La force symbolique du droit international en question
Notes de la rédaction
Les membres du comité de rédaction en charge de ce numéro sont Didier Bigo et Mathias Delori.
Texte intégral
- 2 PARISS collective, “Academic Freedom. Part One”, Political Anthropological Research on Internationa (...)
- 3 PARISS collective, “On the symbolic force of international law: the case of Gaza”, PARISS, vol. 5, (...)
1Ce deuxième numéro de l’année 2025 est l’occasion de poursuivre la réflexion sur une variété de thèmes qui nous intéressent depuis longtemps, ici actualisés à la fois par les terrains choisis et la manière de les appréhender. Il s’agit des articles de Mathilde Tarif sur les violences contre les Musulmans en République Centrafricaine en 2013-2014, de Jérôme Beauchez sur la « zone » – à savoir l’espace recouvert par le périphérique parisien – et ce qu’il propose de considérer en termes de « leftspace », et de Laure et Michel Laref sur les dispositifs de surveillance pendant les Jeux Olympiques à Paris. Ce numéro est également l’occasion de renforcer la collaboration entre les deux revues publiées par le Centre d’études sur les conflits, liberté et sécurité (CECLS), à savoir la revue trimestrielle Cultures & Conflits et la revue semestrielle PARISS (Political Anthropological Research on International Social Sciences). Nous reprenons, actualisons et développons deux dossiers thématiques initialement publiés en anglais, le premier sur la liberté académique 2 et le second sur la force transnationale du droit international 3.
- 4 Ibid.
2Les textes sur la liberté académique publiés précédemment étaient de deux types. Certains étaient des témoignages de personnes, souvent membres des comités de rédaction des deux revues, directement confrontées à des pressions ou des restrictions exercées dans les enceintes académiques : pressions externes venant d’acteurs politiques gouvernementaux ; pressions internes au nom de la sécurité au sein des établissements, des lobbys divers jouant au sein des conseils pour infléchir les politiques universitaires dans leur sens et menacer de retraits de fonds en cas de refus. D’autres textes analysaient de manière plus classique les évolutions en cours et les menaces qu’elles font peser sur les libertés académiques. La plupart de ces textes avaient été rédigés au cours de l’automne 2023, quand l’élection de Donald Trump apparaissait encore comme une simple possibilité. Nous complétons ces analyses dans ce numéro avec un entretien réalisé par Niilo Kauppi avec David Swartz, auteur de Academic Trumpists : radicals against liberal diversity (Routledge 2024). Le livre présente une sociologie des universitaires états-uniens favorables à Donald Trump. L’enquête de D. Swartz, débutée pendant le premier mandat de Trump, révèle qu’ils sont assez homogènes sociologiquement avec une surreprésentation des acteurs multipositionnés qui mobilisent du capital acquis dans d’autres champs, notamment politique, pour combler leur manque de reconnaissance scientifique. Un autre texte alimente ces réflexions sur les libertés académiques : celui de William Schabas dans le forum présenté par « PARISS collective 4 ». Il explore, à partir de l’exemple de Sciences Po Paris, le problème de l’instrumentalisation des arguments sécuritaires dans la répression des mobilisations étudiantes. Nous continuerons d’étudier ce thème dans les numéros à venir en coordination avec les instituts et réseaux de recherche qui appellent, eux-aussi, à la vigilance concernant les remises en cause des libertés académiques. Nous pensons notamment au CERI de Sciences Po Paris, dont la directrice Stéphanie Balme travaille à la coordination d’un Enjeu mondial (Presses de Sciences Po) sur cette question.
- 5 Fassin D., Une étrange défaite. À propos du consentement à l’anéantissement de Gaza, Paris, La Déco (...)
