Économie transnationale de la violence et autonomisation des milices au Nord du Mali
Résumés
Un des paradoxes de la guerre au Mali se situe dans les agendas divergents des armées française et malienne. Alors que l’objectif de l’armée française est d’éradiquer les mouvements islamistes, celui de l’armée malienne est d’affaiblir les mouvements indépendantistes. Contrainte par la présence de forces internationales, l’armée malienne réactive un dispositif de gestion des rébellions qui consiste à fragmenter les mouvements indépendantistes en sous-traitant une partie de ses fonctions répressives à des milices locales. Ces milices qui présentent un fort caractère communautaire ont bénéficié de multiples parrainages, servant notamment dans la lutte antiterroriste auprès des forces françaises. L’article développe l’hypothèse selon laquelle la légitimation et l’usage des milices par l’international contribuent à leur autonomisation et renforcent la perte de souveraineté de l’État malien sur son propre territoire au profit des internationaux et des chefs miliciens.
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- 1 Carey S., Colaresi M., Mitchell N., “Governments, Informal links to Militias, and Accountability”, (...)
- 2 Wehrey F., Ahram A. I., “Taming the Militias: Building National Guards in Fractured Arab States”, C (...)
- 3 Ahram A. I., “Are Militias a menace?”, op. cit.
- 4 Peic G., “Civilian Defense Forces, State Capacity, and Government Victory in Counterinsurgency Wars (...)
- 5 Biddle S., Friedman J., Shapiro, J., “Testing the Surge: Why Did Violence Decline in Iraq in 2007?” (...)
- 6 Lyall J., “Are Coethnics More Effective Counterinsurgents? Evidence from the Second Chechen War”, A (...)
- 7 Mitchell N., Carey S., Butler C., “The Impact of Pro-Government Militias on Human Rights Violations (...)
- 8 Wehrey F., Ahram A. I., “Taming the Militias: Building National Guards in Fractured Arab States”, o (...)
1Une partie de la littérature internationale sur les milices pro-gouvernementales s’appuie sur des méthodes quantitatives avec une ambition comparatiste. Principalement publiés dans les revues anglophones, ces travaux s’attachent à démontrer les avantages dont un État central ou une force d’intervention étrangère peuvent bénéficier par la formation de milices locales. Moins chers et plus « flexibles » que les armées nationales, les miliciens sont considérés comme plus capables d’assurer la sécurité des populations, en particulier lorsque l’appareil de sécurité étatique est faible 1. Pour les États concernés, les milices seraient un moyen économique d’assurer la sécurité de leurs citoyens et de projeter leur puissance 2. L’ancrage « ethnique » des milices est également plébiscité par cette littérature, car il permettrait de mieux cibler l’ennemi à l’intérieur de la population locale 3. Des travaux concluent ainsi que le recrutement de milices augmente de plus de 50 % la probabilité de victoire du gouvernement dans une guerre civile 4. Par exemple en Irak, les milices sunnites associées aux troupes américaines auraient dans un premier temps permis d’endiguer l’insurrection 5. De même, les attaques auraient diminué de 40 % après les opérations de ratissage des Tchétchènes pro-russes en comparaison des opérations similaires menées uniquement par les Russes 6. Si les résultats militaires sont considérés comme satisfaisants, ces études mentionnent néanmoins le fait que les milices sont souvent responsables de violations des droits humains avec la complicité des États et qu’elles peuvent s’autonomiser 7. Dans cette logique, il est ainsi conseillé d’« apprivoiser » (taming) ces milices en les intégrant à l’appareil sécuritaire étatique dans le cadre des politiques post-conflit 8. Au regard de cette littérature, le cas malien réunit tous les ingrédients justifiant la création de milices : un appareil sécuritaire étatique défaillant, des ennemis « cachés » au sein de la population, des contraintes internationales qui empêchent l’armée malienne de combattre ses ennemis et un dispositif post-conflit qui autorise l’intégration des milices au sein des forces régulières.
- 9 Amselle J.-L., « Emballement ethnico-religieux au Mali », Communications, vol. 107, n°2, 2020, pp. (...)
- 10 Grémont C., « Dans le piège des offres de violence. Concurrences, protections et représailles dans (...)
- 11 Ag Alhousseini M., « Du conflit aux conflits : Kidal dans l’espoir d’une paix jamais retrouvée : Co (...)
- 12 Sandor A., « Insécurité, effondrement de la confiance sociale et gouvernance des acteurs armés dans (...)
- 13 Baczko A., Dorronsoro G., « Pour une approche sociologique des guerres civiles », Revue française d (...)
- 14 Sur cette question voir le numéro coordonné par : Cold-Ravnkilde M., Lindskov Jacobsen K., “Disenta (...)
2Cependant, la partie de la littérature qui adopte une approche qualitative et se concentre sur des études de cas, plus apte à déceler l’impact social des formations miliciennes, présente des conclusions moins encourageantes. Le cas malien montre ainsi que l’usage de milices n’a pas apporté plus de sécurité, ni permis à l’État malien de se réimplanter dans les zones occupées. Au contraire, plusieurs chercheurs ont montré que l’usage des milices a renforcé les frontières ethniques 9 et ravivé des rivalités locales 10. De plus, les enjeux liés aux politiques de réintégration post-conflits alimentent les conflits locaux qui ont pour enjeu le repositionnement au sein de l’État 11 et que le gouvernement instrumentalise pour coopter les insurgés 12. Dans la lignée de ces travaux, le présent article apporte un éclairage sur une caractéristique majeure des guerres civiles contemporaines pourtant souvent négligée : leur internationalisation. En effet, les États en guerre assument rarement seuls leur sécurité, tout comme les milices sont fortement transnationalisées et disposent généralement de soutiens ou sanctuaires dans les pays voisins 13. La guerre au Mali est un cas paradigmatique de ces conflits où coexistent sur le même territoire de nombreux acteurs sécuritaires nationaux, régionaux et internationaux 14. La question de l’usage de milices locales doit ainsi être mise en dialogue avec la présence des forces étrangères et des différents enjeux auxquels ils se rattachent.
- 15 Au Mali, le transfert du politique vers le religieux s’est amorcé dès les années 1980-1990 et l’opi (...)
3Le conflit déclenché au Mali en janvier 2012 par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) s’inscrit dans une série de révoltes initiées dans le nord du pays (1963, 1990, 2006). Après avoir déclaré unilatéralement l’indépendance de l’Azawad le 6 avril 2012, le MNLA est rapidement évincé du territoire qu’il revendique au profit de mouvements islamistes (Al-Qaïda au Maghreb islamique, AQMI ; Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest MUJAO ; Ansar Dine). Ces derniers assurent alors la gestion des villes de Kidal, Gao et Tombouctou pendant plusieurs mois en s’appuyant notamment sur les principes de la charia. Si l’avancée des mouvements islamistes vers le sud du pays justifie l’intervention pour les puissances occidentales, au premier rang la France, au niveau national ce sont les indépendantistes qui cristallisent les tensions. En effet, du point de vue de Bamako, l’ambition séparatiste du MNLA est bien plus inquiétante que le cadrage religieux des évènements dans le Nord 15. L’objectif de cet article est de décrire la coexistence des objectifs militaires et politiques nationaux et internationaux : un État qui veut affaiblir la rébellion indépendantiste et une intervention étrangère focalisée sur la lutte antiterroriste.
- 16 Pérouse de Montclos M.-A., Une guerre perdue. La France au Sahel, Paris, J.C. Lattès, 2020.
