Remerciements
Cette recherche menée dans le cadre du projet HYDECO a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du Labex DRIIHM portant la référence ANR-11-LABX-0010.
1Dans le contexte du changement climatique (IPCC, 2022), la sécheresse est devenue progressivement un phénomène global mis à l’agenda en tant que problème public (Henry, 2009) pouvant mettre en danger les populations et les écosystèmes. La part des terres touchées par des sécheresses sévères a doublé, à l’échelle globale, entre les années 1970 et 2000, et cinq fois plus de territoires pourraient connaître des sécheresses extrêmes en 2050 (OMM, 2016, 2023). Cet article vise à analyser la publicisation des débats sur les orientations de politiques publiques, les choix sociotechniques et les solutions alternatives avancées par des acteurs, actrices ou groupes d’acteurs et actrices, pour faire face aux situations de sécheresse et de pénurie en eau. Il prend pour cas d’étude l’État d’Arizona dans lequel ces situations se multiplient et s’intensifient. Ce territoire semi-aride du sud-ouest des États-Unis subit des périodes prolongées et répétées de sécheresse depuis le début des années 2000.
- 1 Cette étude s’inscrit dans le cadre des Observatoires Hommes-Milieux (OHM) créés en 2007 par le CNR (...)
2Ce travail interdisciplinaire1 associe les contributions de trois chercheur et chercheuses en communication et médias, en géographie sociale de l’environnement et en traitements statistiques de corpus textuels et de discours pour analyser, en prenant appui sur une enquête de terrain, les modes de présentation dans les médias des problèmes que la sécheresse représente. En croisant trois types de données, soit une enquête par entretiens qui se tient auprès des acteurs et actrices de la gestion de l’eau en Arizona depuis 2017, un corpus tiré de la presse locale et un corpus de tweets issus de l’activité de comptes impliqués dans la gestion de l’eau, nous cherchons notamment à comprendre comment les discours médiatiques et la communication sur Twitter, avec les acteurs et actrices qui les portent, donnent la priorité à certaines perspectives et en minimisent d’autres. Notre but est d’analyser comment la construction d’un discours dominant sur la gestion de la rareté de l’eau est associée à des choix politiques et socio-économiques; dans notre cas, l’éventail des solutions disponibles pour atténuer ou s’adapter à la sécheresse, mises en œuvre par le biais de politiques publiques et d’arrangements institutionnels et industriels particuliers, mais également émanant d’initiatives locales (Hajer et Versteeg, 2005; Rinne et Nygren, 2016; Boyer et al., 2021).
3La problématique interroge, à l’échelle d’un « territoire de subsistance » (Latour, 2017) et des relations de codépendance de ses occupant·e·s, le « procès de publicisation » (Cefaï, 1996, p. 48) des débats et des conflits d’usage autour des pénuries d’eau. Nous questionnons, dans les médias, les formes de visibilité et d’invisibilité (Voirol, 2005) des individus et des collectifs – avec leurs prises de position et leurs discours – impliqués dans ces débats. Une pluralité d’acteurs et d’actrices, notamment des élu·e·s, des acteurs ou actrices industriel·le·s, des acteurs ou actrices scientifiques, des associations environnementales (ONG) et des associations locales, y compris des initiatives citoyennes, développent des interrelations, des stratégies et des actions de communication. Nous mettons en relation leurs positions sociales et de légitimité (Bourdieu, 1982) avec la mise en visibilité qu’ils et elles obtiennent dans la presse locale et avec leur présence sur les réseaux sociaux numériques. Ces acteurs et actrices prennent position sur les politiques de gestion de l’eau, le choix des dispositifs techniques d’approvisionnement, les solutions alternatives et les modes de régulation mis en œuvre pour organiser les modalités d’accès et d’usage des ressources hydriques.
4Nous exposons dans la deuxième section le cadre théorique, la revue des travaux et la méthodologie conçue pour analyser la publicisation des débats sur la sécheresse dans les médias. Les données issues des enquêtes de terrain, les corpus textuels et leurs sources sont présentées, ainsi que leurs modes de collecte. La situation de crise expérimentée en Arizona fait l’objet de la troisième section. Elle présente le socle empirique sur lequel s’appuient les analyses et les interprétations des quatrième et cinquième sections. La conclusion et les ouvertures de recherche resituent notre contribution dans les travaux en cours sur le changement climatique et son impact sur les politiques d’usages de l’eau, ainsi que l’ampleur des travaux à développer dans cette direction.
5Le phénomène de sécheresse fait l’objet de définitions complexes. Il correspond à un évènement diffus dans le temps et l’espace qui affecte le fonctionnement météorologique, hydrologique, et écologique d’un territoire mais aussi les sociétés qui l’habitent (sécheresse agricole et socio-économique). Une sécheresse peut se traduire par différents niveaux d'intensité (modéré, sévère, extrême et exceptionnel) (Lloyd-Hughes, 2013; Wilhite et Pulwarty, 2018). Les conséquences de la sécheresse peuvent être de court terme, par exemple sur les activités agricoles, mais aussi de long terme, si l’on considère les effets hydrologiques (baisse des nappes phréatiques, diminution du débit des cours d’eau) et écologiques (stress hydrique de la végétation) de périodes prolongées et répétées de déficit pluviométriques (McEvoy et al., 2018; Metzger et Meschinet De Richemond, 2019). En conséquence des sécheresses, des situations de pénurie peuvent survenir lorsque la demande en eau des sociétés dépasse les capacités d’approvisionnement disponibles.
6L’analyse de la publicisation du problème de la sécheresse, et de la pénurie en eau qui s’ensuit, amène à prendre en compte les nombreuses études en sciences sociales qui décrivent la pénurie d’eau comme étant non seulement une conséquence de la sécheresse, mais tout autant une construction sociale (Alexandre, 2005; Buchs, 2012; Bourblanc et Blanchon, 2017; Millington, 2018). Une situation de pénurie dépend fortement des choix de développement qui ont été faits – agriculture irriguée et métropoles dans le cas étudié dans cet article –, des choix techniques (grandes infrastructures, barrages, canaux, pompes), règlementaires (outils juridiques, contrats) et institutionnels (organismes de gestion) qui les ont rendus possibles « sur un territoire déterminé, marqué par une histoire, occupé par des groupes sociaux avec leurs intérêts et leurs conflits d’intérêts » (Lorrain et Poupeau, 2014 p. 6).