3Les attaques contre les libertés académiques ont pris une forme particulière, en France, au cours des derniers mois. Notre collègue François Burgat, directeur de recherche CNRS et spécialiste reconnu de l’islam politique, comparaît devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence pour des messages postés sur le réseau social X dans lequel il a qualifié le Hamas de « mouvement de résistance » et expliqué avoir plus de sympathie pour ses dirigeants que pour ceux, d’extrême-droite, de l’actuel gouvernement israélien. D’après l’accusation, ces propos et d’autres s’apparenteraient à une « apologie du terrorisme ». Quoi qu’on pense des propos de François Burgat, celui-ci n’intervenait pas sur un sujet lambda mais sur son domaine d’expertise. Il n’a pas manqué de rappeler, au cours de son procès, que les messages qu’il a postés reflètent une analyse produite depuis de nombreuses années et validée par ses pairs. Nous ne connaissions pas encore le dénouement de ce procès au moment d’écrire ces lignes, mais deux conclusions peuvent d’ores et déjà être tirées. Premièrement, François Burgat ne constitue pas un cas isolé. De nombreux étudiantes et étudiants qui ont exprimé leur sympathie avec la résistance palestinienne ont été accusé(e)s, eux-aussi, « d’apologie de terrorisme ». Deuxièmement, le simple fait que ces procès aient lieu a le même pouvoir d’intimidation que les accusations iniques en antisémitisme que nous avons analysées dans le numéro précédent. Ces pratiques contribuent à rendre possible « l’étrange défaite » diagnostiquée par Didier Fassin au sujet de la guerre perpétrée par Israël à Gaza qui s’accompagne de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire d’un génocide 5.
4Les atteintes contre les libertés académiques s’inscrivent dans un contexte politique plus global, avec en particulier la montée d’une attirance pour des formes autoritaires de pouvoir au nom des catastrophes à venir, et des ambitions sécuritaires ou même guerrières qui sont en train de prendre des formes diverses à l’échelle internationale. Les projets écologiques de réformes, l’aspiration à la paix dans le monde, à une meilleure acceptation des autres dans leur diversité, à une justice plus indépendante pour bloquer les pratiques de corruption politique, ne sont plus simplement contournées, mais attaquées sur leur validité même, en dehors de la sphère des démocraties, mais aussi au sein des pays qui s’en réclament. Une reconfiguration de l’espace du Nord Global se fait jour avec de plus en plus de pratiques d’exception, d’hostilité aux étrangers transformés en potentiels ennemis externes ou internes, de routines bureaucratiques, et d’austérité des budgets qui, au nom du remboursement des dettes de la période précédente, restreignent au fur et à mesure les possibilités de changements structurels concernant des sujets comme l’écologie et l’égalité des genres, tout en faisant peser sur les classes populaires et moyennes la peur du déclassement et de la paupérisation. Dans ce contexte, la solidarité avec les étrangers ou les citoyens ayant le malheur de ne pas se conformer à l’image ultra nationaliste dominante devient synonyme d’un manque de patriotisme, d’une forme de potentiel « séparatisme », de telle sorte que le terme woke – qui renvoie initialement à l’idée positive d’éveil par rapport aux structures de pouvoir – est devenu une forme d’accusation de trahison tous azimut, quels que soient les objets sur lesquels il porte.
- 6 Delori M., Olsson C., The French War on Terror. A relational approach to counter-terrorism, New Yor (...)
- 7 Bigo D., « La mondialisation de l’(in)sécurité : réflexion sur le champ des professionnels de la ge (...)
5Cette « crispation » sécuritaire, nostalgique d’un ordre social soi-disant existant auparavant, mais fondé sur des inégalités structurelles insupportables, a réussi à faire passer au second plan les échecs retentissants du contre-terrorisme global qui, loin d’assurer la paix, a au contraire exacerbé les vengeances à retardement, les actes aléatoires de violences individuelles et les rivalités culturelles 6. La sécurisation-insécurisation du monde et du quotidien a aussi masqué les effets d’une mondialisation économique destructrice des ressources planétaires et n’enrichissant que les plus riches par son refus de changer de modèle, en brandissant le protectionnisme comme une solution là où ce dernier ne fait, comme on le voit maintenant (mai 2025) que renforcer les affrontements et exacerber les zones de tension géopolitique 7.
6La guerre russo-ukrainienne, les menaces autour de Taiwan, la reprise de conflits au Moyen Orient et la guerre en Palestine qui s’accompagne de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire d’un génocide sont donc une conséquence bien plus qu’une cause de cette (in)sécurisation du monde qui s’est développée par la sacralisation d’une demande d’ordre en interne et, en externe, par la croyance selon laquelle la guerre peut aider le nationalisme et protéger les identités, alors que les formes prises par ce « retour à l’ordre » ne font que prolonger dans le temps les conflits et les transforment en vendetta inextinguible en l’absence d’une justice internationale perçue comme légitime par toutes les parties et capable de faire appliquer ses décisions.
