1Médias dits sociaux ou médias dissociants ? est un ouvrage de 189 pages, composé de 9 chapitres, publié aux éditions De Boeck Supérieur à Bruxelles en novembre 2020, par Philippe Viallon et Elizabeth Gardère. C’est un excellent outil pour comprendre le concept des médias sociaux qui englobe non seulement « les plateformes, mais aussi les forums et blogs ainsi que les sites Web » (p. 12).

2Après une brève introduction portant sur des notions théoriques relatives à la communication numérique, les auteurs abordent, dans le premier chapitre, « l’évolution des médias et réseaux sociaux » (p. 15) depuis les prémices, aux alentours de 1960, aux années 2020 (p. 28). Cet exercice offre un double avantage au lecteur lambda. Cela lui permet non seulement de s’approprier les mutations marquant l’histoire de ces médias et réseaux sociaux, mais aussi d’appréhender comment l’appellation « médias sociaux » s’est imposée pour désigner les plateformes numériques d’information.

3Dans le deuxième chapitre, Viallon et Gardère abordent « l’écosystème des réseaux sociaux » (p. 31) comme l’ensemble des études relatives aux « relations réciproques entre l’homme et son environnement moral, social, économique » (p. 31). Pour assurer une meilleure compréhension de ces études, les auteurs confrontent « l’histoire des théories des sciences de l’information et de la communication (SIC) aux théories qui les ont précédées » (p. 31). Ce syllogisme a le mérite de montrer « la sociabilité » (p. 41) et la construction individuelle de la réalité, à travers les études qui ont précédé la naissance et l’essor des réseaux sociaux. Il constitue « un éclairage intéressant » (p. 41) d’appréhension du monde des médias sociaux dans sa forme actuelle.

4Le troisième chapitre traite des rapports entre « réseaux sociaux et écologie environnementale ». Les auteurs essaient de comprendre si le développement des médias sociaux « augmente l’empreinte de l’être humain sur son environnement » et si cela « favorise le réchauffement climatique ou bien permet au contraire d’économiser de la production de CO² » (p. 45). On retient du chapitre qu’il existe des besoins énormes en énergie aussi bien pour « les réseaux » (p. 46) que pour « les serveurs » (p. 47). De la même manière, « les effets du développement permanent de la technique et de la croissance des usages » (p. 48) ont un effet nuisible sur l’environnement. Toutefois, les auteurs mettent en avant trois « aspects positifs des médias sociaux sur l’environnement » (p. 49). Tout d’abord, il existe des applications mobiles permettant d’économiser de l’énergie. Deuxièmement, les médias sociaux contribuent à la diminution des productions du CO², puisqu’ils constituent « une alternative aux déplacements non obligatoires » (p. 50). Troisièmement, ils assurent « le confort et le plaisir sans la pollution » (p. 51). Les auteurs concluent que le respect de l’environnement à travers l’usage des médias sociaux ne peut se faire sans la responsabilité collective et individuelle « des entreprises, gouvernements et citoyens » (p. 53).

5Le quatrième chapitre, « Entre réalité et virtualité, communiquer autrement », interroge les rapports entre les médias sociaux et la temporalité que les auteurs qualifient de « fragmentée », d’« instantanée », de « désynchronisée » (p. 56). Il est question aussi des rapports que ces médias sociaux entretiennent avec l’espace présenté comme « éclaté », « disloqué » et « recomposé » (p. 58). Ce chapitre aborde par ailleurs la relation entre « le réel et le virtuel » (p. 62), « l’information et la communication » (p. 64), « les relations privées et sociales » et « l’individualisme et la culture participative » (p. 69).

