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RECENSIONS

Marie GARRAU, Politiques de la vulnérabilité

Paris : CNRS éditions, 2018
Eloria Vigouroux-Zugasti
p. 225-227
Référence(s) :

Marie GARRAU, Politiques de la vulnérabilité. Paris : CNRS éditions, 368 p., 2018. ISBN 978-2-271-09080-5, 25 €

Texte intégral

1La notion de vulnérabilité, depuis plusieurs années, tend à être fortement présente, pour ne pas dire omniprésente, dans les discours sociaux et politiques. Malgré tout, l’analyse de l’utilisation de ce terme révèle son caractère particulièrement plurivoque, soumis aux objectifs argumentaires et oratoires de l’énonciateur. Les questions liées à sa définition ou encore à ses implications politiques et morales demeurent peu étudiées.

2Le livre présenté dans le cadre de cette recension, Politiques de la vulnérabilité, consacre quelques centaines de pages à ces questions. Structure d’existence commune, la notion de vulnérabilité reste, dans la société actuelle, influencée par des critères régissant une organisation sociale et politique. Marie Garrau propose d’appréhender les perspectives philosophiques, politiques et sociologiques de la notion polysémique de vulnérabilité, afin de mettre en lumière la fragilité commune à l’ensemble des individus et la nécessaire lutte contre les processus sociaux inhérents à l’intensification de ce phénomène.

3L’ouvrage se compose de trois parties. La première est consacrée aux approches philosophiques de la vulnérabilité comme structure commune d’existence. Il présente, tour à tour, plusieurs approches de la vulnérabilité, en la rapprochant de grands travaux philosophiques, en commençant par la pensée de Martha Nussbaum. À ce chapitre suit celui consacré aux contributions de Joan Tronto sur l’éthique du care, à la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth, pour finir sur une partie synthétisant les propos et suggérant une nouvelle conception du sujet moral et politique.

4La seconde partie est dédiée aux approches sociologiques de la distribution inégalitaire de la vulnérabilité. Elle se répartit en trois chapitres, abordant respectivement la vulnérabilité à travers les notions de désaffiliation, de disqualification sociale et enfin des rapports sociaux de domination. La troisième et dernière partie étudie, dans deux chapitres, l’apport du républicanisme contemporain à la politique de la vulnérabilité. Le premier est consacré à l’évolution de l’idéal républicain, allant de la promotion de la non-domination à celle des conditions de l’autonomie. Le second et dernier chapitre de l’ouvrage explore l’instauration de la citoyenneté républicaine par le prisme des perspectives institutionnelles.

5Le point faible de l’ouvrage repose sur la mise sous silence de certaines figures représentatives des travaux sur la vulnérabilité sociale, sur la xénophobie, le racisme ou encore le militantisme social. Les travaux de Judith Butler, théoricienne du genre, de la précarité et figure de proue du féminisme, sont absents de cet ouvrage, malgré leur importance dans l’appréhension de la notion de vulnérabilité. Parti pris ou souci d’homogénéité, l’absence de certains thèmes, travaux et auteur-e-s mériterait un tome complémentaire.

6Ce point faible n’est malgré tout pas préjudiciable au reste de l’ouvrage. Du point de vue de la forme, l’ouvrage présente une structure fort pertinente et agréablement organisée ; il accompagne le lecteur de manière très pédagogique. La répartition des parties en thématiques et leur déclinaison en chapitres présentent l’avantage de permettre à l’auteure de développer un argumentaire clair, ordonné et précis, ce malgré la complexité des théories mobilisées, notamment en matière philosophique. Le lecteur est ainsi amené, de théories en théories, à approfondir la notion complexe de vulnérabilité et de ses implications et ressorts sociaux.

7L’exercice d’argumentation est d’autant plus remarquable que la notion elle-même de vulnérabilité est complexe. Considérée comme une variable identitaire de certains groupes sociaux (homosexuels, SDF, personnes handicapées, retraités ou, plus récemment, migrants, etc.), elle peut également être considérée comme un trait inhérent à la nature humaine, passant ainsi d’une conception micro et contextualisée à une conception macro et constitutive de chaque être humain.

8L’auteure amène également le lecteur à un questionnement poussé sur les notions de société juste, de moralité et d’éthique sociale. Le débat est ainsi élevé au niveau politique et sociétal, en proposant le développement d’une théorie alternative aux représentations classiques de la justice et de la fragilité sociale. Le lecteur est ainsi amené à adopter une certaine posture réflexive vis-à-vis de ses propres usages, de sa propre vulnérabilité ou encore, plus globalement, à développer un certain esprit critique quant aux normes de la société dans laquelle il évolue (vulnérabilité, fragilité, lien social, justice, morale, éthique, etc.).

9Pour conclure, nous souhaitons, encore une fois, insister sur la qualité de Politiques de la vulnérabilité. Sans pour autant parler de vulgarisation, l’exercice d’argumentation produit un ouvrage de haut niveau restant, malgré tout, à la portée d’un grand nombre de lecteurs, scientifiques ou non. La question des vulnérabilités dans notre actualité sociale est particulièrement pertinente, d’autant plus si l’on tient compte de la montée en puissance des logiques néo-libérales, racistes et répressives. Penser cette notion à travers un prisme éthique, moral et politique, comme proposée dans l’ouvrage est un véritable atout pour renforcer l’autonomie individuelle et politique de chacun.

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Pour citer cet article

Référence papier

Eloria Vigouroux-Zugasti, « Marie GARRAU, Politiques de la vulnérabilité »Communication et organisation, 55 | 2019, 225-227.

Référence électronique

Eloria Vigouroux-Zugasti, « Marie GARRAU, Politiques de la vulnérabilité »Communication et organisation [En ligne], 55 | 2019, mis en ligne le 01 juin 2019, consulté le 15 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/8138 ; DOI : https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.8138

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Auteur

Eloria Vigouroux-Zugasti

Eloria Vigouroux-Zugasti est docteure en sciences de l’information, et de la communication, ATER à l’Université Paris-Est Marne-La-Vallée, chercheure associée au laboratoire MICA (EA 4426) et au laboratoire DICEN-IDF (EA 7339).

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