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Dossier

L’ONGisation de la résistance populaire dans la Cisjordanie post seconde Intifada (2005-2017)

Ressources, mobilisations et structuration de la lutte contre l’occupation israélienne
The NGO-ization of Popular Resistance in Post-Second Intifada West Bank (2005-2017)
Antoine Garrault
p. 61-78

Resúmenes

En prenant pour objet d’étude les militants engagés contre l’occupation israélienne au sein des organisations de la résistance populaire (RP) dans les zones rurales de Cisjordanie, cet article analyse les transformations des pratiques militantes, des formes organisationnelles des groupes et des stratégies d’échelle de ces acteurs après la seconde Intifada. Partant d’une analyse configurationnelle qui replace les activistes de la RP au sein d’une situation coloniale particulière et les lie à d’autres sphères sociales, mon étude déconstruit, d’une part, le processus d’ONGisation des groupes palestiniens comme un processus d’adaptation de certains entrepreneurs de mobilisation aux paradigmes des acteurs de l’aide au développement au sein du contexte d’occupation contemporain et étudie, d’autre part, les conséquences de cette évolution sur le mouvement social de la RP.

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  • 1 L’auteur remercie les relecteur·trice·s de Cultures & Conflits pour leur travail et les suggestions (...)

1Signés en 1993 et 1995 par Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), les accords d’Oslo marquent en profondeur la nature du conflit et le contexte géopolitique israélo-palestinien 1. Ils engagent notamment une série de transformations de la société cisjordanienne, provoquées en premier lieu par la création de l’Autorité nationale palestinienne (ANP) et l’établissement d’un nouveau régime territorial dans les Territoires occupés (TO). Avec l’afflux de capitaux étrangers provenant des organisations internationales (OI) et des agences de développement dans l’optique de soutenir le « processus de paix » et la construction d’un État palestinien, les structures collectives autochtones s’adaptent à ce changement de cadres contextuels.

  • 2 Par exemple : Abu-Sada C., ONG palestiniennes et construction étatique : l’expérience de Palestinia (...)
  • 3 Challand B., Palestinian Civil Society…, op. cit., pp. 5-7.
  • 4 Ibid.
  • 5 Islah Jad écrit : « L’ONGisation est un terme que j’utilise pour désigner le processus par lequel d (...)

2Ces vingt dernières années, la question de la transformation du tissu associatif palestinien s’est trouvée au cœur des recherches en sciences politique et sociale 2. Constituées dans les années 1970-1980 et dirigées vers une mission politique de soutien de la population des TO pour structurer le projet de libération nationale, les grandes associations palestiniennes, actives durant la première Intifada (1987-1993), ont dû s’adapter à ce nouveau cadre d’Oslo. À partir des années 1990, cette adaptation prend la forme d’une série de « branchements 3 » aux paradigmes développementalistes qui déterminent, de façon normative, les critères d’appartenance à une société civile jugée conforme à l’obtention des fonds distribués par les bailleurs 4. De nombreux travaux ont donc analysé les transformations des pratiques, des programmes et des objectifs des associations palestiniennes alors qualifiées d’ONG. En s’intéressant à ce processus d’ONGisation, ces études pointent, parmi toute une série de changements, la question de la dépolitisation des activités de ces organisations ainsi que la rationalisation et la technicisation de leurs programmes 5.

3Ces analyses semblent dessiner une Cisjordanie où coexisteraient deux pôles associatifs : d’une part, des ONG implantées à Jérusalem et à Ramallah qui se seraient conformées aux exigences des bailleurs et, d’autre part, des associations majoritairement présentes dans les zones rurales et privées de financements occidentaux. Si cette cartographie reflète une tendance générale, elle masque cependant la diversité et la réalité des organisations qui forment le tissu associatif cisjordanien. Cet article interroge cette dichotomie entre une Palestine du « local » et une Palestine du « global » sans prendre en compte, par exemple, les articulations entre les activités des organisations locales et les régimes de pratiques diffusés par les OI.

4Mon travail prend pour objet les groupes d’activistes de la résistance populaire (RP) palestinienne engagés contre l’occupation israélienne en Cisjordanie. À partir de 2002, ce mouvement social se compose d’un ensemble de comités civils luttant contre la construction du mur dit « de séparation » par Israël. La même année la campagne Stop the Wall – créée par un conglomérat d’ONG palestiniennes – prend pour mission de coordonner ces luttes locales dans le nord de la Cisjordanie. Entre 2005 et 2011, des initiatives plus durables sont mises en œuvre par des comités de résistance autonomes qui se constituent par exemple à Bil’in, Nabi Saleh, Beit Ummar, Al Ma’asara ou encore à Kafr Qaddum et dans le centre-ville d’Hébron pour faire face au dispositif d’occupation israélien (principalement le mur, les colonies civiles et leurs infrastructures). Durant cette période, ces comités mettent progressivement en place des intermédiations dans une logique de changement d’échelle de la lutte. L’ensemble des groupes d’activistes présents en Cisjordanie et engagés contre l’occupation israélienne de manière non-armée constitue ce que je définis comme la RP. Je me concentre dans cet article sur l’étude des organisations présentes dans les zones rurales qui subissent directement l’accaparement des terres.

  • 6 Pierru E., « Organisations et ressources », in Fillieule O., Agrikoliansky E., Sommier I. (dir.), P (...)

5L’article interroge les changements de formes organisationnelles des groupes de la RP ainsi que l’évolution tendancielle des modalités d’engagement de leurs militants. Pour ce faire, j’analyse notamment les rôles de leurs coordinateurs, véritables entrepreneurs des mobilisations de la RP qui s’emploient à la captation des ressources financières 6. J’évoque ensuite les conséquences de ces évolutions sur la structuration et la coordination d’un mouvement social de résistance contre l’occupation.

  • 7 Elias N., Qu’est-ce que la sociologie ?, Clamecy, Pandora, 1981.
  • 8 Voir Veracini L., Israel and Settler Society, Londres, Pluto Press, 2006, ou Lloyd D., « Settler co (...)
  • 9 Khalidi R., Samour S., « Neoliberalism as liberation: the statehood program and the remaking of the (...)

6Dans cette perspective, une analyse de la configuration militante 7 est privilégiée, prenant en compte l’ensemble des interactions conflictuelles qui lient le secteur de la RP au régime occupant israélien ainsi qu’à l’ensemble des acteurs du conflit. Elle rend compte de la situation de colonisation de peuplement 8 qui, par sa nature, façonne les différentes formes d’activités militantes. Elle mesure aussi les effets de la rationalité spécifique des politiques d’aide au développement sur le tissu associatif palestinien 9. Je m’intéresse ici aux bailleurs internationaux et à leur récipiendaire principal qu’est l’ANP pour analyser les mécanismes de captation de ressources par les militants de la RP.

Méthodologie du terrain d’enquête

Cet article se base sur un travail d’observation des mobilisations palestiniennes contre l’occupation et de leurs interdépendances avec l’ensemble des protagonistes de l’espace de conflit étudié. Il s’inscrit dans le cadre d’une thèse en science politique soutenue en décembre 2017. La recherche de terrain a nécessité plusieurs séjours qui ont duré chacun entre trois semaines et trois mois de 2011 à 2017, pour un total de dix-huit mois passés en Cisjordanie. Mon objet d’étude est la « RP » qui regroupe un ensemble d’organisations palestiniennes (comités populaires, associations locales, « campagnes », ONG, etc.) non affiliées officiellement à un parti politique et qui se présentent comme faisant partie de la résistance populaire. En leur sein, des militants luttent contre le fait colonial de manière non armée. La « RP » ne se confond donc pas ici avec une acception plus large de la résistance civile palestinienne intégrant un ensemble d’activités (politiques, artistiques, économiques) de lutte contre l’occupation israélienne, et ce à différentes époques.

