2Même si le marché intérieur est la principale destination des produits de la campagne, la production agricole brésilienne est toujours en mesure de répondre aux demandes internationales et le pays fait partie des plus grands producteurs et exportateurs de produits agricoles et d'élevage au monde, étant généralement désigné comme la « ferme du monde » (THÉRY, 2019) ou le « grenier du monde ». On prévoit une croissance constante de la production et des exportations de produits agricoles pour au moins les dix prochaines années (MAPA, 2019 ; FIESP, 2020), mais aussi des perspectives de croissance démographique (223,8 millions d'habitants en 2029) et le maintien du fait que la majeure partie de ce qui est produit au pays continuera d'être consommée au niveau national.

3Depuis la période coloniale, les relations commerciales du Brésil avec les autres pays ont été principalement basées sur l'exportation de produits primaires, qu'ils soient agricoles ou minéraux, sous forme brute ou prétraitée. Le bois du Brésil, la canne à sucre, le café, le coton, le caoutchouc, l'or et les pierres précieuses sont des produits qui, par le passé, ont été les bases de l'économie du pays. Pour tenter de rompre avec le modèle économique basé sur le secteur primaire, à certains moments du XXe siècle, le pays a élargi sa base industrielle, mais dans les années 1990, il s'est à nouveau retourné aux produits agricoles et miniers, subissant un processus de reprimarisation de l'économie basé sur la surexploitation de ses vastes ressources naturelles, telles que la terre, l'eau et les minéraux.

4Suite à ce processus de reprimarisation amorcé dans les années 1990, en plus d'être un grand producteur de minerais (notamment de minerai de fer) et de pétrole, le Brésil se distingue actuellement par la production et l'exportation des produits agricoles et de leurs dérivés : soja, canne à sucre, maïs, café, oranges, tabac, coton, cellulose et viande de bœuf, de poulet et de porc. À titre d'exemple, en 2019, le pays était le premier exportateur mondial de soja, de viande de poulet, de café et de sucre et le deuxième exportateur de maïs, après les États-Unis, et de bœuf, derrière l'Australie. En ce qui concerne spécifiquement le marché intérieur, puisqu'ils constituent la base du régime alimentaire brésilien, se distingue la production de riz, de haricots, de blé, de manioc, de bananes et de lait.

5 La production agricole (qui comprend donc l'élevage, l'agriculture, la sylviculture, la cueillette et l'aquaculture), se fait au Brésil dans des situations très variées, puisque le pays possède une grande diversité d'environnements naturels liés principalement à sa grande extension latitudinale, qui va de 05^o16’19” dans l'Hémisphère Nord, passe par l'Équateur, le Tropique du Capricorne et se termine à la latitude de 33^o45’07” dans l'Hémisphère Sud. Par conséquent, il est possible que pratiquement tous les genres de produits agricoles et d'élevage que l'humanité utilise soient cultivés et élevés au Brésil.

6À l'exception du Nordeste semi-aride, il n'y a pas de conditions climatiques extrêmes ou imposées par la variation des saisons qui empêchent l'agriculture de produire tout au long de l'année, de sorte que dans certaines régions, les principales cultures sont pratiquées deux fois dans la même année, généralement avec une première récolte de soja ou de maïs et une deuxième récolte de maïs. Probablement pour la même raison, un environnement très propice à la reproduction et à la croissance intense de la vie, les "parasites" qui nuisent à l'agriculture conventionnelle se propagent également de manière accélérée, ce qui, associé à l'importante production agricole, fait du Brésil le consommateur de 20% des pesticides commercialisés dans le monde (PELAEZ et al., 2015 apud BOMBARDI, 2017).

Fragilités de la puissance agrominérale

9La forte demande et le prix élevé des produits de base dans le monde ont permis le processus de reprimarisation de l'économie brésilienne, qui, selon Salama (2016), a entraîné "une désindustrialisation et une baisse des salaires réels, malgré l'augmentation de la productivité dans les secteurs exportateurs." (p. 127). Toujours selon l'auteur, il y avait

[...] une insertion dans la division internationale du travail fondée sur des produits d'intensité technologique de plus en plus faible (à l'exception de certains secteurs comme l'aéronautique) entraînant depuis 2008 un déficit de la balance commerciale en termes de produits industriels, se transformant rapidement en un abîme [...] (p. 129).

10Salama (2016) et Carvalho et Carvalho (2011) affirment qu'à partir des années 1990, le Brésil a connu un processus de désindustrialisation précoce. Dans les économies avancées, la désindustrialisation - la perte d’importance relative du secteur industriel au profit du secteur des services - est attendue et constitue un symptôme des stades plus avancés du développement économique. On parle cependant de désindustrialisation précoce, comme cela s'est produit au Brésil, lorsque le rôle de l'industrie manufacturière perd du poids par rapport au secteur des services ou au secteur primaire sans que l'économie ait atteint, dans les pays émergents ou sous-développés, les mêmes niveaux de productivité et de revenu par habitant que ceux des économies avancées. « La participation de l'industrie manufacturière brésilienne à l'industrie manufacturière mondiale (en valeur ajoutée) est de 1,8 % en 2005 et de 1,7 % en 2011, après avoir atteint 2,7 % en 1980 [...] » (SALAMA, 2016, p. 131).

11Delgado (2010) critique le processus de spécialisation primaire et affirme qu'une telle option impose des limites au développement : « Bien que conjoncturellement compensatoire, la spécialisation primaire des exportations ne résout pas la dépendance extérieure et aggrave la situation déficitaire des autres secteurs ». (p. 111). L'auteur affirme également que ce système repose sur des pièges productifs, représentés par la surexploitation des ressources naturelles, mais aussi sur des pièges distributifs, puisque l'appropriation du surplus économique résulte de la domination foncière. Par conséquent, l'appropriation du surplus économique est concentrée, tout comme la terre l'est au Brésil.

Notez que l'agrobusiness, dans la conception brésilienne du terme, est une association de grands capitaux agro-industriels avec de grandes propriétés foncières. Cette association met en œuvre une stratégie économique de capital financier, recherchant le profit et la rente de la terre, sous le parrainage des politiques étatiques (p. 113).

12Delgado (2010) affirme qu'avec les politiques gouvernementales visant à encourager l'agrobusiness, notamment le crédit agricole avec des taux d'intérêt subventionnés, et la forte demande de produits de base stimulée par la Chine, le prix des terres et des baux, qui avait chuté dans les années 1990, a commencé à augmenter, au profit des propriétaires fonciers. Le Brésil a également mené une politique foncière souple qui a permis à l'agrobusiness de s'approprier les terres encore disponibles à la frontière agricole.

13L'avancée de la production dans les campagnes basée sur l'agrobusiness a également des restrictions en matière de main-d'œuvre, étant l'une des limites au développement selon Delgado (2010).

Par ailleurs, rien ne prouve que la dynamique de croissance de la productivité physique de l'agriculture dans les zones consolidées ou dans les zones d'incorporation de terres corresponde à des augmentations de salaires, ni à des augmentations de l'emploi de travailleurs non qualifiés liées à la croissance de la production. […] En d'autres termes, le taux de salaire, l'emploi et la masse salariale générés dans le processus de production et d'exportation de biens primaires n'augmentent pas ou même diminuent, alors que la production et les exportations des principales chaînes agro-industrielles se développent à des taux élevés de 8 à 10 % par an. Certaines dynamiques locales de création de nouveaux emplois dans les chaînes de production en expansion se produiront, mais elles ne seront pas proches des phénomènes d'expansion primaire d'autres époques (p.121).

14Le modèle agricole de l’agrobusiness repose fortement sur l'utilisation d'un ensemble technologique intensif en machines et en intrants, dont les pesticides. La consommation de pesticides a augmenté en même temps que l'expansion des produits de base, en particulier le soja, la canne à sucre, le maïs et le coton, qui en 2015 ont consommé 80 % de tous les pesticides utilisés au Brésil (52 % pour le soja, 10 % pour la canne à sucre, 10 % pour le maïs et 8 % pour le coton), comme l'indique Bombardi (2017). Tout comme les pesticides, dont la production est dominée par de grandes entreprises étrangères, le Brésil dépend également de l'importation de la plupart des engrais chimiques. Selon FIESP (2020), en 2018, le Brésil a importé 83,1 % des engrais chimiques qu'il a utilisés pour la production agricole et la perspective est que la quantité utilisée augmente de 40 % d'ici 2028, date à laquelle 84 % des engrais seront importés.

