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1Comment comprendre l’évolution de l’administration française au prisme d’un regard communicationnel ? Ce questionnement est à l’initiative de cet ouvrage collectif dirigé par Elizabeth Gardère et Dominique Bessières. Il est justifié par le constat que « la communication constitue un signe croissant des nouveaux modes de fonctionnement des organismes publics, mais également une marque de plus en plus forte d’une préoccupation affichée d’efficacité dans l’action publique » (p. 24).

2Dans une première partie, Elizabeth Gardère aborde ce « nouvel esprit de l’action publique » en montrant que les sphères publiques et privées « cohabitent » dans une dynamique où l’individu est placé au centre, amenant l’action publique à s’adapter à ce dernier. Dans la continuité, Dominique Bessières souligne le caractère hybride de cette communication proche de la sphère politique. Incarnant un « apanage du pouvoir » (p. 57), celle-ci place le citoyen souvent en retrait dans une répartition inégalitaire. Dans ce contexte, le communicant peut être considéré comme manager. Il occupe une position de relais et participe à la création de l’image de l’institution et aux maintiens du consensus. Enfin, ces logiques sont illustrées par Marie-Hélène Hermand et Nadège Broustau avec le cas de la communication transfrontalière qui nous renseigne aussi sur la difficulté de faire connaître des régions relativement artificielles.

3Dans une deuxième partie sont étudiés des projets d’action publique et collective s’accompagnant de « dispositifs organisationnels de communication » (p. 90). Malgré les différents terrains abordés, les auteurs ont en commun de questionner les modalités d’organisation de l’action publique et le rôle de la communication. Dans le domaine de la santé, Clément Gravereaux et Sylvie Alemanno abordent ainsi la communication publique comme un dispositif conditionnant des changements de formes et de normes pour les organisations hospitalières, en même temps qu’un outil pour les instances coordinatrices. Les systèmes d’information redéfinissent plus particulièrement ici la notion de qualité des soins, en favorisant une déshumanisation de la relation patient-soignant. Ensuite, l’analyse de cet objet de recherche – la communication dans les modalités d’organisation de l’action publique – se poursuit avec Esther Briend et Hélène Jeannin par l’étude de la mise en œuvre d’îles flottantes artificielles. Sont analysées ici, d’une part, la communication persuasive et, d’autre part, les nouvelles gouvernances impliquant une tentative de redistribution des rôles entre collectifs d’individus, entreprises, villes, État et citoyens. Ces perspectives sont prolongées avec Rachid El Bazzim sur le terrain du conseil de la concurrence au Maroc, faisant ressortir une autre gouvernance dysfonctionnelle et des controverses révèlant une appropriation délicate.

4Au-delà de la singularité des contextes étudiés, le lecteur comprend l’hétérogénéité des mutations auxquelles sont confrontés les organismes publics et les nouveaux enjeux d’adaptation conduisant la maîtrise de la communication à devenir plus encore une exigence. Il apparaît clairement à l’issue de cette lecture que le cadre amplifié de gouvernance et de modernisation, associant une pluralité d’acteurs dans l’action publique – au niveau local ou national –, profite au déploiement de divers dispositifs de communication, comme aux communicateurs. Dans ces conceptions de l’action publique, les partenariats – avec des acteurs privés ou diverses figures d’usagers – doivent en effet être coordonnés par de nouveaux modes d’organisations où la communication publique joue un rôle essentiel.

5Cependant, si les différentes contributions offrent – grâce à la composition éditoriale de l’ouvrage – une démonstration convaincante pour saisir les rôles de la communication publique moderne aux fins de visibilité, de fonctionnement et de légitimation de l’action publique, certains lecteurs pourront regretter un caractère inachevé par l’absence de conclusion. Une synthèse permettrait de mieux capitaliser sur les acquis de recherche des auteurs, en ouvrant notamment une discussion sur les éléments de convergence ou de divergence des communicateurs dans les différents domaines publics concernés. Cette discussion semble aussi judicieuse pour resituer l’hétérogénéité des études de cas au sein du questionnement central des coordinateurs de l’ouvrage relatif aux mutations de l’action publique, sur un temps plus long. Il conviendrait de revenir davantage sur le glissement d’un modèle issu d’un modèle managérial dominant – par opposition à un ancien paradigme bureaucratique – ainsi que sur l’hybridité des modèles de communication à l’œuvre, que l’on peut retrouver dans des contextes professionnels publics ou privés. En l’état, l’alternance entre échelles d’observation – macro avec l’analyse des différentes vagues de modernisation du management public et méso ou micro avec les analyses empiriques de situations – laisse cet argumentaire bien amorcé en suspens, pour provoquer une certaine discontinuité dans la réflexion. Au lecteur donc de se faire son propre parcours de lecture pour en tirer ses enseignements sur de nombreux enjeux, qu’ils soient démocratiques, institutionnels ou organisationnels dans une société en proie à la modernisation et à la numérisation.