La plupart du temps, j’étais basé à Ramallah pour des questions de commodité : c’est en effet dans la « capitale » administrative palestinienne que se trouvent certains acteurs de la RP ou en relation avec elle (membres de l’ANP, ONG palestiniennes, OI) et où de nombreux événements importants ont lieu (conférences, réunions de collectifs, manifestations, etc.). De même, les militants basés dans les zones rurales se rendaient souvent à Ramallah pour différentes raisons professionnelles, ce qui m’a permis de les rencontrer dans d’autres environnements que leurs lieux de vie. J’ai aussi multiplié les visites de terrain sur des sites de conflits périphériques, en y restant parfois plusieurs jours.

Cette thèse s’appuie sur plus de soixante récits de vie et entretiens semi-directifs avec les militants de la RP ainsi qu’avec des membres d’ONG, d’OI et de l’ANP, etc. Les entretiens – principalement menés en anglais mais aussi en arabe avec le soutien d’un traducteur – se sont concentrés en grande partie sur l’explication des cadres d’interprétation du conflit et des activités des acteurs engagés contre l’occupation, ainsi que sur leur biographie (notamment leur carrière militante). Il est aussi important de rendre compte des nombreuses discussions et entretiens peu encadrés avec ces mêmes acteurs et de revenir ainsi sur une question propre aux méthodologies qualitatives de la recherche en sciences sociales.

  • 10 Combes H., Hmed C., Mathieu L., Siméant J., Sommier I., « Observer les mobilisations. Retour sur le (...)
  • 11 Ce terme désigne un mode de transport en commun (bus collectifs) en Cisjordanie.
  • 12 Romani V. « Enquêter dans les Territoires palestiniens. Comprendre un quotidien au-delà de la viole (...)

En effet, l’analyse des discours et pratiques militants gagne à se faire sur la base d’un réseau d’interconnaissance constitué sur le temps long 10. Cela permet de déterminer certaines trajectoires individuelles en fonction de l’évolution du contexte général et particulier des acteurs. Si je me suis efforcé de nouer ce type de relations avec mes enquêtés (la quasi-totalité d’entre eux ont été rencontrés à plusieurs reprises), de vrais liens interpersonnels ont été établis avec des membres de certains comités populaires, notamment ceux affiliés au Comité de coordination de la résistance populaire (CCRP). Le CCRP étant l’un des groupes les plus actifs durant la période étudiée, leurs nombreuses mobilisations ont permis de nombreuses rencontres et l’établissement de liens plus étroits qu’avec d’autres groupes. Cependant, je me suis efforcé de rencontrer des collectifs moins visibles pour comprendre les modes de résistance de sites de conflits plus confidentiels. En premier lieu, il a donc fallu être accepté par nos enquêtés et gagner leur confiance. Les rencontres répétées ainsi que l’insertion par des amis communs jouissant de la confiance de ces militants m’ont permis d’atteindre cet objectif. Puis les amitiés créées avec quelques activistes m’ont ouvert la porte d’autres enquêtés et ainsi de suite. Pour certains membres de comités populaires, les rencontres provoquées par l’entremise de militants français ont été d’une aide précieuse. Et les discussions informelles avec les enquêtés, en groupe ou seul, à leur domicile autour d’un verre, dans un café ou durant l’attente d’un service 11 se sont avérées très fécondes 12.

Enfin, ce travail prend en considération une trentaine d’observations participantes visant à étudier les mobilisations de la RP dans une approche pragmatique. J’ai de ce fait participé aux événements protestataires (manifestations, sit-in, etc.), à des réunions de comités avec les habitants du village ou avec des activistes étrangers, ainsi qu’à plusieurs activités de plaidoyer auprès de groupes de solidarité internationaux ou à des réunions avec des bailleurs. Les observations portaient sur les modalités d’action, les discours et symboles utilisés par les activistes et la nature des interactions établies avec le régime israélien et les autres acteurs de la situation coloniale afin d’expliquer les mobilisations de la RP contre l’occupation.

  • 13 Cf. Kohlbry P., « Owning the Homeland: Property, Markets, and Land Defense in the West Bank », Jour (...)
  • 14 Pierru E., « Organisations et ressources », art. cité.

7Après avoir étudié le contexte de colonisation de peuplement et décrypté la nature des liaisons sociales entre la RP, le champ politique 13 et les acteurs du développement, mon attention porte, au niveau micro, sur les activités des coordonnateurs des comités populaires qui entraînent cette transformation des régimes de pratique des militants dans une logique rationnelle d’augmentation des ressources 14. Je mets également en lumière deux conséquences de cette ONGisation sur la structuration de la RP en termes d’individualisation et de fragmentation du mouvement social.

L’espace de conflit cisjordanien : colonisation de peuplement et paradigmes développementalistes

La situation coloniale

  • 15 Voir Kimmerling B. « A model for analysing reciprocal relations between the Jewish and Arab communi (...)

8Déconstruire les formes de la défense populaire des terres indigènes en Cisjordanie implique de revenir sur les conditions contemporaines d’occupation du territoire et de contrôle des Palestiniens, c’est-à-dire de prendre en compte la nature exacte des relations de pouvoir entre les sociétés coloniale et colonisée à notre époque 15.

  • 16 Gordon N., Israel’s Occupation, Los Angeles, University of California Press, 2008, p. 318.
  • 17 Parizot C., « Temporalités et perceptions de la séparation entre Israéliens et Palestiniens », Bull (...)

9La seconde Intifada marque une redéfinition du dispositif occupant lors du redéploiement de l’armée israélienne dans les TO. Neve Gordon déconstruit cette rupture importante dans la gestion des populations palestiniennes 16 en soulignant que la nouveauté fondamentale de la pratique gouvernementale israélienne se situe dans la séparation opérée entre les populations palestiniennes et leur territoire. En effet, l’État hébreu s’affranchit de son devoir d’administration des Palestiniens pour renforcer son contrôle des ressources naturelles et son entreprise de captation territoriale. Deux mécanismes, mutuellement constitutifs, soutiennent ce projet colonial contre lequel s’érigent les mobilisations de la RP dans les zones rurales. En premier lieu, un processus de division géographique, soutenu par l’érection de frontières physiques à différentes échelles, entraîne la fragmentation du territoire et la compartimentation des communautés autochtones. Ces frontières instituées prennent la forme de micro lignes de démarcation entre les implantations israéliennes et les villages palestiniens, entre quartiers « juifs » et « arabes » dans les centres-villes de Jérusalem et d’Hébron ou dans les campagnes entre les zones militaires fermées et les zones librement accessibles aux Palestiniens. Les infrastructures coloniales telles que les routes dites « de contournement » interdites aux Palestiniens ou encore le mur construit à partir de 2002 renforcent ces divisions. Le second processus est celui de l’accaparement des terres palestiniennes pour développer le réseau de colonies, entraînant l’expulsion de nombreuses communautés palestiniennes. Ces annexions sont rendues possibles par la fragmentation du territoire et justifiées par des arguments sécuritaires (protection des colons et des colonies). Le tracé du mur en Cisjordanie témoigne de cette volonté : il confisque environ 10 % du territoire cisjordanien et accentue la fragmentation de l’espace autochtone 17.

  • 18 Voir sur ce thème Virilio P., Défenses populaires et luttes écologiques, Paris, Éditions Galilée, 1 (...)
  • 19 Ce processus souligne, dans une approche fanoniste, la centralité de la valeur de la terre pour les (...)
  • 20 Les Palestiniens utilisent le terme sumud pour nommer ce type de résilience mésologique active.