15Ces paquets technologiques (mécanisation, génie génétique et intrants chimiques) sont entre les mains d'entreprises étrangères qui finissent par coopter une grande partie des profits du secteur, que ce soit dans la fourniture de paquets technologiques pour la production (en amont) ou dans la commercialisation, la transformation et/ou l'exportation de produits agricoles et d'élevage (en aval). Les Brésiliens sont principalement responsables de la production “dentro da porteira”, (« à l'intérieur de l'exploitation »), à l'exception des grands groupes nationaux, des coopératives et de la filière viande, qui sont également en mesure de réaliser les activités en aval, en transformant et/ou en commercialisant/exportant directement la production.

Nous avons un sérieux piège dans ce cadre stratégique. La compétitivité extérieure des « commodities » agricoles et des minéraux, fondée sur l'augmentation de la productivité des terres et des mines, soutient un flux de transactions courantes avec l'extérieur, dépendant des capitaux étrangers. Le résultat inévitable est la surexploitation de nouveaux gisements et de nouvelles terres, mais aussi l'intensification du paquet technique agrochimique dans les zones déjà exploitées, afin d'obtenir une plus grande part du marché extérieur des produits primaires. Cet arrangement n'est pas viable à moyen terme, tant sur le plan économique qu'écologique. Ces gains de productivité des exportations de minerais, de pétrole, de viande, de céréales, d'éthanol, etc., laissés à des critères strictement mercantiles, tendent à s'éteindre avec le temps, avec la dilapidation progressive des ressources naturelles non renouvelables. (DELGADO, 2010, p. 123).

16Le tableau 1 présente la participation des secteurs de l'économie au Produit Intérieur Brut (PIB) pour les années 2010 et 2019 et les données corroborent la thèse d'une désindustrialisation précoce. Le principal secteur de l'économie et celui qui a présenté la plus forte augmentation entre 2010 et 2019 est celui des services. Au cours de la période, la part de l'agriculture dans le PIB a également augmenté, bien que cette augmentation soit faible. Cependant, la même comparaison montre que toute l'industrie, en particulier l'industrie manufacturière, a perdu en part du PIB.

TABLEAU 1 - Brésil - Participation des secteurs économiques au Produit Intérieur Brut - 2010-2019

18Le graphique 1 montre que la reprimarisation de l'économie s'est intensifiée à partir du milieu des années 2010. Le graphique compare la participation de « l'agriculture + l'industrie extractive » et « l'industrie de transformation » au PIB brésilien depuis 1996. Une première analyse générale du graphique nous permet de visualiser la tendance au rapprochement des deux données en question, caractéristique de la reprimarisation de l'économie. Dans une analyse plus détaillée, nous pouvons observer que : i) à partir de 2009, « l'industrie de transformation » entre en déclin ; ii) « l’agriculture + l'industrie extractive » présente un mouvement ascendant, se rapprochant de la participation de « l'industrie de transformation » en 2014, lorsque le pays a commencé à faire face à une forte crise politique et économique ; iii) au deuxième trimestre de 2020, déjà avec les reflets de la crise économique causée par Covid-19, la participation de « l’agriculture + l'industrie extractive » a dépassé « l'industrie de transformation » de 0,3% ; iv) enfin, la dernière donnée du graphique montre qu'au premier trimestre 2021, avec l'impact intense de la pandémie et suite à la forte dévaluation du Real par rapport au Dollar (graphique 2), « l’agriculture + l'industrie extractive » devance largement « l'industrie de transformation » en participation au PIB, soit 16,2% pour la première et 10,3% pour la seconde, démontrant la faiblesse de l'industrie de transformation brésilienne et réaffirmant les produits primaires comme l'option brésilienne.

19La balance commerciale brésilienne (tableau 2) montre que le pays est ancré dans l'économie mondiale sur la base des biens primaires (agriculture et industrie extractive), tous deux présentant des soldes positifs similaires. Ces deux secteurs compensent le solde négatif de l'industrie de transformation, dont les valeurs sont un peu plus élevées que la somme des valeurs de l'agriculture et de l'élevage et de l'industrie extractive. En 2019, le PIB du Brésil aux prix du marché (taxes y comprises) s'élevait à 7,4 mille milliards de Reais, ce qui, converti en Dollars, représentait un total de 1,83 mille milliards. Les exportations brésiliennes représentaient 12 % de la valeur du PIB du pays et la balance commerciale positive ne représentait que 1,9 % du PIB. La somme du solde positif de l'industrie extractive et de l'agriculture correspond à 4,27 % du PIB brésilien en 2019. Pour l'année 2020, le PIB du Brésil était de 7,45 mille milliards de Reais (1,43 mille milliard de Dollars), les exportations représentaient 14,6 % du PIB et la balance commerciale positive était de 3,5 % du PIB.

20Les données de la balance commerciale font apparaître clairement l'ampleur de l'écart (SALAMA, 2016) créé par l'industrie de transformation et la dépendance à l'égard du secteur primaire pour remédier à ce problème. Il s'agit d'une forme d'insertion dans la division internationale du travail dont l'évolution nécessite des stratégies et des politiques très fortes et bien structurées, mais le Brésil n'a montré ni intérêt ni la capacité pour une telle entreprise, au contraire, il a de plus en plus misé sur le secteur primaire.

TABLEAU 2 - Balance commerciale du Brésil - 2019-2020

21Étant donné qu'une partie importante (variété et quantité) de ses produits agricoles est destinée au marché international, la dynamique de l'offre et des prix des produits de base et des produits connexes pour le marché intérieur brésilien est directement influencée par la demande internationale et le taux de change du Dollar. Depuis 2018, le taux de change du Dollar en Reais ne cesse d'augmenter, partant d'environ 3,30 Reais en 2018 pour atteindre un pic de 5,85 Reais à la mi-2020 et atteindre 5,25 Reais à la mi-2021 (graphique 2). Si le Dollar est bon marché, les coûts de production agricole (machines, génétique, intrants et aliments pour animaux) le sont également, puisqu'ils sont importés ou dépendent de l'importation de composants. Cependant, le prix obtenu par l'exportation de produits de base et de produits connexes qui en dépendent, comme la viande, est également plus bas, car il suit le Dollar. En revanche, si le Dollar est cher, la production agricole devient également plus chère, mais les prix obtenus par la vente des produits de base et des produits connexes sont plus élevés, que ce soit pour l'exportation ou pour la consommation intérieure. Ainsi, pour les producteurs agricoles, il existe un certain équilibre par rapport à la variation du taux de change du Dollar.

22Toutefois, si pour la production agricole l'augmentation du taux de change du Dollar n'a pas d'impact majeur, il n'en va pas de même pour le consommateur brésilien, qui subit les effets négatifs de la dévaluation du Real par rapport au Dollar. Le marché intérieur est le plus grand consommateur de produits agricoles brésiliens et le prix des denrées alimentaires est impacté par l'augmentation du taux du Dollar, puisqu'une partie d'entre elles est liée à la chaîne des matières premières, notamment le soja et le maïs, consommés comme aliments (huile de maïs et de soja) ou utilisés comme aliments pour animaux, notamment pour les bovins laitiers, les porcs et la volaille. Si, d'une part, la hausse du Dollar entraîne une augmentation des prix des denrées alimentaires, d'autre part, le revenu des consommateurs n'est pas lié au taux de change du Dollar et n'augmente pas dans la même proportion. Cela entraîne une baisse du pouvoir d'achat des consommateurs et une inflation, ce qui déclenche une augmentation des prix d'autres biens et services qui ne sont pas directement liés à l'agriculture et à l'élevage. C'est un cercle vicieux qui ronge l'économie et aggrave des problèmes tels que la faim et la misère.

23En outre, le gouvernement fédéral nommé par le président Jair Bolsonaro a adopté à Petrobras la politique consistant à fixer le prix du pétrole au prix international en Dollars, ce qui inclut le diesel, utilisé pour la production (machines agricoles) et le transport des produits de base et autres aliments. Ainsi, avec l'augmentation du cours du Dollar, on a assisté à une forte hausse du prix du carburant, augmentant par conséquent - mais pas exclusivement - les coûts de production et d'écoulement des produits agricoles.

