pas à remettre en contexte avec finesse différents ressorts de cet état. Cela fait de ce petit livre un outil idéal pour toute personne souhaitant découvrir un sujet souvent étudié en surface, avant de se plonger dans le champ passionnant, et encore en cours de défrichement dans le monde francophone, des études de fans.
Pour citer cet article
Référence électronique
Maël Rannou, « Gabriel SEGRÉ (2020), Les fans, une approche sociologique », Communication [En ligne], Vol. 40/1 | 2023, mis en ligne le 28 août 2023, consulté le 03 octobre 2023. URL : http://journals.openedition.org/communication/17643 ; DOI : https://doi.org/10.4000/communication.17643
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