10L’analyse du dispositif occupant dans une perspective d’interactions conflictuelles montre que ces politiques soutiennent des objectifs militaires de déstabilisation du milieu palestinien en vue d’amoindrir les ressources stratégiques indigènes 18. Les conséquences sur les mobilisations civiles sont de deux sortes. En premier lieu, le vol des terres, la destruction des oliviers et les contraintes posées aux activités agricoles participent à la paupérisation des communautés rurales, et donc à la destruction de ressources matérielles et symboliques propres à soutenir la résistance locale 19. Dans ces zones rurales, la RP prend la forme de luttes écologiques contre la destruction des lieux de vie palestiniens et d’une résilience communautaire face à l’occupation israélienne 20. Les actions visent à soutenir les activités agricoles, à faciliter l’accès aux terres et à réhabiliter des habitations palestiniennes. Elles marquent de manière générale l’opposition des Palestiniens aux micro-frontières imposées localement, ce qu’expriment les manifestations villageoises hebdomadaires – au cours desquelles les jets de pierres contre les soldats israéliens sont fréquents dans ces zones de contact.

  • 21 Nicholls W., « Place, networks, space: theorizing the geographies of social movements », Transactio (...)
  • 22 Ritaine E., « La barrière et le check-point : mise en politique de l’asymétrie », Cultures & Confli (...)
  • 23 Par exemple, la fermeture du check-point « Container » au printemps 2014, à proximité de Bethléem, (...)
  • 24 Les points d’accès de cette zone sont fermement contrôlés par l’armée. Par exemple le check-point d (...)

11La seconde conséquence tient à l’extrême localisation de la RP et aux difficultés de coordination entre les groupes pour construire un espace de mouvement social 21 contre l’occupation. En Cisjordanie, ce sont les points de contrôle (check-points) qui garantissent la liaison entre les instruments de la surveillance israélienne 22 ; ils transforment les limites matérielles en dispositif de contrôle des mobilités afin de préserver le régime de séparation. En ce sens, les check-points incarnent un système de tri qui hiérarchise les individus en fonction de leurs droits de passage, différenciés selon divers critères fondés par exemple sur les origines géographiques et les profils sociaux. Ils participent à la compartimentation géographique des Palestiniens en général et des militants en particulier. De plus, les politiques de bouclage des territoires 23 amenuisent les possibilités de coordination entre les différents lieux. Tous les activistes qui cherchent à établir ce type de liens soulignent ces difficultés à diverses échelles. Par exemple, le village de Beit Iksa au nord de Jérusalem, encerclé par le mur et dont l’accès est restreint par la police israélienne, ou à une échelle régionale, la vallée du Jourdain 24, se trouvent fortement isolés. Différentes initiatives qui passent par la création de structures de coordination de la RP tentent de pallier cette fragmentation par la création de réseaux entre les différents espaces de mobilisation.

12Pour soutenir les luttes locales et la diffusion du mouvement social, les organisations de la RP reposent sur les ressources octroyées par les acteurs internationaux du développement et leur principal relais local, l’ANP.

Le modèle développementaliste en Palestine

13Étudier l’impact structurel des politiques d’aide au développement en Cisjordanie permet de mieux comprendre les modalités d’engagement des militants palestiniens. En effet, les bailleurs étrangers et l’ANP façonnent l’organisation des groupes de la RP et influencent leurs pratiques. Ici, c’est bien à l’imbrication des cadres contextuels de la colonisation et des politiques de développement qu’il faut porter attention.

  • 25 Roy S., « Reconceptualizing the Israeli-Palestinian conflict: Key paradigm shifts », Journal of Pal (...)
  • 26 Voir l’étude du Plan de réforme et de développement palestinien pour la période 2008-2010 dans Ibra (...)
  • 27 Hanafi S., Tabar L., « The intifada and the aid industry:… », art. cité.
  • 28 Challand B., Palestinian Civil Society…, op. cit., pp. 175-191.

14Différents travaux académiques pointent une réinterprétation de la teneur du « processus de paix » par les parrains d’Oslo (en premier lieu les États-Unis d’Amérique) à partir de la seconde Intifada, se traduisant par un soutien important aux politiques israéliennes. Les changements de paradigmes sur le conflit – liés en partie à l’évolution du contexte géopolitique post-11 septembre 2001 – font que la fragmentation du territoire et les annexions des terres en Cisjordanie ne constituent plus un obstacle à la paix 25, ce qui va à l’encontre d’un projet de développement palestinien pérenne. En conséquence, le plan de réforme élaboré par le Premier ministre Salam Fayyad en 2007, financé à hauteur de sept milliards sept cents millions de dollars par la communauté internationale, exclut en grande partie les associations engagées contre l’occupation 26 : pour accéder aux fonds, ces organisations doivent s’aligner sur une position apolitique qui élude les réalités de la situation coloniale. La rationalité des bailleurs crée une division entre société civile – récipiendaire légitime des fonds internationaux – et société politique qui nie le fait colonial 27. Benoît Challand montre que l’aspect normatif de la notion de société civile a entraîné l’exclusion 28 de nombreux acteurs associatifs palestiniens des canaux des subventions internationales, comme c’est le cas pour les organisations bénévoles islamiques ou pour les comités populaires.

  • 29 Sbeih S., « Le temps du développement en Palestine. La rationalisation économique dans un espace co (...)

15Le problème central de l’aide internationale est le régime de pratiques des acteurs du développement qui repose sur une rationalité néolibérale. Les programmes des bailleurs s’articulent sur des projets dépolitisés de soutien technique qui s’inscrivent dans une logique de valorisation économique des « terres » et de renforcement des capacités de « populations cibles 29 ». Comme je l’ai déjà mentionné, la diffusion de ce type de normes a entraîné, à partir des années 1990, la transformation du tissu associatif palestinien engagé avant Oslo dans la lutte anticoloniale, avec pour point de mire la libération nationale. Mon étude de terrain auprès des acteurs ainsi que plusieurs échanges avec des cadres du secteur du développement ont révélé que les associations locales avaient connu, après la seconde Intifada, des évolutions similaires. Pour les groupes de la RP, la nature des liens établis avec l’ANP et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) est particulièrement intéressante pour expliquer les changements de pratiques des militants.

  • 30 Khalidi R., Samour S., « Neoliberalism as liberation… », art. cité.
  • 31 Signoles A., « Promouvoir un Palestinien maître de soi et de son destin. La cause de l’“État d’abor (...)
  • 32 Roy S., « The Gaza Strip: A case of economic de-development », Journal of Palestine Studies, vol. 1 (...)
  • 33 Signoles A., « Promouvoir un Palestinien maître de soi et de son destin… », art. cité.
  • 34 Bröning M., The Politics of Change in Palestine, Londres, Pluto Press, 2011, pp. 144-145.
  • 35 Ferguson J., Gupta A., « Spatializing states: toward an ethnography of neoliberal governmentality » (...)
  • 36 Majdi al-Malki a défini ailleurs ces liens comme des relations néo-clientélistes. Al-Malki M., « Su (...)