24L'éthanol, bien qu'il ne soit ni un produit de base ni un dérivé du pétrole, a également suivi le mouvement de hausse des carburants déclenché par la politique de prix de Petrobras ; toutefois, seule une partie de l'augmentation des prix de l'éthanol est liée à la hausse des coûts de production : l'éthanol suit le prix de l'essence. Pour que l'éthanol soit économiquement rentable pour les consommateurs, son prix doit être au maximum égal à 70% du prix de l'essence ; s'il est supérieur, les consommateurs opteront pour l'essence, mais lorsqu'il est égal ou inférieur à 70%, les consommateurs ont tendance à opter pour l'éthanol. C'est pourquoi les industries de l'éthanol, les distributeurs et les stations-service, indépendamment des marges bénéficiaires ou des coûts de production, maintiennent toujours le prix de l'éthanol à un niveau proche de 70 % de celui de l'essence. Ainsi, le prix de l'éthanol ne dépend pas uniquement des coûts de production, mais du prix de l'essence comme référence maximale. Cela permet aux producteurs et aux détaillants de réaliser un bénéfice excédentaire sur l'éthanol lorsque le prix de l'essence augmente et que les coûts de production, de distribution et de vente de l'éthanol restent les mêmes. Ce comportement annule toute possibilité que l'éthanol soit un atout pour le pays en ce qui concerne les prix des carburants et les effets délétères de l'inflation qu'ils génèrent.

25L'exemple de l'éthanol est très illustratif du type de « contrat » entre l'État et les grands producteurs agricoles. Il s'agit d'un modèle dans lequel les gouvernements/la société investissent massivement dans la production, mais n'ont aucun contrôle sur les résultats, qui sont librement appropriés par les hommes d'affaires, qui en tirent le plus grand profit possible. La forte hausse récente du prix des denrées alimentaires de base sur le marché intérieur, due à l'augmentation du taux de change du Dollar, est également un exemple de l'incapacité totale du gouvernement à développer des mécanismes permettant d'éviter les crises d'accès à la nourriture. Les bases du « contrat » entre l'État et les producteurs doivent être ajustées, car il n'est pas possible que la société continue à payer pour la production et soit lésée dans l'accès aux produits. Quelque chose ne tourne pas rond dans le paradoxe de la faim dans le pays qui prétend être la « ferme du monde ».

Caractéristiques générales des campagnes brésiliennes

26Le Brésil possède une frontière agricole active qui constitue l'un des éléments les plus dynamiques et les plus importants pour comprendre la campagne brésilienne. Dans les années 1970, sous la dictature militaire, une frontière agricole a été ouverte dans les régions du Norte et du Centro-Oeste, plus précisément dans les États du Goiás, du Mato Grosso, dans l'est du Pará et le Rondônia. Aujourd'hui, ce sont des zones bien consolidées par d'agrobusiness, la production de coton et de céréales (principalement le soja et le maïs) a été principalement établie dans le Cerrado, avec la création et la consolidation d'un paquet technologique efficace en termes de productivité de ces cultures. Les zones du biome Amazonie, en revanche, ont été principalement utilisées pour former des pâturages pour l'élevage de bétail bovin, à l'exception des zones de transition entre le Cerrado et l'Amazonie, qui conviennent également au paquet technologique du soja et du maïs.

27La frontière agricole ouverte dans les années 1970 n'a pas cessé de se déplacer, occupant sans cesse de nouvelles zones de l'Amazonie et du Cerrado. La carte 2 montre, en utilisant données de déforestation pour les deux biomes, l'emplacement actuel de la frontière agricole. En Amazonie, elle progresse principalement dans le sud de l'Acre, la moitié nord-ouest de Rondônia, la moitié sud-est du Pará et le nord de Mato Grosso, cette dernière région comportant de vastes zones de transition entre le Cerrado et l'Amazonie. Dans le Cerrado, un nouveau front s'est renforcé depuis 2010 : il s'agit de la région MATOPIBA, nommée d'après les abréviations des États qui la composent : Maranhão (MA), Tocantins (TO), Piauí (PI) et Bahia (BA). La superficie du MATOPIBA est de 73.173.484,58 hectares et correspond à 35,9 % du Cerrado. C'est dans cette région que se trouvent la plupart des nouvelles zones incorporées à l'agrobusiness des grains et du coton, car c'est le même biome pour lequel a été développé le paquet technologique de ces cultures, qui permet l'implantation rapide de la culture avec des résultats productifs rentables.

28Entre 2007 et 2019, 9.198.365 ha ont été déboisés dans le biome Amazonie. Dans la même période, dans le Cerrado, qui a une superficie totale de 203.644.800 ha, 12.941.590 ha de végétation naturelle ont été détruits, dont 7.283.806 ha (56,3 %) dans la région de MATOPIBA. Bien que MATOPIBA soit le foyer le plus important de déforestation dans le Cerrado, il est important de souligner que dans les régions d'occupation plus ancienne du biome et qui ne font pas partie de MATOPIBA, comme le nord-ouest du Minas Gerais, le nord-est du Goiás et le Cerrado de Mato Grosso et Mato Grosso do Sul, se poursuit une activité de déforestation significative, indiquant un processus généralisé de suppression de la végétation naturelle du Cerrado pour la mise en œuvre de l'agriculture et qui est plus élevé que celui vérifié en Amazonie.

29Entre 2006 et 2017, les communes brésiliennes qui ont enregistré une augmentation du cheptel bovin l’ont vu augmenter de 17.080.140 têtes. De cette augmentation, 50,3% se sont produits dans les communes du biome Amazonie et seulement 7% dans les communes du MATOPIBA, ce qui confirme que l'Amazonie est la principale destination du cheptel bovin. Toujours entre 2006 et 2017, les communes qui ont connu une augmentation de la surface récoltée de soja ont totalisé 10.995.583 ha, dont 31,2% dans les communes du biome Amazonie et 15,3% dans les communes du MATOPIBA. Au cours de la même période, les communes qui ont connu une croissance de la surface récoltée de maïs ont augmenté la culture de la céréale de 5.669.816 ha, dont 25,5% dans les communes amazoniennes et 8% dans les communes du MATOPIBA. En résumé, alors que l'Amazonie est une frontière agricole et d'élevage, le MATOPIBA est une frontière principalement agricole de production végétale mais toutes deux sont des frontières foncières.

32La figure 1 montre la répartition des trois utilisations des sols (cultures, pâturages et bois et forêts). Les cultures sont concentrées dans le Sul, dans l'État de São Paulo (principalement la canne à sucre), à l'ouest du Minas Gerais et dans le Centro-Oeste, notamment dans le Mato Grosso. Dans une moindre mesure que dans les régions énumérées ci-dessus, le MATOPIBA se distingue également par la superficie des cultures. Les pâturages sont très réduits dans l'État de São Paulo, car ils ont été presque totalement remplacés par la culture de la canne à sucre. Les pâturages sont importants dans le sud du Rio Grande do Sul (région des Pampas), dans toute la zone du Cerrado, sur la bande côtière de l’État de Rio de Janeiro au nord de la Bahia et sur une large bande dans le sud-est de l'Amazonie, du Maranhão au Rondônia. La frontière agricole de l'Amazonie se situe dans cette dernière, où la superficie des pâturages a le plus augmenté.

33La carte des bois et forêts doit être analysée avec soin : il s'agit des surfaces de bois et forêts, naturelles ou plantées, y compris à des fins commerciales, et qui se trouvent à l'intérieur des exploitations agricoles. Ne sont pas représentés sur la carte les bois et forêts des terres publiques, y compris les terres indigènes et les unités de conservation, qui occupent la majeure partie de l'Amazonie, notamment la moitié nord-ouest du biome. Pour cette raison, seule la moitié sud-est du biome, où les exploitations agricoles ont été installés, présente de plus grandes surfaces de cartes et de forêts. Les cartes et les forêts sont plus présentes dans le Cerrado et l'Amazonie car dans ces biomes, les propriétaires fonciers sont obligés de maintenir sur leurs propriétés des réserves de forêts indigènes de 20 à 35 % dans le Cerrado et de 80 % en Amazonie. Même s'il y a de nombreux manquements à cette loi, la carte montre qu'il y a des résultats positifs à cette détermination.