4Dès 2013, l’armée française entre seule dans Kidal, fief historique des rébellions du Nord. Le passif de l’armée malienne dans cette zone fait en effet craindre aux Français un scénario à la rwandaise qu’ils veulent absolument éviter 16. La reprise de Kidal constitue cependant un enjeu hautement politique et symbolique pour l’État central et l’armée malienne fait plusieurs tentatives pour se réimplanter, jusqu’à la bataille de mai 2014, dont les mouvements rebelles sortent vainqueurs et qui aboutit à un cessez-le-feu imposé par l’ONU. Dans ce contexte, les premières milices progouvernementales apparaissent quand l’État central réactive son dispositif pour continuer la guerre tout en contournant les contraintes de ses bailleurs internationaux et le droit de la guerre. Les milices formées par Bamako afin de fragmenter la rébellion ont été, dans un second temps, légitimées par l’international sur un plan militaire et politique. La médiation les a intégrées au processus de paix tandis que le Niger et la France les ont utilisées dans le cadre de la lutte antiterroriste. Nous développerons donc l’hypothèse selon laquelle la légitimation et l’usage des milices par l’international contribuent à leur autonomisation et renforcent la perte de souveraineté de l’État malien sur son propre territoire au profit des internationaux et des chefs miliciens.
5Si de nombreuses milices agissent aujourd’hui au Mali, nous nous concentrerons pour décrire leur émergence sur le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA) et le Groupe d’autodéfense Touareg Imghad et alliés (GATIA). La première partie de cet article retrace l’historicité du dispositif milicien au sein de l’État malien. Les milices sont envisagées alors dans le cadre national comme des dispositifs de gestion de la dissidence politique qui consistent à déléguer les fonctions répressives aux populations locales en jouant des antagonismes sociaux et partisans. Dans un second temps, le cas de l’alliance GATIA-MSA-Barkhane permet de montrer comment les différents objectifs sécuritaires participent à aggraver les conflits sociaux, notamment en favorisant les allégeances multiples des milices et, en conséquence, leur autonomie. Enfin, nous verrons que les ressources acquises par les chefs miliciens grâce à ces multiples patronages expliquent leur ascension fulgurante qui les replace au centre du jeu politique national et qui laisse entrapercevoir les prémices d’une administration milicienne transnationale.
Une gestion des révoltes par la fragmentation
6Le dispositif milicien, qui trouve son origine dans certaines pratiques coloniales, s’appuie sur un principe reconnu : en contrepartie d’une alliance avec l’administration coloniale, une faction dominée peut, en assurant des fonctions sécuritaires, négocier à la hausse sa position sur l’échiquier politique local en s’émancipant d’une faction dominante. Au Mali, le dispositif milicien a permis la gestion des révoltes successives par la fragmentation des mouvements rebelles. Il est réactivé au moment de l’intervention française, d’abord pour contourner le cessez-le-feu exigé par l’ONU, puis pour affaiblir politiquement la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) au profit de la plateforme qui réunit les mouvements loyalistes lors des négociations en vue de la signature de l’accord de paix.
Historicité du dispositif milicien
- 17 Grémont C., « Le Maghreb dans son environnement régional et international. Touaregs et Arabes dans (...)
- 18 Boilley P., Les Touaregs Kel Adagh. Dépendances et révoltes : du Soudan français au Mali contempora (...)
7Probablement en raison de la trajectoire de l’État malien, ancienne colonie française, on assiste à une activation par l’armée malienne des schèmes de pensée sur l’ethnicité et la fragmentation de la société du Nord du Mali, sur lesquels s’appuyaient les pratiques miliciennes coloniales. En particulier, l’usage du dispositif milicien avait permis à l’armée coloniale de conquérir un territoire aussi vaste et aride tel que le Sahel 17. Le transfert de pratiques contre-insurrectionnelles à l’État indépendant s’explique notamment par le fait que les officiers, qui avaient pour mission de mater la première rébellion, avaient accompagné l’armée coloniale dans les guerres d’Algérie et d’Indochine 18. Un cadre du MNLA explique sa perception de la continuité entre les pratiques coloniales et celles du Mali indépendant :
- 19 Entretien avec un cadre du MNLA, mai 2016, Bamako.
« La ligne de mire de l’État malien c’est de faire en sorte que les trois principales communautés de l’Azawad ne s’entendent jamais, les Touaregs, les Arabes et les Songhai avec les Peuls. Ils ont vu que la France coloniale a fait la même chose et le Mali indépendant a fait la même chose et le Mali actuel poursuit la même politique. Les Touaregs et les Bellas c’est une fibre très facile à exploiter : opposer l’ancienne main d’œuvre servile à ses anciens maîtres. Les Arabes et les Kounta, il y a une portion des Arabes qui était sous domination Kounta, ils ont voulu s’émanciper parce qu’économiquement ils sont plus dynamiques, le Mali a exploité ça. C’est le même phénomène, Imghad-Ifoghas. Toujours sur fonds de lutte de classe 19. »
- 20 Boilley P., op. cit. ; Grémont C., « Le Maghreb dans son environnement… », op. cit.
- 21 Grémont C., ibid.
- 22 Ibid.
8Ce dispositif décrit ici à travers les paroles de mon interlocuteur a déjà été bien analysé par les historiens 20. Il repose sur l’exploitation de rivalités internes, brise toute possibilité de front commun et transforme les révoltes en luttes communautaires. Dès la rébellion de 1990, l’État malien tente de gérer la révolte en jouant des concurrences statutaires internes 21. Organisée principalement depuis la Libye, la rébellion de 1990 rassemble en effet plusieurs groupes touaregs qui s’engagent solidairement contre l’État central au nom du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA). Les Imghad et les Ifoghas sont représentés par deux amis qui deviennent des figures de la rébellion, Elhaj ag Gamou et Iyad ag Ghaly respectivement. Lors des premières négociations, avec d’un côté Iyad ag Ghaly représentant des rebelles et de l’autre l’État malien, les premières scissions ont lieu. Gamou rassemble ainsi les Imghad au sein de l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA), afin de continuer les combats. Les Ifoghas, dominés par la figure d’Iyad ag Ghaly (MPA), reçoivent une aide en matériel de l’État, afin de réprimer la rébellion imghad (ARLA 22). Ces dispositifs de délégation de la répression s’articulent à des enjeux statutaires, des logiques partisanes et l’attribution de ressources. Un membre du gouvernement de cette époque commente :
- 23 Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice. Parti au pouvo (...)
- 24 Entretien avec un ancien ministre, février 2015, Nouakchott.
« En 92, quand la guerre est finie, la guerre a laissé la place à la politique. La politique consiste en ce que les Ifoghas, Iyad [ag Ghaly] et le chef des Ifoghas, mettent le grappin sur tous les postes politiques de Kidal, les Imghad donc n’ont pas voulu adhérer à l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA 23) le parti d’Alpha Oumar Konaré, et les Ifoghas sont devenus des représentants de l’ADEMA à Kidal 24. »
- 25 Klute G., « De la chefferie administrative à la parasouveraineté régionale » in Bourgeot A., (dir.) (...)
- 26 Sandor A., op. cit.
9En s’alliant au parti au pouvoir, les Ifoghas bénéficient d’une intégration optimale au sein des appareils étatiques et obtiennent notamment tous les postes politiques clés de la zone de Kidal (mairie, députation 25). À ces stratégies partisanes s’ajoutent des clivages intimes dûs à la personnalisation des conflits communautaires. En effet, en plus de la trahison politique entre Gamou et Iyad suite à la rébellion de 1990, la fissure amicale a été accentuée par le fait que la femme de Gamou a divorcé pour se remarier avec Iyad, si bien que ce dernier élèvera la première fille de Gamou. C’est ainsi que la sphère intime et les rivalités personnelles font partie intégrante des stratégies de division de l’État central 26. En 1996, Gamou est intégré à l’armée malienne et restera loyal à Bamako.