- 8 Pomarède J., « L’(in)sécurisation par les technologies militaires et la mise en sens de la violence (...)
- 9 Delori M., Wasinski C., « L’intelligence artificielle dans la guerre israélienne à Gaza. Histoire d (...)
7Malheureusement, la militarisation du champ transnational de la sécurité intérieure et de la défense a pris le pas sur les analyses polémologiques et elle a été portée par les entreprises du secteur, les ministères publics intéressés, ainsi que certaines chaînes d’information, sans oublier des influenceurs de la droite radicale. Ces entrepreneurs de peur ont convaincu de nombreux dirigeants politiques, après les retraits d’Irak, d’Afghanistan et du Sahel, que la guerre avait un sens et pouvait être profitable, ne serait-ce qu’en termes d’emplois dans les industries de défense et de surveillance électronique 8, lesquelles se déploient désormais à toutes les échelles, y compris l’espace, tout en fédérant des intérêts dans le domaine du numérique et de l’intelligence artificielle qui intègrent en masse des données, sans trop se soucier des protections juridiques, au nom de la sécurité nationale. Cette appétence pour le réarmement et la guerre ainsi que les platitudes d’une géopolitique née durant la Guerre froide et incapable de voir les transformations des conflits autrement que sous le vocable colonial de guerre hybride, ont laissé croire que les guerres ou les actions contre-terroristes militarisées pouvaient être des solutions 9. C’est ce profond contresens que nous voulons discuter ici.
- 10 Durieux B., « Quel sens pour l’action militaire un siècle après 1917 ? », Inflexions, n° 36, pp. 85 (...)
- 11 Braithwaite A., “Transnational Terrorism as an Unintended Consequence of a Military Footprint”, Sec (...)
8Déjà présente dans la guerre en Ukraine et de manière encore plus symptomatique en Israël/Palestine, la croyance selon laquelle il serait acceptable ou légitime de tuer des civils au motif que des combattants se cachent parmi eux, a été entretenue par de nombreux courants politiques, qui y ont vu un moyen de rester au pouvoir ou de le conquérir, puis ravivée par des pensées réactionnaires et/ou technocratiques, alors qu’elle ne conduit qu’à plus de violence. Il n’y a pas de « solution armée éradiquant l’adversaire » ; il n’y a qu’une augmentation exponentielle des tragédies humaines et la persistance de guerres larvées, dites hybrides, où la paix est contaminée par des pratiques routinières de présence militaire en interne 10. Ceci a été largement démontré pour la totalité des guerres et de la répression massive de l’âge post nucléaire et des rébellions armées transnationales 11. Notre revue a largement contribué à cette analyse, confirmée par de très nombreux centres d’études sur la paix et la sécurité. Seuls quelques instituts de géopolitique et quelques généraux (souvent à la retraite) ont continué à affirmer le contraire. Les chaînes d’actualité continue et les réseaux sociaux ont une lourde responsabilité dans le retour de cette fausse croyance, qui a aussi des origines dans la multiplicité des films de guerre ou de héros policiers vengeurs, qui restaurent l’ordre par une violence extraordinaire.
- 12 Howard Zinn a même critiqué la pertinence de ces exemples de guerres présentées comme « justes ». V (...)
- 13 « Table-ronde. La prolongation des conflits. Approche comparative des systèmes de guerre », Culture (...)
9Répétons-le : les exemples des guerres qui ont abattu le fascisme et le nazisme sont l’arbre qui cache la forêt 12. Dans l’immense majorité des cas, une violence supérieure ne met pas fin à la violence initiale sur le moyen et long terme. Elle crée une « prolongation des conflits », pour reprendre le titre de notre premier numéro il y a 35 ans 13. Le cœur de la réflexion académique sur les conflits et l’international viendra toujours le rappeler à celles et ceux qui veulent l’oublier pour des intérêts du moment. C’est une caractéristique du régime de vérité particulier des universitaires qui fonde leur obligation de poser des questions sur les bases de leurs connaissances, même lorsque cela suppose de prendre des risques à l’égard des hommes politiques et des bailleurs de fonds, ou de déplaire à ceux qui font les modes médiatiques.
- 14 Delori M., La guerre contre le terrorisme comme rivalité mimétique, Paris, Bruxelles, Peter Lang, 2 (...)
- 15 Da Empoli G., L’heure des prédateurs, Paris, Gallimard, 2025. Lire à rebours de cette interprétatio (...)