34Comme la nature, la diversité socio-économique des producteurs est également notable dans les campagnes brésiliennes, qui vont des entreprises les plus modernes et capitalisées aux producteurs extrêmement pauvres dont les revenus agricoles ne suffisent même pas à entretenir le groupe familial. Les chercheurs et les gouvernements prennent en considération l'existence de deux types d'agriculture dans le pays, à savoir : l'agriculture paysanne/familiale et l’agrobusiness/agriculture capitaliste/agriculture patronale. Il faut préciser que ce qui définit ces deux types d'agriculture n'est pas la richesse ou la pauvreté, la technologie utilisée ou ce qui est produit. Le principe qui caractérise l'agriculture paysanne/familiale est la prédominance de la main-d'œuvre familiale dans les exploitations agricoles, de sorte qu'aussi bien des agriculteurs semblables aux family farmers des États-Unis que des paysans européens peuvent appartenir à ce groupe. En revanche, dans les exploitations de l’agrobusiness, les relations capitalistes et le salariat prédominent. Comme le montre la carte 3, l'agriculture paysanne/familiale est concentrée dans le Nordeste, le Sul et le Norte du Brésil.

35Pendant 17 ans, le Brésil a eu deux ministères qui s'occupaient chacun de l'un de ces deux groupes d'agriculteurs : le Ministério da Agricultura, Pecuária e Abastecimento (MAPA), qui existe toujours et s'adresse principalement à l'agrobusiness, et le Ministério do Desenvolvimento Agrário (MDA), créé en 1999 et supprimé en 2016, qui s'adressait à l'agriculture familiale. La justification de l'analyse et de la gouvernance de l'agriculture à partir des deux types d'exploitations décrits ci-dessus vient du fait qu'ils ont des fonctions sociales différentes : alors que l'objectif ultime de l'agrobusiness est le profit, l'agriculture paysanne vise à maintenir le groupe familial et la terre est un lieu de travail, de production et de reproduction sociale.

36En 2017, l'agriculture familiale représentait 76,8 % des exploitations agricoles, mais ne détenait que 23 % de leur superficie. La même année, 67 % des emplois dans les campagnes brésiliennes étaient portés par l'agriculture familiale, ce qui représente du travail pour 10,1 millions de personnes. Alors que l'agriculture familiale crée un emploi pour 8 hectares, l'agrobusiness a besoin de 54,2 hectares pour employer un travailleur. En matière de production, l'agriculture familiale est aussi efficace que l'agrobusiness, puisqu'elle était responsable de 23 % de la valeur de la production des campagnes en 2017, soit la même proportion de terres qu'elle possède.

38Compte tenu du rôle joué par l'agriculture paysanne dans la production et la création d'emplois, de la quantité réduite de terres qu'elle possède et des ressources proportionnellement beaucoup plus faibles qu'elle reçoit du Gouvernement Fédéral, on peut affirmer que l'agriculture familiale est plus efficace que l'agrobusiness, puisqu'elle produit proportionnellement plus avec moins de ressources. En outre, sur le plan social, l'agriculture familiale est plus importante que l'agrobusiness et, parce qu'elle est plus fragile économiquement, elle doit être protégée et encouragée par des politiques publiques plus robustes. Garder ces agriculteurs dans les champs, s'ils le souhaitent, est très souhaitable pour un pays comme le Brésil, qui vit constamment avec des taux de chômage à deux chiffres. Loin d'être une proposition « socialiste » ou utopique, des politiques de cette nature sont développées dans les pays centraux du capitalisme et l'exemple le plus notable est ce qui se passe dans l'Union Européenne, où la Politique Agricole Commune (PAC) reconnaît l'importance des exploitations familiales/paysannes, puisqu'une partie importante de ses actions est axée sur le maintien de l'homme aux champs dans ces exploitations qui, sans les aides de la PAC, auraient disparu depuis longtemps.

Élevage

42Pour analyser la production animale et végétale, nous utiliserons les données des recensements agricoles de 2006 et 2017 réalisés par l‘Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística (IBGE), ainsi que la publication « Outlook FIESP : projeções para o agronegócio brasileiro – 2020 » (FIESP, 2020), qui présente la situation des principaux produits agricoles brésiliens en 2019 et fait des projections pour l'année 2029. Ces projections permettent de visualiser les attentes du Brésil, à l'horizon de dix ans, en matière de production agricole, mais aussi d'entrevoir la dimension de l'impact environnemental et social qu'engendrera la satisfaction de cette demande.

TABLEAU 3 - Élevage et production animale (produits sélectionnés) - 2017

44Auparavant localisée principalement dans la région Sul du pays, où la production de soja a débuté, la production intensive de porcs et de poulets pour la viande s'est ensuite installée dans le Centro-Oeste, plus précisément dans le Mato Grosso et le Goiás. Dans ces États, les mêmes entreprises du Sul ont structuré des systèmes d'élevage intégrés et installé des usines de transformation de la viande. Cette expansion s'est produite parallèlement à l'augmentation de l'offre de soja et de maïs pour l'alimentation animale dans le Centro-Oeste, même si la distance par rapport aux principaux centres de consommation et aux ports est plus grande : les coûts de transport de la viande transformée sont inférieurs à ceux qui seraient nécessaires pour transporter les aliments pour les animaux.

45Comme on peut le voir sur la figure 2, il n'y a pas eu de processus de migration, mais plutôt une expansion de l’élevage vers le Centro-Oeste, puisque le Sul et le Sudeste conservent des troupeaux importants. Sur la carte du cheptel « poules, coqs, poulettes, poulets et poussins », il faut noter que celui-ci comprend les poules destinées à la ponte (détails sur la figure 3) et, São Paulo et Espírito Santo étant de grands producteurs d'œufs, une partie importante de ce cheptel dans les deux États mentionnés est constituée de poules destinées à la ponte et non d'oiseaux de boucherie. Bien que le Sul, le Centro-Oeste et le Sudeste concentrent les troupeaux, l'élevage de porcs et de poulets, intensif ou extensif, se pratique également dans d'autres États. Dans les deux cartes de la figure 2, il est possible de voir qu'il existe un élevage de poulets et de porcs dans tout le pays, mais dans certaines régions des ensembles de communes se distinguent : l'élevage intensif y est très présent. Dans toutes les autres zones où le phénomène est plus rare l'élevage se fait le plus souvent de manière traditionnelle, avec des animaux en liberté dans les champs et une alimentation diversifiée.

46Selon la FIESP (2020), en 2019, le Brésil a produit 13,6 millions de tonnes de viande de poulet (72,8 % consommés à l'intérieur du pays) et la prévision est qu'en 2029 cette production sera de 17,3 millions de tonnes - croissance de 26,6 % - dont 67,9 % seront destinés au marché intérieur. Quant au porc, en 2019, le Brésil a produit 3.9 millions de tonnes, consommé 78,4 % et la production prévue en 2029 sera de 5,1 millions de tonnes (augmentation de 28,2 %), dont 75,6 % pour le marché intérieur.

47La production d'œufs a augmenté de 67,9 % entre 2006 et 2017, passant de 2,8 à 4,6 milliards de douzaines. La production est dominée par l'agriculture capitaliste, qui représente 87,6 % du total produit. Selon la FIESP (2020), la production brésilienne d'œufs augmentera de 37,7 % entre 2019 et 2029 et, comme en 2019, la quasi-totalité de la production continuera d'être consommée par le marché intérieur, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux importations. Contrairement à la production de poulets de chair, l'élevage des poules pour la ponte des œufs est principalement effectué par les entreprises qui vendent les œufs, et également dans un système intensif. Il s'agit d'une activité très spécifique et localisée, comme le montre la figure 3, qui privilégie la proximité du marché de consommation plutôt que celle de la source alimentaire. Comme cela a déjà été mentionné, São Paulo et Espírito Santo se distinguent dans la production d'œufs.

48En 2017, les exploitations familiales représentaient 31 % du cheptel bovin, mais produisaient 64,2 % du lait au Brésil. Cela s'explique par le fait que l'élevage laitier est une activité à forte intensité de main-d'œuvre, qu'il constitue une source de revenus stables et qu'il donne lieu à la production de veaux, qui sont élevés et engraissés en vue de l'abattage ou vendus à d'autres pour effectuer ce processus. Il s'agit d'une activité qui a connu un processus d'intensification, avec l'amélioration génétique, les nouvelles techniques de gestion, la complémentation de l'alimentation et la mécanisation de la traite : tout cela se traduit par la diminution de la marge de rémunération des producteurs et par l'augmentation du prix des dérivés du lait. L'augmentation du prix des aliments pour animaux (soja et maïs) due à la dévaluation du Real par rapport au Dollar est un facteur qui a directement interféré dans le secteur ces derniers temps. La production de lait a augmenté de 46,6 % entre 2006 et 2017, passant de 20,6 à 30,1 milliards de litres.

