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Recensions

LIBAERT Thierry, 2020. Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète

Paris : Éditions le Pommier. Collection « Hors collection ». ISBN : 978-2-7465-1981-7, 15 €
Amandine Lebrun
p. 191-193
Référence(s) :

Thierry Libaert, 2020. Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète. Paris : Éditions le Pommier. Collection « Hors collection ». ISBN : 978-2-7465-1981-7, 15 €

Texte intégral

1Cet ouvrage ouvre des voies sans donner de solutions toutes faites et étudie de façon croisée les problématiques environnementales du point de vue de la communication. L’objectif ? Faire un état des lieux de la crise communicationnelle de l’urgence climatique (chapitres 1 à 3). Faire ensuite un pas de côté face aux poncifs éculés où la jeunesse serait un moteur de l’action climatique, où l’imaginaire néo-libéral serait inébranlable et la communication environnementale toujours mal adaptée (chapitres 4 à 7). Souffler enfin dans le sens des vents, vers de nouvelles modalités de communication environnementale (chapitres 8 et 9).

Comprendre

2Les études scientifiques, économiques et les émissions télévisées grand public sont pléthores et le constat dramatique paralyse. L’empilement des dispositifs communicationnels épars crée du désintérêt, de la résignation, voire de l’exaspération des acteurs politiques et économiques (chapitre 1). Cela mène à l’inaction de tous, transformant les acteurs en citoyens-consommateurs. Le choix de l’éco-responsabilité n’est pas accessible à tous pour des raisons économiques, culturelles et d’accès à une compréhension effective des informations. C’est pourtant de cette émancipation intellectuelle que dépend la possibilité de faire des choix éclairés. Cette condition n’étant pas satisfaite pour un grand nombre de personnes, il est impossible de décider et donc d’agir.

3Thierry Libaert interroge dans le chapitre 2, l’éloignement spatial et temporel de l’urgence environnementale ainsi que le mythe technologiste qui gênent sa conscientisation par des citoyens qui, finalement, ne représentent rien dans la balance du changement climatique. La responsabilité est déplacée vers les entreprises et gouvernements qui n’agissent que trop peu. La dissonance cognitive entre places de citoyen et de consommateur se retrouve dans les représentations contradictoires face aux actions effectivement réalisées. Elle fait écho avec la guerre des informations renforçant le flou général, alors que le marketing s’en mêle et alimente les débats au détriment de l’agir individuel et collectif.

4Quelles capacités de décision effective reste-t-il ? Cela nécessiterait d’intégrer la complexité du sujet, sa dimension écosystémique et dynamique et ce n’est pas une épistémologie habituelle. Le défi réflexif et pédagogique est immense et c’est en se penchant sur la théorie du colibri que Thierry Libaert l’adresse. Il souligne ainsi que c’est vers les modalités agissantes individuelles et collectives, le rapport à l’altérité, les manières d’être au monde qu’il faut se tourner.

Déconstruire

5Thierry Libaert débute son travail de déconstruction avec une assertion : « la jeunesse sauvera la planète (...) » (p. 69). Si les actions militantes, les prises de parole des jeunes sont mises en lumière par les médias et les politiques, que sont « les jeunes » ou « les français » au regard d’une compréhension fine de la complexité des enjeux environnementaux et de leur appropriation effective par les collectifs ? Ils seraient plus nombreux à plébisciter des pratiques autoritaires face à l’urgence environnementale. Cela fait écho au manque d’encapacitation évoqué plus tôt, et résonne avec « l’imaginaire de la croissance » abordé au chapitre 5. L’auteur y oppose communication de la transformation et marketing. Il relie l’imaginaire néo-libéral à son outil d’influence : la publicité qui, au service de la consommation, invente un récit du bonheur consumériste bien ancré. Thierry Libaert dépasse la question de la régulation et de la remise en question de la publicité. Il interroge l’utilisation répétée des mêmes outils dont on sait ce qu’ils produisent alors même que l’on recherche le changement.

6Le chapitre 6 s’attarde sur ceux qu’on veut mobiliser. L’auteur évoque la piste biologique pour expliquer l’inaction, ainsi que la défiance envers les politiques et le pessimisme concernant l’avenir… Alors qu’envisager sérieusement les difficultés, sans extrémisme ou affects, les comprendre précisément, identifier les causes et accepter les conséquences permettraient de réagir rationnellement et, plus important encore, collectivement.