10Que faire alors, si l’option de la violence supérieure, loin de mettre fin à la violence, en prolonge la réciprocité à travers un cycle de vengeance qui s’étale dans le temps et met en danger les enfants de ceux qui l’ont initié 14 ? Une certaine littérature désenchantée se complait à réinventer un Machiavel fataliste qui ferait de la guerre et de l’autocratisme un mal nécessaire, oubliant son ouvrage majeur à propos des Discours sur la première décade de Tite Live, dans lequel il corrigeait la fausse impression qui pouvait ressortir de quelques paragraphes du petit livre Le Prince 15. La guerre est un mal non nécessaire. Elle doit être encadrée et ne pas être laissée à elle-même comme Kant et Clausewitz le rappelleront.
- 16 Corten O., Le droit contre la guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international c (...)
11Le dossier thématique de ce numéro intitulé « La force symbolique du droit international : le cas de Gaza » s’interroge sur le rôle du droit international dans la régulation de la pratique et de la violence guerrière. Le jus ad bellum, le droit relatif à l’entrée en guerre, constitue un premier garde-fou. La Charte des Nations unies encadre de manière très stricte ce droit au point qu’on devrait plutôt parler de « droit contre la guerre 16 ». Après le massacre du 7 octobre 2023, Israël a convoqué le motif de la légitime défense pour justifier sa guerre à Gaza. Dans sa contribution incluse dans l’article collectif « À propos de l’occupation du territoire palestinien par Israël » coordonné par Marie-Laure Basilien-Gainche, Olivier Corten explique que l’avis consultatif de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024 sur les « conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », met à mal cet argument.
- 17 Delori M., Ce que vaut une vie. Théorie de la violence libérale, Paris, Éditions Amsterdam, 2021.
12Si le jus in bello – le droit sur la manière de faire la guerre –, s’est partiellement transformé ces dernières décennies en « permis de tuer » grâce aux nouvelles technologies de la guerre aérienne 17, les droits humains posent des normes et des limites sur lesquelles les critiques de la violence guerrière peuvent davantage s’appuyer. L’avis consultatif de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024 constitue, de ce point de vue, un cas d’école. En rappelant le caractère illégal de l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est ainsi que du blocus de Gaza, la Cour n’a pas seulement enjoint Israël à mettre un terme à ces pratiques. Comme le montre Anne Lagerwall dans sa contribution au même article collectif, la Cour a aussi rappelé à tous les États qu’ils violent le droit quand la coopération avec Israël alimente cette politique de colonisation. Julia Grignon complète cette analyse de l’avis du 19 juillet 2024 en s’interrogeant sur la force symbolique de son constat d’une violation, par Israël, de l’article 3 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, lequel renvoie notamment à l’apartheid. Julia Grignon estime que cette partie de l’avis « est de nature à produire des effets externes et à appuyer les conclusions qui pourraient être formulées par d’autres juridictions, internationales comme nationales ». Cet argument résonne avec celui formulé par Alain Pellet, au sein de l’article collectif sur la force symbolique du droit international, selon lequel les avis de la Cour ont un pouvoir normatif contraignant, même lorsqu’ils ne sont pas obligatoires.
- 18 Pélopidas B., Repenser les choix nucléaires. La séduction de l’impossible, Paris, Les Presses de Sc (...)
- 19 Bigo D., Bonnefoy L., Delori M., Tsoukala A., Wasinski C., « La rivalité mimétique : matrice de la (...)
13Devoir rappeler ces fondamentaux est, d’une certaine manière, un constat accablant de la doxa guerrière contemporaine véhiculée dans certains médias où l’on réhabilite l’option du « droit du plus fort » comme une alternative envisageable. Tel n’est pas le cas, sous peine d’autodestruction planétaire dans un monde post nucléaire 18 et parce que les guerres n’arrêtent pas la guerre aujourd’hui. Il faut donc réaffirmer l’existence d’un continuum d’(in)sécurité qui se crée quand on met en série les notions et valeurs d’ordre, de sécurité, de suspicion légitime, de guerre juste, de prévention, car loin de stabiliser la violence et d’ouvrir sur une diplomatie des négociations, ces mises en série construisent au contraire l’image d’un ennemi radical avec lequel il est impossible de négocier et elles débouchent, dès lors, très concrètement, sur l’escalade de la vengeance sur plusieurs générations, quand bien même, momentanément, un des participants a un genou à terre et supplie l’autre d’arrêter 19.