- 27 La deuxième est une milice arabe dirigée par Mohamed Ould Meydou.
10À l’inverse, mais à partir du même principe, lors de la rébellion de 2006, l’État central s’appuie sur les Imghad à travers la figure de Gamou pour réprimer la révolte initiée par les Ifoghas. Cette fois le dispositif s’officialise à travers la création de milices « légales » selon l’expression gouvernementale 27. Oumar, combattant du MNLA se souvient :
- 28 Entretien avec un combattant du MNLA, octobre 2012, Nouakchott.
« En 2006, les Ifoghas sont sortis [entrés en rébellion], ils n’étaient pas sortis contre les Imghad, ils étaient sortis contre l’armée malienne, ils étaient sortis pour faire une guerre contre l’armée malienne, ils ont pris Kidal en deux ou trois jours. Mais est-ce que c’est l’armée malienne qui est venue pour les traquer dans l’Adrar, dans les montagnes ? Ce n’est pas l’armée malienne qui est venue, c’est l’armée malienne mais constituée d’une seule tribu, les Imghad. On envoie le colonel major El Hadj ag Gamou, on lui dit voilà, tu prends tous les éléments de ta tribu et tu fais la guerre à ces gens,
[…] tu vois ça. Moi, si je suis rebelle, je ne me suis pas rebellé contre les Imghad, je me suis rebellé contre l’État malien. Comment se fait-il que c’est une tribu qui va traquer une autre ? Ça n’a pas de sens 28… »
- 29 Les Imghad affichent leur soutien au parti au pouvoir (régime d’ATT) dès 2007 à travers le CNID con (...)
- 30 Entretien avec Moussa, pharmacien à Kidal, Bamako, mai 2017.
11Cet exemple permet de saisir la façon dont le dispositif milicien est mis en place, la sous-traitance de la répression repose également sur l’interconnaissance entre les rebelles et les miliciens affiliés au gouvernement. Parallèlement les Imghad affichent leur soutien au nouveau parti au pouvoir 29 et récupèrent tous les postes clés de la région de Kidal : « c’était un moment où les Imghad étaient en train de prendre les postes de pouvoir, les postes stratégiques, l’assemblée régionale, la mairie et le gouvernorat et Gamou était chef des opérations du Nord 30 ». Le dispositif milicien a ainsi pour effet de redéfinir les conflits politiques, sociaux, économiques ou privés sur des bases communautaires et de durcir les catégories identitaires.
12Ce dispositif de gestion de la répression par la fragmentation à partir de rivalités économiques, politiques ou sociales offre un large panel de combinaisons. Si la structure de jeux et les imaginaires restent relativement stables, la composition communautaire des milices est instrumentalisée différemment en fonction des nécessités politiques et contextuelles, et contribue à alimenter la fragmentation des populations du Nord.
GATIA et MSA : des milices loyalistes pour affaiblir la CMA
13En septembre 2011, lorsque de nombreux Touaregs rentrent au Mali suite à la chute de Kadhafi, le colonel Gamou prend en charge un contingent imghad, comme le raconte un gendarme malien :
- 31 Entretien avec un gendarme malien, mai 2017, Bamako.
« Quand les militaires sont arrivés de Libye, il y avait deux contingents principaux, un avec des Imghad et un autre avec des Ifoghas, le contingent imghad a été directement récupéré par Gamou, il a dit à ATT [Amadou Toumani Touré] qu’il allait les gérer avec ses hommes, il avait juste besoin de moyens 31. »
- 32 Entretien avec Oumar Alassane Touré, le président du réseau des jeunes patriotes, mai 2018, Bamako. (...)
14Ce contingent imghad, dont l’accueil se fait en grande pompe au palais présidentiel avec une retransmission par la chaîne de télévision nationale, constitue la base de la milice GATIA. En 2013, des premières discussions ont lieu à la Primature autour de l’éventuelle mise en place d’une nouvelle milice composée de combattants imghad. Malgré quelques oppositions au sein de la hiérarchie militaire (notamment en raison d’une méfiance vis-à-vis d’un Touareg qui pourrait trahir à tout moment), le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, donne son feu vert. La Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord pour la paix-sécurité et le développement du Mali (RJPDN-Mali), dont le président est un proche du ministre de la Défense, impose son premier vice-président, Fahad ag Almahmoud, comme secrétaire général du GATIA, alors que Gamou prend le commandement militaire 32.
- 33 Négociations menées à Kidal le 23 mai par le président de l’UA (Mohamed Ould Abdel Aziz, président (...)
15La milice GATIA est alors officialisée en août 2014. La principale contrainte internationale que veut contourner l’État central à ce moment-là est un cessez-le-feu imposé par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et l’Union Africaine (UA) suite à la bataille du 21 mai 2014 à Kidal 33. Cette dernière, qui a opposé les forces armées maliennes (FAMA) et la CMA, a abouti à la reprise de Kidal par les mouvements rebelles. La population du Nord, habituée à ce genre de configuration, perçoit les miliciens comme des sous-traitants de l’armée malienne. Le témoignage de ce berger réfugié en Mauritanie en est une illustration :
- 34 Entretien avec un berger réfugié en Mauritanie, février 2015, Nouakchott.
« Le Mali n’a jamais respecté le cessez-le-feu, quand l’accord a été obtenu par le président de la Mauritanie […] le Mali a sous-traité le combat en créant la milice GATIA […] c’est vilain que l’armée malienne soit vue en train de violer le cessez-le-feu mais ils sont en train de tout faire avec les milices pour faire le travail 34. »
- 35 Sandor A., op. cit.
- 36 Accord d’Anefis. Octobre 2015.
- 37 Moussa ag Acharatoumane, Paris, février 2019.
16Un an plus tard, en septembre 2016, alors que l’accord de paix est déjà signé, mais que les différentes parties négocient la répartition des postes dans le cadre des politiques post-conflits, le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA) est officialisé avec Moussa ag Acharatoumane à sa tête. Ce mouvement qui est une scission du MNLA, affaiblit militairement, économiquement et politiquement la CMA en se ralliant à l’État central. D’abord militairement, car la majorité des combattants Daouhassahak et Chamanamas suit leur leader et quitte le MNLA. Selon Moussa, le MNLA perd alors 60 % de son effectif (deux mille hommes). Et politiquement, car par le biais du général Gamou, le MSA intègre la plateforme dans l’accord de paix 35. Moussa ag Acharatoumane (MSA) et Gamou (Gatia) s’étaient rencontrés une année auparavant dans le cadre de la signature d’un accord devant mettre fin à un cycle de représailles entre leurs deux communautés qui occupent la zone de Ménaka, à la frontière nigérienne 36. La rencontre entre ces deux hommes va créer une nouvelle dynamique et sceller un pacte encore plus ambitieux dont Acharatoumane résume ainsi la nature : « on s’est rencontrés à Anefis et on ne s’est plus jamais quittés… Mais ce que les gens ignorent c’est qu’au-delà des communautés, avec Gamou on vient du même village, nos deux familles se connaissent très bien et partagent le même puits et les mêmes pâturages depuis deux cents ans 37 ».
- 38 Entretien avec Moussa ag Acharatoumane, février 2019, Paris.
17L’alliance entre le MSA et GATIA répond à des objectifs qui ont trait à la politique locale. Le discours idéologique des deux chefs miliciens répond à une logique d’émancipation sociale : « Les Imghad et les Dahoussahak, on est largement majoritaires dans la région de Menaka, on a la force numéraire, on tient l’économie de la région aussi mais on est peu représentés politiquement 38 ». Ce discours qui mobilise les hiérarchies statutaires donne un sens idéologique à l’engagement des miliciens. Un commandant du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) commente l’alliance du MSA et du GATIA :
- 39 Entretien avec un commandant du HCUA, avril 2017, Bamako.