49Toute la production laitière brésilienne est consommée à l'intérieur du pays. En 2019 le Brésil a produit 34.6 millions de tonnes de lait et a dû importer 928 milliers de tonnes supplémentaires pour le marché intérieur. En 2029, la perspective est que 46.9 millions de tonnes de lait seront produites et qu'il sera nécessaire d'importer 1.1 millions de tonnes supplémentaires pour répondre à la demande du marché intérieur. L'augmentation de 35,6 % prévue pour la production laitière entre 2019 et 2029 devrait se faire principalement par la productivité, puisque la projection prévoit que le cheptel laitier n'augmente que de 5 % (FIESP, 2020). Cela exigera l'intensification des améliorations génétiques, de la gestion et de l'utilisation des aliments pour animaux dans l'alimentation, ce qui tend à continuer à augmenter le prix du lait et de ses dérivés. Un autre facteur qui a contribué et continuera à contribuer à l'augmentation de l'alimentation des bovins laitiers avec des aliments pour animaux est la perte de pâturages au profit de la culture de la canne à sucre, en particulier dans l'État de São Paulo et les États voisins (voir la figure 7 sur l'expansion de la canne à sucre).

52En 2019, le Brésil a produit 10,2 millions de tonnes de viande bovine, en a consommé 77,4 % en interne et, selon les prévisions, il produira 12,6 millions de tonnes en 2029 - soit une croissance de 23,3 % - et en consommera 69,9 % en interne. On estime que l'augmentation du cheptel sera inférieure à la production de viande (7,6%) et qu'il y aura une réduction de 3,5% de la superficie des pâturages (FIESP, 2000). On peut alors en conclure que l'essentiel de l'augmentation de la production proviendra de l'amélioration de la productivité de la viande par tête, ce qui suppose une amélioration génétique, une meilleure gestion et une alimentation accrue avec des aliments pour animaux. Selon MAPA (2019), le ministère de l'Agriculture des États-Unis prévoit que le Brésil sera le plus grand exportateur de viande bovine en 2028, suivi par l'Inde, l'Australie et les États-Unis.

Les principaux marchés de la viande bovine sont la Chine, les États-Unis, les pays d'Afrique et du Moyen-Orient, le Japon et la Corée du Sud. Pour la viande de poulet, les principales destinations sont l'Arabie saoudite, le Japon, la Chine, les Émirats Arabes Unis et Hong Kong. Pour le porc, les principaux marchés sont le Mexique, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis (MAPA, 2019, p.69).

53En ce qui concerne la réduction de 3,5 % des zones de pâturage prévue dans le document FIESP (2020), il convient de préciser que les pâturages ne cesseront pas de progresser sur les zones forestières. Il se trouve qu'une partie des zones qui sont actuellement des pâturages tend à être occupée par des cultures (y compris pour l'alimentation du bétail) et que de nouveaux pâturages tendent à être ouverts, principalement en Amazonie : ce qui changera, c'est l'emplacement des pâturages, même si la superficie totale reste la même ou diminue même à des niveaux très timides, comme prévu. Le Cerrado sera de plus en plus occupé par le soja, le maïs et le coton tandis que les pâturages seront transposés en Amazonie. C'est la suite du processus observé entre 2006 et 2017 et que nous démontrons dans l'ensemble des cartes de cet article.

54 Les bovins méritent une analyse plus détaillée car leur élevage occupe la plus grande surface des exploitations agricoles brésiliens, produit le plus grand impact environnemental et est un marqueur de la frontière agricole, occupant les nouveaux pâturages formés par la déforestation et pour l'appropriation des terres. La figure 4 montre qu'entre 2006 et 2017, le cheptel bovin s'est déplacé de la moitié est et sud du pays vers le Norte et l'ouest de la région Centro-Oeste, qui comprend le Pantanal, région traditionnelle d'élevage et qui a subi une pression anthropique accrue avec le remplacement de la végétation native par des pâturages plantés (GIRARDI ; ROSSETO, 2011). En Amazonie, la progression du bétail trace aujourd'hui une ligne qui va du centre d'Acre à la frontière côtière entre Pará et Maranhão, que l'on peut également voir sur la carte 2, sur la déforestation, c'est la localisation actuelle de la frontière agricole : si, auparavant, elle formait un arc, aujourd'hui, elle est une ligne droite. Les données du recensement de l'agriculture et de l'élevage de 2017 (figure 4) montrent clairement que les bovins n'occupent plus seulement les zones de transition ou les bords de l'Amazonie ; ils sont déjà dans les régions centrales du biome.

55Le MATOPIBA, une région de Cerrado, n'a pas été une destination pour les troupeaux bovins, et l'expansion de l'exploitation de cette zone est basée sur l'avancée de la production de grains. L'Amazonie, différente du Cerrado en ce qu'elle est plus humide, présente de meilleures conditions pour le développement de pâturages plus abondants pendant une plus longue période de l'année et est également moins adaptée au paquet technologique de l'agrobusiness de grains, conçu spécifiquement pour le Cerrado, ce qui se traduit également par des terres moins chères pour pratiquer l'élevage extensif. Ainsi, l'Amazonie devient le centre de l'expansion de l'élevage bovin et le Cerrado est privilégié pour l'expansion de l’agrobusiness de grains et de coton, bien que le cheptel bovin s'étende également dans des zones du Cerrado pour lesquelles l'agrobusiness n'a aucun intérêt - du moins pour le moment. L'augmentation du cheptel à Santa Catariana et dans le sud de Minas Gerais est associée à la production de lait.

56La culture de la canne à sucre a chassé le bétail de l'État de São Paulo et d'autres États voisins qui possédaient d'importants troupeaux de bovins et de vaches laitières. La comparaison des figures 4 et 7 nous permet de visualiser le processus, puisque la région de diminution des bovins dans les États de Goiás, São Paulo et Mato Grosso do Sul correspond à la même région d'augmentation de la production de canne à sucre. Ainsi, même si l'augmentation de la production d'éthanol de canne à sucre et de sucre est interdite dans les biomes de l'Amazone et du Pantanal, la pression s’y fait indirectement, par l'avancée de l'élevage bovin sur ces biomes. Il s'agit d'une législation faite uniquement pour répondre aux critiques internationales sur la durabilité de la production d'éthanol.

Agriculture

57Comme nous l'avons déjà indiqué, l'agriculture (cultures permanentes et temporaires) n'occupe que 18,1% de la surface des exploitations agricoles brésiliens et il existe une grande surface sur laquelle elle peut s'étendre, qui sont ceux occupés par les pâturages, qui représentent 45,4% de l’aire des exploitations. Parmi les pâturages, 11,9 millions d'hectares (7,4 % des pâturages) sont des pâturages en mauvais état et dont la mise en culture peut favoriser la reprise. Le tableau 4 présente une synthèse des principales productions agricoles, forestières et de cueillette. Le soja, la canne à sucre, le maïs, le café et le bois en grumes se distinguent en termes de valeur de production.

TABLEAU 4 - Brésil - Principales productions végétales - 2017

58Le soja est le principal produit agricole du Brésil et, entre 2006 et 2017, la superficie récoltée a augmenté de 72,6 %, pour atteindre 30,9 millions d'hectares récoltés en 2017, ce qui représente 48,7 % de la superficie agricole du Brésil. L'agriculture familiale ne représentait que 9,2 % de la superficie totale récoltée de soja en 2017, ce qui montre clairement que le soja est un produit quasi exclusif de l'agrobusiness. Selon les projections de la FIESP (2020), la production de soja augmentera de 44,3 % entre 2019 et 2029 sur une superficie accrue de 23,5 % et avec une augmentation de 16,8 % de la productivité. En 2019, le Brésil a consommé 39,1 % du soja en interne et les prévisions indiquent qu'en 2029 il consommera 36,9 % de la production. Le pays augmentera également sa production (+38,8%) et ses exportations de tourteaux de soja, dont le marché intérieur représentait 52,7% de la consommation en 2019 et consommera 43,7% de la production de 2029. Enfin, l'huile de soja a été en 2019 et sera en 2029 consommée majoritairement par le marché intérieur, qui représentait 87,9% en 2019 et représentera 93,5% en 2029. (FIESP, 2020). En plus d'être consommée comme aliment, l'huile de soja est également transformée en biodiesel. En 2019, 68% du biodiesel produit au Brésil a utilisé le soja comme matière première, avec 4 millions de mètres cubes d'huile de soja utilisés à cette fin. (ABIOVE, 2021).