7Mais pour l’auteur, il reste difficile de sortir du dilemme du prisonnier, là où Elinor Ostrom et les chercheurs intéressés par les modalités de l’action collective, nous disent que ce dilemme ne prend sens qu’en cas d’absence de relations, de confiance et de communication pour s’organiser collectivement en intégrant l’altérité. Thierry Libaert s’intéresse au processus de mobilisation dans la communication et relativise le poids de l’information, le concept de cibles. Ici l’objectif n’est pas de déclencher un acte d’achat mais de se confronter à la complexité de la problématique pour transformer les manières d’être au monde.

8Ce sont les manières de la communication que l’auteur questionne. Il recommande de considérer les personnes dans les interrelations, le temps long de la vie, la récurrence du quotidien et la proximité de l’expérience sensible. Il valorise les démarches d’essai-erreurs qui facilitent l’identification à des figures proches et encourage l’authenticité des discours associés aux actes ordinaires appropriables. Reprenant l’exemple de la stratégie de communication du GIEC, Thierry Libaert souligne l’absence de dimension politique dans le traitement médiatique et communicationnel de l’urgence environnementale, catastrophiste et spectaculaire (chapitre 7).

Soufflent les vents

9Le chapitre 8 étudie la dimension communicationnelle de l’encadrement de l’obsolescence programmée par la Commission Européenne, la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et la crise de la Covid-19. Les deux premiers ont en commun de s’appuyer sur des stratégies visant à contourner la thématique environnementale en intégrant la complexité tout en redirigeant la question vers le collectif : quels sont les besoins, les intérêts du groupe ? Vers quoi veut-il se projeter ? Que ce soit pour un type de société ou pour une image qualitative, cela permet de mobiliser vers un idéal partagé, des valeurs fortes et fédératrices tout en laissant place à la dimension politique. L’auteur dessine alors un ensemble de processus à expérimenter ; des vents inspirants (chapitre 9) dont les plus importants paraissent être de :

  1. Favoriser le concernement des personnes. Se sentir concerné est un point de départ pour envisager des changements comportementaux. Mais pourquoi ne pas aller du côté du concernement qui, au-delà de l’attention à un message, consiste à s’en approprier le contexte, le contenu et les conséquences, de s’identifier et ainsi de s’encapaciter ? Alors, la rencontre avec l’action publique est possible pour les personnes devenues acteurs d’une communauté. C’est remettre du politique au cœur de la question environnementale et ainsi ouvrir vers la transformation collective.

  2. Inventer de nouvelles représentations communes et aimables par un récit alternatif aux imaginaires hégémoniques : regarder vers un idéal, redonner du sens à l’action collective autour des notions de bien-être, de justice, de ralentissement, de bonheur, de relations à l’altérité humaine et non-humaine… La narration doit s’adapter aux spécificités culturelles, à l’échelle du quotidien, à un langage proche et accessible. Elle doit pouvoir créer de l’émotion pour ramener du sensible au débat, favoriser l’appropriation des enjeux pour aller vers le collectif et des valeurs partagées.

10Le travail méthodique de Thierry Libaert est plus radical qu’il n’y paraît. Il guide le lecteur vers une approche différente de la communication, tant sur le fond que sur la forme et ses modalités d’émergence. Si la communication ne fait pas tout, elle soutient pensées, représentations, imaginaires. Or comment changer les imaginaires sans changer de communication ? C’est bien ce qui est proposé ici. Mais le plus inspirant reste d’expérimenter pour inventer collectivement un autre horizon à nos sociétés : « ce rêve, ce futur souhaitable et possible, une nouvelle utopie que nous devons collectivement écrir » (p. 202). Des vents nous portent désormais…

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Pour citer cet article

Référence papier

Amandine Lebrun, « LIBAERT Thierry, 2020. Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète »Communication et organisation, 62 | 2022, 191-193.

Référence électronique

Amandine Lebrun, « LIBAERT Thierry, 2020. Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète »Communication et organisation [En ligne], 62 | 2022, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 23 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/11707 ; DOI : https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.11707

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Auteur

Amandine Lebrun

Amandine Lebrun est doctorante en Sciences de l’information et de la communication au laboratoire TransitionS (EUR Odysée, ED SHAL) de l’Institut méditerranéen du risque, de l’environnement et du développement durable de l’Université Côte-d’Azur. Son travail de recherche porte sur l’imaginaire des communs dans les tiers-lieux et interroge leur potentiel de transformation pour les territoires d’un point de vue communicationnel.

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Droits d’auteur

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