7Il apparaît que la pénurie, à travers les nombreux discours qu’elle suscite, tenus par les gestionnaires mais tout autant relayés par les médias, est souvent mise au service d’ambitions politiques. Son spectre sert d’argument et de justification pour la mise en œuvre de politiques de l’eau potentiellement controversées (Comby et al., 2014; Liziard et Fernandez, 2022). En effet, elle constitue une menace ou une réalité qui fait l’objet de discours (Bakker, 2000; Flaminio et al., 2021; François, 2006; Garcier, 2010). Dans cette direction, les travaux sur les logiques éditoriales médiatiques (Neveu, 2013) montrent que les discours médiatiques offrent une représentation subjective et plurielle des faits d’actualité relatés dans les articles de presse (Charaudeau, 2006; Verón, 1981). Les cadrages médiatiques de l’information d’actualité (Esquenazi, 2013) font apparaître des choix éditoriaux qui contribuent à la visibilité et à l’intelligibilité des logiques politiques, industrielles ou associatives à l’œuvre (Christin, 2020). La presse locale joue un rôle central dans le suivi des situations sensibles et de crise en matière environnementale (Comby et al., 2014; 2011). En allant plus loin, Bousquet et Smyrnaios (2012) considèrent que l’information d’actualité à l’échelle locale est, selon une perspective constructiviste, « autant produite par le local que productrice du local » (p. 9-10). Toutefois, « si les médias constituent un lieu déterminant de construction sociale du sens, cette construction s’opère aussi dans d’autres arènes » (Delforce et Noyer, 1999 : 16). L’ouverture sur d’autres espaces de publicisation, notamment les médias numériques (Compagno et al., 2017; Jensen, 2013), permet de prendre en compte des plurimédiatisations associées à des contextualisations sociales et temporelles (Lafon, 2019) différentes. Dans les médias numériques, le choix de Twitter s’appuie sur les travaux de Tavoschi et al. (2020) concernant le rôle de cette plateforme dans sa capacité à faire émerger, à rendre visible, des questions qui pourraient ne pas être présentes, de ce fait rendues invisibles, dans la presse écrite. Nous complétons cette analyse avec l’intérêt de rechercher d’autres acteurs ou actrices que ceux et celles rendu·e·s visibles dans la presse. En effet, ce choix méthodologique pourrait ouvrir à d’autres points de vue portés par des acteurs et actrices impliqué·e·s dans le problème étudié en les situant dans des arènes de débat (Cefaï, 2016) qui formatent différemment les prises de parole. De plus, ce choix prend en compte l’importance prise par la communication des acteurs ou actrices dans les débats (Badouard et Mabi, 2015), telles que les stratégies de communication des entreprises (Appel et al., 2017) ou les spécificités des stratégies et de la communication militante (Ollitrault, 1999; Oustinoff et Ruiz, 2022).
8Les résultats présentés dans cet article s’appuient sur une méthode de recherche qui allie démarches qualitatives, notamment la conduite d’entretiens semi-directifs et la pratique de l’observation participante, aux analyses statistiques des données textuelles et aux méthodes numériques (Anadón, 2019; Venturini, 2024; Venturini et al., 2017). L’objectif est de replacer l’étude de cas dans son épaisseur historique en prenant en compte les connaissances des processus écologiques disponibles, à la fois expertes et vernaculaires, le jeu d’acteurs et d’actrices à toutes les échelles et les constructions culturelles et identitaires de la relation humaine à l’environnement (Castree, 2005; Mathevet et al., 2015). L’approche qualitative des enjeux du manque d’eau s’appuie sur un travail d’immersion à Phoenix et à Tucson, commencé en 2017. Cette enquête a donné lieu à 76 entretiens semi-directifs (Tableau 1), auprès des gestionnaires de l’eau à tous les échelons mais aussi auprès des associations environnementalistes locales, ainsi qu’à 38 séances d’observation participante dans des ateliers de sensibilisation aux économies en eau et des chantiers bénévoles d’installation de systèmes de collecte des eaux de pluie (Boyer et al., 2020; Brooks et al., 2022).
9Dans le but de confronter pratiques et discours, et pour rendre visible le traitement des problèmes du manque d’eau par les logiques d’acteurs ou d’actrices et leurs interactions, l’analyse de l’enquête qualitative est articulée à l’analyse des réseaux d’acteurs et d’actrices et des discours collectés dans la presse locale et des messages émis sur Twitter.
Tableau 1 : Catégories d’acteurs ou d’actrices et nombre d’enquêtes (Boyer et al., 2022)
Catégories d’acteurs ou d’actrices enquêté·e·s
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Nombre d’enquêtes
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Services des eaux municipaux
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18 entretiens et 20 séances d’observation participante
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Autres services publics locaux associés à la gestion de l’eau
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12 entretiens
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Gestionnaires de l’eau régionaux (État, Bassin du Colorado)
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7 entretiens et 7 séances d’observation participante
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Associations écologistes
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39 entretiens et 11 séances d’observation participante
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10L’étude des médias s’appuie sur les travaux dédiés au traitement médiatique de l’information (Christin, 2020; Opperhuizen et Schouten 2020). Elle porte sur la presse locale en Arizona et sur une sélection de comptes sur la plateforme Twitter en associant des traitements quantitatifs et statistiques des données collectées, l’identification des acteurs ou actrices et leurs interactions, ainsi que l’analyse des cadrages médiatiques et des discours des acteurs et actrices dans la presse.
11En lien avec l’enquête qualitative, l’identification des parties prenantes a été menée dans la presse locale et sur Twitter. Dans la presse locale, la recherche des acteurs ou actrices individuel·le·s et collectifs ou collectives qui sont mis·es en visibilité a reposé sur l’exploitation d’outils de recherche « d’entités nommées » (les formes graphiques référençant des parties prenantes), appuyée sur un classifieur de la suite Spacy2 permettant de repérer et catégoriser automatiquement ces formes graphiques. Nous avons ensuite utilisé un score quantifiant l’importance d’une partie prenante dans un corpus (Brooks et al., 2022). Pour la plateforme Twitter, nous avons eu recours à la technique du sondage cumulatif (ou snowball sampling) utilisée en sociologie (Goodman, 1961; Morgan, 2008) pour réunir un corpus de tweets pertinents en relation avec la gestion des eaux en Arizona, en raison de nos recherches infructueuses de hashtags dont la fonction est d’indexer un thème qui circule sur Twitter (Mercier et Pignard-Cheynel, 2018). L’identification des comptes sur Twitter a été construite en quatre étapes : identifier, en utilisant la technique du sondage cumulatif, six comptes d’acteurs et actrices repéré·e·s dans les enquêtes de terrain comme étant très impliqué·e·s dans la gestion de l’eau dans la région de Tucson (étape 1); collecter tous les tweets envoyés par ces six comptes entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022 avec l’API de Twitter et un compte « Recherche Académique » (étape 2); identifier tous les comptes mentionnés (N=2 817) dans les tweets collectés et calculer le score « ScoreMention » (Juanals et Minel, 2018) pour chaque compte mentionné (étape 3); sélectionner les comptes dont le « ScoreMention » est supérieur à 30 et qui sont localisés en Arizona (étape 4). Au terme de ces étapes, 12 comptes, appelés comptes producteurs (Juanals et al., 2018) ont été ajoutés aux 6 comptes initiaux avec leurs tweets collectés (cf. Annexe 1, liste des comptes initiaux et producteurs). À notre connaissance, ce procédé de collecte de tweets est original.