- 20 Dumouchel P., Dupuy J. P., L’enfer des choses : René Girard et la logique de l’économie, Paris, Seu (...)
- 21 Khalili L., Time in the Shadows. Confinement in Counterinsurgencies, Stanford, Stanford University (...)
14Une certaine réflexion humanitaire a débouché sur la construction d’un droit pour faire admettre aux belligérants potentiels qu’ils se doivent de respecter les populations civiles, avec des succès plus ou moins grands. Ce droit des conflits est important, tout comme l’est le droit pénal international qui poursuit les donneurs d’ordre des massacres de population ou d’adversaires sans aucune retenue ou motifs militaires. En même temps, ces formes de droit « contiennent » la violence, au (double) sens du terme : elles en empêchent en partie la perpétuation, mais, dans leur codification, elles acceptent que la violence du plus fort puisse avoir le dernier mot et donc incluent la violence comme partie du droit 20. Il y a donc une économie du droit encadrant la violence politique de l’État tout en lui étant subordonné. Cette question générale du droit, de la violence et du politique ne peut rester à ce niveau de généralité. Elle doit se décliner selon les branches du droit. Les travaux contemporains ont insisté sur les relations entre droit international – droit pénal, droit humanitaire et droits humains. Ils entretiennent tous un rapport ambivalent à la violence mais leur mobilisation en faveur des droits des individus est très variable tant sur le fond que sur les conditions d’accès. D’un côté, les cours condamnent et par conséquent régulent les violences où l’intentionnalité des bourreaux peut être caractérisée, comme dans certaines attaques dites « terroristes » ou dans les génocides. D’un autre côté, elles passent sous silence (droit pénal international) voire légitiment (droit international humanitaire) les violences où l’intentionnalité est diluée par la division bureaucratique du travail, les calculs utilitaristes et, plus généralement, les dispositifs biopolitiques 21.
15C’est en s’opposant à cette philosophie de l’État comme protagoniste privilégié des relations internationales et son corolaire d’une souveraineté exclusive, comme acte de possession d’un État, que s’est construite une branche du droit : celle des droits de l’homme, renommés à juste titre droits humains après avoir été élargis aux femmes et aux personnes racisées. Il ne s’agit plus de réguler les conflits mais d’en juger la légitimité, à partir de critères qui ne reconnaissent plus la « sacro-sainte » idée de souveraineté nationale, laquelle n’a de toute façon guère concerné le Sud global avant les décolonisations, et celle de secret entourant les décisions prises au nom de la sécurité ou de l’intérêt national. On jugera les actes qui contreviennent aux conventions des droits humains, quels qu’en soient les perpétrateurs. En l’absence d’une force de police internationale capable de faire exécuter le droit international, le droit international puise d’abord sa force du principe de cohérence : un État qui a ratifié une convention se doit de la respecter vis-à-vis de son opinion publique et des autres États. Ce droit puise aussi sa force de son universalité. Dans le cas de l’ordonnance de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 qui a relevé un risque « plausible » de génocide à Gaza, la compétence de la cour découle du fait que tous les États concernés – en particulier l’Afrique du Sud (le requérant) et Israël – ont ratifié la convention de 1948 sur la prévention du crime de génocide et accepté la compétence de la cour pour régler leurs différends.
- 22 Diagne S. B., Universaliser : « L’humanité par les moyens d’humanité », Paris, Albin Michel, 2024 ; (...)
16Un acteur (gouvernemental) qui se sent tenu par ses propres obligations peut ainsi réclamer justice au nom de ceux et celles qui sont victimes et impuissantes, dans des conditions qui placent ces droits comme un universel latéral ; universalisation qui questionne les acteurs qui croient que la violence brute leur permet d’être puissants, et qu’ils vont rester impunis des crimes qu’ils commettent, alors que les mobilisations transversales pour cette universalisation se déploient 22.
- 23 Thiérard H., « L’apport de la traductologie au renouveau de l’universel dans les sciences humaines (...)