16L’ANP, première récipiendaire de l’aide internationale, met en œuvre à partir de 2009 un programme de gouvernement qui repose sur une approche néolibérale 30. Le Premier ministre Salam Fayyad – ancien cadre du Fonds monétaire international – applique alors une politique qui place le secteur privé au centre du développement économique et cantonne l’administration palestinienne dans un rôle sécuritaire. En résumé, l’ANP met en œuvre un programme de classe 31 qui favorise les intérêts des élites palestiniennes. En 1987, Sarah Roy mettait en avant le concept de « dé-développement » pour analyser la situation palestinienne, soulignant qu’en empêchant la population de disposer de ses ressources économiques, l’occupation entravait toute possibilité de croissance 32. Vingt ans après, le fayyadisme – qui élude le problème du dispositif colonial – mène sa stratégie de l’« État d’abord 33 » dans la même impasse. Le fait est que le soutien gouvernemental à la résistance contre l’occupation, présenté comme l’un des axes porteurs du projet de construction étatique 34, se solde par un échec. En effet, le carcan géopolitique d’Oslo contraint l’ANP : non seulement elle ne peut pas intervenir dans les zones rurales touchées directement par l’occupation (zone C), mais la rente de la paix, qui lui permet de toucher les fonds nécessaires à son maintien, l’oblige de surcroît à sécuriser les territoires sous sa juridiction. Cette position la mène à réprimer les activistes palestiniens critiques du « processus de paix » ou qui adoptent des modalités d’engagement différentes comme la lutte armée. Ces politiques sécuritaires – qui clivent le mouvement de libération nationale – ainsi que l’absence de souveraineté de l’ANP en Cisjordanie empêchent l’inclusion 35 de l’ensemble des sites de conflits palestiniens aux projets gouvernementaux de construction étatique. Ainsi, les modalités de soutien à la RP reposent majoritairement sur les liens institués par le pouvoir politique avec certains comités affiliés ou proches du parti gouvernemental Fatah 36.

  • 37 Entretien avec une salariée du PNUD en mai 2015. Lecture de la littérature grise du PDRC. Voir auss (...)

17Le PNUD constitue un deuxième acteur central pour mon étude car il est le principal pourvoyeur de fonds en zone C. Ses mécanismes de sélection des associations relèvent des logiques susmentionnées ; les projets financés par son Programme pour le développement et la résilience des communautés (PDRC), en collaboration avec l’ANP, s’inscrivent dans une approche technique du conflit 37 qui élude la situation coloniale. Cette technicisation des programmes conduit à une transformation des activités des associations locales. Les groupes de la RP concourant à l’obtention des fonds du PDRC se trouvent donc directement touchés par ces évolutions. Aux projets de protection de la terre contre la confiscation israélienne basés sur des actions directes se substituent des projets de développement pour la mise en valeur d’un patrimoine local fondés sur une approche individualisante des bénéficiaires.

18L’analyse de la situation coloniale et des interdépendances entre la RP et les acteurs du développement met en évidence l’hétéronomie des normes qui se diffusent au sein des organisations de la RP. Afin de comprendre l’évolution de ce mouvement social, je me suis intéressé à la manière dont les activités de la RP s’articulent aux programmes des bailleurs (ANP, PNUD, ONG internationales, etc.), au rôle des entrepreneurs de mobilisations dans ces transformations et aux conséquences de ces dernières sur le mouvement social.

Le processus d’ONGisation : entrepreneurs de mobilisations, organisations et ressources 

Modalités d’action et trajectoires organisationnelles

  • 38 Sbeih S., « Le temps du développement en Palestine… », art. cité.

19En Cisjordanie, la situation a évolué depuis la première Intifada. Elle impose des exigences nouvelles en termes de financement de la RP. Durant la période étudiée, les comités sont contraints de faire appel à des financements alternatifs à ceux de l’OLP pour soutenir leurs activités : en l’absence d’organisme « national » de collecte et de redistribution de fonds, chaque comité cherche à bénéficier des ressources fournies par les acteurs du développement en Cisjordanie. La problématique centrale réside dans la hiérarchisation des financements obligeant les organisations de la RP à légitimer leurs activités – éminemment politiques – afin d’obtenir la prise en charge de futurs projets par les bailleurs. Elles se trouvent entraînées dans une compétition où chacune doit se montrer attractive pour financer ses activités. Ces modalités de financement nécessitent donc l’évolution des structures, ainsi que l’adaptation des mobilisations aux paradigmes développementalistes du « processus de paix ». Au sein de ce secteur fortement concurrentiel, l’intégration de ces normes hétéronomes 38 par les associations locales caractérise le processus d’ONGisation de la RP.

  • 39 Lamarche K., « Quand les occupants défilent avec les occupés. Étude d’une coopération paradoxale en (...)

20Le village de Bil’in illustre idéalement ce processus. Différents travaux ont étudié les activités de son comité local, figure de proue de la RP en Palestine. Depuis 2005, le village a acquis une notoriété importante au niveau international. Deux caractéristiques propres aux mobilisations entreprises ont permis d’obtenir le soutien de bailleurs de fonds internationaux et d’associations de solidarité. Tout d’abord, le caractère pacifique des activités a suscité un intérêt pour ce village. Les coordinateurs locaux ont cadré leurs mobilisations sur la défense des droits fondamentaux, et leur travail de mise en scène des manifestations (mobilisation de symboles comme Martin Luther King ou Nelson Mandela sous forme d’affiches ou de masques) a rendu visible ce mode d’expression non violente du comité populaire. Ensuite, la participation des groupes de solidarité israéliens aux manifestations hebdomadaires à Bil’in s’accorde aux paradigmes de résolution du conflit des parrains du processus de paix 39. Le village apparaît alors aux yeux de la communauté internationale comme un exemple positif de la résistance palestinienne, ce qui facilite les financements des projets. Ainsi, Bil’in est peu à peu devenu un modèle pour de nombreux villages palestiniens.

  • 40 Notes de terrain. Voir aussi : Alsaafin L., « How obsession with non-violence harms the Palestinian (...)
  • 41 Le soutien apporté par les membres du CCRP à la construction de la nouvelle ville de Rawabi dans le (...)

21Dans un premier temps, les performances de ces comités villageois vont être certifiées par l’ANP qui soutient politiquement et matériellement ces mobilisations. Le gouvernement accompagne ainsi en 2009 la création d’une ONG, le CCRP, vouée à la diffusion du mouvement social et à la coordination des différentes organisations de la RP. Dès lors et jusqu’en 2013, l’ONG reçoit des fonds gouvernementaux à hauteur de 10 000 dollars américains par mois 40. Les militants à l’origine du CCRP représentent quelques lieux de résistance situés en majorité dans le centre de la Cisjordanie, comme Nabi Saleh, Bil’in ou Al Ma’asara. Les affiliations partisanes des coordinateurs du CCRP, proches ou membres du Fatah, fournissent une première explication des rapprochements établis entre le champ politique et le CCRP. Fondamentalement, le gouvernement Fayyad peut offrir son soutien à ces groupes du fait de l’adéquation entre la nature des mobilisations (modèle de Bil’in) et les engagements de l’ANP au niveau international. La publicité du caractère non violent des mobilisations et le cadre territorial des activités du CCRP – celui de la solution à deux États – s’inscrit dans la vision du « processus de paix ». De manière générale, la résistance civile des comités locaux apparaît comme complémentaire de la stratégie de construction de l’État « par le bas » promue par Salam Fayyad qui s’attache à la valorisation économique des terres palestiniennes non accaparées par Israël 41. Cet alignement sur les cadres d’interprétation du conflit de l’ANP permet au gouvernement de soutenir les activités du CCRP.

  • 42 Bob C., The Marketing of Rebellion. Insurgents, Media and International Activism, New York, Cambrid (...)
  • 43 Matonti F., Poupeau F., « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en scie (...)
  • 44 Cette expression est utilisée par le directeur d’une petite association locale en zone C qui présen (...)
  • 45 Étude du document interne du PNUD intitulé « Project template for implementing partners ».