59La figure 5 montre les endroits où le soja est implanté, notamment dans le Sul, le Centro-Oeste, en particulier le Mato Grosso, et la région du MATOPIBA. Peu de régions ont connu une diminution de la superficie récoltée et, parmi les régions qui ont augmenté leur production, nous soulignons l'est du Mato Grosso et le MATOPIBA, des régions qui ont façonné la frontière des grains dans le Cerrado. En comparant la carte des surfaces récoltées en soja (figure 5) et la carte du cheptel bovin (figure 4), il est possible de noter deux faits : le premier est que les bovins sont beaucoup plus présents en Amazonie que le soja ; le second est qu'il y a un « vide » de cheptel bovin dans la région de production de soja au Mato Grosso et au MATOPIBA, ce qui indique l'expulsion des bovins de ces régions, car ils ne peuvent pas concurrencer le soja en termes de profit. MAPA (2019) prévoit une expansion du soja au cours de la période 2019-2029 pour les États du Pará, Rondônia, Goiás, Tocantins, Mato Grosso, Paraná, Minas Gerais, Rio Grande do Sul et Mato Grosso do Sul.

60Le maïs est la deuxième culture ayant la plus grande surface récoltée au Brésil, avec 17,2 millions d'hectares en 2017, et une augmentation de 48,5 % de la surface récoltée entre 2006 et 2017. Le maïs est récolté en deux fois : dans la même région, avant la deuxième récolte de maïs, on cultive en général une première récolte de soja ou même de maïs. Selon la FIESP (2020), en 2019, la deuxième récolte a représenté 73,8 % de la production totale de maïs de l'année. En 2019 également, le marché intérieur a consommé 62,2 % de la production de maïs et la perspective est que ce pourcentage soit de 60 % en 2029. Pour la période 2019-2029, il est prévu une augmentation de 31,9 % de la surface plantée, de 51,1 % de la production et de 14,6 % de la productivité du maïs. MAPA (2019) prévoit que l'expansion de la production de maïs jusqu'en 2029 aura lieu principalement dans le Mato Grosso, Bahia, Maranhão et Mato Grosso do Sul.

61Sur la superficie récoltée en maïs en 2017, 20,4 % l'ont été par l'agriculture familiale, ce qui indique que le maïs, comme le soja, est une culture essentiellement agro-industrielle. Toutefois, le pourcentage de maïs récolté par l'agriculture familiale est le double de celui du soja. En effet, le maïs est un produit polyvalent dans les exploitations paysannes, où il fait généralement partie de l'autoconsommation, est utilisé pour l'alimentation animale, sous forme de maïs grain ou de fourrage, et est également vendu. Le troupeau de bovins laitiers, qui se trouve principalement dans des exploitations familiales, est un grand consommateur d'aliments à base de maïs. Cela explique la différence entre la répartition des cultures de soja (figure 5) et de maïs (figure 6). Le maïs, outre qu’il coïncid avec les zones productrices de soja, est également présent de manière dispersée sur le territoire brésilien, mais de manière moins intense, étant présent dans tout le Nordeste et dans la région Norte, où il est surtout une culture dans les exploitations familiales. Concernant la dynamique de la production de maïs entre 2006 et 2017, la carte de la figure 6 montre qu'il y a eu une diminution dans le Nordeste, le Sudeste et le Sul (sauf dans l'ouest du Paraná) et une augmentation dans le Centro-Oeste et, dans une moindre mesure, dans le MATOPIBA, ce qui indique la spécialisation croissante de la culture par l'agro-industrie et une diminution de la participation des exploitations familiales.

62En 2019, il y avait 10 millions d'hectares plantés en canne à sucre au Brésil et la perspective est qu'en 2029 il y aura 10,9 millions d'hectares de cette culture. Au cours de cette période, la superficie plantée augmentera de 8,3%, la production de 35% et la productivité de 24,6%. (FIESP, 2020). Sur la superficie récoltée en 2017, l'agriculture familiale n'était responsable que de 3,1 %, car la production de canne à sucre est dominée par les sucreries elles-mêmes et par leurs grands fournisseurs, étant la deuxième culture avec la plus faible participation de l'agriculture familiale, derrière le coton. Cependant, lorsque nous analysons uniquement la canne à sucre fourragère pour l'alimentation animale, les exploitations familiales étaient responsables de 38,5 % de la superficie récoltée, ce qui indique son utilisation pour l'alimentation du bétail laitier.

63La canne à sucre est principalement utilisée pour la production de sucre et d'éthanol. En 2019, 34% de la canne à sucre a été utilisée pour la production d'éthanol et 66% pour la production de sucre. Comme le soja, la production de sucre est principalement destinée à l'exportation. En 2019, le marché intérieur a consommé 35,9 % de la production de sucre. La perspective est que la production augmentera de 31,3 % d'ici 2029 et que, cette année-là, le marché intérieur consommera 28,9 % du produit. La production d'éthanol au Brésil se fait principalement à partir de la canne à sucre, et en 2019, seulement 4,9% de l'éthanol était obtenu à partir du maïs. En 2019, le marché national a consommé 98,9% de l'éthanol produit et en 2029, la perspective est que le marché national sera encore pratiquement le seul consommateur d'éthanol, représentant 95,6% de la consommation. (FIESP, 2020).

64La canne à sucre est le troisième produit agricole du Brésil. La culture de la canne à sucre s'est approprié les meilleures et les plus chères terres du pays, avec une aptitude agricole élevée et la proximité des marchés de consommation et des ports. Ces terres se trouvent principalement dans l'État de São Paulo et les États voisins, où la canne à sucre a pratiquement monopolisé l'utilisation des terres agricoles. Actuellement, l'État de São Paulo représente environ 50 % du secteur sucrier brésilien et la région du Nordeste maintient toujours sa production dans la zone traditionnelle, malgré quelques pertes au cours de la période 2006-2017 (figure 7) et une productivité plus faible par rapport aux zones productrices du Centro-Sul. Le Centro-Oeste dispose également d'installations industrielles produisant du sucre et de l'éthanol à partir de la canne à sucre, mais des industries produisant de l'éthanol à partir du maïs se sont implantées dans la région. Selon la FIESP (2020), en 2029, 10,5% de la production brésilienne d'éthanol sera obtenue à partir du maïs.

65Entre 2003 et 2013, la culture de la canne à sucre a doublé et est restée stable depuis 2013. Ce cycle d'expansion a été motivé par une politique forte du Gouvernement Fédéral visant à développer le secteur basé sur l'éthanol, en diffusant la technologie des voitures flex-fuel et avec l'objectif de transformer l'éthanol en une commodity pour développer la production et l'exportation du carburant. Cependant, l'objectif d'étendre l'utilisation de l'éthanol à d'autres pays n'a pas fonctionné. Les États-Unis ont été le seul pays à augmenter sensiblement leur consommation d'éthanol, en produisant deux fois plus d'éthanol que le Brésil, mais à partir de maïs. La demande d'éthanol brésilien s'est limitée au marché intérieur et, avec la crise politique et économique qui s'est installée depuis 2014, la demande et la production stagnent. Le produit de la canne à sucre qui détermine la dynamique du secteur sucrier est resté le sucre, une commodity dont la production varie en fonction de la demande internationale, le reste de la canne étant destiné à la production d'éthanol pour la consommation intérieure.