17Cette forme d’universalisation de la justice a sa propre singularité et son propre régime de vérité. Elle est une œuvre de traduction 23. Elle agit, comme le montrent les articles ci-après en obligeant certains acteurs non étatiques et étatiques à répondre des faits qu’ils ont commis et de leurs conséquences sur les violations des droits humains, et ne s’intéresse à leurs intentions et justifications par la sécurité que pour qualifier le degré de gravité de ces actes. Ceux-ci ne sont pas exonérés sous prétexte qu’ils auraient été commis au nom d’un équilibre avec l’autre partie ou d’une réciprocité de la violence, les multiples parties pouvant être toutes condamnées. Cette philosophie implicite est encore mal acceptée car elle remet en cause l’autonomie d’un gouvernement libre de s’engager, au nom de la souveraineté, dans des opérations de violence de masse. Par ailleurs, les études postcoloniales et la sociologie du droit ont raison de souligner les deux-poids-deux-mesures et le fait que les dirigeants des États puissants restent encore immunisés face au développement de la justice pénale internationale, ce qui peut conduire, comme ce fut le cas dans les années 2000-2010, à faire de cette justice, malgré les bonnes intentions de ses partisans et partisanes, une machine à stigmatiser les pays du Sud.
18Le forum « La force symbolique du droit international : le cas de Gaza » écrit par Alvina Hoffmann, William Schabas et Alain Pellet, analyse le rôle clé de la Cour de justice internationale face à l’inaction du Conseil de sécurité sur certaines questions. Après s’être principalement intéressée aux autres branches du droit, la Cour internationale de justice s’est ouverte à des recours relatifs aux infractions aux droits humains, de telle sorte qu’elle a pris une place prépondérante dans la discussion sur la force transnationale du droit international, en impulsant un mouvement, porté par de nombreux acteurs du droit, ONG, avocats, juges contestant les « petits arrangements entre puissants » que les États pensaient pouvoir conclure en silence, et au profit du protagoniste le plus fort contre le plus faible. Le texte de William Schabas complète cette analyse en montrant comment la Cour pénale internationale a innové en 2024 en lançant des mandats d’arrêts contre MM. Poutine, Netanyahu et Gallant.
19Pour mériter son nom, la justice internationale doit pouvoir s’en prendre aux puissants, ce qui invite à s’interroger sur les mécanismes réglant les rapports entre le principe de justice et la puissance politique et militaire. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Concrètement, MM. Poutine et Netanyahu ne pourraient-ils pas être tentés d’intensifier leurs crimes, voire d’embarquer tout le monde dans l’abîme à coup de bombes thermonucléaires, s’ils estimaient pouvoir être arrêtés et jugés ? Cette tension entre justice, diplomatie et escalade guerrière était déjà apparue lors du conflit en ex-Yougoslavie. Le Secrétaire général de l’ONU avait alors estimé que les inculpations de Radovan Karadzik et Ratko Mladik avaient conduit les dirigeants serbes à se radicaliser. Quand des puissances autoritaires et possédant l’arme nucléaire sont en jeu, la question de l’autolimitation de la justice se doit aussi d’être posée. Il n’en reste pas moins que ces développements présentent un mérite : ils contribuent à promouvoir et à valoriser, symboliquement au moins, les droits humains.
- 24 Dans le fragment 298 [169] des Pensées, Blaise Pascal se livre à une réflexion sur la relation qu’e (...)
- 25 Lenoir R., « L’État selon Pierre Bourdieu », Sociétés contemporaines, n° 87, 2012, pp. 123-154.
20Il existe donc un âpre débat sur la force symbolique de la justice internationale et ses effets sur les conflits. Certains considèrent que sans un appui solide et quasi unanime des plus puissants, il s’agit d’un rideau de fumée qui satisfait les bonnes consciences sans rien résoudre. D’autres y voient au contraire un régime de vérité qui s’inscrit dans le temps long et les mémoires des victimes face à l’horreur du moment. Depuis Pascal, et certains diront depuis Saint Augustin, la discussion sur la force sans droit et le droit sans la force hante l’analyse des conflits et la nature de l’obéissance 24. Le pouvoir est-il le résultat de l’application de la force brute et cette dernière a-t-elle le dernier mot en imposant le récit du vainqueur ? Ou le pouvoir a-t-il toujours une dimension symbolique, au-delà de sa matérialité, qui lui permet, au sein d’une relation, de s’exercer au moment où à la violence n’assure plus la soumission et génère des révoltes ? Si on accepte cette idée de la domination ou du pouvoir symbolique et du rôle des juristes dans sa consécration, la lutte autour du droit a son importance propre 25. Elle ne règle pas la guerre, mais elle joue sur le cadre de cette dernière et sur les effets de légitimation du pouvoir entre les acteurs et auprès des tiers.