22Logiques et pragmatiques, les coordinateurs de la RP adaptent leurs modalités d’engagement pour l’obtention des fonds octroyés par les bailleurs étrangers. Les performances et les discours militants – stratégiquement institués par ces acteurs – alimentent le plaidoyer des organisations et façonnent une sorte de « marketing de la rébellion 42 ». Ce sont ici les qualités des coordinateurs, véritables entrepreneurs de mobilisations, qui permettent l’intégration des associations de la RP aux canaux de l’aide internationale. Pour l’ensemble des financements du PDRC sur la période 2012-2015, deux projets d’association locale à Al Ma’sara et Bil’in ont été retenus. Le premier consiste en la réhabilitation d’un site historique et le second en la construction d’une cafétéria et d’un espace de jeux pour enfants. Les capitaux militants 43 constitués permettent aux coordinateurs de s’adapter aux attentes des bailleurs. Grâce à leur maîtrise de l’anglais, leur capacité à écrire des propositions (proposals) en utilisant le « langage des ONG 44 », il leur est plus aisé d’accéder aux financements établis par le PNUD. Par exemple, le projet de construction de l’« éco-parc » à Bil’in témoigne de l’intégration des coordinateurs du comité à une forme de gouvernance multiniveaux soutenue par l’agence onusienne : financé par le PNUD, le projet est piloté par le comité populaire. L’un de ses représentants est salarié pour coordonner le projet. Il conduit cette mission en partenariat avec l’ONG espagnole NoVA, qui procède à une évaluation du conflit pour déterminer les besoins locaux. Le CCRP, dont est aussi membre le coordinateur du projet originaire de Bil’in, se trouve cité dans le rapport du PNUD comme ayant participé, en tant qu’ONG locale, à l’analyse participative (participatory analysis) pour choisir les populations cibles 45. Ce modèle de gouvernance, qui intègre des acteurs locaux dont les compétences techniques sont appréciées, facilite la mise en œuvre du projet.

23L’obtention du statut d’ONG par les associations de la RP est fondamentale dans la stratégie des militants palestiniens. La réflexion à l’origine de la création du CCRP en 2009 portait sur l’accès à des ressources internationales pour soutenir la résistance à l’occupation. À travers un processus de professionnalisation – que sanctionne ce statut – le CCRP collabore avec le PNUD et des ONG étrangères pour développer ce type de programmes.

  • 46 Pierru E., « Organisations et ressources », art. cité.
  • 47 Expression employée par de nombreux militants de la RP critiques de cette évolution.

24De manière générale, cette trajectoire organisationnelle met en lumière le changement de rationalité des acteurs, l’évolution du fonctionnement des groupes ainsi que les modifications des activités entreprises 46. Le cas du comité de Beit Ummar témoigne des transformations engendrées par ce processus d’ONGisation. Grand village agricole situé entre Bethléem et Hébron, Beit Ummar est un site de conflit de haute intensité. À partir de 2006, ses habitants tâchent de résister à l’accaparement de terres menacées par l’extension de plusieurs colonies qui entourent le village. Durant les premières années de mobilisation, les militants locaux mènent des activités similaires à celles des villages de la RP qui les ont précédés : le comité prépare des manifestations hebdomadaires ainsi que des actions plus ponctuelles comme le déplacement des barrages routiers israéliens ou l’accompagnement des fermiers sur leurs terres pour les protéger des attaques de colons. Le Palestine Solidarity Project (PSP) est une campagne créée par des membres du comité pour mettre en œuvre un second pan d’activités de la RP : les missions de plaidoyer et l’accueil des groupes de solidarité. Le PSP remplit cette fonction de mise en réseau avec les acteurs étrangers dans une double logique de diffusion de la cause palestinienne à l’international et de financements des mobilisations locales. En résumé, les activités soulignent la centralité des actions directes et des campagnes d’information mises en œuvre par des bénévoles. L’évolution fondamentale advient avec la création du Center for Freedom and Justice (CFJ) – en lieu et place du comité – qui prend le statut d’ONG en 2011. À partir de cette date, les modalités d’action de cette structure changent fondamentalement et se concentrent sur des projets de valorisation des terres agricoles, comme en témoignent les projets locaux comme le Greenhouse Project et le Land Rehabilitation Program. Un responsable du CFJ me confirme l’abandon des manifestations hebdomadaires, ce qui met ici en lumière le changement de nature radical de la RP à Beit Ummar. De même, l’évolution de la terminologie employée par les activistes souligne les transformations du comité : durant notre visite, nous avons rencontré un membre du CFJ qui est directeur général (general manager) et nous avons échangé par voie électronique avec son directeur des affaires internationales (international affairs manager). Ces termes éclairent le changement de statut de ces activistes et leur professionnalisation dans l’optique d’atteindre le public international et les bailleurs de fond. Enfin, une transformation touche à la nature même de la résistance qui oppose militants politiques et professionnels de l’aide : en comparaison avec l’ancienne logique de volontariat du comité, plusieurs emplois à temps plein sont pourvus et occupés par les activistes en 2016. De manière générale, cette logique de rémunération modifie la nature de l’engagement par un mélange des genres entre les bénéfices personnels de l’action et les exigences collectives qui la déterminent. Cette question de la diffusion du « système des ONG 47 » au sein de la RP se trouve au centre des critiques de nombre de militants opposés à cette évolution tendancielle de la lutte contre l’occupation.

25À la faveur de ce processus d’ONGisation, l’activité des militants de Beit Ummar s’oriente vers le plaidoyer international et délaisse l’organisation des mobilisations villageoises contre le dispositif colonial. Une explication conjoncturelle est donnée sur ce point par l’un des employés du CFJ :

  • 48 Entretien en novembre 2016.

« Le changement ne viendra pas de nous, mais de la communauté internationale. Nous avons essayé de combattre Israël mais cela n’a pas marché. Cela est plus simple de résister au niveau international, ce qui permet aussi de mettre une pression diplomatique sur Israël 48. »

Les conséquences de l’ONGisation sur le mouvement social

  • 49 Qumsiyeh M., Une histoire populaire de la résistance palestinienne, Paris, Demi-Lune, 2013, p. 397.

26Le processus d’individualisation caractérise une tendance lourde de la RP. Le terme traduit l’importance prise par quelques dizaines d’entrepreneurs de mobilisations qui deviennent les porte-parole des comités de résistance et décident de leurs orientations. En lien avec les caractéristiques contemporaines de la situation coloniale, cette évolution modifie l’ossature de la lutte populaire palestinienne, délaissant le caractère pluriel et démocratique d’un mouvement de libération nationale – qui caractérisait les cycles de conflits antérieurs comme celui de la première Intifada 49 – pour se reposer principalement sur les représentants de comités issus d’une dizaine de localités. Ce constat ne doit pas conduire pour autant à sous-estimer la réalité de la participation des Palestiniens dans ces espaces de mobilisation. Néanmoins, l’étude de terrain met en lumière ce processus d’individualisation qui amoindrit la participation collective pour la construction d’alternatives politiques au sein des groupes locaux ou à l’échelle de coordinations « nationales ». Au niveau des comités, les leaders occupent une place centrale dans la construction des mobilisations et le choix des modalités stratégiques à appliquer. L’acquisition de ce statut peut s’expliquer par une certaine position sociale résultant de leurs trajectoires politiques (c’est-à-dire liée aux positions dans les factions politiques palestiniennes). Dans les cas où ce capital social est défaillant, il peut être pallié par un capital militant qui permet d’obtenir et de conserver une place centrale dans ces localités : parler l’anglais et avoir les capacités techniques et culturelles pour bénéficier des fonds occidentaux permet d’imposer ses points de vue au sein des comités et des ONG de coordination.

27Le phénomène d’individualisation résulte du processus d’ONGisation du fait de la prééminence que celui-ci offre aux activités de plaidoyer et aux projets de développements, et donc aux intermédiations avec les acteurs de l’aide au développement et les groupes de solidarité étrangers. L’alignement stratégique de la RP sur les attentes de ces acteurs allogènes place ces coordinateurs en première ligne en termes de représentation. Ils ont alors accès aux ressources matérielles, et acquièrent ainsi une position importante au niveau local.