12Dans la presse, nous recherchons des manifestations de faits ou d’événements marquants, à associer aux lexiques et aux prises de position contextualisés des acteurs et actrices. Pour y parvenir, nous identifions des pics médiatiques repérés par leur nombre d’articles en regard des flux moyens sur la période étudiée. Ces pics médiatiques, nommés « moments discursifs » par Moirand (2008), font référence à un ensemble de productions discursives publiées en plus grand nombre dans les médias concernant les « faits du monde réel », dans le sens d’un « fait qui devient par et dans les médias un “événement” » (p. 4). Ces traits descriptifs recherchés sont mis en correspondance avec l’enquête de terrain afin d’évaluer s’ils correspondent à des phénomènes inédits par leur nature ou par leur ampleur, ou encore par un trait d’irréversibilité observé.
13Pour rechercher les traits descriptifs dans les articles de presse, nous avons retenu, parmi les méthodes instrumentées (topic modeling, classification hiérarchique ascendante, regroupement) qui sous-tendent les modèles statistiques de logiciels d’exploration de corpus textuel (Née et al. 2017; Poudat et Landragin, 2017; Smyrnaios et al., 2021), le modèle probabiliste de l’Analyse Latente de Dirichlet (LDA) (Blei et al., 2003) instancié dans un module du langage R (Grün, 2011). Ce modèle nous permet en effet d’étudier l’évolution temporelle des sujets traités dans la presse, de repérer l’émergence ou la mise en visibilité de phénomènes, ainsi que de comparer le traitement des thématiques entre différents articles et entre différentes sources. Plusieurs travaux ont montré que la LDA permettait de construire des groupes de topics sémantiquement cohérents dans des textes de longueur moyenne tels que des articles d’actualité, des blogues et des journaux (Baum, 2012; DiMaggio et al., 2013 ; Jacobi et al., 2015 ; Juanals et Minel, 2023; Maier et al., 2018), ou des articles scientifiques (Hannigan et al., 2019).
14Formellement, un topic T est un ensemble de couples (mi, pi) où mi est un mot présent dans le corpus analysé, ou bien un lemme selon le choix effectué, et pi est la probabilité de ce mot d’appartenir au topic T (Blei et al., 2003). Nous utilisons le terme anglais topic dans l’article, car une traduction par des termes tels que « sujets » ou « thématiques » ne correspondrait pas à la signification de ce terme. L’algorithme calcule, pour chaque texte du corpus composé d’un sous-ensemble de mots, la probabilité de chaque topic. Le résultat de la modélisation attribue ainsi, à chaque texte, le topic dont la probabilité calculée est la plus élevée, un mot pouvant appartenir à plusieurs topics avec des probabilités différentes. La signification d’un topic est ensuite interprétée en fonction des mots les plus probables qui le composent. Le choix du nombre de topics comme paramètre d’entrée est appuyé sur les travaux de Sievert et Shirley, (2014) qui utilisent des outils de visualisation fondés sur deux scores, la saillance et la pertinence, calculés à partir d’un modèle probabiliste. Les résultats fournis par le topic modeling, notamment les mots considérés comme représentatifs d’un topic, sont ensuite utilisés pour rechercher dans les textes à l’aide d’un logiciel de textométrie (Heiden et al. 2010), des lexies, des arguments et des verbatim pour l’analyse qualitative des stratégies discursives.
15Le corpus de presse est constitué d’articles publiés entre janvier 1999 et décembre 2022 dans les deux plus importants journaux régionaux, l’Arizona Daily Star, qui couvre la région de Tucson, et l’Arizona Republic, qui couvre la région de Phoenix. Les articles ont été collectés sur la plateforme Proquest avec l’équation de recherche « drought » OU « water ». Sur la plateforme Twitter, au terme des quatre étapes décrites dans l’identification des acteurs et actrices, le corpus final de tweets des vingt comptes retenus contient 58 082 tweets dont 41 695 sont des tweets originaux envoyés par 8 669 comptes qui ont été retweetés par les 20 comptes producteurs (cf. Annexe, Liste des comptes producteurs).
16L’État d’Arizona représente un cas d’étude particulièrement pertinent pour évaluer les dynamiques de visibilité ou au contraire d’invisibilisation dans les questionnements et débats autour de la prise en charge socio-politique des défis de la sécheresse et de la pénurie en eau. En effet, considérée comme une région « sentinelle » (Blanchon et al., 2020), faisant d’ores et déjà face à un moment de « crise » en lien avec la multiplication des extrêmes due au changement climatique, l’Arizona connait aujourd’hui, au sujet de l’eau, une situation tendue qui laisse augurer de potentielles transformations dans les modes de gestion et de vie. Cette étude de cas offre donc un terrain propice pour situer des prises de position, des récurrences et des changements observés dans la presse et sur le web social, en ce qui concerne les politiques de l’eau, les choix de gestion et d’accès aux ressources hydriques, ainsi que le réseau d’acteurs et d’actrices impliqué·e·s.
17L’État d’Arizona subit une période de sécheresse depuis plus de vingt ans, avec pour conséquence la déclaration d’une pénurie sur le fleuve Colorado, principale source d’approvisionnement en eau de la région (Boyer et al., 2022; Wahl et al., 2022). Jusqu’au début des années 2000, l’Arizona était considéré comme la preuve que la pénurie d’eau pouvait être résorbée avec des investissements conséquents et grâce à une forte mobilisation technologique (Lasserre, 2003; Poupeau et al., 2016).
18Les études analysant les causes de cette sécheresse montrent que les précipitations, qui ne dépassent pas 250 millimètres par an, tendent à diminuer à l’échelle régionale et que les températures augmentent fortement : +1.1°C par rapport aux moyennes observées entre la fin du XIXe siècle et 2020 (NOAA, 2021). Ces sécheresses induites par l’augmentation des températures, appelées « sécheresses de type changement global » (Udall et Overpeck, 2017) en lien avec le réchauffement des températures à l’échelle de la planète (IPCC, 2022), viennent surtout accentuer les processus d’évaporation des eaux de surface et d’évapotranspiration des plantes, contribuant ainsi à des conditions anormalement sèches. Elles pèsent sur la disponibilité en eau de la région. Depuis le début des années 1990, un tiers des ressources en eau de l’Arizona proviennent du fleuve Colorado, à travers le canal du Projet de l’Arizona Centrale (Central Arizona Project, CAP) (Poupeau et al., 2016). Ce canal, long de plus de 500 kilomètres, apporte 85 % de l’eau utilisée par la ville de Tucson et 44 % pour la métropole de Phoenix. En 2012, l’Agence Fédérale de Gestion de l’Eau et de l’Energie dans l’Ouest (US Bureau of Reclamation – Managing Water and Power in the West, USBR), principale gestionnaire du fleuve, reconnaît pour la première fois deux faits importants : i) la demande en eau dans le bassin du Colorado est supérieure à la disponibilité de la ressource; ii) ce déséquilibre va aller en s’aggravant dans la mesure où la réduction du débit du fleuve est due à une transition vers des conditions climatiques plus arides dans le contexte du changement climatique (USBR, 2012).
