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Enquêter pour exposer

Une recherche-création pédagogique autour des 50 ans du procès de Bobigny
Lucie Alexis et Claire Blandin

Résumés

Cet article fait état d’un projet collectif proposé aux étudiant·e·s du master Médias, langages et sociétés de l’Institut français de presse, au sein de l’Université Paris-Panthéon-Assas, autour des 50 ans du procès de Bobigny qui a eu un important retentissement médiatique et a participé à l’évolution de la législation sur l’avortement. En mettant à l’épreuve, dans un cadre pédagogique, des méthodes d’enquête sur le genre, il engage une réflexion sur la manière dont les pratiques pédagogiques peuvent être repensées en articulant l’enseignement, la recherche et la création. Il est l’occasion d’interroger les enjeux de la médiatisation de la recherche dans l’espace public ainsi que l’articulation des thématiques de recherche et des pratiques de transmission dans le cadre des enseignements en communication.

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Texte intégral

1La revendication du droit à disposer de son corps a été au cœur de la deuxième vague du féminisme. À partir de 1965, les demandes des femmes font irruption dans l’espace public. Elles obtiennent la légalisation de la contraception en 1967, mais la loi continue à punir sévèrement la pratique de l’avortement. En novembre 1972 se tient le « procès de Bobigny ». Marie-Claire Chevalier, âgée de 16 ans, avait avorté après un viol. Elle est jugée dans un premier procès. Sa mère, deux de ses collègues et la « faiseuse d’anges » qui l’avaient aidée sont jugées ensuite. L’avocate Gisèle Halimi, qui assurait leur défense, utilise ce procès pour faire éclater au grand jour l’iniquité de la loi et plaider pour une légalisation de l’interruption volontaire de grossesse en France. Le procès connaît un retentissement médiatique particulièrement important et participe à l’évolution de la législation. Un grand nombre de productions médiatiques et culturelles — films, pièces de théâtre, livres, reportages, documentaires, etc. — ont, depuis, assuré la postérité de ce procès dans l’espace public au fil des décennies.

  • 1 Nous tenons à remercier vivement Frédéric Lambert, responsable du master « Médias, langages et soci (...)

2Proposer un projet collectif aux étudiant·e·s du master Médias, langages et sociétés de l’Institut français de presse, au sein de l’Université Paris-Panthéon-Assas1, autour de cet anniversaire a été l’occasion de mettre à l’épreuve des méthodes d’enquête sur le genre, dans un cadre pédagogique que nous proposons de restituer ici. Le projet s’insère dans un cursus en sciences de l’information et de la communication, champ dans lequel l’analyse des phénomènes info-communicationnels du contemporain est déterminante. Le présent article est aussi l’occasion de nous interroger sur les enjeux de la médiatisation de la recherche dans l’espace public ainsi que sur l’articulation des thématiques de recherche et des pratiques de transmission dans le cadre des enseignements en communication.

3Suivant la dynamique instaurée depuis 2019 dans le cadre de ce master autour, d’abord, des 50 ans du Mouvement de libération des femmes, puis des 50 ans du Manifeste des 343, nous avons, en 2022, souhaité travailler sur les 50 ans du procès de Bobigny en imaginant un dispositif original pour célébrer ce nouvel « anniversaire ». La question du genre, comme dynamique relationnelle et sociale, est à la fois le sujet des connaissances manipulées (histoire des mouvements féministes) et le cœur du projet mis en œuvre (l’expérience d’un groupe d’étudiant·e·s articulant des pratiques universitaires et professionnelles). Il faut dire que les formations en sciences de l’information et de la communication ont développé depuis de nombreuses années des formes de proximité avec les mondes professionnels de la communication. Cette discipline se prête en effet au développement de recherches-créations en raison de plusieurs facteurs-clés qui lui sont intrinsèquement liés tels que sa nature interdisciplinaire ou encore l’approche pratique souvent en relation avec les travaux de recherche. Étant donné que les questionnements se concentrent spécifiquement sur l’étude des médias, de la communication ou bien des technologies de l’information, cela peut créer des occasions d’explorer de nouvelles formes de communication. Cet article se propose précisément d’engager une réflexion sur la manière dont les pratiques pédagogiques peuvent être repensées en articulant l’enseignement, la recherche et la création. Il constitue un retour réflexif sur une expérience d’enseignement croisant ces trois dimensions.

  • 2 Master Information, communication parcours médias, langages et société, Institut français de presse (...)

4Le choix de la thématique de la liberté d’avortement résonne avec la vague féministe contemporaine. Dans le temps de l’enquête, plusieurs événements ont marqué l’actualité. On peut notamment citer la mort de Marie-Claire Chevalier en février 2022, la remise en cause du droit à l’avortement aux États-Unis et le développement des débats sur l’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi. Le projet engage, de fait, une lecture générationnelle (Sirinelli, 2010). Au sein d’une génération (et d’un milieu socioéconomique déterminé), souvent réceptive à la question de la place des femmes dans la société, les étudiant·e·s de ce master — une vingtaine d’étudiant·e·s dont deux garçons — sont très sensibilisé·e·s aux questions de genre. La formation de l’Institut français de presse introduit, depuis la licence, des enseignements sur l’histoire des femmes et du genre, et plusieurs étudiant·e·s prennent en compte les questions de genre dans les programmes et les investissent dans leurs mémoires. L’un des objets de notre étude est d’observer comment la génération de la troisième vague du féminisme se réapproprie l’héritage de la deuxième vague (celle des années 1960-1970). D’autre part, la formation en communication propose une « approche pluridisciplinaire en histoire, sociologie et sémiotique des médias [et] permet une attention particulière sur les conditions de production, les langages, et les conditions de réception des médias2 ». La dimension discursive et iconographique des objets médiatiques est historiquement très présente, les approches en analyse de corpus sont centrales. Général, ce master offre des compétences en sémiotique, en analyse de discours et de contenus médiatiques, mais invite également les étudiant·e·s à appréhender des méthodes d’enquête de terrain.

5Dans l’objectif d’étudier la circulation des représentations des combats des femmes dans l’espace public, tout en travaillant sur l’image de la deuxième vague du féminisme, un important travail d’enquête a été mis en place avec les étudiant·e·s. Comme indiqué, dans cette recherche, les questions de genre sont à la fois le sujet des questionnements et une variable de la pratique pour l’ensemble des intervenant·e·s. Ce sont les attendus, le déroulement et les résultats de cette expérience pédagogique que nous souhaitons livrer dans le cadre de cet article. L’enquête a débouché sur la réalisation de vidéos de format court (qui ont été soumises à un concours) et sur le montage d’une exposition au sein de la Bibliothèque Marguerite Durand. Cette bibliothèque spécialisée de la Ville de Paris sur l’histoire des femmes et du genre, partenaire de l’ensemble du projet, a ouvert ses collections aux étudiant·e·s pendant la durée de l’enquête.

  • 3 Le design thinking est un « processus [qui] concourt à l’élaboration et à la validation d’une ou de (...)