  • 50 Terme qui revient dans les entretiens.
  • 51 Si le comité de Beit Ummar a commencé par collaborer avec une ONG de coordination de la RP, le manq (...)

28En conséquence, la RP se trouve traversée par des débats internes portant sur le caractère démocratique du mouvement. Pour beaucoup d’activistes interrogés, le manque de structuration politique et organisationnelle empêche la participation du plus grand nombre à l’élaboration des stratégies. Dans de nombreux groupes, la prise de décision se trouve monopolisée par de fortes personnalités qui empêchent d’autres acteurs de contribuer. Les entretiens révèlent cette mise à l’écart et présentent la RP comme la « résistance d’une élite 50 ». Un problème central réside dans la perpétuation des divisions de la RP que l’ONGisation ne règle pas, le processus d’individualisation ne favorisant pas la création d’instruments de redistribution équitable des fonds. Ceux-ci se trouvent majoritairement alloués aux groupes les plus intégrés aux canaux de financements 51.

29Par ailleurs, l’importance prise par les coordinateurs joue sur la confiance accordée à la RP par l’ensemble des militants (et au-delà par l’opinion publique palestinienne). Une interrogation revient dans les entretiens avec certains activistes qui posent le problème du conflit d’intérêts entre les activités de résistance à l’occupation et les gains personnels que ces « élites » de la RP peuvent en tirer. Leurs positions sociales permettent d’entretenir des relations avec des membres des sociétés civiles ou des institutions publiques étrangères qui, par exemple, ouvrent des portes à l’international. Cet élément ne doit pas être minimisé dans un contexte de contrôle spatial de haute intensité : les invitations à participer aux conférences au sein d’institutions comme l’Organisation des Nations unies à New York ou encore les voyages en Italie et en France permis par les liens établis avec des groupes de solidarité étrangers constituent une rétribution importante. Plus fondamentalement, ce phénomène d’individualisation suscite des soupçons d’enrichissement personnel. Les ONG de la RP en font les frais en raison de l’opacité des modes de fonctionnement. Que ces récriminations soient fondées ou non, c’est bien la question de la confiance accordée aux leaders de la RP qui est centrale pour la diffusion des mobilisations en Cisjordanie.

  • 52 Sur ce sujet : Aminzade R., Goldstone J. A., Perry E. J., « Leadership dynamics and dynamics of con (...)
  • 53 Le cas d’Ahed Tamimi, fille d’un coordinateur du comité de la RP à Nabi Saleh, Bassem Tamimi, souli (...)

30Enfin, il faut souligner les difficultés liées à la question des egos dans la structuration d’un mouvement social 52. Bien qu’ils jouissent d’une certaine aura auprès de leurs communautés et qu’ils disposent de nombreux relais à l’étranger, les profils des coordinateurs de la RP ne leur permettent pas de transcender les divisions géographiques, politiques et statutaires propres au contexte palestinien 53. De même, l’insertion dans des réseaux internationaux complique les compromis et le partage des ressources auxquelles ils ont accès individuellement. Mes observations mettent en lumière de nombreuses oppositions entre ces militants qui se disputent la paternité des événements protestataires ainsi que la représentation de la RP auprès du public palestinien.

  • 54 Garrault A., « Les jeunes militants de Ramallah face à l’occupation israélienne. Modalités d’engage (...)

31Les évolutions évoquées dans cet article ne vont pas sans produire des fractures entre les groupes de militants. J’ai souligné ailleurs 54 le processus de polarisation de la RP qu’entraîne le rejet – par les membres d’associations militantes, à Ramallah notamment – de cette ONGisation. De nombreux activistes récusent ce processus qui traduit, à leurs yeux, une adhésion aux paradigmes du « processus de paix ». Ils pointent du doigt l’abandon des actions directes, la multiplication des appels à projets et la normation des pratiques militantes par les bailleurs de fonds. En effet, une analyse des transferts de ressources des ONG étrangères aux groupes de la RP met en exergue l’asymétrie de la relation établie.

  • 55 Voir par exemple le programme NOVACT de l’ONG : https://novact.org/. Le caractère hétéronome des no (...)
  • 56 Sur l’ONGisation de la non-violence, cf. Norman J., The Second Palestinian Intifada: Civil Resistan (...)
  • 57 Siméant J., « La transnationalisation des actions collectives », in Fillieule O., Agrikoliansky E., (...)
  • 58 Ibid., p. 132.

32Le traitement contemporain de la question de la non-violence à travers la problématique des jets de pierres durant les manifestations est révélateur des transformations de la RP car il touche à un symbole de la résistance palestinienne. Par exemple, un programme financé par l’ONG espagnole NoVA cherche à limiter ces pratiques en organisant des ateliers (workshops) que suivent de nombreux coordinateurs de la RP 55. Ce type de formations participe à l’évolution tendancielle des mobilisations vers l’abandon des jets de pierres, que j’ai pu constater dans certaines localités. Une divergence se manifeste alors au sein de la RP sur les stratégies à mettre en œuvre, notamment à propos de la confrontation directe avec l’armée israélienne. Les voix critiques de l’ONGisation s’érigent contre le type de ressources mises à disposition de la RP, définies selon des normes allogènes 56 ; pour ces acteurs, le phénomène met en lumière le renforcement, par la communauté internationale, de l’asymétrie entre Israéliens et Palestiniens. D’après Johanna Siméant, les groupes radicaux peuvent critiquer les stratégies d’échelle dirigées vers une internationalisation de l’engagement par des militants d’ONG mieux dotés en capitaux sociaux et économiques 57. La problématique principale réside dans le rapport hiérarchique imposé par les structures internationales de soutien à la RP. Pour ces groupes, l’ONGisation transforme la lutte de libération nationale palestinienne. Ces différences d’approche ne sont pas sans conséquences. Elles modifient la base du mouvement social de la RP en désignant de nouveaux adversaires (comme les OI ou encore l’ANP associés au cadre d’Oslo qui est combattu), mais aussi le caractère général de la lutte. Ces positions distinctes donnent des indications sur les formes de l’engagement et soulignent les diverses représentations militantes et leur « adaptation au discours des autorités politiques 58 » palestiniennes.

***

  • 59 Ibid., pp. 121-144.

33Cet article a présenté les facteurs structurels et contextuels qui mènent les coordinateurs de la RP à adopter, de manière stratégique, de nouvelles modalités d’action. Pour ce faire, il convenait d’articuler les transformations observables à différents niveaux tout en se gardant de présenter les mobilisations palestiniennes comme des réponses mécaniques à des effets d’échelle 59.

  • 60 Certains auteurs usent du concept d’« impérialisme ». Farsakh L., « Palestinian Economic Developmen (...)
  • 61 Mathieu L., L’Espace des mouvements sociaux, Paris, Éditions du Croquant, 2012.

34De manière générale, il me semble nécessaire d’intégrer deux paradigmes au sein d’une même unité conceptuelle pour étudier la société palestinienne en Cisjordanie : les politiques développementalistes « néolibérales » et la situation de colonisation de peuplement 60. À partir de cette prémisse, mon article inscrit la RP dans le contexte de la Palestine post-seconde Intifada et met en lumière les transformations des formes d’organisation, des régimes d’action et des représentations des militants palestiniens. Autrement dit, c’est l’évolution d’un mouvement social intégré à un système d’interdépendance que j’ai tenté de déconstruire 61.

  • 62 Corm G., Pensée et politique dans le monde arabe. Contextes historiques et problématiques, xixe-xxi(...)
  • 63 Ibid., pp. 319-326.
  • 64 Sur la problématique de l’idéologie, cf. Gramsci A., Selections from the Prison Notebooks, New York (...)
  • 65 Castoriadis C., L’Institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil, 1975.