6« L’économie des médias sociaux » est au cœur du cinquième chapitre. Les auteurs avertissent qu’il ne s’agit pas de « dresser un tableau exhaustif » (p. 71) de l’économie des médias sociaux et du numérique, mais plutôt de « décrire les modifications importantes que les médias sociaux ont apportées dans les échanges économiques » (p. 72). Des notions relatives au « modèle économique » des médias sociaux sont donc largement abordées, ce qui offre au lecteur une excellente compréhension. On en retient essentiellement l’économie « du bien commun » (p. 73), « de partage » (p. 73), « du clic » (p. 76), « de la donnée » (p. 78), de « la confiance » (p. 80) et de « la connaissance, du savoir des biens immatériels » (p. 82).

7Le sixième chapitre souligne les « usages déréglés et réglementations » (p. 85) des réseaux sociaux. Après avoir mis en évidence le contexte juridique qui cadre l’utilisation des médias, les auteurs évoquent la difficulté des pouvoirs publics à « réguler les usages numériques des médias comme des réseaux sociaux » et l’insuffisance des réglementations pour « sociabiliser les pratiques » (p. 91). Partant de ces problèmes de sociabilisation des pratiques, le septième chapitre, « Vers une citoyenneté régulée des médias et réseaux sociaux » (p. 99), présente les initiatives de régulation des internautes qui essaient d’instaurer un « double système de décision » basé sur deux dimensions, l’une cherchant à « maximiser » la « sociabilité », la « position » par rapport aux auteurs internautes, et l’autre à « conserver les valeurs primordiales du groupe » (p. 110). Tout en soulignant les limites de cet « idéal de régulation sociale et citoyenne des médias et réseaux sociaux » (p. 112), les auteurs proposent une « approche systémique » qui non seulement « offre une analyse linéaire », mais aussi peut « contribuer à la régulation par les contributeurs » et chercher à « comprendre en quoi une dysfonction peut servir de régulation » (p. 113).

8Le huitième chapitre aborde les usages des « médias et réseaux sociaux en entreprises » (p. 115). Viallon et Gardère montrent que les réseaux sociaux constituent pour les entreprises un « relais de communication » (p. 116). S’appuyant sur la dichotomie entre « l’entreprise réelle » et « l’entreprise virtuelle », ils présentent le fonctionnement des « réseaux sociaux professionnels » et expliquent le processus de transition du « citoyen » à « l’entreprise » (p. 124) induit par « un mode directif à un mode collaboratif » (p. 127).

9Le neuvième et dernier chapitre de l’ouvrage aborde les nouveaux « métiers » issus du « développement des médias sociaux » (p. 129). Cinq de ces métiers sont mis en évidence : l’informatique (p. 131), l’information documentation (p. 134), la communication (p. 137), le marketing (p. 138) et la formation (p. 139).

10La conclusion de l’ouvrage suggère aux utilisateurs des médias sociaux « le virage à prendre et non à négocier » (p. 145) pour mieux faire face à la croissance du modèle économique (p. 146) engendré par les médias sociaux, au « délitement du lien social » (p. 147), à la liberté d’expression (p. 149) et à la « régulation et/ou la réglementation » (p. 149). Pour finir, les auteurs répondent à la question formulée dans le titre de l’ouvrage. Pour eux, les médias sociaux sont de véritables « contributeurs du réseau social » (p. 152) et de ce point de vue, ils ne sont pas dissociants, bien au contraire.

11Médias dits sociaux ou médias dissociants ? est inéluctablement un important outil didactique, pédagogique et professionnel. En effet, l’ouvrage peut être un réservoir d’informations pour l’enseignement des médias sociaux en pleine mutation. Les étudiants de licence, du master et du doctorat pourront aussi y puiser d’importantes connaissances dans le cadre de leur formation académique. De leur côté, les entreprises pourront elles aussi trouver des clés pour dynamiser leur communication numérique et renforcer leur notoriété en ligne.

12S’il est vrai que l’ouvrage présente beaucoup d’atouts, il n’en demeure pas moins que sur le plan scientifique, certaines attentes ne sont pas comblées. En effet, les auteurs n’abordent la question relative aux approches méthodologiques et au traitement d’un corpus numérique issu des médias sociaux.