Le 24 mars 1976, les forces armées argentines ont instauré une dictature militaire connue dans le monde surtout du fait de ses pratiques coercitives, en particulier des disparitions forcées de personnes. Le sociologue uruguayen Gabriel Gatti soutient que la singularité du cas argentin réside moins dans la nature de ces pratiques – déjà observées pendant le nazisme ou dans l’Algérie coloniale des années 1960, par exemple – que dans « l’invention sociale de la catégorie du détenu-disparu et la construction d’un champ social autour de celle-ci, socialement dense et institutionnellement très solide et durable ». C’est-à-dire, dans la possibilité d’élaborer un sens pour ce qui était auparavant insaisissable, à partir de mécanismes variés de résistance et de dénonciation. D’abord dans le cadre des campagnes de dénonciation , puis dans celui du retour à la démocratie en 1983, on assiste en effet à l’émergence d’une explication socialement partagée à propos du « quand » et du « comment » c...
Opération Indépendance (Tucumán, 1975-1976)
Résumés
Cet article revient sur les pratiques coercitives mises en œuvre dans le cadre de l’Opération Indépendance, à Tucumán, dans le nord de l’Argentine, à partir de 1975, et postule que celle-ci inaugure une nouvelle forme de punition étatique structurellement identique à celle qui sera développée par la dictature militaire de 1976-1983. Ayant recours à des sources documentaires militaires et judiciaires ainsi qu’à une base de données de victimes de Tucumán, l’article interroge les enjeux et les logiques à l’œuvre, dans le temps et dans l’espace. Intégrant la notion de génocide, telle que postulée et débattue en Argentine, cette contribution invite à penser au-delà des objectifs déclarés de cette Opération, pour considérer que ce qu’il s’agissait de modifier, voire de détruire, ce n’était pas seulement les guérillas mais aussi la culture de la contestation qui les rendait possibles.
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Haut de pageNotes de l’auteur
Cet article, comme nous le verrons, adopte une conception du génocide issue des débats menés en Argentine dans les sciences sociales et les procès judiciaires contre les responsables de ces crimes depuis les années 2000. Cette approche s’inscrit dans un contexte de politiques publiques favorables aux processus de mémoire et de justice concernant les événements des années 1970. Cette conception diffère de la vision dominante en France et dans d’autres pays comme le Guatemala, où le terme « génocide » se réfère principalement à un crime contre l’humanité visant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, tel que défini dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
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Ana Sofía Jemio, « Opération Indépendance (Tucumán, 1975-1976) », Cultures & Conflits, 134 | 2025, 115-138.
Référence électronique
Ana Sofía Jemio, « Opération Indépendance (Tucumán, 1975-1976) », Cultures & Conflits [En ligne], 134 | été 2024, mis en ligne le 01 janvier 2028, consulté le 20 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/conflits/25984 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13mr5
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