66La production de canne à sucre est aujourd'hui l'activité la plus rentable dans les campagnes brésiliennes, que ce soit pour la sucrerie, pour les producteurs qui l'approvisionnent en canne à sucre ou pour les propriétaires qui louent des terres pour la culture de la canne à sucre. Les propriétaires fonciers, qu'ils soient grands ou petits, sont devenus des métayers avec des rendements monétaires qu'ils ne pouvaient obtenir d'aucune autre activité productive dans la campagne. Au cours de la phase d'expansion de la canne à sucre (2003-2014), il y a eu un conflit et une forte concurrence entre l'utilisation des terres pour les grains et la canne à sucre dans l'État de Goiás - la canne à sucre est été « victorieuse » dans ce conflit, car ses adversaires (maïs et soja) n'ont pas réussi à rémunérer les propriétaires fonciers au même niveau. MAPA (2019) prévoit qu'entre 2019 et 2029, l'expansion de la production de canne à sucre se produira principalement dans le Mato Grosso, Goiás, Minas Gerais et, à un rythme plus lent, dans l'État de São Paulo, car les terres y occupent la quasi-totalité de la surface agricole.

67Le régime alimentaire brésilien typique comprend du riz et des haricots, ces derniers avec quelques variétés comme les haricots noirs, les haricots verts, les haricots rouges et les haricots colorés : nous désignerons simplement les haricots. En 2017, l'agriculture familiale représentait 48 % de la surface récoltée de haricots, la production se fait donc sur une large partie du territoire (figure 8), notamment dans les régions de concentration de l'agriculture familiale, comme le Nordeste et le Sul du pays. En particulier dans le Nordeste, les haricots sont une culture d'autoconsommation et commerciale pour les agriculteurs familiaux. D'autre part, une grande partie de la production est assurée par l'agrobusiness dans le Sul, le Sudeste et le Centro-Oeste. Selon les prévisions de la FIESP (2020), d'ici 2029, la superficie plantée en haricots diminuera de 10,3 %, la production augmentera de 6,6 % et la productivité de 18,9 %. La quasi-totalité de la production de haricots de 2019 a été consommée sur le marché intérieur, avec des exportations de 14.000 tonnes (0,46 % de la production). Pour 2029, il est prévu que la production nationale n'approvisionnera pas entièrement le marché national, ce qui nécessitera l'importation de 11.000 tonnes de haricots (0,34% de la consommation nationale) (FIESP, 2020).

68En ce qui concerne le riz, seulement 15,9 % des surfaces récoltées en 2017 l'ont été dans des exploitations familiales, ce qui indique qu'il est devenu un autre produit dominé par l'agrobusiness. Cela entraîne une concentration de la production dans certaines régions du pays, notamment dans le sud du Rio Grande do Sul, où est cultivé le riz irrigué. Selon les projections de la FIESP (2019), la superficie plantée diminuera de 8,9 %, la production augmentera de 11,8 % et la productivité de 22,8 % d'ici 2029. En 2019, le marché intérieur a consommé 99,6 % de la production et pour 2029, la perspective est que la consommation intérieure soit de 94,3 % et que le reste soit exporté. Même si le régime alimentaire des Brésiliens a changé ces derniers temps, étant plus diversifié, le riz et les haricots restent la base de l'alimentation et les prévisions de diminution des surfaces cultivées et de production très proche de la consommation peuvent engendrer des problèmes d'approvisionnement en cas d'événements imprévus, tels que des phénomènes météorologiques ou des variations du marché agricole.

69Le manioc (mandioca, aipim ou macaxeira) est un autre composant important de l'alimentation brésilienne, utilisé directement ou transformé en farine et en amidon. En raison de sa culture facile et de ses larges utilisations en cuisine, en 2017, la quantité de manioc produite était presque le triple de la production de haricots et un peu plus de la moitié de la production de riz. Le manioc est un produit typique de l'agriculture familiale, car il est cultivé pour l'autoconsommation et pour le marché dans ces exploitations. En 2017, 69,6 % du manioc était produit par l'agriculture familiale. Parmi les produits agricoles analysés ici, le manioc est le seul à être cultivé sur l'ensemble du territoire, comme le montre la figure 9. Il est nécessaire de souligner l'importance du manioc dans la région de l'Amazonie, puisque la production y est beaucoup plus élevée proportionnellement à la population, comme on peut le voir en comparant la carte 1 et la carte de la surface récoltée de manioc de la figure 9.

70La production de blé se fait principalement dans le Sul, où les conditions environnementales sont plus propices au développement de la céréale. Cependant, on a développé des cultivars adaptés à la production irriguée dans le Cerrado, qui est devenu le deuxième pôle de production de blé au Brésil, comme le montre la figure 9. En 2017, l'agriculture familiale représentait 20 % des surfaces de blé récoltées. Le Brésil est déficient en matière de production de blé, notamment parce que sur les terres du Sul, où il pourrait être cultivé davantage, il est en concurrence en termes de superficie avec le soja et le maïs, principalement. La perspective de la FIESP (2020) est qu'au cours de la période 2019-2029, la superficie plantée en blé augmentera de 8,2%, la production de 27,8% et la productivité de 18,1%. En 2019, 52,8 % du blé consommé au Brésil a été importé et, même avec la prévision d'une augmentation de la production, en 2029, la consommation intérieure dépendra de 45 % d'importations.

71Le café est le quatrième produit agricole du Brésil en valeur de production et, en 2019, le Brésil était le premier exportateur mondial de ce produit. Entre 2006 et 2017, la production de café a diminué de 2,7 % et en 2017, l'agriculture familiale était responsable de 37,8 % de la production brésilienne de café, car c'est une culture à forte intensité de main-d'œuvre. Selon la FIESP (2020), la production de café augmentera de 40,1 % entre 2019 et 2029, la productivité augmentant de 40,8 % et la surface plantée diminuant de 2,4%. En 2019, alors que le Brésil a produit 49 millions de sacs de café (de 60kg), le marché intérieur a consommé 47,8 % de la production. En 2029, le Brésil devrait produire 69 millions de sacs et la consommation intérieure devrait absorber 43,7 % de la production. Comme le montre la figure 10, le Minas Gerais est le plus grand producteur de café du pays, suivi de l’Espírito Santo. On trouve également des vestiges de la production de café autrefois florissante dans l'État de São Paulo et dans le nord du Paraná. Il existe également des zones de culture dans le Rondônia et la Bahia. Le Rondônia et l’Espírito Santo se distinguent par la production de la variété conilon (une sorte de robusta), tandis que les autres régions produisent principalement du café arabica. Selon le MAPA (2019), la récolte de café de 2019 était composée de 27,4 % de café conilon et de 72,8 % de café arabica.

72Entre 2006 et 2017, la production brésilienne d'oranges a augmenté de 9,2 % et en 2017, seulement 8,2 % de la production était assurée par des exploitations familiales, ce qui démontre que la culture des oranges est devenue une base importante de l'agrobusiness. En 2019, le Brésil a produit 16,7 millions de tonnes d'oranges et 1 million de tonnes de jus d'orange, dont 98,5 % ont été exportés : il s'agit d'une culture presque exclusivement dirigée vers l'étranger. Entre 2019 et 2029, la production d'orange devrait augmenter de 4,5% et le marché extérieur devrait être la destination de 95,7% du jus d'orange produit dans le pays. L'orange brésilienne est produite principalement dans l'État de São Paulo, à l'ouest du Minas Gerais, au nord du Paraná et dans une petite zone à la frontière entre Bahia et Sergipe (figure 10).

73Après l'orange, la banane est le fruit dont la production et la valeur de production sont les plus élevées. Entre 2006 et 2017, la quantité produite a diminué de 3,4 %. MAPA (2019) prévoit une augmentation de 6,1% de la quantité de bananes produites entre 2019 et 2029. Contrairement à l'orange, la banane est principalement consommée sur le marché intérieur. En 2017, 4 millions de tonnes de bananes ont été produites dans le pays et les exploitations familiales ont été responsables de 48,5% de la production, car il s'agit d'une culture destinée à l'autoconsommation et au marché. Cela signifie que les bananes sont produites dans la plupart des régions du pays, bien qu'il y ait deux foyers de production importants : l'un s'étendant de la côte de Santa Catarina au sud de São Paulo et l'autre dans le nord du Minas Gerais et le sud-ouest de la Bahia (figure 10).