6Par enquête, nous désignons ici la démarche de recherche scientifique des étudiant·e·s apprenti·e·s chercheur·euse·s ainsi que la mise en place d’un dispositif de médiation tourné vers le grand public et la construction de ressources pédagogiques. Cette étude s’inscrit dans le prolongement des expériences de recherche-création menées en sciences de l’information et de la communication autour, entre autres, des réseaux socionumériques (Jeanne-Perrier, 2014), des pratiques de design thinking3 (Alexis, 2021), des productions médiatiques (Coquelin et Saemmer, 2022), des processus d’écriture et de lecture mis en jeu dans les expérimentations artistiques (Ange, 2018), des pratiques muséales (Appiotti, 2021) ou encore du domaine du design (Vial, 2015), expériences qui sont étudiées au sein du GER Recherche et création de la Société Française des Sciences de l'Information et de la Communication. Pour nous, le questionnement principal est la médiation de la place des questions de genre dans l’espace public, dans une perspective diachronique, tout en empruntant un chemin expérimental. Dans ce cadre, nous nous inscrivons dans une dynamique qui, dans une moindre mesure bien sûr, se rapproche de celle de l’école des Arts politiques développée à Sciences Po Paris par Bruno Latour qui tend à mêler

deux apprentissages : celui de l’enquête — sans les prétentions épistémologiques d’un savoir à seulement découvrir — et celui de l’œuvre à faire — sans les poses de l’art qui saurait « exprimer » ce qu’il n’a pas enquêté. Rien de plus exigeant que l’enquête ; rien de plus exigeant que l’œuvre. Que dire de l’entremêlement des deux ? Et pourtant, il n’y a pas d’autre solution si l’on veut courir ce double risque : oser mesurer la diversité des mondes — ce pluralisme enfin reconnu comme essentiel, métaphysique, définitif — et vouloir néanmoins risquer la composition d’un monde commun. On ne s’accordera jamais ; et pourtant il faut cohabiter. Le mot beau de modus vivendi. « Composer » cela peut vouloir dire s’arranger, passer des compromis, combiner, faire des combines, dealer, oui, mais aussi arranger, assembler, harmoniser, œuvrer (Latour, 2022, p. 21).

7Finalement, le mouvement de l’enquête ici ne vise pas « à conjoindre les sciences, les arts et les politiques, mais à les démêler d’abord pour les reprendre ensuite tout autrement » (ibid., p. 25).

8Nous proposons tout d’abord un retour sur cette expérience pédagogique en explicitant la genèse et la continuité du cadre ainsi que l’évolution des formats d’enseignement. Nous axons ensuite notre réflexion sur la pédagogie par projet. Ensuite, nous analysons comment cette enquête, en prenant la forme d’une recherche-création, basée sur la médiatisation des droits, tente d’apporter une réflexion sur l’écriture de l’histoire des féminismes et sa mise en forme par plusieurs supports médiatiques : exposition, vidéos brèves, site Web. Les étudiant·e·s, en réinvestissant le répertoire d’action féministe pour l’éprouver, s’initient à la recherche et proposent des formats créatifs. Cette exploration de l’évolution de l’espace de la cause des femmes au cours du temps ne va pas sans une adaptation au paysage médiatique contemporain : une réflexion scientifique est menée sur la construction sémiotique des vidéos brèves et la manière dont condenser l’information peut permettre de la répandre. Finalement, ce projet nous engage nous-mêmes vers une réflexion sur nos postures et nos manières de procéder en tant qu’enseignantes, et plus largement nos manières d’être en recherche.

Un projet pédagogique polymorphe inscrit en sciences de l’information et de la communication

9Tout d’abord, nous souhaitons dresser le cadre de l’expérience pédagogique. Cette première partie de présentation est essentielle pour comprendre non seulement la démarche complémentaire entre les différents enseignements, mais également les modalités d’enquête proposées aux étudiant·e·s. Celles-ci relèvent d’un processus en travail se modulant et se réajustant au cours des observations et des investigations.

Genèse et continuité : une évolution du cadre pédagogique

10Amorcée en 2020 par deux collègues de l’Institut français de presse, Lucie Alexis, sémiologue des médias, et Bibia Pavard, historienne des médias, autour des 50 ans du Mouvement de libération des femmes, cette proposition pédagogique s’est depuis poursuivie et métamorphosée. Revenons d’abord sur la genèse du projet avant d’en expliciter l’évolution.

11Au départ, la volonté de « monter un projet » transversal s’appuyant sur plusieurs enseignements constituait une réponse aux remarques des étudiant·e·s réuni·e·s dans le master 2 autour de trois finalités professionnelles (l’apprentissage, le stage et la recherche). Ils et elles souhaitaient s’investir dans un projet conséquent plutôt que de multiplier les exercices ou les enquêtes à mener dans les différents cours. Trois enseignements de la maquette du deuxième semestre ont donc été mobilisés. Au sein de deux cours méthodologiques, intitulés Analyse des discours et des dispositifs médiatiques et culturels et Communication, genre et politique, qui se voulaient à la fois « participatifs » pour les étudiant·e·s et qui offraient dans le même temps des cadres théoriques, nous avons imaginé un projet intitulé « Enquête sémio-historique autour des 50 ans du Mouvement de libération des femmes : témoignages et formes brèves audiovisuelles ». Nous avons associé un enseignant vacataire responsable d’un atelier de montage vidéo, à destination des apprenti·e·s (il s’agissait de la première année d’ouverture du master en apprentissage et cela concernait une dizaine d’étudiant·e·s). Dès lors, le syllabus cadrait ainsi le projet :

Pour les 50 ans du MLF, nous vous proposons de participer au concours Buzzons contre le sexisme organisé par Matilda, une plateforme collaborative qui permet d’échanger des idées et des réalisations et dont l’association v.ideaux est à l’initiative.

Croisant un travail d’enquête autour de l’héritage de celles qui ont lutté dans les années 1970 pour la cause des femmes et d’une réflexion sur les formes brèves audiovisuelles, la proposition est de réaliser une vidéo d’une durée maximum de 6’59 (générique compris) par groupe de 4 à 5 étudiant·e·s autour de cette période charnière de l’histoire des luttes pour les droits des femmes.

12Le premier confinement de 2020, lié à la pandémie de COVID-19, a engagé les enseignant·e·s à repenser leur manière de faire (Jorro, 2021). Si la dimension de témoignage était centrale et si la majorité des tournages avaient pu être réalisés avant le repli domestique, les cours de montage, eux, n’ont pu avoir lieu : ils nécessitaient en effet la prise en main de matériel disponible uniquement à la faculté que les modalités d’enseignement en distanciel ne permettaient pas. C’est donc « avec les moyens du bord » qu’une première expérience a pu être concrétisée.

13Dès le début, le projet s’est construit en partenariat avec Matilda éducation4, une association créée en 2017 dont le slogan est Vivre l’égalité. Des vidéos pour le plaisir d’apprendre. Les étudiant·e·s participent au concours annuel et doivent produire de courtes vidéos qui constituent des « briques pédagogiques » pouvant être mobilisées par de nombreuses personnes responsables de la formation. Pour les étudiant·e·s de l’Institut français de presse, cette participation donne un objectif de rendu, un cadre en matière de réalisation et de format (respect du droit à l’image par exemple), et le fait d’assister à la remise des prix parmi d’autres étudiant·e·s permet de prendre conscience de l’engagement des enseignant·e·s sur ces sujets. Systématiquement, depuis la première année du projet, un ou deux groupes que nous avons accompagnés ont été lauréats du concours.

14Cette première expérience ayant donné lieu à un investissement enthousiasmant à la fois par les étudiant·e·s et l’équipe pédagogique, nous avons souhaité reconduire le projet, alors même que la carrière de l’une des enseignantes évoluait. Dans ces conditions, comment maintenir, poursuivre, tout en adaptant l’intention pédagogique ?