« Selon Moussa, les Dahoussahak sont majoritaires mais n’ont pas de postes politiques parce que c’est des anciens vassaux, donc il dit que c’est une minorité qui a le pouvoir et il faut renverser ça. Il s’est mis avec Gamou parce qu’ils ont la même idéologie, ils veulent abdiquer les autorités traditionnelles 39. »
- 40 Entretien avec ag Acharatoumane, op. cit.
18L’alliance entre le MSA et le GATIA s’articule à des enjeux politiques et statutaires. La création de la milice MSA, ainsi que son alliance avec GATIA, participe à un jeu de repositionnement au sein de l’échiquier politique local. Les Daouhassahak sont une communauté économiquement solide, avec des propriétaires terriens et des commerçants. Cependant, ils constituent la base électorale d’un député Iwellemedan (Bajan ag Hamatou), qui appartient à une faction dominante dans la hiérarchie statutaire 40. Le nouveau statut de Moussa ag Acharatoumane lui permettra de se présenter aux prochaines législatives ou de placer le candidat qu’il souhaite voir élu, rejouant ainsi les hiérarchies sociales entre les groupes. À plusieurs égards, la structuration de la milice va donc de pair avec la restructuration politique de la communauté.
19Si l’alliance entre le GATIA et le MSA se comprend au vu des enjeux politiques locaux et nationaux, la collaboration entre les milices GATIA, MSA et la force Barkhane résulte d’une série d’interactions où le rôle de l’international a été déterminant. Il y a ainsi une mobilisation des pratiques miliciennes à travers une juxtaposition des objectifs nationaux, sous-régionaux et internationaux.
Pluralité des patronages et aggravation des antagonismes sociaux
20La particularité de ces deux milices communautaires, GATIA et MSA, est qu’elles bénéficient de multiples patronages qui leur permettent d’acquérir du capital social et économique. Elles sont appuyées à la fois par l’État malien, qui veut fragmenter la rébellion, par la force Barkhane, qui traque les terroristes, par l’État nigérien, qui espère apaiser les tensions sécuritaires à sa frontière avec le Mali et, enfin, par les mouvements qui assurent le transit de produits illégaux. Ces allégeances multiples expliquent que ces milices n’obéissent pas à une hiérarchie claire. En particulier, l’État ne joue pas son rôle de filtre entre des jeux internationaux et locaux, les miliciens acquièrent donc une autonomie dans un système sécuritaire transnationalisé et instable.
- 41 Grémont C., « Dans le piège des offres de violence… », op. cit.
- 42 Kibaru, « Renforcement de la Sécurité à Ménaka : Moussa Ag Acharatoumane, le Général Gamou et l’amb (...)
- 43 Cigar N., Tribal Militias: An Effective Tool to Counter Al-Qaida and Its Affiliates?, Army War Coll (...)
21Moussa ag Acharatoumane a construit son influence par ses activités de représentant du MNLA ; il a en particulier noué des relations au plus haut niveau de l’État français, il est notamment régulièrement reçu au ministère des Affaires étrangères français (et entretient de bonnes relations avec les militaires français). Le général Gamou, de son côté, a tissé des relations au sein de l’État et de l’armée malienne. Ces deux hommes, malgré leur différence générationnelle, s’avèrent complémentaires 41. Le général Gamou a notamment un ami proche (Alhamadou ag Ilyene, l’ancien gouverneur de Kidal) qui est devenu ambassadeur du Mali à Niamey. Par l’intermédiaire de ce dernier, le général Gamou a été introduit à la présidence de l’État nigérien. En mai 2017, suite à des négociations entre les autorités nigériennes et françaises, Gamou et Acharatoumane sont reçus à Paris pour mettre en place une collaboration dans le cadre de la lutte anti-terroriste 42. De plus, dès 2014, l’armée américaine se montre prête à soutenir les Français, les Algériens et les Maliens dans la constitution d’une milice tribale imghad dans la lutte contre Al-Qaïda 43. En juin 2017, une première opération de l’alliance GATIA-MSA est menée auprès de l’armée nigérienne. À partir de fin 2017, Barkhane mène à son tour des opérations conjointes avec le MSA et le GATIA dans la région frontalière Niger/Mali.
- 44 Entretien avec un commerçant, avril 2016, Niamey.
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22Les communautés dahoussahak et imghad vivent à proximité de la frontière nigérienne, d’où l’importance pour elles des relations commerciales (achat de vivres, soins médicaux, réparation de véhicules), mais aussi la présence de réfugiés et l’utilisation du territoire comme zone de repli. La collaboration entre Barkhane et le MSA dans la lutte antiterroriste se comprend au regard d’un conflit qui oppose les communautés dahoussahak et peule depuis les années 1990. En effet, les Peuls du Niger et les Dahoussahak du Mali sont en conflit dans la zone transfrontalière nigérienne sur la gestion des points d’eau, des pâturages et du bétail. En 2012, certains Peuls de la région se sont affiliés au Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) alors que les Dahoussahak soutenaient majoritairement le MNLA. Comme l’explique un commerçant de Menaka, « le problème entre Peuls et Dahoussahak date des années 1990, à cause des pâturages et des points d’eau. Donc le MUJAO a été pour les Peuls une opportunité de se venger de tout ça 44 ». L’affiliation de certains Peuls au MUJAO aurait acté la réputation de cette communauté comme « terroriste » auprès des armées malienne et française 45. Cette grille de lecture ethniciste du conflit malien est largement entretenue par l’international, tant dans le milieu humanitaire 46 que militaire. Au niveau militaire, cette grille de lecture permettrait d’interpréter les positions politiques de chaque mouvement armé en fonction de sa « composition ethnique 47 ». Ces interprétations ethnicistes du conflit malien ont été transmises pendant plusieurs années par l’historien Bernard Lugan à des militaires en formation au sein de différentes institutions militaires françaises (Saint-Cyr, Ecole de guerre et à l’Institut des hautes études de Défense nationale, IHEDN 48). Lugan explique ainsi en novembre 2019 que « la paix au nord dépend des Touareg, la paix au sud dépend des Peuls. Tout le reste découle de cette réalité 49 ». D’un point de vue militaire, cette grille de lecture enjoint à interpréter les positions politiques de chaque mouvement armé en fonction de sa « composition ethnique ». La facilité avec laquelle cette grille de lecture donne l’illusion de compréhension participe sans doute de son succès 50. C’est ainsi que l’armée française, en s’alliant avec les Dahoussahak du MSA, contribue à la fois à ethniciser le conflit et à alimenter des rivalités déjà existantes avec les Peuls, ce qui a pour effet de transformer un conflit foncier en un conflit intercommunautaire.
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- 53 « Mali : Baba Ould Cheikh, le maire de Tarkint, a été libéré », RFI, 12 février 2018, http://www.rf (...)
- 54 D’autres mouvements armés considérés comme légitimes peuvent également revendre des ordres de missi (...)