74La production de tabac a connu une forte baisse entre 2006 et 2017, avec une diminution de 45 % de la quantité produite. Ce fait est lié à la diminution du nombre de fumeurs dans le pays, en raison des fortes et efficaces campagnes anti-tabac. Cependant, en 2017, le Brésil a produit 610.405 tonnes de tabac en feuilles sèches, dont 93,6 % ont été produites par l'agriculture familiale. Il s'agit d'une culture à forte intensité de main-d'œuvre et les entreprises mettent en place des systèmes « d'intégration » avec les agriculteurs familiaux, à l'instar de ce qui se fait pour l'élevage de poulets. Les cultivateurs reçoivent des compagnies de tabac toutes les directives qu'ils doivent suivre pour la production, dont le résultat est déjà réservé à la compagnie avec laquelle le cultivateur signe un contrat. La production a lieu dans des régions où les exploitations familiales sont nombreuses, notamment dans les trois États du Sul : Rio Grande do Sul, Santa Catarina et Paraná (figure 11). Selon la projection du ministère de l'Agriculture (MAPA, 2019), la production de tabac devrait augmenter de 14,6 % entre 2019 et 2029, où la production devrait être de 883.000 tonnes.

75Entre 2006 et 2017, la production de coton a augmenté de 50,4 % et, en 2017, l'agriculture familiale ne représentait que 0,08 % de la production de coton, ce qui indique que cette culture est devenue la culture la plus exclusive de l'agrobusiness. La FIESP (2020) prévoit une forte augmentation de la production de coton sur la période 2019-2029 : croissance de 53,7 % de la production, de 31,1 % de la surface plantée et de 17,3 % de la productivité. En 2019, le Brésil a produit 2,7 millions de tonnes de coton fibre et devrait produire 4,2 millions de tonnes en 2029. Le marché intérieur a consommé 25,8 % du coton produit en 2019 et en 2029, le marché intérieur ne devrait plus absorber que 20,1 %. En plus d'être spécifique à l'agrobusiness, la culture du coton est présente dans deux endroits très spécifiques : au sud et à l'ouest du Mato Grosso et à l'ouest de Bahia, cette dernière zone faisant partie du MATOPIBA (figure 11). C'est une culture dont la production nécessite beaucoup d'investissements.

76La production de bois pour la pâte et le papier est l'une des branches qui a le plus progressé au cours de la période 2006-2017, avec une augmentation de 85,4 %. Il s'agit d'une activité dominée par l'agrobusiness des grandes entreprises, de sorte que seulement 1,56% du bois pour papier de la période a été produit par l'agriculture familiale. La perspective est que la production continuera à augmenter au cours de la période 2019-2029, selon la FIESP (2020) : la superficie augmentera de 5,5 % et la production de pâte augmentera de 29,9 % au cours de la décennie. La consommation intérieure de pâte à papier représentait 17,4 % en 2019 et représentera 16 % en 2029. La production de bois pour le papier, dominée par de grandes entreprises qui fabriquent de la pâte à papier et du papier, est concentrée dans le Sul, à l'ouest du Mato Grosso do Sul et dans les États de São Paulo et d’Espírito Santo (figure 11).

Conclusions

77Bien qu'il existe une grande variété de denrées agricoles cultivées au Brésil, nous avons analys dans cet article ceux qui occupent la plus grande partie de la surface cultivée et représentent les valeurs les plus élevées de la production agricole et de l'élevage brésilien, et sont donc responsables de la dynamique la plus intense dans la campagne brésilienne. Le calcul de l'évolution de la superficie utilisée pour la culture du riz, des haricots, du maïs, du soja, du blé, de la canne à sucre, du café, des oranges, du coton, du bois de pulpe et du tabac indique qu'entre 2019 et 2029 (MAPA, 2019 ; FIESP, 2020) l'agriculture s'étendra sur 15,3 millions d'hectares supplémentaires. Sur ce total, le soja représentera 8,4 millions d'hectares (54,9 %). Le maïs connaîtra une augmentation de 5,6 millions d'hectares uniquement pour la deuxième récolte ; la première récolte de maïs connaîtra une légère diminution. Ainsi, l'augmentation de la superficie du maïs utilisera la même superficie que les autres cultures, notamment le soja. On prévoit également pour cette période une réduction de 6,3 millions d'hectares de pâturages, qui seront probablement remplacés par des cultures. Ainsi, en excluant la deuxième récolte de maïs et la réduction des pâturages des 15,3 millions d'hectares d'expansion des cultures étudiés ici, il nous reste un solde de 3,2 millions d'hectares de cultures qui proviendront probablement, directement ou indirectement, de l'incorporation de nouvelles zones forestières dans l'agriculture.

78Si les taux de déforestation en Amazonie et dans le Cerrado se poursuivent au même rythme qu’au cours de la période 2007-2019, soit 1,8 million d'hectares par an, les prévisions pour 2029 indiquent que nous disposerons non seulement d'une surface pour 3,2 millions d'hectares de cultures supplémentaires, mais aussi d'un total de 18,4 millions d'hectares de nouvelles terres disponibles pour l'agriculture. Par conséquent, même si la prédiction de la FIESP (2020), qui a fait l'étude sur la base du besoin réel de pâturages, est que les pâturages seront réduits, cela ne se produira certainement pas, puisque nous avons une frontière foncière et pas seulement agricole. Les agents de la frontière foncière avancent par l'ouverture de nouvelles zones pour la formation de fermes à vendre dans le futur ; c'est une anticipation territoriale et un moyen de faire pression sur les gouvernements pour qu'ils réalisent des programmes de régularisation des terres, y compris des terres publiques, ce qui n'est rien d'autre que du vol de terres légalisé.

79Les rapports officiels ne mentionnent pas l'impact de l'expansion de l'agriculture sur les forêts parce qu'ils réduisent leurs analyses à la production agricole, sans comprendre les autres processus qui se produisent sur le terrain et qui sont aussi directement liés à la production. Par exemple, MAPA (2019) déclare, à propos de l'expansion de la surface de soja :

Le soja devrait se développer en combinant l'expansion des frontières dans les régions où des terres sont encore disponibles, l'occupation des pâturages et le remplacement des cultures là où il n'y a pas de terres disponibles à incorporer. (p. 40).

[...]

Il est estimé que l'expansion de la zone devrait se faire dans des zones à fort potentiel productif, telles que les zones de cerrado comprises dans la région actuellement appelée Matopiba, comprenant des terres situées dans les États de Maranhão, Tocantins, Piauí et Bahia. On s'attend à ce que le Mato Grosso perde de sa force dans ce processus d'expansion de nouvelles zones, principalement en raison des prix des terres dans cet État qui sont plus du double des prix des terres agricoles dans les États du Matopiba. (p.41)

80Même si elle n'est pas mentionnée, la déforestation et la création de nouvelles terres est un élément fondamental pour le maintien de l'agrobusiness, car elles agissent sur le marché foncier en faisant baisser le prix des terres et en allégeant les investissements nécessaires. La politique agraire et agricole du Brésil devrait être profondément modifiée pour que la production puisse continuer à se développer sur une base un peu plus durable, ce qui n'est pas possible dans le cadre du modèle actuel. Les prévisions pour l'agrobusiness sont faites sur la base du modèle conventionnel et intensif en machines et intrants, y compris les produits phytosanitaires. L'augmentation de la productivité, prévue pour presque toutes les cultures, exigera encore plus de ressources, qu'elles soient artificielles ou naturelles, avec l'intensification de l'utilisation des ressources en sol et en eau. Toute cette expansion des investissements sera demandée au Gouvernement Fédéral, qui devra constamment investir davantage de ressources dans l'agriculture et l'élevage.

81Le pronostic n'est pas du tout positif : le marché intérieur continuera à consommer la plus grande partie de la production, mais il y a une tendance à la diminution de cette participation dans presque toutes les productions, ce qui indique que l'agriculture et l'élevage seront de plus en plus orientés vers les marchés extérieurs, même avec la contradiction de l'augmentation de la faim et de la misère dans le pays. Le marché international continuera à demander des produits agricoles, le pays continuera à être basé sur le secteur primaire et favorisera l'agrobusiness en tant que secteur stratégique ; par conséquent, les agents de la frontière agricole continueront à déboiser par le biais de la demande de terres, les terres publiques étant usurpées et l'environnement pollué par les produits chimiques nécessaires à l'agriculture conventionnelle. Comme presque tout le reste, cela pourrait être fait différemment, mais l'agencement des forces nationales et même internationales convergent pour que tout reste sur la même voie présentée dans cet article, ce qui fixera de plus en plus le pays dans des positions inférieures dans la division internationale du travail et limitera le développement. L'égalisation de la production, la préservation de l'environnement et la justice sociale sont les défis que le Brésil doit relever pour occuper la place qui lui revient dans la division internationale du travail.