19À partir de 2018, alors que le niveau des principaux réservoirs (Lac Mead et Lac Powell) est au plus bas, le gouvernement fédéral demande aux usagers et usagères de l’eau de mettre en œuvre un Plan d’Urgence contre la Sécheresse (Drought Contingency Plan, DCP). L’objectif de ce plan est de retarder la déclaration de pénurie sur le bassin du Colorado. Cependant, en 2021, l’USBR annonce que le bassin versant du Colorado se trouve désormais affecté par des coupures d’eau progressives dans les allocations réservées à chaque État (7 en tout : Colorado, Wyoming, Utah, Nouveau-Mexique, Californie, Nevada, Arizona). Ainsi, à partir de 2023, l’Arizona perd 20 % des quantités d’eau qu’elle reçoit à travers le CAP.
20Le secteur concerné par les restrictions d’eau est en premier lieu l’expansion urbaine en périphéries des deux métropoles de Phoenix et Tucson. En second lieu, l’agriculture intensive irriguée (Boyer et Bernat, 2020; Le Tourneau et Dubertret, 2019) est mise en difficulté, suivie par les activités industrielles nécessitant des ressources hydriques importantes, notamment les activités minières. Dans un tel contexte de raréfaction de la ressource, marqué par les choix socio-environnementaux et économiques de privilégier certains usages et pas d’autres, des tensions et conflits d’usages autour de la ressource peuvent donc se faire jour.
21La distribution diachronique des flux annuels dans la presse et sur Twitter fait apparaître l’influence conjointe des phénomènes climatiques, des négociations politiques et des préoccupations sociales.
22Le graphe des flux mensuels des journaux Arizona Daily Star (ADS) et Arizona Republic (AZR) par année entre 1999 et 2022 (Figure 1) révèle une augmentation marquée des flux mensuels d’articles à partir de l’année 2018 :
Figure 1 : Flux mensuels de la presse locale entre 1999 et 2022.
- 3 L’Observatoire de la Sécheresse aux États-Unis (U.S. Drought Monitor) est produit conjointement par (...)
23Cette augmentation est surtout marquée pour l’ADS. Plusieurs faits de nature politique et climatique peuvent expliquer ces pics médiatiques. Il s’agit, d’une part, de la renégociation du droit de tirage de l’eau sur le CAP par les états signataires du DCP avant le 31 janvier 2019 (cf. 3.1). D’autre part, les échéances électorales des années 2018, 2019 et 2020 (Gouverneur, Congrès et Sénat, Présidence des États-Unis) ont amené les candidat·e·s aux élections à prendre position sur les moyens qu’ils et elles comptaient mettre en œuvre pour affronter la sécheresse. De manière corrélée aux pics médiatiques, la dégradation des niveaux de sécheresse constatés et affichés sur les sites web des agences de surveillance (Figure 3), qui sont des sources d’information pour les journalistes, ont contribué à accroître la couverture médiatique sur ce sujet (Figure 2). Ainsi les années 2019, 2021 et 2022 sont classées D4 (« Sécheresse exceptionnelle ») par l’Observatoire de la Sécheresse aux États-Unis (US Drought Monitor)3.
24Du fait de la conjonction de phénomènes climatiques et de l’actualité politique, l’analyse médiatique est focalisée, dans la suite de l’article, sur la période 2018-2022. Sur cette période, 408 articles ont été publiés dans la presse locale (Figure 2), dont 241 dans l’ADS et 167 dans l’AZR :
Figure 2 : Focus sur les flux mensuels de la presse locale entre 2018 et 2022.
Figure 3 : Evolution du niveau de sécheresse en Arizona entre 2000 et 2023.
Source : U.S. Drought Monitor.
25Sur les comptes Twitter retenus, il n’y a pas eu, contrairement à la presse, de pic dans le flux de messages pendant l’année 2019. La figure 4 présente le flux mensuel des tweets originaux (TW) et des retweets (RT) pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022.
Figure 4 : Flux mensuels des tweets du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022.
26On y distingue plusieurs pics, en août 2020, en juillet et août 2021 et en juillet et août 2022, qui correspondent à des périodes de mousson en Arizona. L’enquête qualitative révèle que les habitant·e·s et les acteurs locaux ou actrices locales accordent une grande importance à tous les évènements météorologiques. La pluie est vécue comme un évènement exceptionnel et particulièrement bienvenu, largement commenté pendant l’été : « Profitez bien de la pluie (Enjoy the rain) » est une phrase commune. De plus, les crues-éclair (flash floods) qui s’ensuivent représentent un danger ou entraînent la fermeture de certaines rues et des difficultés de circulation. D’autres études ont montré que ce type d’informations était fréquemment partagé sur Twitter par les gestionnaires de l’eau et les riverain·e·s (Douvinet et al., 2017).
27Dans le corpus de la presse locale, sur la période 2018-2022, les acteurs et actrices individuel·le·s et collectifs ou collectives les plus mentionné·e·s (Figure 5 et Tables 2 et 3 de l’Annexe 2) sont ainsi mis·es en visibilité avec leurs discours et leurs prises de position sur les problèmes de sécheresse et de gestion de l’eau. Ils et elles sont mis·es en relation avec la distribution diachronique des orientations thématiques par année, ce qui révèle les faits marquants en relation avec l’objet d’étude ayant fait l’objet de l’attention médiatique.
28Il apparaît que les personnes les plus mentionnées sont, d’une part, des personnalités élues (Gouverneur·e, Député·e, Sénateur ou Sénatrice) en position de pouvoir dans les instances législatives ou exécutives, et d’autre part, des personnalités au profil managérial et technique à la tête des agences chargées des infrastructures de gestion ou de distribution de l’eau. L’analyse est similaire pour les organisations citées, avec la visibilité des deux universités reconnues pour leurs travaux en sciences de l’environnement, d’un service municipal à Tucson jouant un rôle central dans la gestion de l’eau et des trois nations autochtones ayant désormais accès aux instances de pouvoir politique en Arizona sur les questions hydriques. Finalement, les personnalités ou les organisations qui manifestent une posture critique ou alternative sur les modes de gestion de l’eau, n’ont pas été relayées par la presse.
Figure 5 : Personnes et organisations les plus mentionnées dans la presse locale.
29Nous présentons ci-après chacun des huit topics retenus (après détermination du nombre pertinent de topics, Hannigan et al., 2019) en les associant à des verbatim des personnalités ou des organisations mentionnées dans les articles indexés par ces topics (cf. Tableau 4, Annexe 3). Les stratégies discursives déployées sont analysées ci-après en exploitant les concepts d’énonciation (Dendale et Cotier, 2011), de séquence (Adam, 2011) et d’enjeux de crédibilité (Charaudeau, 2006). Hughes Constantin de Chanay (Dendale et Coltier, 2011 : 19-35) montre que le concept d’énonciation est composite et « qu’il opère à quatre niveaux : épistémique-dialogique, illocutoire, aléthique et argumentatif, parmi lesquels la prise en charge épistémique-dialogique et argumentative dominent hiérarchiquement l’illocutoire ». Dans notre approche, nous nous focalisons sur la prise en charge de la « plausibilité d’un contenu propositionnel qui conduit l’énonciateur à ne pas s’engager pleinement sur "ce qui est dit" et donc à médiatiser l’énoncé, grâce à des marques formelles ayant une incidence sémantique puisque l'énoncé est alors non asserté » Zlatka Guentchéva (Dendale et Coltier, 2011 : 118). Nous nous appuyons sur la notion de séquence, définie par J. M. Adam (1987), à la fois comme « une unité constituée et une unité constituante, dont il faut dans le cas de textes comportant plusieurs séquences décrire les modes d’enchaînements » (p.58). Adam propose une typologie des principaux types de séquentialités : narrative, injonctive, descriptive, argumentative et explicative. P. Charaudeau (2006) argumente que
Le discours journalistique ne peut se contenter de rapporter des faits et des dits, son rôle est également d’en expliquer le pourquoi et le comment, afin d’éclairer le citoyen. […] l’enjeu de crédibilité exige que le journaliste énonciateur – souvent spécialisé ou chroniqueur – ne prenne pas lui-même parti, qu’il explique sans esprit partisan et sans volonté d’influencer son lecteur. (p.4)
30Les stratégies discursives présentées ci-après sont caractérisées par la délégation de prise en charge énonciative à des acteurs et actrices bénéficiant d’une forte crédibilité politique, administrative, scientifique ou technique.