23En échange de leur collaboration, les deux milices ont obtenu des moyens militaires et financiers des gouvernements français, nigérien et malien. Tout d’abord, le GATIA bénéficie du patronage direct de l’armée malienne ; le général Gamou et ses hommes continuent à être payés par l’armée nationale. Certains occupent leur poste à la garde nationale le matin et partent en mission avec le GATIA l’après-midi 51. Les miliciens ne reçoivent pas de salaire de l’armée, mais bénéficient de compensations matérielles. De plus, la collaboration de ces milices avec l’armée française leur donne une légitimité et un accès privilégié aux informations stratégiques que possèdent les militaires français. Moussa ag Acharatoumane a ainsi pu faire libérer une personne arrêtée par Barkhane en échange d’un ralliement de celle-ci au MSA 52. De même, le général Gamou a œuvré à la libération du maire de Tarkint, arrêté pour son implication dans le trafic de drogue, notamment dans la fameuse affaire Air Cocaïne 53. La collaboration avec l’armée française a également permis au chef des milices MSA et GATIA d’acquérir une liberté de mouvement avec plusieurs sanctuaires à l’étranger (notamment au Niger), ce qui permet l’accumulation de ressources économiques. En effet, la liberté de circulation que permet la collaboration avec Barkhane est une ressource précieuse pour organiser, moyennant rémunération, la sécurisation de convois de drogue 54. Ce patronage multiple offre également la possibilité aux chefs miliciens d’élargir leur influence et autorise des règlements de compte intercommunautaires sous couvert de neutralisation d’éléments terroristes. En effet, la protection dont jouissent les milices grâce à leurs patronages explique en partie les violences et l’aggravation des tensions intercommunautaires. Ces milices ont commis des exactions sous couvert de lutte antiterroriste qui ont contribué à aggraver des antagonismes sociaux redéfinis en termes communautaires.
- 55 RFI, http://www.rfi.fr/afrique/20160928-mali-etats-unis-diplomatie-gatia-groupe-arme-lien-gouvernem (...)
- 56 Bataille de Mondoro (cercle de Douentza).
24Par exemple, le positionnement multiple de Gamou, à la fois chef milicien, général de l’armée malienne et supplétif de l’armée française, permet de confondre les responsabilités. Si la MINUSMA voit d’un mauvais œil le lien entre le gouvernement et la milice GATIA 55, l’ambiguïté du statut de Gamou permet de confondre les responsabilités, dans une double impunité. Ainsi, en décembre 2018, lors d’une bataille meurtrière entre des Peuls et des Imghad 56, des exactions ont été commises contre des Peuls. Une ONG de médiation s’est adressée à Gamou afin de savoir si le GATIA avait mené la bataille, ce dernier a affirmé qu’elle avait été menée par l’armée malienne, mais l’État-major de son côté a affirmé que c’était le GATIA qui avait conduit l’opération.
- 57 Ruben de Koning R. et al., Lettre datée du 8 août 2018, adressée à la présidente du Conseil de sécu (...)
25La collaboration entre le MSA, le GATIA et Barkhane illustre cette même logique d’impunité. Les deux milices ont été accusées à maintes reprises d’exécutions sommaires. En avril 2018, quatre-vingt-quinze exactions avaient été comptabilisées par la MINUSMA ; en juin 2018 le nombre de civils tués dans la zone frontalière Niger/Mali par cette alliance s’élevait à cent quarante-trois 57. Cependant, lorsqu’Acharatoumane est pris à partie par un journaliste qui l’interroge sur les exactions contre les Peuls, la présence des forces internationales aux côtés de sa milice coupe court à toute critique. Ce fut le cas par exemple sur TV5 monde, où il déclare le 26 avril 2018, alors que la journaliste l’accuse d’exactions sur fond de rivalités intercommunautaires :
- 58 Fouchard A., « Au Mali, le Premier ministre à Ménaka après les massacres de civils », TV5 Monde, 10 (...)
« On n’est pas seuls. On agit avec les forces armées maliennes, nigériennes, la MINUSMA et Barkhane. Je ne pense pas que quelque chose puisse se passer et que ces forces puissent se taire sur ça. Donc je démens ces allégations qui n’ont aucun fondement 58. »
- 59 Human Rights Watch, « Avant nous étions frères. » Exactions commises par des groupes d’autodéfense (...)
- 60 Pour un développement de cette thèse à partir des cas malien, tchadien et afghan voir : Charbonneau (...)
26La confusion de responsabilités produit un engrenage : le fait que des Dahoussahak aient exécuté des Peuls a provoqué des représailles, renforçant ainsi les frontières ethniques. De nombreux rapports ont alerté sur le nombre croissant d’exactions commises par des milices intercommunautaires sous couvert de la lutte anti-terroriste 59. Ainsi, l’essentialisation des identités par les différents acteurs devient performative dans le sens où les nombreuses exactions commises contre les Peuls, par exemple, ont favorisé la mobilisation de ces derniers dans les mouvements islamistes afin de bénéficier d’une protection. De même, la constitution d’un ennemi commun renforce le sentiment d’appartenance communautaire, les stigmates qui accompagnent le durcissement des catégories identitaires ont un effet sur la dynamique du conflit. Le cas malien est ainsi un exemple frappant de la façon dont la « guerre contre le terrorisme » contribue à perpétuer des cycles de violence et à exacerber des conflits locaux 60.
L’ascension des chefs miliciens et les prémices d’une administration milicienne transnationale
- 61 Chebli D., « Cette paix qui divise : une analyse de la médiation au Mali par ses effets », Critique (...)
27Outre les tensions communautaires que provoquent les milices, cette situation aboutit à une ascension fulgurante des chefs miliciens dont le nouveau statut est légitimé à la fois par l’État central et par l’international, notamment à travers la médiation. En effet, comme évoqué plus haut, ces deux milices sont intégrées au processus de paix et bénéficient des politiques post-conflits en raison de la croyance répandue dans les milieux de la médiation selon laquelle les compensations économiques ou politiques permettraient de réduire la violence, notamment si elles sont couplées avec un accès à des positions de pouvoir 61. L’usage de la violence devient donc une voie d’accès à l’État pour les hommes en armes et aboutit à une forme d’administration milicienne transnationale du territoire.
- 62 Van Acker F., Vlassenroot K., « Les “maï-maï” et les fonctions de la violence milicienne dans l’est (...)
28Comme d’autres études l’ont montré, notamment au Congo, la violence milicienne constitue un moyen pour les groupes sociaux de négocier un accès aux ressources politiques et économiques 62. Le capital milicien est convertible en capital économique, politique et social pour ses chefs. Les modalités d’ascension sociale pour les intermédiaires (les chefs miliciens) passent par la représentation et redistribution au sein de leur groupe d’appartenance. En effet, cette intermédiation entraîne la mise en place d’une représentation de segments sociaux par quelques individus. Ainsi, les alliances entre Barkhane et ses supplétifs locaux ont des effets pour la communauté représentée par le chef milicien.
29Durant le conflit, Acharatoumane et Gamou ont connu une ascension fulgurante. Malgré une différence de génération, ces deux hommes ont des trajectoires comparables sur un point : initialement engagés tous deux dans la rébellion (en 1990 pour Gamou, 2012 pour Acharatoumane), ils se sont ralliés à l’État central par le biais du dispositif milicien. Leur parti pris loyaliste et leur statut de chef milicien leur permettent de se positionner comme intermédiaires entre l’État central et leur communauté. Dans un rapport clientéliste, l’État les a récompensés en leur attribuant des postes ou des grades.
- 63 Ould Meydou a également été gradé dès 2013 au rang de général de brigade.
- 64 Kibaru, « Conseil des Ministres : Le Général Gamou nommé inspecteur général des armées et le Colone (...)
- 65 Sandor A., « Insécurité, effondrement de la confiance sociale… », op. cit.