15En 2020-2021, nous avons choisi les 50 ans du Manifeste des 343 comme objet d’enquête et ciblé le genre du portrait afin que chaque groupe mette en lumière une signataire. Un renouvellement de l’équipe pédagogique a conduit à repenser l’atelier de montage vidéo pour l’ouvrir plus largement à la valorisation des contenus sur les réseaux socionumériques avec l’enseignante vacataire, conseillère aux programmes numériques de France Culture, Camille Renard. La partie montage arrivait dans un deuxième temps. Bien que destinés aux étudiant·e·s en apprentissage, les ateliers ont systématiquement été ouverts à l’ensemble de la promotion, qui est venue dans son entièreté ou presque. Au sein des deux cours méthodologiques, nous souhaitions que le dispositif de l’enquête soit le creuset d’un investissement de méthodologies de recherche — qu’elles soient classiques ou plus innovantes, nous y reviendrons — et d’une mise en contact avec le monde professionnel. À titre d’exemple, au sein du cours Analyse des discours et des dispositifs médiatiques et culturels, la scénariste de la bande dessinée Le Manifeste des 343 : l’histoire d’un combat (2020), Adeline Laffite, est venue présenter son enquête et les modalités de mise en fiction de l’histoire. Elle a aussi participé au jury mis en place à la fin de l’année. Une restitution est en effet organisée devant un jury de professionnel·le·s et de chercheur·euse·s à chaque fin de projet : community manager d’un média, documentariste, historienne, muséographe… sont mobilisé·e·s pour donner leurs retours sur les vidéos montées par les étudiant·e·s, à qui nous demandons de réaliser des éléments de communication en vue de cette restitution, par exemple une affiche (fig. 1).

Figure 1. Exemples d’affiches réalisées par les étudiant·e·s pour la restitution devant un jury de professionnel·le·s et de chercheur·euse·s

Figure 1. Exemples d’affiches réalisées par les étudiant·e·s pour la restitution devant un jury de professionnel·le·s et de chercheur·euse·s

16La pandémie étant désormais quelque peu derrière nous, la visite des lieux de la recherche — en l’occurrence celle des archives à l’Institut national de l’audiovisuel (INA) — constitue, dès la deuxième année, un moment fort de l’enseignement Communication, genre et politique. C’est une étape à la fois de socialisation et de formation des apprenti·e·s chercheur·euse·s dans le secteur des médias. La continuité du cadre pédagogique tient par ailleurs à sa complexification constante. Cette année-là, les relations entretenues avec Matilda éducation ont permis la mise en valeur de l’ensemble des productions — et non seulement des vidéos primées — par la création d’une page dédiée, éditorialisant l’ensemble des portraits sous la forme d’une « mini-série » (fig. 2).

Figure 2. Page consacrée au projet sur Matilda éducation

Figure 2. Page consacrée au projet sur Matilda éducation

Matilda éducation, https://matilda.education/​mod/​page/​view.php?id=1443

17La troisième année, en 2021-2022, la thématique retenue a été celle des 50 ans du procès de Bobigny. Grâce à la disponibilité du personnel de l’INA, la présentation a pu être centrée sur la présence d’images du procès dans les collections. Du fait d’une nouvelle mutation professionnelle au sein de l’équipe pédagogique, le cadre a été repensé : désormais, nous sommes trois enseignantes investies à l’Institut français de presse dans ce projet dans deux ateliers à destination des apprenti·e·s et l’une dans le cours croisant les thématiques histoire et genre.

18Enfin — et nous ne développerons pas davantage cela, car nous nous centrons ici sur l’enquête précédente —, le projet continue aujourd’hui autour des 50 ans du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) et se prolongera en 2024 avec les 50 ans de l’adoption de la loi Veil. La figure 3 reprend ainsi ces différents temps pédagogiques.

Figure 3. Schéma reprenant les thématiques investies durant les quatre années du projet pédagogique ainsi que les différents cours et les enseignant·e·s mobilisé·e·s

Figure 3. Schéma reprenant les thématiques investies durant les quatre années du projet pédagogique ainsi que les différents cours et les enseignant·e·s mobilisé·e·s

Trois enseignements complémentaires en prise avec l’interdisciplinarité des études en communication

19Le procès de Bobigny est un événement médiatique qui a inspiré nombre de productions médiatiques et culturelles. La proposition faite à la promotion d’étudiant·e·s est de produire un « dispositif » — site Web, installation, événement, reportage… — y compris des vidéos d’une durée maximum de 6 minutes 59 secondes, générique compris comme évoqué supra, cette contrainte s’adaptant aux critères du concours imposés par Matilda éducation. Il s’agissait de réaliser un projet collectif dessiné par la classe entière autour des trois enseignements en trois temps. En effet, autour du procès de Bobigny, les ateliers ont encadré, en amont et en aval, le cours méthodologique qui se déroulait tout au long du semestre. Autrement dit, le projet a été rythmé très différemment par rapport aux deux années précédentes en ce qu’il a débuté par un « workshop » de trois jours au sein de l’atelier professionnel, qu’il s’est poursuivi par les aspects plus théoriques en cours méthodologique Communication, genre et politique s’étendant sur tout le semestre et qu’il s’est achevé par la réalisation concrète des vidéos en atelier montage débuté au milieu du semestre.

20Plus précisément, le projet a été lancé au sein d’un marathon créatif de trois jours de type hackathon. L’atelier professionnel au début du semestre, à destination des étudiant·e·s en apprentissage, avait pour but d’imaginer la postérité, dans l’espace public, du procès de Bobigny, en créant des dispositifs fictifs de médiation, de communication ou d’information. Pour cela, des équipes de quatre étudiant·e·s incarnaient des structures fictives : un média, une organisation militante, un lieu culturel ou une agence de communication. À ce stade, il et elles découvraient, entre autres, les productions médiatiques et culturelles ayant jalonné la mémoire de l’événement depuis cinquante ans.

21Ensuite, ces dispositifs ont été présentés à la promotion entière au sein du séminaire méthodologique Communication, genre et politique. À partir des idées déployées dans cet atelier, celui-ci visait à nourrir la réflexion pour la mise en place du projet de classe : une exposition incluant les vidéos à la bibliothèque Marguerite Durand et la création d’un espace de valorisation en ligne. Ce cours a articulé des enseignements autour de l’histoire des médias dans les années 1970 et du mouvement des femmes ainsi que des enjeux du procès de Bobigny. Deux séances ont porté sur les démarches biographiques et prosopographiques en histoire (autour de Gisèle Halimi et des féministes). Comme on peut le voir sur la figure suivante, l’intérêt pour nous est d’abord de donner accès aux étudiant·e·s non seulement aux espaces, mais aussi aux pratiques archivistiques, autrement dit au « goût » et au plaisir « d’aller aux archives » (Farge, 1989). La visite des magasins permet de les sensibiliser aux enjeux de la conservation et de la communication (centrale dans le projet d’exposition).

Figure 4. Visite des réserves de la Bibliothèque Marguerite Durand : vues extérieure et intérieure des compactus ; rayonnages de microfilms

Figure 4. Visite des réserves de la Bibliothèque Marguerite Durand : vues extérieure et intérieure des compactus ; rayonnages de microfilms

22Les méthodologies de recherche sur les questions de genre ont été présentées autour des différentes catégories d’archives : judiciaires (Archives nationales), médiatiques (présentation des fonds de la Bibliothèque nationale de France pour la presse et intervention en cours de l’INA sur l’indexation de leurs fonds), privées (visites avec les conservatrices de la Bibliothèque Marguerite Durand et travaux sur les inventaires [fig. 5]).