31Le topic « Colorado River Issues », (92 articles indexés) traite, à la suite de la sécheresse amorcée dans les années 2000, de l’amenuisement du fleuve Colorado entraînant une forte baisse des réservoirs d’eau (Lac Mead et Lac Powell). Dans l’extrait suivant :
- 4 Tom Buschatzke est le directeur du Département de Gestion des Ressources en Eau d’Arizona. Voir Ann (...)
We’ve been monitoring the climatic conditions for many years [Tom Buschatzke4] said. And it has been a downward trend in terms of runoff in the Colorado River [...] Sarah Porter, director of the Kyl Center for Water Policy at Arizona State University’s Morrison Institute, argues that significantly more must be done to combat the shortages caused by 22 years of drought. (ADS, mars 2022)
32La stratégie discursive repose sur l’enchaînement de deux séquences. Une séquence descriptive dans laquelle l’enjeu de crédibilité repose sur la prise en charge énonciative de l’énoncé par T. Buschatzke, suivie d’une séquence argumentative et injonctive dont l’enjeu de crédibilité est porté par S. Porter.
33Le topic « Drought Contingency Plan » (72 articles indexés) est centré sur la négociation entre le gouvernement fédéral, les sept États et la communauté autochtone de la Gila River visant à conclure, avant le 31 janvier 2019, un plan de régulation de l’usage de l’eau du Colorado impliquant des choix politiques, économiques et juridiques :
Monday, […] Ducey exhorted legislators to pass the drought plan in time to meet a Jan. 31 federal deadline. U.S. Reclamation Commissioner Brenda Burman has warned she’ll move to take over management of the Colorado River if Arizona and other states don’t approve drought plans by that date (ADS, janvier 2019).
34La stratégie discursive repose là aussi sur l’enchaînement de deux séquences. Une séquence argumentative avec l’emploi d’un verbe de parole à forte polarité émotionnelle (to exhort) est suivie d’une séquence explicative associée à une prédiction, les deux séquences étant crédibilisées par la prise en charge énonciative d’un élu et d’une directrice d’agence fédérale (cf. Tableau 2).
35Le topic « Climate Change » (60 articles indexés) a gagné en visibilité à partir de l’année 2020 (cf. Figure 6). Alors qu’en 2019, David Bernhardt (Secrétaire de l’Intérieur de l’administration Trump) « didn't mention the words climate change during his speech at the conference » (AZN, décembre 2019), la référence au changement climatique est devenue une évidence en 2021 : « “Climate change is drying out the headwaters. And everybody in the Colorado River Basin needs to be concerned.” said Andy Mueller, General manager of the Colorado River Water Conservation District » (AZN, mars 2021). Le journaliste utilise l’unité polylexicale « climate change », auparavant occultée par les représentant·e·s de l’exécutif, et porte l’enjeu de crédibilité sur l’opposition entre la parole d’un secrétaire de l’Intérieur et le terme « everybody » qui désigne le grand public concerné.
36Le topic « Cities Projects and Costs » (55 articles) est centré sur les choix économiques et juridiques des deux principales villes de l’Arizona, Phoenix et Tucson, pour faire face à la pénurie d’eau. Deux conceptions s’affrontent. Une première privilégie les choix technologiques, tels que des projets de construction d’infrastructures, pipe-line ou usine de désalinisation, pour ne pas modifier les activités des acteurs ou actrices économiques (mines, agriculteurs ou agricultrices, promoteurs immobiliers et promotrices immobilières, terrains de golf) :
Bruce Babbitt, a former Arizona governor and U. S. interior secretary, told reporters this week that the state should not look to desalination to answer its water woes, at least not in the next generation [...] Bowers, for his part, acknowledged that the state, in considering desalination, may be looking for a “magic bullet” to solve its water woes. (ADS, janvier 2022)
37Une seconde approche privilégie la sobriété hydrique : « “We need to do a better job of recycling water if we’re going to best manage the drought conditions, [U.S. Rep Greg Stanton]” said. “We need to do things like stop watering golf courses with drinking water.” » (AZN, octobre 2022). La stratégie discursive enchaîne une séquence argumentative (qui englobe un discours et un contre-discours implicitement mis en cause par le journaliste par l’emploi du verbe « acknowledged » et l’expression figée « magic bullet ») et une séquence injonctive. Les deux séquences sont crédibilisées par la prise en charge énonciative d’élu·e·s (cf. Table 2).
38Le topic « Conflicts of Uses » (39 articles) rassemble les articles traitant de la répartition des eaux des nappes phréatiques :
“We’ve got a drying climate, we’ve got a lot of people who want water, and we know that the water is becoming less available and competition for it is increasing”, Ferris said. “We could have a situation where we have lots of development on lands that really don’t have access to a real secure water supply.” (AZN, février 2020)
39La stratégie discursive enchaîne deux séquences descriptives à forte polarité émotionnelle renforcées par l’unité polylexicale « a lot of » et un énoncé final qui exprime la négation d’un accès à l’eau. L’enjeu de crédibilité est assuré par une personnalité (cf. Tableau 2) ayant une longue expérience dans le domaine de la gestion de l’eau et qui dirige actuellement un centre de recherche.
40Le topic « Central Arizona Project » (38 articles) est centré sur la gestion de l’aqueduc de 541 kilomètres de long qui s’étend à travers l'Arizona (cf. 3.1). Il alimente en eau les zones désertiques du centre (Phoenix) et du sud de l'Arizona (Tucson). L’état de pénurie entraîne une moindre disponibilité de l’eau délivrée par l’aqueduc avec pour conséquence d’obliger les consommateurs et consommatrices (agriculteurs, agricultrices et urbain·e·s) à pomper l’eau des nappes phréatiques qui sont, elles aussi, à des niveaux très faibles :
Tucson Water officials are warning that severe cuts in the amount of CAP deliveries the city gets from the Colorado River could start next year [...] At some point, the cuts could be large enough that the city will have to pump native groundwater to serve to customers in greater proportions than it’s done since its heavy use of Colorado River water began more than a decade ago. (ADS, juin 2022)
41La stratégie discursive enchaîne deux séquences prédictives renforcées par les adverbes « severe, large enough, heavy » et un duratif « a decade ago » qui insiste sur l’empan temporel. L’enjeu de crédibilité est assuré par la référence à la principale organisation gestionnaire de l’eau à Tucson (cf. Tableau 2).