30Dès septembre 2013, quelques semaines après l’élection du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK), le colonel Gamou est promu au rang de général de brigade 63. En 2018, suite à la réélection d’IBK, il est promu au rang de général de division au sein de l’armée nationale. En septembre 2019, Gamou est alors nommé au prestigieux poste d’inspecteur général des armées et des services maliens 64. Moussa ag Acharatoumane, quant à lui, a joué sur l’extraversion. Membre fondateur du Mouvement National de l’Azawad (MNA), il est médiatisé suite à son incarcération en tant que porte-parole du MNA. Devenu étudiant boursier en France, son intégration au sein de milieux parisiens médiatiques et diplomatiques lui permet alors d’acquérir une crédibilité, d’abord au sein du MNLA où il a été nommé porte-parole, puis chargé des Droits de l’Homme, avant de créer son propre mouvement en 2016. Ce capital social international lui permet ensuite d’être propulsé sur la scène politique locale et nationale : en janvier 2017, il est nommé par décret présidentiel à la tête de la commission de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) de la région de Menaka 65. La position centrale obtenue par ces deux hommes au sein du processus de médiation et de l’État leur confère un statut spécifique dans leur communauté, notamment auprès des combattants qu’ils ont la possibilité d’intégrer au sein de l’appareil sécuritaire.
31Cette position centrale n’a pas été affectée par des changements de pouvoir. En décembre 2020, suite au coup d’État d’août 2020, Moussa ag Acharatoumane devient membre du Conseil national de la transition (CNT). De même, suite à l’élection du nouveau président du Niger, Mohamed Bazoum en avril 2021, les deux chefs miliciens ont été invités à le rencontrer. Par ailleurs, les relations qu’Acharatoumane entretient avec l’État français l’obligent à se rendre toutes les cinq semaines à Paris, ce qui entretient son prestige local.
32Par ailleurs, tous deux occupent le prestigieux statut de coordinateur de fractions acquis durant le conflit. Gamou a été nommé en 2015, coordinateur des fractions imghad. La même année, Moussa a été nommé – de façon exceptionnelle étant donnée l’absence d’héritage familial –coordinateur des fractions dahoussahak, faisant de lui le plus jeune coordinateur de fractions du Mali. Ce statut leur donne un pouvoir de représentation de toutes les fractions de leur communauté et les installe comme des intermédiaires entre l’État, les bailleurs de fonds, les ONG et leur communauté. Ils sont reçus au sommet de l’État, ce qui leur permet de négocier le statut de leur région et constitue un levier pour une élection à la députation. De plus, les coordinateurs de fractions sont des intermédiaires privilégiés des acteurs politiques, car, de façon informelle, il est admis qu’il leur revient de donner des consignes de votes lors des élections.
- 66 Entretiens avec différents leaders de mouvements (HCUA, MAA, MNLA, CJA), Bamako mai 2018. Voir anne (...)
- 67 Haidara B., « Le Mali, une démocratie élective sans électeurs », The Conversation, 3 octobre 2018, (...)
33La campagne présidentielle de mai 2018 en a donné un bel exemple. Dans un premier temps, de nombreuses tractations ont eu lieu entre le gouvernement et les chefs de mouvements pour qu’ils deviennent des relais sécuritaires locaux lors des élections 66. Mais les résultats des élections présidentielles de 2018 montrent que les tractations gouvernementales ont dépassé les questions purement sécuritaires. En effet, à Menaka, le fief du MSA et du GATIA, 95 % des votants ont donné leur voix au président sortant, Ibrahim Boubacar Keita 67. Dans une logique d’anticipation basée sur les expériences des rébellions passées, l’alliance entre le MSA et le GATIA s’est construite à partir de logiques partisanes et politiques, avec l’objectif d’obtenir un meilleur quota au moment des réintégrations des anciens rebelles au sein de l’armée. Par ailleurs, Ibrahim Boubacar Keita avait passé le même arrangement avec de nombreux mouvements armés et dans les autres zones où la présence des mouvements armés est significative (Gao, Tombouctou et Taoudeni), où il récoltera également 95 % des voix des votants. En devenant des sous-traitants sécuritaires de l’État et des internationaux, les hommes en armes, par cette double légitimation, acquièrent une place centrale dans le gouvernement du pays.
- 68 MSA, « Menaka-Talataye : L’incroyable ! », Site du MSA - actualités, 23 avril 2017, http://www.msa- (...)
- 69 Entretien avec Moussa ag Acharatoumane, février 2019, Paris.
34Par exemple, le nouveau gouverneur de Menaka n’est autre que Daouda Maïga, un ami proche de Gamou qui a œuvré au rapprochement entre le MSA et le GATIA. Et en ce qui concerne l’installation des autorités intérimaires, la présidence de Ménaka est revenue au MSA 68. Ag Acharatoumane a réussi à imposer le président des autorités intérimaires de la région malgré de nombreuses critiques. En effet, ce dernier a fait le choix de nommer un trentenaire comme président des autorités intérimaires de Ménaka (Abdoul Wahab ag Ahmed Mohamed) qui se distingue de l’élite politique traditionnelle par son jeune âge et son absence de capital social. Mais le projet d’Acharatoumane est de placer de jeunes intellectuels à des postes stratégiques, car ils « peuvent avec des interactions avec des bailleurs de fonds, entretenir des relations avec l’extérieur 69. »
- 70 Par exemple, voir la mise en scène par Moussa de distribution de kit scolaire : MSA, « Don des kits (...)
- 71 Ministère des Armées Français (DICOD), « Barkhane : Ménaka, aide à la population. Ménaka sur le che (...)
35Acharatoumane a su user de son capital social afin de faire bénéficier sa communauté des ressources de l’international 70, dont des bourses pour étudier à l’étranger. Il a également accéléré l’implantation de plusieurs organisations qui emploient en majorité des habitants de la région : l’ONG française Acted, DRC (Danish Refugee Council), ou encore la banque de développement allemande KFW (Kreditanstalt für Wiederaufbau). Enfin, son alliance avec Barkhane lui a permis de faire bénéficier sa communauté de programmes de développement avec l’AFD ou la MINUSMA dont il reçoit les représentants à son domicile 71. De par leur implication auprès de différents acteurs à travers leur milice, les chefs miliciens sont en mesure de fournir à leur communauté des postes au sein de l’État ainsi que des biens publics en captant des aides internationales, ce qui consolide leur pouvoir.
36On constate à travers le cas du GATIA et du MSA les nombreux enjeux qui sous-tendent la formation des milices. Dans le cas malien, ces milices résultent d’une coproduction entre le national et l’international et ont des effets sur la modification du tissu social. En s’appuyant sur des milices communautaires pour asseoir sa souveraineté, l’État central alimente des antagonismes locaux qui ont un impact sur la durée du conflit et le renforcement des mouvements islamistes. Il faut également souligner le rôle spécifique du transnational dans la multiplicité des patronages qui se répercute directement sur l’ascension et l’autonomisation des chefs miliciens. Les internationaux ont un rôle central dans la transformation de la société malienne : si dans un premier temps ils renforcent les milices en les légitimant, dans un second temps, ils appuient les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) qui participent à milicianiser l’administration. Enfin, dans un dernier temps, ils alimentent le gouvernement par les milices en fournissant des biens et services à travers des programmes humanitaires ou de développement.
- 72 Pour leurs retours stimulants, je tiens à remercier Arthur Quesnay et Adam Baczko, coordinateurs de (...)
37Ajoutons à cela que, si le drapeau malien a flotté une journée à Kidal en février 2021 pour accueillir une réunion du comité de suivi de l’accord (CSA), la ville est administrée depuis mai 2014 par la CMA et fonctionne principalement avec les revenus de l’aide internationale et les services des ONG. On peut ainsi, d’ores et déjà, observer les prémisses d’une administration milicienne transnationale 72.
Notes
1 Carey S., Colaresi M., Mitchell N., “Governments, Informal links to Militias, and Accountability”, Journal of Conflict Resolution, vol. 59, n°5, 2015, pp. 850-876 ; Ahram A. I., “Are Militias a menace?”, The Washington Post, 2015. https://www.washingtonpost.com/news/monkey-cage/wp/2015/01/05/are-militias-a-menace/, consulté le 24 mars 2022.