Figure 5. Présentation des archives de la Bibliothèque Marguerite Durand (agendas, meubles) aux étudiant·e·s lors d’une visite guidée

Figure 5. Présentation des archives de la Bibliothèque Marguerite Durand (agendas, meubles) aux étudiant·e·s lors d’une visite guidée

23Le questionnement en recherche s’est poursuivi par groupe autour de thématiques différentes. C’est au sein de cet enseignement que le projet a été dessiné, l’enseignante adaptant son programme et les intervenant·e·s en fonction des demandes des étudiant·e·s et de l’avancée du projet. L’interdisciplinarité constitutive des sciences de l’information et de la communication s’est ici bien retrouvée dans la diversité des approches successivement présentées par ces invitations.

24Enfin, une fois les directions prises, l’atelier de valorisation en ligne et de montage vidéo a permis aux étudiant·e·s de concrétiser leur enquête en réalisant des entretiens avec des expert·e·s (historiennes notamment), mais aussi des micros-trottoirs. La mise en forme des choix d’écriture a été interrogée pour les productions audiovisuelles, qui ont été présentées au sein d’une exposition à la bibliothèque au milieu de documents sélectionnés par les étudiant·e·s. Pour finir, ces dernier·ère·s ont mis en place un site Web5 pour valoriser leur production. La communication et la médiatisation des résultats de cette recherche vers le grand public se sont ancrées de nouveau dans le partenariat avec l’association Matilda.

25La restitution du projet devant un jury a été maintenue et a pris la forme, cette année-là, d’un vernissage d’exposition avec du public et le personnel de la bibliothèque.

26Il faut souligner que ce fonctionnement nécessite une grande adaptabilité de la part des trois enseignantes et une concertation entre elles tout au long du semestre. Des outils ont été mis en place pour permettre ces échanges : un espace en ligne ainsi qu’un syllabus commun, accessible aux étudiant·e·s et régulièrement mis à jour (fig. 6). L’ensemble des séances ne pouvait pas être totalement prévu, le rythme de l’enquête participant de la construction du contenu.

Figure 6. Feuille de route commune aux trois enseignements

Figure 6. Feuille de route commune aux trois enseignements

27Sur le fond, la complémentarité des trois enseignements est effective dans l’approche multifacettes de cette enquête : 1 / documentaire — avec un travail autour des archives —, 2 / sémiotique — sur les formes brèves audiovisuelles en circulation sur les réseaux socionumériques — et 3 / compétences pratiques — avec la mise en place d’un script et d’un storyboard, la prise en main de matériel de tournage et de logiciels de montage. Autrement dit, les méthodologies de l’enquête dans le cadre d’enseignements en communication, autour de problématiques liées au genre, sont choisies ici par leur intégration dans une étude du système médiatique. Les médias inscrivent en effet les rapports de genre et de domination genrée dans les représentations collectives. Leur analyse permet de débusquer un ordre spécifique de la domination (Garcin-Marrou, 2019). Par ailleurs, une attention particulière est portée non seulement aux méthodologies de recherche « utiles » pour la réalisation des mémoires des étudiant·e·s, mais aussi aux tâches qu’un·e jeune professionnel·l·e des médias peut mobiliser dans le cadre de son insertion dans le monde du travail. Nous tenons à nous ajuster aux promotions hybrides que constituent les étudiant·e·s du master 2 Médias, langages et sociétés, dont les ambitions se situent, certes, majoritairement dans une volonté d’intégrer des entreprises médiatiques comme celles de leur lieu de stage ou d’apprentissage, mais aussi, chaque année, de poursuivre en doctorat — ce master étant historiquement la formation conduisant à la recherche de l’Institut français de presse. En revanche, l’une des difficultés dans la réalisation de cette recherche-création a sans doute résidé dans le manque de formation initiale des étudiant·e·s à la médiation culturelle.

28Ainsi, l’interdisciplinarité propre aux sciences de l’information et de la communication se retrouve au cœur du projet qui invite à la fois à un regard historique, sémiotique, à un travail d’enquête de terrain et au déploiement de compétences journalistiques. Ce croisement disciplinaire n’est permis que par la mise en place d’un déroulé pensé en étapes. Ici, l’expérience de recherche-création permet de mobiliser les outils de la recherche pour élaborer un projet répondant à une demande sociale (autour des mémoires des féminismes) et aux attentes d’un « pseudo-client », la Bibliothèque Marguerite Durand, accueillant une partie des archives constituées et étant le lieu de l’exposition finale. La Bibliothèque n’est pas à proprement parler un « commanditaire » formulant une « commande » à laquelle les étudiant·e·s doivent répondre, elle est ici davantage pensée comme un « partenaire » professionnel qui permet la conceptualisation de la recherche en ouvrant la question de la médiation et celle de la restitution via des médias oraux et écrits. En tant que discipline, les sciences de l’information et de la communication permettent donc aisément d’associer les mondes de l’enseignement et de la recherche avec les milieux professionnels qui potentiellement peuvent accueillir les étudiant·e·s à la suite de leurs études.

Une pédagogie par projet : faire collectivement

29Au-delà de l’interdisciplinarité, deux autres principes structurent les objectifs pédagogiques : une pédagogie par projet ainsi que l’inscription dans une dynamique collaborative et une culture du faire.

30D’abord, la pédagogie par projet prend une place centrale dans l’expérimentation mise en place depuis le départ. Le modèle du « workshop » innerve l’ensemble des enseignements autour d’une même thématique, dans une forme de continuité entre eux. Cette dimension « atelier » est particulièrement présente au sein des « ateliers » à destination des apprenti·e·s, mais s’étend également aux activités de recherche menées en « cours méthodologiques ». En effet, si le premier atelier dit « professionnel » est saisi pour élaborer des étapes de « brainstorming », le second, plus axé sur les savoirs universitaires, permet d’aller à la découverte des archives, de la diversité de leurs supports, mais aussi des difficultés d’accès aux témoins.

  • 6 Museomix, https://museomix.org/, page consultée le 30 août 2023.
  • 7 Lucie Alexis a exposé sa méthode pédagogique au sein de séminaires comme Innovations pédagogiques d (...)

31Un autre principe constitutif du projet tient à la mise en place d’un cadre de travail collaboratif. Ici, la collaboration se fonde sur un objectif commun en matière de travail qui conduit les étudiant·e·s à monter un événement culturel. Autrement dit, tout est mis en place pour favoriser le déploiement des idées concrètement et faire en sorte que les envies de réalisation soient nourries par la recherche. Le projet est ainsi fait d’allers-retours constants entre ce qui est découvert au fur et à mesure et la réalisation est envisagée à l’instar de la méthode essai-erreur qui consiste à la mise en place de feedbacks. Il s’agit là d’un principe déployé au sein des méthodes dites agiles qui empruntent à la culture du faire analysée par Michel Lallement (2015). Plus précisément, au sein de l’atelier professionnel, nous nous appuyons sur la méthodologie de travail développée au sein de Museomix6, un marathon créatif pour les musées visant à développer de nouvelles médiations pour les publics et dont le slogan est People make museums. Les étudiant·e·s fonctionnent en mode « sprint », une modalité que nous avions définie comme un temps « entre émulation, aspect ludique et phase de prototypage » (Alexis, 2017). Cette méthode de travail en équipe pluridisciplinaire, repensée au départ pour le cadre pédagogique avec une équipe d’enseignant·e·s et de professionnel·le·s au Conservatoire national des arts et métiers (Petitgirard, 2018), nous l’avons améliorée au cours des années (Alexis, 2021)7. Le temps des ateliers est envisagé comme un facteur essentiel dans le processus de créativité qui entend s’épanouir dans la stimulation provoquée par la contrainte de temps et l’ambiance du collectif créée. L’objectif, durant les trois jours, est l’amélioration continue d’un prototype, permise par le suivi d’étapes et un déroulé précis, inspirés par les différentes phases du design thinking que nous avons réadaptées et que nous pouvons schématiser de la façon suivante :