42Le topic « Biodiversity and Mines » (30 articles) concerne l’impact de l’exploitation minière sur la biodiversité dû à la pénurie d’eau (Brooks et al., 2023). Les mines de cuivre en exploitation nécessitent l’utilisation de grandes quantités d’eau entraînant l’assèchement des rivières et des nappes phréatiques et la disparition d’espèces. La législation en cours autorise en effet les compagnies minières à utiliser l’eau en situation de pénurie :
“As the Colorado continues to decline in the wake of a long-term drought and climate change, so will water allocations to agriculture, industry and municipalities”, [San Carlos Tribal Attorney Alex Ritchie] said. Resolution [mine] will be able to pump that water without any restrictions. That won't just affect communities that depend on water from the Apache Tuff but the East Valley. (AZN, février 2022)
43La stratégie discursive enchaîne une séquence causale du type modus ponens (Si A alors B), une séquence explicative et une séquence prédictive organisée autour d’une négation pour élargir l’empan spatial. L’enjeu de crédibilité est assuré par la référence au représentant de la nation Apache.
44Le topic « Dam Glen Canyon issues » (21 articles) concerne le conflit entre la Nation Navajo, les tribus Hopi, et les gestionnaires du barrage du Glen Canyon.
“In the Western mind, water is a commodity – that’s the word for it – which can be put to what they call beneficial uses”, Masayesva [Former tribal chairman] said in an interview. “That’s where we’re at. That’s why we are playing a ballgame in their playing field, playing by their regulations”, Masayesva said. “And how can we possibly have justice in this unfair setting? To Hopi, water is not a commodity. It’s life. It's sacred.” (AZN, septembre 2022)
45La stratégie discursive enchaîne deux séquences explicatives qui opposent deux conceptions sur l’eau. Le lexique employé est polémique (« commodity, playing game, unfair ») et la séquence se clôt par un énoncé à forte polarité émotionnelle. L’enjeu de crédibilité est assuré par la référence au représentant de la nation Hopi.
46La Figure 6 présente l’évolution annuelle de la visibilité de ces topics dans la presse. La constante progression du topic « Cities Projects and Costs Issues » s’inscrit dans la tendance à l’échelle mondiale qui voit les villes se saisir prioritairement des enjeux du changement climatique (Boyer et Bernat, 2020; Bulkeley, 2010). Dans une moindre mesure, la progression des topics « Colorado Issues » et « Climate Change », témoignent bien de conflits d’usage croissants :
Figure 6 : Evolution annuelle de l’importance des topics.
47La figure 75 représente une cartographie, réalisée avec le logiciel GEPHI (Bastian et al., 2009), après application d’un algorithme du type Force-Atlas (Jacomy et al., 2014), qui relie les acteurs et actrices (personnes ou organisations) mentionné·e·s dans les articles de presse, et les topics pour lesquels ils et elles sont mentionné·e·s dans la presse. Les nœuds du graphe représentent les personnes (carrés oranges), les organisations (triangles bleus) et les topics (polygones verts). Une arête entre un nœud-acteur (ou actrice) et un nœud-topic indique la mention de cet·te acteur ou actrice dans un article de presse indexé par ce topic.
48L’exploration dynamique du corpus (Ooghe, 2013) révèle que Stephen Roe Lewis, Gouverneur de la Communauté Indienne de la Gila River, est uniquement mentionné dans les articles traitant du « Central Arizona Project (CAP) », du « Colorado Issues » et du « Drought Contingency Plan » du fait que la Gila River Indian Community est au cœur de deux contrats historiques (2004 et 2023) lui octroyant certains droits de tirage de l’eau. À l’inverse, Doug Ducey, Gouverneur du parti républicain de l’État d’Arizona de 2015 à 2023, particulièrement actif en matière de gestion de l’eau (dessalement de l’eau, réutilisation des eaux recyclées, financement des nouveaux projets d’approvisionnement en eau pour l’Arizona), est mentionné dans tous les topics.
Figure 7 : Relations entre acteurs ou actrices mentionné·e·s et topics dans la presse locale.
49Quatre topics, « CAP, Colorado Issues, Drought Plan, Conflict of Uses » sont regroupés au centre du graphe par l’algorithme, ce qui signifie que les personnes et les organisations mentionnées dans les articles indexés par ces topics sont les mêmes. En revanche, les topics « Climate Change » et « Biodiversity » sont positionnés à la périphérie, ce qui témoigne d’une communauté plus restreinte d’entités mentionnées dans les textes qui traitent de ces topics.
50Les Figures 8A et 8B, qui présentent l’analyse de la distribution des entités mentionnées par topics, donnent lieu à plusieurs interprétations.
51La Figure 8A fait apparaître le rôle central que jouent les universités sur ce territoire. Localement, l’université fonctionne comme une actrice inscrite (une « institution de référence », « anchor institution », Harris et Holley, 2016) dans le champ institutionnel local et dans le tissu urbain. C’est en particulier le cas dans les villes de Phoenix-Tempe (Arizona State University, ASU) et de Tucson (University of Arizona, UA), où elle est la première employeuse, et de ce fait à même d’initier des collaborations avec les gouvernements locaux, les entreprises privées ainsi que les associations citoyennes dans le cadre de projets d’urbanisme et de développement local. Ces deux universités sont mentionnées pour tous les topics, ce qui montre leur communication active de conseil et de médiation scientifique auprès du grand public. L’université d’Arizona est née d’une « concession de terres » (land grant), c’est-à-dire construite sur des terrains cédés par le gouvernement fédéral en 1885 dans l’objectif de former les futur·e·s gestionnaires et élites du nouveau territoire conquis, dans les domaines de l’agriculture, des sciences et de l’ingénierie, très importants pour la mise en valeur des ressources d’un environnement aride (Martin et Weaver Hart, 2014). Elle héberge quinze départements spécialisés dans les questions environnementales, ce qui peut expliquer l’intérêt d’une grande part de la population de Tucson pour la conservation de l’environnement. Pour sa part, ASU se distingue par ses centres d’aides à la décision, que les plus grands noms de la gestion de l’eau rejoignent en tant que « Chargé·e de recherche senior » : c’est le cas de Kathy Ferris (Figure 8B) au Kyl Center for Water Policy.
52La Figure 8A montre notamment que le vocabulaire lié aux topics « Climate Change » et « Biodiversity » a tendance à rester cantonné aux sphères scientifiques et de conservation de l’environnement – l’Université d’Arizona, l’Agence fédérale de gestion des ressources forestières (U.S. Forest Service), l’Agence fédérale de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency ) –, et n’entre que lentement dans le langage des décideurs et décideuses qui redoutent une politisation et par là une polarisation des débats autour de la sécheresse.