2 Wehrey F., Ahram A. I., “Taming the Militias: Building National Guards in Fractured Arab States”, Carnegie Endowment for International Peace, Washington DC, 2015.
3 Ahram A. I., “Are Militias a menace?”, op. cit.
4 Peic G., “Civilian Defense Forces, State Capacity, and Government Victory in Counterinsurgency Wars”, Studies in Conflict & Terrorism, vol. 37, n°2, 2014, pp. 162-184.
5 Biddle S., Friedman J., Shapiro, J., “Testing the Surge: Why Did Violence Decline in Iraq in 2007?”, International Security, vol. 37, n°1, 2012, pp. 7-40.
6 Lyall J., “Are Coethnics More Effective Counterinsurgents? Evidence from the Second Chechen War”, American Political Science Review, vol. 104, n°1, 2010, pp. 1-20.
7 Mitchell N., Carey S., Butler C., “The Impact of Pro-Government Militias on Human Rights Violations”, International Interactions, vol. 40, n°5, 2014, pp. 812-36.
8 Wehrey F., Ahram A. I., “Taming the Militias: Building National Guards in Fractured Arab States”, op. cit.
9 Amselle J.-L., « Emballement ethnico-religieux au Mali », Communications, vol. 107, n°2, 2020, pp. 147-161 ; Poudiougou I., Zanoletti G., « Fabriquer l’identité à la pointe de la kalache. Violence et question foncière au Mali », Revue internationale des études du développement, vol. 243, n°3, 2020, pp. 37-65.
10 Grémont C., « Dans le piège des offres de violence. Concurrences, protections et représailles dans la région de Ménaka (Nord-Mali, 2000-2018) », Hérodote, vol. 172, n°1, 2019, pp. 43-62.
11 Ag Alhousseini M., « Du conflit aux conflits : Kidal dans l’espoir d’une paix jamais retrouvée : Comprendre une crise aux dimensions multiples et agir localement pour une stabilité durable », Friedrich Ebert Stiftung (Mali) Policy Paper, décembre, 2016.
12 Sandor A., « Insécurité, effondrement de la confiance sociale et gouvernance des acteurs armés dans le Centre et le Nord du Mali », Rapport du centre FrancoPaix, août 2017.
13 Baczko A., Dorronsoro G., « Pour une approche sociologique des guerres civiles », Revue française de science politique, vol. 67, n°2, 2017, pp. 309-327.
14 Sur cette question voir le numéro coordonné par : Cold-Ravnkilde M., Lindskov Jacobsen K., “Disentangling the security traffic jam in the Sahel: constitutive effects of contemporary interventionism”, International Affairs, vol. 96, n°4, juillet 2020, pp. 855-874.
15 Au Mali, le transfert du politique vers le religieux s’est amorcé dès les années 1980-1990 et l’opinion publique malienne n’est pas réfractaire à l’islam politique. Holder G., « Un pays musulman en quête d’État-nation », in Gonin P., Kotlok N., Pérouse de Montclos M.-A. (dir.), La tragédie malienne, Paris, Vendémiaire, 2013, pp. 135-160.
16 Pérouse de Montclos M.-A., Une guerre perdue. La France au Sahel, Paris, J.C. Lattès, 2020.
17 Grémont C., « Le Maghreb dans son environnement régional et international. Touaregs et Arabes dans les forces armées coloniales et malienne. Une histoire en trompe- l’œil », Note de l’Ifri, 2010.
18 Boilley P., Les Touaregs Kel Adagh. Dépendances et révoltes : du Soudan français au Mali contemporain, Paris, Karthala, 2012, p. 329.
19 Entretien avec un cadre du MNLA, mai 2016, Bamako.
20 Boilley P., op. cit. ; Grémont C., « Le Maghreb dans son environnement… », op. cit.
21 Grémont C., ibid.
22 Ibid.
23 Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice. Parti au pouvoir de 1992 à 2002, parti allié au président Amadou Toumani Touré jusqu’en 2012.
24 Entretien avec un ancien ministre, février 2015, Nouakchott.
25 Klute G., « De la chefferie administrative à la parasouveraineté régionale » in Bourgeot A., (dir.), Horizons nomades en Afrique sahélienne. Sociétés, développement et démocratie, Paris, Khartala, 1999.
26 Sandor A., op. cit.
27 La deuxième est une milice arabe dirigée par Mohamed Ould Meydou.
28 Entretien avec un combattant du MNLA, octobre 2012, Nouakchott.
29 Les Imghad affichent leur soutien au parti au pouvoir (régime d’ATT) dès 2007 à travers le CNID considéré à l’époque comme le « parti des tributaires » ou « parti des vassaux ».
30 Entretien avec Moussa, pharmacien à Kidal, Bamako, mai 2017.
31 Entretien avec un gendarme malien, mai 2017, Bamako.
32 Entretien avec Oumar Alassane Touré, le président du réseau des jeunes patriotes, mai 2018, Bamako. Le réseau a placé l’ancien ministre de la jeunesse et des sports Amadou Koita.
33 Négociations menées à Kidal le 23 mai par le président de l’UA (Mohamed Ould Abdel Aziz, président Mauritanien) et le chef de la MINUSMA (Bert Koenders). L’accord suivant est signé : https://www.peaceagreements.org/viewdocument/2068, consulté le 24 mars 2022.
34 Entretien avec un berger réfugié en Mauritanie, février 2015, Nouakchott.
35 Sandor A., op. cit.
36 Accord d’Anefis. Octobre 2015.
37 Moussa ag Acharatoumane, Paris, février 2019.
38 Entretien avec Moussa ag Acharatoumane, février 2019, Paris.
39 Entretien avec un commandant du HCUA, avril 2017, Bamako.
40 Entretien avec ag Acharatoumane, op. cit.
41 Grémont C., « Dans le piège des offres de violence… », op. cit.
42 Kibaru, « Renforcement de la Sécurité à Ménaka : Moussa Ag Acharatoumane, le Général Gamou et l’ambassadeur du Mali au Niger à Paris », publié en ligne le 16 mai 2017, https://kibaru.ml/fr/art/y8v2x, consulté le 24 mars 2022.
43 Cigar N., Tribal Militias: An Effective Tool to Counter Al-Qaida and Its Affiliates?, Army War College Carlisle Barracks Pa, The Strategic Studies Institute (SSI), 2014.
44 Entretien avec un commerçant, avril 2016, Niamey.
45 Leblon A., « Pasteurs marginalisés et/ou djihadistes : représentations des FulBe dans le traitement médiatique de la crise au centre du Mali (2015-juin 2017) », in Lecoq B., Niang A. (dir.), Identités sahéliennes en temps de crise, Berlin, Lit Verlag, 2019, pp. 93-131.
46 Parfois avec de vives oppositions au niveau national, voir : Dauvin P., Siméant J., Le travail humanitaire. Les acteurs des ONG, du siège au terrain, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, pp. 233-264.
47 Lors d’une conférence organisée en 2018 à l’Université de la Sorbonne, Niels Tourneret (chef de bataillon de l’Armée de terre) du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) expliquait au parterre d’étudiants, que : « AQMI c’est des arabes islamistes, que le MNLA c’est des Touaregs indépendantistes, que le MUJAO c’est des islamistes arabes et des peuls noirs, que le Front de libération de Macina c’est des peuls islamistes, et qu’Ansar dine ce sont des Touaregs islamistes. » Voir : Tourneret N., « Rétablir la sécurité au Sahel : quel panorama des défis sécuritaires ? », Institut Guerre et Paix - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 6 juin 2018, https://www.youtube.com/watch?v=iIKAxXIwcXQ
48 Lugan B., « A Saint-Cyr, l’Afrique n’est plus au programme… » publié sur le blog officiel de Bernard Lugan, le 15 avril 2015 : http://bernardlugan.blogspot.com/2015/04/a-saint-cyr-lafrique-nest-plus-au.html (consulté le 24 mars 2022). Lorsque son cours à St Cyr a été suspendu en 2015 par le ministre de la défense, Lugan l’a commercialisé à partir de son blog.