Figure 7. Inspiration et adaptation à partir des différentes phases du design thinking

Figure 7. Inspiration et adaptation à partir des différentes phases du design thinking

32Après la présentation du projet, l’explicitation des attentes pédagogiques et des objectifs du « workshop », une phase dite d’idéation collective est mise en place pour faire émerger et générer un certain nombre d’idées, autrement appelée « brainstorming ». S’ensuit la mise en place d’équipes autour des structures fictives proposées et un travail de concrétisation de l’idée sélectionnée avec un objectif de présentation d’un « pitch » basé sur un scénario d’usage — outil visant à donner à voir le parcours d’un usager d’un dispositif — le deuxième jour devant la classe qui établit dès lors des retours dans la phase de « challenge ». Le troisième jour est rythmé par la préparation de la restitution devant un jury en fin de journée. Si ces méthodes sont souvent décriées, notamment du fait de leur terminologie indigène, elles suggèrent ici une manière de procéder aux étudiant·e·s qui diffère grandement de leurs méthodologies de travail au sein de leur formation universitaire et qui est de plus en plus utilisée dans les entreprises. Au cours des dernières années, elles ont été introduites dans de nombreuses formations courtes, professionnalisantes. L’une des particularités de ce projet est d’engager un groupe d’étudiant·e·s de niveau master dans cette démarche. De fait, il convient de l’adapter aux attentes du niveau de la formation, des étudiant·e·s, mais aussi des structures qui sont appelées à recruter de futurs managers. Ainsi, nous adoptons et conduisons les étudiant·e·s à adopter une posture critique vis-à-vis de ces termes circulant dans le monde professionnel — et répondant souvent à une forme d’injonction à l’« innovation » dans les organisations —, et que nous mettons ici entre guillemets pour marquer cette distance. Il ne s’agit dès lors pas d’embrasser ces méthodes de travail sans les questionner. Nous les adaptons ici afin de créer d’autres formes d’interactions entre étudiant·e·s et des manières de penser en créant. Les mots employés ici sont peut-être forts, mais l’idée est bel et bien d’envisager tout à la fois la mise en place de l’enquête et sa restitution.

33Nous ne rentrerons pas ici dans les détails des dispositifs imaginés lors de l’atelier professionnel, mais il a été question de la création d’un média, La Une — imaginé comme le pendant du 18 (fig. 8).

Figure 8. Présentation du média imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

Figure 8. Présentation du média imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

34Un autre groupe a imaginé un tiers-lieu militant rythmé par une programmation féministe (fig. 9).

Figure 9. Présentation du lieu culturel imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

Figure 9. Présentation du lieu culturel imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

35Les étudiantes ayant choisi de représenter une organisation militante ont de leur côté mené une performance réelle dans les rues parisiennes et ont pensé à un programme plus global (fig. 10).

Figure 10. Présentation du dispositif de l’organisation militante imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

Figure 10. Présentation du dispositif de l’organisation militante imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

36Enfin, l’agence de communication fictive a proposé un serious game mobilisant des images d’archives et retraçant les différents temps du procès (fig. 11).

Figure 11. Présentation du dispositif de communication imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

Figure 11. Présentation du dispositif de communication imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel

37Finalement, ce déploiement de la créativité a été particulièrement apprécié par les étudiant·e·s, et, même si tous les éléments des projets développés n’ont pas été utilisés, cette étape était fondatrice pour l’émergence d’un collectif qui allait se déployer tout au long du semestre.

38La complémentarité entre les enseignements s’est jouée dans les reprises, dans un cours donné, des éléments apportés par l’un ou l’autre cours. Le séminaire Communication, genre et politique a ainsi débuté par une autre assez longue phase de recherche d’idées pour cerner les acquis de l’atelier professionnel qui seraient réinvestis dans le cadre du projet de classe. Sur le tableau blanc (fig. 12), le groupe est réparti en deux équipes : l’une doit produire un site Web, l’autre est responsable de l’exposition pour la Bibliothèque Marguerite Durand. Chacune des deux équipes tourne deux vidéos dans le cadre de l’atelier montage. Le brainstorming a permis de voir quelles idées qui avaient surgi pendant le premier atelier professionnel (conçu comme déconnecté des contingences matérielles) pouvaient être réellement mises en place dans la suite du projet.

Figure 12. Tableau blanc du brainstorming au départ du cours méthodologique Communication, genre et politique

Figure 12. Tableau blanc du brainstorming au départ du cours méthodologique Communication, genre et politique

39Au bout du compte, le site Web a été présenté dans le cadre de l’exposition. La vidéo portant sur la vie de Marie-Claire Chevalier, sous forme d’un Draw my life, a été primée par Matilda éducation. Toutes ces productions restent en ligne grâce à la Bibliothèque Marguerite Durand9.

40Désormais, nous proposons d’expliciter davantage comment cette proposition pédagogique entend nourrir une réflexion méthodologique sur ce que l’enquête de terrain apporte aux objets hybrides de la recherche en sciences de l’information et de la communication, situés ici au croisement d’une démarche historique et d’une approche « sémio ».

Une mise en abyme de la médiatisation

41Le cadre pédagogique a permis un travail d’enquête qui prend de multiples directions : un terrain au sein des archives des féministes de la deuxième vague avec l’analyse des productions culturelles et médiatiques de différentes périodes, une campagne d’entretiens avec des militantes et des chercheuses ainsi qu’une réflexion scientifique sur les formes brèves audiovisuelles. Il s’agit ici d’analyser cette enquête à la fois documentaire (avec le dépouillement d’archives), sémiotique (autour de la mutation des formats audiovisuels), par entretien (avec le choix de leur mise en forme dans une production) et pratique (avec la création des vidéos).

Écrire l’histoire pour la médiatiser

  • 10 Le master Histoire publique a été créé à l’Université Paris-Est Créteil en 2015 par la Professeure (...)
  • 11 Sous l’influence de l’historien Robert Kelly, l’Université de Santa Barbara offre un cursus d’ensei (...)

42Sur le plan épistémologique, la démarche d’enquête adoptée ici peut être assimilée à de « l’histoire publique ». En France, ce terme s’est imposé il y a une dizaine d’années dans le paysage scientifique et de la formation10. Il s’agit de l’adaptation d’une pratique répandue depuis les années 1970 aux États-Unis et au Canada (Howe, 1986) : la diversification des formes de médiatisation de l’histoire est tout d’abord venue des milieux non scientifiques avant d’atteindre l’université (Comité de rédaction de la Revue d’histoire de l’Amérique française, 2003). Le retour réflexif sur les formes de « vulgarisation » des acquis scientifiques avait alors gagné les chercheur·euse·s avant d’être présenté aux étudiant·e·s dans certains cours, de devenir un champ d’études, puis de faire l’objet de véritables cursus de formation11. Il faut dire que le développement massif des projets à caractère historique dans les productions des industries culturelles a créé un appel d’air et la possibilité de nouveaux types de carrières pour les professionnel·le·s de l’histoire. C’est donc largement la pratique de cette discipline qui s’est démocratisée (Mazeau, 2020). Au-delà de l’animation des lieux et monuments historiques, les plateformes de séries, fictions et documentaires, l’industrie du jeu vidéo (Martin et Turcot, 2016), mais aussi de nombreux secteurs éditoriaux (bande dessinée, éditions jeunesse, podcasts…) se sont ouverts à des thématiques historiennes. Les passionnés d’histoire qui ont multiplié les chaînes sur YouTube sont parfois désignés comme « hist-orateurs ». Pour l’historien Guillaume Mazeau, les usages multiples du terme « histoire » n’en remettent pas en cause la légitimité, mais imposent de repenser ce qu’est l’histoire : « Et cette histoire qui triomphe ne saurait se limiter à l’histoire comme discipline scientifique. Elle la déborde, elle la submerge, elle l’inclut » (op. cit., p. 5). L’importance de la demande sociale oblige ainsi les historien·ne·s à un retour réflexif sur leurs pratiques.