35Les conséquences du processus d’ONGisation sur la RP sont de deux ordres : il freine la coordination des groupes de militants autour d’objectifs partagés ou de moyens mis en œuvre pour les atteindre et il participe à la hiérarchisation des sites de conflits en termes de captation des ressources, contribuant ainsi à la fragmentation de la société palestinienne. Ces divisions se trouvent en partie liées à l’hétéronomie des normes qui président au « développement » de la Palestine et aux réponses diverses apportées à ce modèle allogène. L’opposition entre différents courants de la pensée arabe sur les sources légitimes et stratégiques devant guider les constructions sociétales est une problématique ancienne 62 qui a resurgi sous de nouvelles formes avec l’essor du néolibéralisme 63. Elle n’épargne pas la Cisjordanie, renforçant les dynamiques conflictuelles de la situation coloniale. La structuration d’une idéologie 64 commune apparaît alors comme le prérequis fondamental pour la construction du mouvement national-populaire que les militants palestiniens désirent promouvoir. S’opposer à la constitution d’une société hétéronome et dépasser l’aliénation des individus intégrés à la Palestine post-Oslo est un projet d’institution d’une résistance civile autonome structurée par un imaginaire social autochtone 65.

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Notas

1 L’auteur remercie les relecteur·trice·s de Cultures & Conflits pour leur travail et les suggestions sur les versions de cet article.

2 Par exemple : Abu-Sada C., ONG palestiniennes et construction étatique : l’expérience de Palestinian Relief Committees (PARC) dans les territoires occupés palestiniens, 1983-2005, Beyrouth, IFPO, 2007 ; Challand B., Palestinian Civil Society, Foreign Donors and the Power to Promote and Exclude, New York, Routledge, 2010 ; Hanafi S., Tabar L., « The intifada and the aid industry: the impact of the new liberal agenda », Comparative Studies of South Asia, Africa and Middle-East, vol. 23, n° 1&2, 2003, pp. 205-214 ; Salingue J., La Palestine des ONG, Paris, La Fabrique, 2015.

3 Challand B., Palestinian Civil Society…, op. cit., pp. 5-7.

4 Ibid.

5 Islah Jad écrit : « L’ONGisation est un terme que j’utilise pour désigner le processus par lequel des questions d’intérêt collectif sont transformées en projets détachés du contexte général dans lequel ils ont surgi, sans prise en compte des facteurs économiques, politiques et sociaux qui les affectent. », cf. Jad I., « The demobilization of Women’s movements: the case of Palestine », AWID’s Building Feminist Movements and Organizations initiative, 2008, cité dans Salingue J., La Palestine des ONG, op. cit., p. 140. Cette définition conçoit la nature néolibérale de ce processus d’ONGisation en termes de destruction des structures collectives et de dé-démocratisation. Cf. Brown W., « American Nightmare: Neoliberalism, Neoconservatism, and De-Democratization », Political Theory, vol. 34, n° 6, 2006, pp. 690-714.

6 Pierru E., « Organisations et ressources », in Fillieule O., Agrikoliansky E., Sommier I. (dir.), Penser les mouvements sociaux. Conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, Paris, La Découverte, 2010, pp. 19-38.

7 Elias N., Qu’est-ce que la sociologie ?, Clamecy, Pandora, 1981.

8 Voir Veracini L., Israel and Settler Society, Londres, Pluto Press, 2006, ou Lloyd D., « Settler colonialism and the state of exception: the example of Palestine/Israel », Settler Colonial Studies, vol. 2, n° 1, 2012, pp. 59-80.

9 Khalidi R., Samour S., « Neoliberalism as liberation: the statehood program and the remaking of the Palestinian national movement », Journal of Palestine Studies, vol. 40, n° 2, 2011, pp. 6-25.

10 Combes H., Hmed C., Mathieu L., Siméant J., Sommier I., « Observer les mobilisations. Retour sur les ficelles du métier de sociologue des mouvements sociaux », Politix, vol. 93, n° 1, 2011, pp. 7-27.

11 Ce terme désigne un mode de transport en commun (bus collectifs) en Cisjordanie.

12 Romani V. « Enquêter dans les Territoires palestiniens. Comprendre un quotidien au-delà de la violence immédiate », Revue française de science politique, vol. 57, n° 1, 2007, p. 39.

13 Cf. Kohlbry P., « Owning the Homeland: Property, Markets, and Land Defense in the West Bank », Journal of Palestine Studies, vol. 47, n° 4, 2018, pp. 30-45.

14 Pierru E., « Organisations et ressources », art. cité.

15 Voir Kimmerling B. « A model for analysing reciprocal relations between the Jewish and Arab communities in Mandatory Palestine », in Kimmerling B., Clash of Identities. Exploration in Israeli and Palestinian Societies, New York, Columbia University Press, 2008, pp. 1-24.

16 Gordon N., Israel’s Occupation, Los Angeles, University of California Press, 2008, p. 318.

17 Parizot C., « Temporalités et perceptions de la séparation entre Israéliens et Palestiniens », Bulletin CRFJ, 2009.

18 Voir sur ce thème Virilio P., Défenses populaires et luttes écologiques, Paris, Éditions Galilée, 1978.

19 Ce processus souligne, dans une approche fanoniste, la centralité de la valeur de la terre pour les communautés paysannes dans leur lutte anticoloniale : « Pour le peuple colonisé la valeur la plus essentielle, parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre : la terre qui doit assurer le pain et bien sûr la dignité. » Fanon F., Les Damnés de la Terre, Paris, La Découverte, 2002, p. 47.

20 Les Palestiniens utilisent le terme sumud pour nommer ce type de résilience mésologique active.

21 Nicholls W., « Place, networks, space: theorizing the geographies of social movements », Transactions of the Institute of British Geographers, vol. 34, n° 1, 2009, pp. 78-93.

22 Ritaine E., « La barrière et le check-point : mise en politique de l’asymétrie », Cultures & Conflits, n° 73, 2009, pp. 15-33.

23 Par exemple, la fermeture du check-point « Container » au printemps 2014, à proximité de Bethléem, coupe la Cisjordanie en deux et empêche les échanges physiques entre les militants. Notes de terrain.

24 Les points d’accès de cette zone sont fermement contrôlés par l’armée. Par exemple le check-point d’Hamra a pour objectif d’instaurer une nette séparation avec les habitants du nord de la Cisjordanie. Les militants locaux notent ce problème des mobilités pour faire venir des militants dans la vallée du Jourdain. Notes de terrain.

25 Roy S., « Reconceptualizing the Israeli-Palestinian conflict: Key paradigm shifts », Journal of Palestine Studies, vol. 41, n° 3, 2012, pp. 71-91.

26 Voir l’étude du Plan de réforme et de développement palestinien pour la période 2008-2010 dans Ibrahim N., Illusion of Development under Israeli Occupation. The Political Motivations of Donors to the Palestinians, Bethleem, Robert Lyers, 2011, p. 157.

27 Hanafi S., Tabar L., « The intifada and the aid industry:… », art. cité.

28 Challand B., Palestinian Civil Society…, op. cit., pp. 175-191.

29 Sbeih S., « Le temps du développement en Palestine. La rationalisation économique dans un espace confisqué », Temporalités, 2017, n° 27, http://journals.openedition.org/temporalites/4552, consulté le 2 janvier 2019.

30 Khalidi R., Samour S., « Neoliberalism as liberation… », art. cité.

31 Signoles A., « Promouvoir un Palestinien maître de soi et de son destin. La cause de l’“État d’abord” selon Salam Fayyad », in Traïni Ch. (dir.), Émotions et expertises. Les modes de coordination des actions collectives, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.