53La Figure 8B montre que le topic de la biodiversité disparaît presque des discours associés aux personnalités de la gestion de l’eau. Ce résultat est confirmé par l’enquête qualitative dans laquelle l’analyse des entretiens semi-directifs avec les gestionnaires de l’eau a montré que les enjeux étaient avant tout traités sous l’angle socio-économique, avant de prendre en compte les conséquences environnementales de la sécheresse et de la surutilisation du fleuve Colorado qui n’atteint même plus son embouchure dans la mer de Cortez au Mexique (Boyer et al., 2022).
Figure 8 : Distribution par topic des personnes et organisations mentionnées dans les articles.
54En regard de la presse locale, l’activité sur Twitter autour de la question de la sécheresse et de l’eau est centrée sur les acteurs ou les actrices et leurs pratiques de communication. Le Tableau 5 (Annexe 4) présente les pratiques de communication des 18 comptes producteurs de messages (tweets) qui jouent le rôle de « compte passeur » (Juanals et Minel, 2018), c’est-à-dire d’un compte qui a le nombre le plus élevé d’occurrences en termes d’interactions ou de mentions (il émet le plus de messages, rediffuse le plus les messages qu’il reçoit, et est le plus rediffusé par les autres comptes). Les comptes passeurs les plus mentionnés sont en grande majorité rattachés à des agences fédérales et à des municipalités (comptes d’organismes, de campagnes de communication et de programmes d’action), ainsi qu’à des personnages politiques connus du grand public. Le compte @azwater présente le score passeur le plus élevé. En effet, le Département de Gestion des Ressources en Eau d'Arizona (Arizona Department of Water Resources, ADWR) est la principale instance de gestion de l’eau à l’échelle de l’Arizona et, à ce titre, interagit avec le gouvernement fédéral et le CAP. De plus, l’ADWR contrôle la mise en œuvre des pratiques d’économie en eau sur tout le territoire.
55Trois comptes passeurs issus de la société civile émergent du fait de leur communication active au sein des collectifs qu’ils agrègent : le compte du collectif local livingGreenMesa centré sur des initiatives communautaires partagées de la Vallée de l’Est à Phoenix (« Promoting sustainability events and earth-friendly advice for home, garden, businesses »), et le compte communautaire d’une nation native NativeHydro (« Indigenous Resilience Center Director, community-driven environmental research, Indigenous water scientist, data sovereignty, UA Cooperative Extension! #Navajo »). Un seul compte (@Seriazsolutions, score=76) envoie des tweets en langue espagnole alors que la population hispanique est quasiment majoritaire dans les villes de Phoenix (42,6 %) et de Tucson (45,4 %) (https://www.census.gov/). Ce compte est celui de l’association Sonora Environmental Research Institute (SERI), une association de justice environnementale, dont le programme « Maisons Saines » vise à limiter l’effet de chaleur urbaine en participant activement à la promotion de la collecte des eaux de pluie à Tucson pour soutenir le développement de la canopée dans les quartiers défavorisés.
56Du fait de messages très courts et de l’absence de hashtags sur la sécheresse ou la pénurie d’eau, une analyse lexicale quantitative a été menée pour appréhender les contenus des tweets émis par les comptes initiaux et les comptes producteurs spécialisés dans la gestion de l’eau. La Figure 9 (issue du Tableau 6, Annexe 5) présente les termes les plus fréquents dans les messages :
Figure 9 : Termes les plus fréquents dans les messages sur Twitter.
57Au-delà des sujets sur la sécheresse et l’eau, le lexique révèle le souci de la préservation (conservation, save, use) de l’eau et des cours d’eau, d’un appel et d’une implication communautaire (our, we, you, your) associés à des évènements (what, when) et à un apprentissage (learn, help, how) :
Want to learn about dragonflies and the Santa Cruz River? Then come to @BarrioBrewing on Fri Sep 30th! (Sonoran Institute, 10/08/2022)
Tucson residents: Securing our water future takes a community! City of Tucson and Tucson Water are seeking your input to help create a water future that is equitable, sustainable, and resilient. (Sonoran Institute, 21/03/2021)
🎧 Sound on! 🐦 Our expert team members, Gaby and Luke, show us how birds are thriving in our restoration sites and flowing rivers. Got 15 min? Watch the ENTIRE conversation🌵 Arizona Gives Day is coming up on April 6. Join us! (TucsonWater, 21/10/2021)
Join us with a thousand other organizations for the sixth annual "Imagine a Day Without Water." (Tucson Water, 21/10/2020)
Figure 10 : Graphe des collectifs des comptes Twitter
58La Figure 10 est une représentation spatialisée du corpus final des messages sur Twitter au moyen de l’algorithme Force-Atlas2 du logiciel Gephi. Cette représentation visuelle illustre la distribution des collectifs des comptes Twitter. Le graphe fait apparaître plusieurs collectifs de comptes, chacun d’entre eux étant regroupé autour d’un seul compte passeur au sein de ce collectif. Peu d’échanges sont constatés entre les collectifs constitués, relativement fermés, bien que les pratiques de retweet entre les différents comptes passeurs participent en partie à la circulation de l’information.
59Il apparaît que les gestionnaires de l’environnement ont tendance, dans leur utilisation des médias sociaux, à mettre en œuvre une stratégie de communication similaire à celle qu’ils et elles ont coutume d’expérimenter avec la publication de leur bulletin d’information ou de leur site Web. Ce résultat, relevé précédemment par (Hodges et Stocking, 2016), est complémentaire de l’étude de (Williams et al., 2015) démontrant que, sur Twitter, les acteurs et actrices de l’environnement ont tendance à échanger avant tout avec leurs pairs, c’est-à-dire avec une audience déjà convaincue.
60Le graphe révèle un tropisme autour des pratiques de communication de comptes rattachés à Tucson (comptes : TucsonWater, cityoftucson, TucsonParksRec, mtbogan), qui peut s’expliquer par les résultats de l’enquête de terrain. En effet, l’engagement citoyen autour de la question de la répartition de la ressource en eau est plus important à Tucson, du fait de l’historique des luttes environnementalistes qui caractérise la ville. De plus, l’Université a une tradition de diffusion de travaux scientifiques visant à intégrer ou aller à la rencontre de la communauté locale, ce qui passe de plus en plus par les réseaux sociaux et notamment Twitter. Ainsi, M. Bogan, professeur d’écologie, se sert particulièrement de ce média (compte Mtbogan) pour informer et illustrer les recherches sur les cours d’eau locaux. Le graphe permet également de constater le peu de liens entre les villes de Phoenix et de Tucson, alors que Tucson stocke de l’eau dans ses nappes phréatiques pour Phoenix. Finalement, chacune des municipalités est confrontée à ses propres problèmes, et elles pourraient même se retrouver potentiellement en compétition vis-à-vis de la ressource en eau.
61L’objectif de l’article visait à analyser, en Arizona, la publicisation des débats sur les orientations de politiques publiques, les choix sociotechniques et les solutions alternatives avancées par des acteurs, actrices ou groupes d’acteurs et d’actrices, pour faire face aux situations de sécheresse et de pénurie en eau. L’attention a été portée sur les discours médiatiques et la communication sur Twitter, avec les acteurs ou actrices qui les portent, en cherchant à comprendre la construction d’un discours dominant sur la gestion de la rareté de l’eau qui donne la priorité à certaines perspectives.