49 Lugan B., « SAHEL : une remarquable analyse de Bernard LUGAN », Association de soutien à l’armée française (ASAF), publié en ligne le 29 novembre 2019, https://www.asafrance.fr/item/sahel-une-remarquable-analyse-de-bernard-lugan.html. Malgré sa suspension, cet historien a été auditionné à l’Assemblée Nationale, le 2 mars 2021, à propos de l’intervention Barkhane.
50 Carayol R., « Le “continent noir” et l’éminence grise. Bernard Lugan, l’africaniste de l’armée française », Revue du Crieur, vol. 17, n°3, 2020, pp. 48-61.
51 Par exemple Mohamed Youssouf ag Ghallas, ancien président du cercle du Gourma Rharous, également connu pour être le chef du GATIA dans sa région et membre de la garde nationale.
52 Grémont C., « Dans le piège des offres de violence… », op. cit.
53 « Mali : Baba Ould Cheikh, le maire de Tarkint, a été libéré », RFI, 12 février 2018, http://www.rfi.fr/afrique/20180212-baba-ould-cheilh-maire-tarkint-mali-liberation, consulté le 24 mars 2022.
54 D’autres mouvements armés considérés comme légitimes peuvent également revendre des ordres de missions, des cartes de combattants ou des drapeaux aux mouvements classés terroristes, afin que ces derniers puissent circuler.
55 RFI, http://www.rfi.fr/afrique/20160928-mali-etats-unis-diplomatie-gatia-groupe-arme-lien-gouvernement-autodefense?ref=tw_i. Suite à des exactions que GATIA est soupçonné d’avoir commises, l’ambassadeur des États-Unis demande en septembre 2016 une clarification des liens entre le gouvernement et Gamou, http://www.rfi.fr/afrique/20160929-mali-general-ag-gamou-armee-gatia-milice-touareg-imghad-appartenance-ambassadeur-am?ref=tw_i
56 Bataille de Mondoro (cercle de Douentza).
57 Ruben de Koning R. et al., Lettre datée du 8 août 2018, adressée à la présidente du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts créé en application de la résolution 2374 (2017) du Conseil de sécurité sur le Mali, New York, Conseil de sécurité des Nations Unies, 2018, p. 42.
58 Fouchard A., « Au Mali, le Premier ministre à Ménaka après les massacres de civils », TV5 Monde, 10 mai 2018, https://information.tv5monde.com/afrique/au-mali-le-premier-ministre-menaka-apres-les-massacres-de-civils-236494. Même argument sur RFI, voir Boisbouvier C., « Moussa Ag Acharatoumane : Au Mali, “nous combattons une organisation criminelle” », 23 avril 2018, https://www.rfi.fr/fr/emission/20180423-moussa-ag-acharatoumane-porte-parole-msa-mouvement-le-salut-azawad
59 Human Rights Watch, « Avant nous étions frères. » Exactions commises par des groupes d’autodéfense dans le centre du Mali, décembre 2018 ; International Crisis Group, Frontière Niger-Mali : mettre l’outil militaire au service d’une approche politique, Rapport Afrique n°261, Bruxelles, juin 2018.
60 Pour un développement de cette thèse à partir des cas malien, tchadien et afghan voir : Charbonneau B., Debos M., Hanon J.-P., Olsson C., Wasinski C., « De la “guerre contre le terrorisme” aux guerres sans fins : la co-production de la violence en Afghanistan, au Mali et au Tchad », Cultures & Conflits, n°123-124, 2021, pp. 67-82.
61 Chebli D., « Cette paix qui divise : une analyse de la médiation au Mali par ses effets », Critique internationale, vol. 88, n°3, 2020, pp. 9-30.
62 Van Acker F., Vlassenroot K., « Les “maï-maï” et les fonctions de la violence milicienne dans l’est du Congo », Politique africaine, vol. 84, n°4, 2001, pp. 103-116.
63 Ould Meydou a également été gradé dès 2013 au rang de général de brigade.
64 Kibaru, « Conseil des Ministres : Le Général Gamou nommé inspecteur général des armées et le Colonel Hassan ag Mehdi comme Haut fonctionnaire de la défense », Kibaru.ml, 4 septembre 2019, https://kibaru.ml/fr/art/conseil-des-ministres-le-g%C3%A9n%C3%A9ral-gamou-nomm%C3%A9-inspecteur-g%C3%A9n%C3%A9ral-des-arm%C3%A9es-et-le-colonel-hassan-ag-mehdi-comme-haut-fonctionnaire-de-la-d%C3%A9fense-
65 Sandor A., « Insécurité, effondrement de la confiance sociale… », op. cit.
66 Entretiens avec différents leaders de mouvements (HCUA, MAA, MNLA, CJA), Bamako mai 2018. Voir annexe : « Le gouverneur de la région de Ménaka adresse ses félicitations au MSA pour la sécurisation des bureaux de votes (élections présidentielles de 2018) ».
67 Haidara B., « Le Mali, une démocratie élective sans électeurs », The Conversation, 3 octobre 2018, http://theconversation.com/le-mali-une-democratie-elective-sans-electeurs-104205
68 MSA, « Menaka-Talataye : L’incroyable ! », Site du MSA - actualités, 23 avril 2017, http://www.msa-azawad.com/actualites/47-menaka-talataye-l-incroyable.html
69 Entretien avec Moussa ag Acharatoumane, février 2019, Paris.
70 Par exemple, voir la mise en scène par Moussa de distribution de kit scolaire : MSA, « Don des kits scolaires par Mr Moussa AG Acharatoumane à une cinquantaine d’enfants issus de familles les plus modestes », 28 août 2017, http://www.msa-azawad.com/actualites/50-don-des-kits-scolaires-par-mr-moussa-ag-acharatoumane-%C3%A0-une-cinquantaine-d%E2%80%99enfants-issus-de-familles-les-plus-modestes.html
71 Ministère des Armées Français (DICOD), « Barkhane : Ménaka, aide à la population. Ménaka sur le chemin du développement », 9 octobre 2018, https://www.defense.gouv.fr/actualites/international/barkhane-menaka-sur-le-chemin-du-developpement
72 Pour leurs retours stimulants, je tiens à remercier Arthur Quesnay et Adam Baczko, coordinateurs de la ST violence et conflit au congrès de 2019 de l’Association française de science politique, ainsi que Jacobo Grajales, discutant du panel. Cette recherche a été financée par l’European Research Council (ERC) dans le cadre du programme de l’Union européenne Horizon 2020 (Financement n°669690).
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Titre | Document : Remerciements du Gouverneur de Ménaka au Coordinateur du MSA |
URL | http://journals.openedition.org/conflits/docannexe/image/23640/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 349k |
Pour citer cet article
Référence papier
Denia Chebli, « Économie transnationale de la violence et autonomisation des milices au Nord du Mali », Cultures & Conflits, 125 | 2022, 95-113.
Référence électronique
Denia Chebli, « Économie transnationale de la violence et autonomisation des milices au Nord du Mali », Cultures & Conflits [En ligne], 125 | Printemps 2022, mis en ligne le 02 janvier 2025, consulté le 15 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/conflits/23640 ; DOI : https://doi.org/10.4000/conflits.23640
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