  • 12 MUSEA propose par exemple depuis 2004 des expositions virtuelles sur l’histoire des femmes et du ge (...)

43Dans le développement de l’histoire publique, les travaux sur certains groupes sociaux et à partir de méthodologies précises ont souvent été privilégiés. Ainsi, l’histoire régionale, voire locale, a tôt trouvé ses références en histoire publique. Autour des pratiques des reconstituants, elle va aujourd’hui au-devant d’une demande sociale très dynamique (Bartholeyns, 2011). L’histoire publique permet la diffusion au plus grand nombre des dernières avancées scientifiques. En cela, elle est souvent l’occasion de montrer la place ignorée de certains groupes sociaux minoritaires, peu représentés dans l’écriture d’une histoire plus officielle. Josette Brun (2003) a ainsi souligné comment la place des femmes dans l’histoire du Québec avait été réévaluée dans le cadre des « Fêtes de la Nouvelle-France » au tournant du siècle. En France également, la médiatisation des acquis de l’histoire des femmes a fait l’objet de formes innovantes de diffusion dès le début des années 200012. Enfin, les « commémorations » ont très tôt été l’un des thèmes centraux en histoire publique : depuis la mission du Bicentenaire, présidée en 1989 par l’historien Jean-Noël Jeanneney, elles sont des moments de rencontre entre l’actualité de la recherche scientifique et la demande sociale, notamment en matière d’écriture du passé commun.

44Du côté des approches épistémologiques mobilisées, on peut souligner l’importance de l’histoire orale. Portée par l’effervescence du renouvellement des pratiques et des questionnements dans les années 1970, celle-ci a trouvé sa légitimité en France depuis les années 1980 (Joutard, 1983). Les campagnes d’archives orales ont permis d’écrire (ou de renouveler) l’histoire du travail, des femmes, de l’immigration, des pratiques culturelles populaires (Descamps, 2001). Ici, l’histoire orale est pratiquée dans une démarche collaborative. Une autre dimension essentielle de l’histoire publique est, en effet, qu’elle ne relève pas d’une écriture solitaire, mais d’échanges et de partenariats. Ces pratiques remettent de fait en question le rôle et l’autorité des chercheur·euse·s (Frisch, 1990). Elles les invitent à élaborer les supports et opérations de communication avec les institutions, associations, médias… amenés à présenter les résultats de la recherche. Faire se rencontrer histoire publique, histoire orale et histoire du mouvement féministe s’imposait donc dans le cadre de ce projet.

  • 13 Voir par exemple Collages Féminicides Paris (2021).

45La démarche d’histoire publique mise en place avec les étudiant·e·s rejoint le répertoire d’action des féministes et propose une nouvelle manière de l’éprouver. C’est également en ce sens qu’il s’agit d’une recherche-création, puisque les étudiant·e·s ont été invité·e·s à se saisir des pratiques militantes des groupes observés. Ainsi, dans le cadre de l’une des vidéos produites, un groupe d’étudiantes a pratiqué un collage sur la voie publique, reproduisant l’une des formes d’intervention contemporaines des féministes dans l’espace public13. Au-delà de la connaissance du mouvement étudié, il s’agit de s’approprier les ressorts des mobilisations. Dans l’exposition finale présentée à la Bibliothèque Marguerite Durand, plusieurs traces (photographies, extraits vidéo) de cette expérience créaient un lien entre enquêtrices et enquêté·e·s.

La forme brève : condenser l’information pour la répandre

46Ce projet a permis de faire entrer les étudiant·e·s dans une démarche de recherche en histoire publique, mais il les a aussi invité·e·s à problématiser leurs usages des vidéos de formes brèves. Depuis quelques années, et du fait de la visibilité des médias sur le Web, les nouveaux formats vidéo sont devenus une forme d’écriture médiatique particulièrement investie par les médias traditionnels, avant de stimuler la création de médias entièrement dédiés aux formats courts (Aubert, 2021).

47Dans le cadre de notre projet, une réflexion autour des formes brèves audiovisuelles accompagne la création des vidéos pour investir une approche critique des objets en circulation sur les médias numériques, et dans le but d’explorer les formes et les discours mobilisés par les médias traditionnels et en ligne. Sur les plans théorique et méthodologique, nous nous inscrivons dans l’approche « sémio » telle qu’elle est explicitée par Elena Mouratidou :

Autant une analyse qu’une posture, l’approche sémio se conçoit à travers la sémiotique, la sémio-pragmatique, la sémiologie et l’analyse du discours mobilisées selon la pratique communicationnelle observée et la pertinence analytique qui l’accompagne. […] Il ne s’agit pas d’une méthode à part entière, mais d’une démarche qui consiste à réunir autour d’un seul objet d’étude différents cadres théoriques et méthodologiques qui permettent d’interroger la mise en scène des processus communicationnels soumis à l’analyse (2020, p. 19-20).

48Ainsi, comme toute analyse « sémio », si une première étape consiste systématiquement à décrire l’objet étudié, il s’agit tout à la fois de déconstruire la manière dont sont pensées ces formes brèves investies dans le champ de l’information (Aubert, 2022 ; Périneau, 2013, 2016) et de s’adapter par là même aux consommations médiatiques des étudiant·e·s. Le but est ici de leur permettre de faire des choix de formats sciemment, en fonction de la matière qu’ils et elles récoltent, mais aussi de pouvoir expliciter ces choix du point de vue de la forme narrative choisie pour la vidéo et de la construction précise de chaque séquence. Pour cela, nous croisons de nouveau l’approche en termes de recherche avec des exigences professionnelles. Il s’agit en effet de s’inspirer de scripts professionnels, comme l’illustre la figure suivante.

Figure 13. Exemple de scripts professionnels transmis par Camille Renard

Figure 13. Exemple de scripts professionnels transmis par Camille Renard

49Cette réflexion élargie sur la construction sémiotique de formes brèves audiovisuelles s’associe à une connaissance des acteurs impliqués, et notamment de nouveaux médias comme Brut ou Konbini. Dans un second temps, les étudiant·e·s imaginent et réalisent leur vidéo au sein de l’atelier montage et ont le recul nécessaire pour s’adapter au paysage médiatique contemporain tout en ayant conscience du fait que les objets produits participent de la construction d’une mémoire. Les choix opérés — que nous ne détaillerons pas dans le cadre de cet article — participent de fait à la diffusion de l’information. L’expérience professionnelle de l’enseignante qui, en l’occurrence, œuvre pour un média de service public est absolument centrale dans l’accompagnement puisqu’elle offre aux étudiant·e·s la maîtrise des codes à respecter pour permettre de condenser une information vouée à être répandue.

50Ainsi, au cours de ce projet qui s’étend sur un semestre, notre ambition est de proposer aux étudiant·e·s des portes d’entrée vers les métiers de journalistes multimédias, de chercheur·euse·s, d’archivistes… En s’inscrivant dans une étude du système médiatique et en proposant un travail sur les méthodologies de recherche, cette démarche d’enquête a une visée d’insertion professionnelle claire et multiple.