32 Roy S., « The Gaza Strip: A case of economic de-development », Journal of Palestine Studies, vol. 17, n° 1, 1987, pp. 56-88.

33 Signoles A., « Promouvoir un Palestinien maître de soi et de son destin… », art. cité.

34 Bröning M., The Politics of Change in Palestine, Londres, Pluto Press, 2011, pp. 144-145.

35 Ferguson J., Gupta A., « Spatializing states: toward an ethnography of neoliberal governmentality », American Ethnologist, vol. 29, n° 4, 2002, pp. 981-1002.

36 Majdi al-Malki a défini ailleurs ces liens comme des relations néo-clientélistes. Al-Malki M., « Surmonter l’intifâda d’al-Aqsâ, entraide sociale et clientélisme en Palestine », Études rurales, n°173-174, 2005, pp. 201-217.

37 Entretien avec une salariée du PNUD en mai 2015. Lecture de la littérature grise du PDRC. Voir aussi : Maertens L., Parizet R., « “On ne fait pas de politique !” Les pratiques de dépolitisation au PNUD et au PNUE », Critique internationale, vol. 76, n° 3, 2017, pp. 41-60.

38 Sbeih S., « Le temps du développement en Palestine… », art. cité.

39 Lamarche K., « Quand les occupants défilent avec les occupés. Étude d’une coopération paradoxale entre militants israéliens et palestiniens », Participations, vol. 12, n° 2, 2015, pp. 217-243.

40 Notes de terrain. Voir aussi : Alsaafin L., « How obsession with non-violence harms the Palestinian cause », The Electronic Intifada, 10 juillet 2012, https://electronicintifada.net/content/how-obsession-nonviolence-harms-palestinian-cause/11482, consulté en juin 2014.

41 Le soutien apporté par les membres du CCRP à la construction de la nouvelle ville de Rawabi dans le nord de Ramallah souligne les liens intrinsèques entre la planification territoriale de l’ANP et les activités militantes de cette ONG. Cf. http://www.rawabi.ps

42 Bob C., The Marketing of Rebellion. Insurgents, Media and International Activism, New York, Cambridge University Press, 2005, p. 237.

43 Matonti F., Poupeau F., « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 155, n° 5, 2004, p. 8.

44 Cette expression est utilisée par le directeur d’une petite association locale en zone C qui présente l’inadaptabilité de son discours pour obtenir des fonds auprès des bailleurs. En mai 2014, l’observation d’un entretien entre une représentante du PNUD et un coordinateur du comité d’Al Ma’sara révèle l’importance de la technicisation du discours du militant pour mettre en place le projet local dans son village. Notes de terrain.

45 Étude du document interne du PNUD intitulé « Project template for implementing partners ».

46 Pierru E., « Organisations et ressources », art. cité.

47 Expression employée par de nombreux militants de la RP critiques de cette évolution.

48 Entretien en novembre 2016.

49 Qumsiyeh M., Une histoire populaire de la résistance palestinienne, Paris, Demi-Lune, 2013, p. 397.

50 Terme qui revient dans les entretiens.

51 Si le comité de Beit Ummar a commencé par collaborer avec une ONG de coordination de la RP, le manque de moyens alloués pour la défense du village a entraîné l’affaiblissement des liens entre les deux entités et la création d’une structure autonome : le CFJ. Notes de terrain.

52 Sur ce sujet : Aminzade R., Goldstone J. A., Perry E. J., « Leadership dynamics and dynamics of contention », in Aminzade R. et al. (eds.), Silence and Voice in the Study of Contentious Politics, New York, Cambridge University Press, 2001, pp. 126-154.

53 Le cas d’Ahed Tamimi, fille d’un coordinateur du comité de la RP à Nabi Saleh, Bassem Tamimi, souligne ce processus. Une communication autour de l’engagement de cette jeune femme à travers une importante campagne de plaidoyer participe à l’individualisation des mobilisations populaires dans ce village autour d’une personnalité qui est devenue une figure palestinienne centrale, notamment pour les groupes de solidarité internationaux. Notes de terrain à Nabi Saleh.

54 Garrault A., « Les jeunes militants de Ramallah face à l’occupation israélienne. Modalités d’engagement et positions socio-spatiales », Participation(s), n° 25, 2019, pp. 165-193.

55 Voir par exemple le programme NOVACT de l’ONG : https://novact.org/. Le caractère hétéronome des normes intériorisées par les activistes de la RP est très bien illustré par une formation universitaire proposée par NoVA en partenariat avec l’université palestinienne Al Quds et l’université de Barcelone entre 2012 et 2014. Intitulée « Diplôme d’études avancées en droit international et résolution non violente de conflit », celle-ci propose, dans le cadre de ce master, de former les étudiants-activistes aux modes non violents de protestation civile, en s’appuyant, lors de mes observations en 2013, sur des rationalités et des modèles occidentaux. Sur ce sujet, voir Stork J., « Three decades of Human Rights activism in the Middle East and North Africa. An ambiguous balance sheet », in Beinin J., Vairel F. (eds.), Social Movements, Mobilization, and Contestation in the Middle East and North Africa, Stanford, Standford University Press, 2011, pp. 83-107.

56 Sur l’ONGisation de la non-violence, cf. Norman J., The Second Palestinian Intifada: Civil Resistance, New York, Routledge, 2010.

57 Siméant J., « La transnationalisation des actions collectives », in Fillieule O., Agrikoliansky E., Sommier I. (dir.), Penser les mouvements sociaux…, op. cit., pp. 123-125.

58 Ibid., p. 132.

59 Ibid., pp. 121-144.

60 Certains auteurs usent du concept d’« impérialisme ». Farsakh L., « Palestinian Economic Development: Paradigm Shifts since the First Intifada », Journal of Palestine Studies, vol. 45, n° 2, 2016, pp. 55-71, et Collins J., Global Palestine, Londres, Hurst and Co, 2011.

61 Mathieu L., L’Espace des mouvements sociaux, Paris, Éditions du Croquant, 2012.

62 Corm G., Pensée et politique dans le monde arabe. Contextes historiques et problématiques, xixe-xxie siècles, Paris, La Découverte, 2016.

63 Ibid., pp. 319-326.

64 Sur la problématique de l’idéologie, cf. Gramsci A., Selections from the Prison Notebooks, New York, International Publishers, 1971, pp. 182-184.

65 Castoriadis C., L’Institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil, 1975.

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Antoine Garrault, «L’ONGisation de la résistance populaire dans la Cisjordanie post seconde Intifada (2005-2017)»Cultures & Conflits, 117 | 2020, 61-78.

Referencia electrónica

Antoine Garrault, «L’ONGisation de la résistance populaire dans la Cisjordanie post seconde Intifada (2005-2017)»Cultures & Conflits [En línea], 117 | printemps 2020, Publicado el 03 enero 2023, consultado el 16 abril 2024. URL: http://journals.openedition.org/conflits/21482; DOI: https://doi.org/10.4000/conflits.21482

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Autor

Antoine Garrault

Antoine Garrault est docteur en science politique, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d’étude du politique Hannah Arendt (LIPHA-EA 7373) et enseignant à l’Université Paul Valéry-Montpellier. Ses travaux portent sur les politiques de conflit, l’étude des mouvements sociaux, ainsi que la problématique des politiques de l’aide au développement. L’étude des dimensions spatiales des rapports politiques et sociaux se trouve au cœur de ses analyses. Ses recherches s’intéressent aux contextes de colonisation de peuplement et de résistance indigène et se concentrent particulièrement sur le complexe palestino-israélien. Ces thèmes l’ont mené à travailler en tant qu’enseignant (ATER) à l’Université Paris Est Créteil (UPEC).

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