62L’analyse de la presse, mise en regard de l’activité sur Twitter autour de la question de la sécheresse et de l’eau, ne montre pas de différences majeures en termes d’acteurs ou d’actrices mis·es en avant. Ce constat peut s’expliquer par la persistance du modèle bureaucratique de la « grande machine à distribuer l’eau » (Fleck, 2016) dans le sud-ouest des États-Unis. En effet, la prise de décision reste concentrée auprès des grandes institutions créées progressivement à partir du début du XXe siècle, qui ont fini par correspondre à une armature très complexe se déclinant à plusieurs échelles (fédérale, régionale, État fédéré) dans lequel le rôle des expert·e·s (ingénieur·e·s, hydrologues) et le techno-optimisme restent dominants (Cortinas et al., 2016; O’Neill et Boyer, 2023). Cela laisse ainsi peu de place aux propositions alternatives, émanant d’acteurs ou d’actrices qui restent marginaux ou marginales. En effet, alors que l’enquête de terrain rend compte de pratiques de réutilisation de l’eau de toutes sortes (collecte des eaux de pluie individuelle, à échelle du quartier ou de la ville; eaux grises; eaux recyclées) qui sont fortement visibles dans les paysages et les discours à l’échelle locale (Brooks et al., 2022 ; Brooks et al. 2023, Boyer et al., 2024), celles-ci et les acteurs ou actrices qui les portent (associations environnementalistes, figures locales, collectifs d’habitant·e·s de quartier) n’apparaissent que peu dans la discussion publique. Pourtant, un débat politique existe bien entre la voie à prendre pour la gestion de l’eau en situation de pénurie, d’une part l’augmentation des ressources en eau à disposition, d’autre part la conservation de l’eau. Dans le cas d’étude de l’Arizona, ces deux options sont incarnées par les figures de Bruce Babbitt, démocrate fervent défenseur des bonnes pratiques d’économie en eau et de gestion durable d’un côté, et Doug Ducey, de l’autre.
63L’analyse de la publicisation du problème de la sécheresse dans le corpus de presse (avec un topic dédié aux « Cities Project and Cost ») et les comptes Twitter (WUIW, City of Phoenix, City of Tucson, AMWUA, etc.) fait apparaître l’importance des acteurs municipaux et actrices municipales. Cela peut s’expliquer par le fait que 80 % de la population de l’État de l’Arizona réside dans les villes de Tucson et de Phoenix (US Census, 2020). De plus, les villes sont reconnues comme étant particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique (Bulkeley, 2010; IPCC, 2022) : la forte concentration de population, la densité importante d’infrastructures et de biens matériels ainsi que la complexité d’organisation du système urbain multiplient les enjeux face aux vagues de sécheresses ou de chaleur qui posent des problèmes d’approvisionnement en eau. L’enquête de terrain a souligné le rôle proactif des municipalités dans la mise en œuvre des campagnes d’économie en eau et dans le soutien aux initiatives locales de collecte des eaux de pluie ou des eaux grises. Depuis 2020, elles élaborent leurs propres plans de gestion de la sécheresse. Dans l’agglomération de Phoenix, la plupart d’entre elles se distinguent d’une confiance excessive dans la capacité du système technologique du CAP pour s’appuyer plutôt sur la gestion de la demande et la ressource locale de la rivière Salée, à travers la construction d’un aqueduc d’urgence contre la sécheresse (Drought Contingency Pipeline). Récemment, la gouverneure d’Arizona, Katie Hobbs, a annoncé la fin de l’expansion urbaine en périphérie des métropoles du fait de la raréfaction des ressources en eau.
64Un autre point saillant est la focale placée uniquement sur les enjeux de quantités d’eau auxquels se trouve confronté l’État d’Arizona alors que de nombreuses études démontrent que les conséquences de la sécheresse portent aussi sur la qualité des ressources en eau, de surface et souterraines (Qiu et al., 2023). De plus, dans un contexte où les eaux recyclées (les effluents traités) sont de plus en plus mobilisées par les municipalités pour diversifier leur approvisionnement en eau, la question de la qualité de l’eau aurait pu potentiellement faire partie des débats soulevés par la publicisation du problème de la sécheresse et de la pénurie. À cet égard, l’analyse des comptes Twitter fait uniquement apparaître le Département de la Santé du Pima County, seule trace d’un acteur porteur de préoccupations potentielles concernant les conséquences d’une dégradation de la qualité de l’eau potable sur la santé des populations locales.
65Reposant sur une triangulation mêlant différents matériaux de recherche et convoquant des méthodes d’analyses qualitatives et quantitatives, la recherche présentée dans cet article offre la possibilité de déployer une approche transversale permettant la mise en œuvre d’une étude multisectorielle en lien avec la multiplication, l’intensification des épisodes de sécheresse et leur prise en charge (ou non) par les acteurs et actrices. À cet égard, l’article montre ainsi comment les données textuelles représentent une source d’importance pour évaluer avec précision les configurations spatio-temporelles des épisodes de sécheresses, d’une part, et pour déterminer, d’autre part, quels sont les risques et les mesures mises ou à mettre en œuvre qui préoccupent les sociétés et font l’objet de débats publics.
66Il apparaît que la mise en discussion publique, dans les médias et par les différentes parties prenantes, de la sécheresse est un sujet complexe faisant apparaître des enjeux de différentes natures. En effet, si la sécheresse est liée au changement climatique et aux activités anthropiques et comporte une dimension environnementale déterminante, la politique et les modes de gestion de l’eau résultent tout autant de choix de nature politique, économique, juridique et technico-industrielle. La question de la visibilité des aspects rattachés aux pénuries d’eau a montré les orientations de la presse dans la publicisation des débats et les prises de position des acteurs et actrices : le choix d’un développement industriel soutenu par les politiques de l’État d’Arizona, la priorité donnée aux objectifs économiques, l’émergence de la prise en compte de la préservation et de l’équilibre des écosystèmes favorisant des environnements sains, ainsi que des préoccupations plus larges concernant les impacts environnementaux du changement climatique. Il apparaît également que les prises de position et les décisions de nature politique et économique ont des conséquences déterminantes sur la répartition des ressources hydriques en faveur des entreprises industrielles et minières, de l’agriculture, du tourisme de nature, ou encore consacrées à l’expansion urbaine. Le croisement entre enquête de terrain et analyses des corpus tirés des médias souligne le risque que représentent des discours médiatiques centrés sur des acteurs ou actrices dominant·e·s et de larges projets techniques à même de faire la une des journaux, comme le dessalement de l’eau de mer pour un territoire enclavé. Cette domination occulte en effet l’éventail des alternatives, mises en œuvre à l'échelle locale, pour adapter la région et surtout les villes à un monde plus chaud, appauvri en eau. Dans le cas de l’Arizona, « territoire sentinelle », les questions soulevées face au manque d’eau suscitent des orientations et des décisions dont l’analyse participe à étayer et discuter la boîte à outil de la gestion de la sécheresse à différentes échelles globales, mais aussi nationale, régionale et locale.