De la recherche en action à une recherche-création

51Le projet relève donc d’une initiation à la recherche en sciences de l’information et de la communication par la mise en œuvre d’une recherche-création.

52Dans le cadre des séminaires donnés en cours méthodologique, les étudiant·e·s sont invité·e·s à explorer la littérature. On les convie à s’inspirer des productions autour du procès (pièces de théâtre, films, documentaires, bandes dessinées…) et à prendre en considération ces écritures médiatiques et culturelles antérieures. Le fait même que les questions de féminisme investissent des formats créatifs est d’ailleurs, en soi, une donnée importante du projet. L’exposition conçue par le groupe s’inscrit dans un continuum de productions informationnelles, voire artistiques visant à médiatiser le procès lui-même, ses enjeux, ses conséquences (notamment pour l’évolution de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse) dans les dernières années. Les parcours biographiques des actrices de l’événement (Gisèle Halimi, Simone Veil et, dans une moindre mesure, Marie-Claire Chevalier) sont devenues l’un des axes de narration récurrents, dont le groupe s’est ici emparé.

53L’une des particularités du projet est d’opérer un détournement d’usage des archives conservées à la Bibliothèque Marguerite Durand. Si elles ont bien été présentées et utilisées dans le cadre des enseignements comme matière première de l’écriture de l’histoire (fig. 14), elles deviennent objets de médiatisation, et ici d’exposition, à l’issue du projet.

Figure 14. Documents présentés aux étudiant·e·s lors de la visite : archives et bibliographie autour du procès de Bobigny

Figure 14. Documents présentés aux étudiant·e·s lors de la visite : archives et bibliographie autour du procès de Bobigny

54L’aspect création ne peut avoir lieu sans l’accompagnement vers des techniques de montage qui nécessitent un véritable apprentissage. Cette partie du travail est possible, car le master met à disposition le matériel de tournage et de montage (image et son). Au fil des années, le volume horaire consacré au montage a augmenté, pour permettre la finalisation d’objets de niveau professionnel. C’est la conseillère au numérique de France Culture, Camille Renard, qui prend en charge cet aspect du travail, avec celui autour du scénario de la vidéo.

55La création se poursuit avec le montage de l’exposition. Le partenariat avec la Bibliothèque Marguerite Durand offre un aspect que nous n’avons pour l’heure qu’effleuré : celui de la médiation muséale. Si l’élaboration de cartels et de matériaux d’exposition a d’ores et déjà fait l’objet de réflexion avec les étudiant·e·s (fig. 15), un travail plus précis autour de la mise en place d’un parcours visiteur adapté à un espace restreint (qui se doit aussi de rester silencieux et qui ne permet pas l’accueil de beaucoup de mobilier d’exposition) constitue une piste d’amélioration pour les projets futurs. Ces contraintes auraient en effet nécessité une observation et un travail de conception in situ plus réguliers, en plus du reportage réalisé lors de la première visite à l’aide de photographies. C’est donc un aspect à prendre en compte lors de la mise en place de ce type de projet : prévoir durant les séances des temps d’immersion dans le lieu d’exposition et permettre aux étudiant·e·s d’interroger les visiteur·euse·s (comme cela peut se pratiquer dans le dispositif Museomix), pour mieux comprendre la manière dont il est vécu et pratiqué.

Figure 15. Images du vernissage de l’exposition du 27 juin 2022

Figure 15. Images du vernissage de l’exposition du 27 juin 2022

56Par ailleurs, la transformation de l’enquête en exposition est indéniablement une belle occasion pour les étudiant·e·s. Pour cette partie du projet, ils et elles ont manqué de disponibilités : pris·e·s par la préparation des mémoires et la poursuite de leurs apprentissages en entreprise, ils et elles n’ont pas été spécifiquement réactif·ve·s pour le montage et le vernissage de l’exposition. Et par la suite, les étudiant·e·s auraient pu réaliser des entretiens avec le public de l’exposition, mais souvent ils et elles n’étaient plus présent·e·s à Paris au cours de l’été. En outre, la prise en compte des horaires de l’ensemble des participant·e·s est indéniablement un enjeu majeur de ce type de réalisation. Au-delà des emplois du temps, son montage nécessite de prendre en compte de manière fine la charge de travail des intervenant·e·s, sur une période longue de plusieurs mois. Enfin, pour les porteuses de projet, il est indispensable également de tisser et d’entretenir des liens forts avec les institutions partenaires et, dès le départ, de pouvoir compter sur l’appui des responsables de formation et la gestionnaire pédagogique. Ici, les ressources du master ont été mobilisées non seulement pour l’achat de matériel, mais aussi pour l’événement final, de manière importante.

57Avec cette expérience, il semble que l’on passe bien de la recherche en action à la recherche-création. En effet, l’enthousiasme des partenaires pour ces applications de la recherche prouve que la relation entre acteurs culturels, étudiant·e·s et enseignantes-chercheuses trouve une forme de félicité à travers les différentes étapes du projet. Ils nous attribuent du temps — par exemple, lors de la présentation des collections, du montage de l’exposition ou de la restitution —, tout comme le font les professionnel·le·s intervenant dans les cours ou présent·e·s au jury. C’est, finalement, tout un collectif qui se crée, qui co-construit et participe de la métamorphose de l’enquête en une recherche-création sous la forme d’une exposition.

Conclusion : vers un déplacement de nos manières d’être en recherche ?

58Ainsi le cadre de l’enquête proposé aux étudiant·e·s s’inscrit-il dans la diversité des langages offerts par les sciences de l’information et de la communication et recouvre un aspect multidimensionnel dû à la pluridisciplinarité portée par les membres de l’équipe pédagogique. Cette expérimentation, en constante évolution, croise donc une approche historique et sémiotique, et investit également des démarches de terrain. Entretiens, études de corpus par l’exploitation d’archives et d’analyses « sémio » et recours à des stratégies de mise en forme professionnelle constituent cette enquête que nous proposons d’appréhender comme « composite ». Pour Joëlle Le Marec (2002), une démarche composite invite à envisager une multiplication d’objets et de corpus, de choix méthodologiques et de champs d’investigation. À chaque objet, il convient dès lors de réfléchir aux méthodologies adaptées pour le traiter au sein d’une approche pluridisciplinaire. Par ailleurs, cette théorie entend favoriser les observations sur le terrain pour obtenir les paroles d’acteurs et comprendre les relations entre acteurs et objets. Cet ensemble d’éléments concourt à la mise en œuvre de notre « recherche-création pédagogique ». Autrement dit, ce type de projet est une initiation à la recherche par la recherche-création, les dimensions collectives et « actives » étant ici fondamentales. Il s’agit d’inscrire la démarche dans l’élaboration de l’histoire orale des féminismes. Le projet de médiation scientifique sous la forme d’une exposition ne tient par ailleurs que par la constitution d’une ligne éditoriale cohérente par l’ensemble des groupes basée sur une réflexion fine autour de la mutation des formats audiovisuels en circulation. Au bout du compte, l’un des objectifs de cette enquête collective a été d’exposer des documents dépouillés et d’élaborer sous forme de vidéos des ressources pédagogiques, et de les valoriser par l’intermédiaire du travail de médiation culturelle. L’expérience de l’enquête tient également aux rencontres avec des militantes et des chercheuses. Enfin, parce que les entretiens « bruts » sont déposés au sein des archives de la bibliothèque, ce projet entend participer à la constitution de ce patrimoine documentaire féministe.

  • 14 Pour reprendre le très beau titre de l’ouvrage d’Émilie Hache investi dans un tout autre contexte, (...)

59En outre, ce type d’actions pédagogiques est en lien étroit avec la demande sociale et les enjeux de la présence de la recherche dans l’espace public. La place des chercheur·euse·s comme expert·e·s dans les médias, mais aussi les modalités de diffusion des découvertes scientifiques en direction du grand public se sont révélées être des enjeux sociaux majeurs depuis la crise sanitaire. Si les projets étudiants consistant en la création de formes médiatiques et culturelles font florès au sein des instituts universitaires de technologie ou encore des licences professionnelles, la particularité de ce projet est bien de mettre au même niveau la dimension opérationnelle et les compétences déployées en recherche, dans le cadre d’un master indifférencié. Cette forme d’« inventivité » pédagogique, qui devient aujourd’hui de plus en plus la norme dans nos formations — preuve en est les injonctions multiples à répondre à des appels à projets —, est déjà très présente dans le secondaire. Certes, nous nous devons de les investir pour former nos étudiant·e·s et les conduire au plus près des exigences des mondes professionnels auxquels ils et elles souhaitent accéder, mais il nous revient également de résister pour continuer à faire de l’université un lieu de créativité et d’exigence. C’est pourquoi nous nous mobilisons pour faire en sorte que l’initiation à la recherche en sciences sociales soit en prise avec des innovations méthodologiques élaborées avec les étudiant·e·s, et que leurs projets soient en lien avec l’actualité de la recherche en sciences de l’information et de la communication. Enfin, les espaces éditoriaux pour rendre compte d’expériences pédagogiques à l’université restent encore restreints. Ce texte est là pour dire ce à quoi nous tenons14. Il est aussi un manifeste de la richesse de l’articulation, constitutives de nos universités, de l’enseignement avec la recherche. Car, en plus d’alimenter nos pratiques d’enseignantes, il est une base de réflexion pour envisager nos manières d’être en recherche dans le contact permanent avec le terrain, avec les institutions culturelles. Et, continuellement, avec les étudiant·e·s.

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Notes

1 Nous tenons à remercier vivement Frédéric Lambert, responsable du master « Médias, langages et sociétés » jusqu’en 2021, de son soutien tout au long de ce projet et Tristan Mattelart, pour nous permettre de le poursuivre.

2 Master Information, communication parcours médias, langages et société, Institut français de presse, https://ifp.u-paris2.fr/fr/formations/offre-de-formation/master-information-communication-parcours-medias-langages-et-societes, page consultée le 22 mars 2023.

3 Le design thinking est un « processus [qui] concourt à l’élaboration et à la validation d’une ou de plusieurs solutions répondant à un ou plusieurs problèmes d’un ensemble de personnes qui partagent des caractéristiques communes. […] Le Design Thinking est donc une méthode de conception et d’innovation focalisée sur l’humain » (Artois et Dehon, 2022, p. 87).

4 Matilda éducation, https://matilda.education/, page consultée le 22 mars 2023.

5 Site Web conçu par les étudiant·e·s, https://50ansprocesbobigny.wixsite.com/website/vidéos?utm_source=email&utm_campaign=juillet_aot_2022, page consultée le 17 septembre 2023.

6 Museomix, https://museomix.org/, page consultée le 30 août 2023.

7 Lucie Alexis a exposé sa méthode pédagogique au sein de séminaires comme Innovations pédagogiques du laboratoire CARISM du 2 avril 2021. Titre de l’intervention : « Médiation culturelle et atelier professionnel : les “marathons créatifs” ».

8 Le 1 Hebdo, https://le1hebdo.fr/, page consultée le 30 août 2023.

9 Bibliothèques spécialisées et patrimoniales de la Ville de Paris, https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/decouverte/focus/le-proces-de-bobigny-a-50-ans-exposition, page consultée le 30 août 2023.

10 Le master Histoire publique a été créé à l’Université Paris-Est Créteil en 2015 par la Professeure Catherine Brice.

11 Sous l’influence de l’historien Robert Kelly, l’Université de Santa Barbara offre un cursus d’enseignement Public History depuis 1976.

12 MUSEA propose par exemple depuis 2004 des expositions virtuelles sur l’histoire des femmes et du genre, https://musea.univ-angers.fr/bienvenue, page consultée le 17 septembre 2023.

13 Voir par exemple Collages Féminicides Paris (2021).

14 Pour reprendre le très beau titre de l’ouvrage d’Émilie Hache investi dans un tout autre contexte, l’écologie.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Exemples d’affiches réalisées par les étudiant·e·s pour la restitution devant un jury de professionnel·le·s et de chercheur·euse·s
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-1.png
Fichier image/png, 742k
Titre Figure 2. Page consacrée au projet sur Matilda éducation
Légende Matilda éducation, https://matilda.education/​mod/​page/​view.php?id=1443
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-2.png
Fichier image/png, 196k
Titre Figure 3. Schéma reprenant les thématiques investies durant les quatre années du projet pédagogique ainsi que les différents cours et les enseignant·e·s mobilisé·e·s
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-3.png
Fichier image/png, 255k
Titre Figure 4. Visite des réserves de la Bibliothèque Marguerite Durand : vues extérieure et intérieure des compactus ; rayonnages de microfilms
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-4.png
Fichier image/png, 2,4M
Titre Figure 5. Présentation des archives de la Bibliothèque Marguerite Durand (agendas, meubles) aux étudiant·e·s lors d’une visite guidée
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-5.png
Fichier image/png, 1,8M
Titre Figure 6. Feuille de route commune aux trois enseignements
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-6.png
Fichier image/png, 776k
Titre Figure 7. Inspiration et adaptation à partir des différentes phases du design thinking
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-7.png
Fichier image/png, 15k
Titre Figure 8. Présentation du média imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-8.png
Fichier image/png, 188k
Titre Figure 9. Présentation du lieu culturel imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-9.png
Fichier image/png, 581k
Titre Figure 10. Présentation du dispositif de l’organisation militante imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-10.png
Fichier image/png, 682k
Titre Figure 11. Présentation du dispositif de communication imaginé par l’un des groupes lors de l’atelier professionnel
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-11.png
Fichier image/png, 512k
Titre Figure 12. Tableau blanc du brainstorming au départ du cours méthodologique Communication, genre et politique
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 137k
Titre Figure 13. Exemple de scripts professionnels transmis par Camille Renard
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-13.png
Fichier image/png, 290k
Titre Figure 14. Documents présentés aux étudiant·e·s lors de la visite : archives et bibliographie autour du procès de Bobigny
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-14.png
Fichier image/png, 1,6M
Titre Figure 15. Images du vernissage de l’exposition du 27 juin 2022
URL http://journals.openedition.org/communication/docannexe/image/18214/img-15.png
Fichier image/png, 1,2M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Lucie Alexis et Claire Blandin, « Enquêter pour exposer »Communication [En ligne], vol. 40/2 | 2023, mis en ligne le 14 décembre 2023, consulté le 21 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/communication/18214 ; DOI : https://doi.org/10.4000/communication.18214

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Auteurs

Lucie Alexis

Lucie Alexis est Maîtresse de conférences à l’Université Grenoble Alpes, au sein du GRESEC, à l’Institut de la Communication et des Médias, et chercheuse associée au CARISM (Université Paris-Panthéon-Assas). Courriel : lucie.alexis@univ-grenoble-alpes.fr

Claire Blandin

Claire Blandin est Professeure des Universités à l’Université Sorbonne Paris-Nord au sein du LabSIC EA 1803. Courriel : claire.blandin@sorbonne-paris-nord.fr

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Droits d’auteur

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