21Comme le signalent avec force Alain Pellet et les autres membres de « PARISS Collective », ce pouvoir symbolique du droit international, quand il s’appuie sur les droits humains, existe et s’oppose à la force brute en termes de cadrage d’un conflit, mais il ne peut pas se substituer au rapport de forces politique du moment et l’inverser à lui seul. Croire qu’il y aurait une magie du droit seul dans son rapport à un régime de vérité centré sur la seule justice ne fait pas sens, le politique influe le cadrage du droit. À l’inverse, réduire les droits humains à un masque trompeur des puissants ou à un moyen de faire de la politique de domination par d’autres moyens, est cyniquement caricatural.
- 26 Schabas W. A., The International Legal Order’s Colour Line: Racism, Racial Discrimination, and the (...)
22Les luttes transnationales pour les libertés publiques et les droits humains ont permis de construire au fil des siècles des instances juridictionnelles, au sein d’États se disant « de droit » et la création de juridictions de plus en plus internationales qui, de concert avec les juges régionaux et locaux imposent une certaine idée de la démocratie comme pouvoir de limiter l’arbitraire des dirigeants. Cette transnationalisation des luttes qui mobilisent ONG, diasporas et autres porte-paroles des victimes existe depuis longtemps et les luttes minoritaires ont eu une influence significative sur leur émergence 26.
- 27 Balibar E., Des universels. Essais et conférences, Paris, Galilée, 2016, et Europe, crise et fin ?, (...)
23Mobiliser des cours internationales à donner leur avis, et depuis peu admettre que des gouvernements non-parties directes aux conflits puissent s’engager et donner une « voix à ceux qui sont sans voix », pour générer des universalisables, change la donne 27. Cela ouvre, dans une temporalité longue, une véritable voie pour lutter contre l’impunité de certains dirigeants en demandant aux États signataires de les arrêter s’ils traversent ou viennent sur leur territoire.
24Comme le montrent les événements actuels, certains États peuvent passer outre, même s’ils sont signataires, comme l’a fait la France lors du survol de l’avion de Netanyahou au-dessus de son territoire, au nom d’une diplomatie de « contact », mais ceux accusés d’être criminels, ou ceux qui les protègent en continuant de les armer s’engagent dès lors sur la route du procès contre eux, et vers une délégitimation à long terme si les faits de crime de guerre, de crime contre l’humanité ou de génocide sont prouvés.
25Rien ne garantit que ces exigences soient actualisées rapidement. Il est nécessaire d’avoir un changement dans les rapports de force, mais leur existence permet de ne pas oublier et de contrer l’imposition d’une vérité des vainqueurs.
Notes
2 PARISS collective, “Academic Freedom. Part One”, Political Anthropological Research on International Social Sciences (PARISS), vol. 5, n° 1, 2024, pp. 5-37, et “Academic Freedom. Part Two”, vol. 5, n° 2, 2024, pp. 5-37. Publiés en français dans Cultures & Conflits, n° 137, pp. 15-49 et pp. 51-94.
3 PARISS collective, “On the symbolic force of international law: the case of Gaza”, PARISS, vol. 5, n° 2, 2024, pp. 167-188.
4 Ibid.
5 Fassin D., Une étrange défaite. À propos du consentement à l’anéantissement de Gaza, Paris, La Découverte, 2024. Voir également le rapport d’Amnesty international pour l’année 2025 : « Nos conclusions accablantes doivent sonner comme un signal d’alarme pour la communauté internationale : il s’agit d’un génocide, qui doit cesser immédiatement », Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International Amnesty : https://www.amnesty.fr/actualites/rapport-annuel-situation-des-droits-humains-dans-le-monde-2025 [consulté le 23 mai 2025].
6 Delori M., Olsson C., The French War on Terror. A relational approach to counter-terrorism, New York, Routledge, 2025.
7 Bigo D., « La mondialisation de l’(in)sécurité : réflexion sur le champ des professionnels de la gestion des inquiétudes et analytique de la transnationalisation des processus d’(in)sécurisation », Cultures & Conflits, n° 58, 2005, pp. 53-101 ; Dillon M., Politics of Security: Towards a Political Philosophy of Continental Thought, Abingdon, New York, Routledge 1996.
8 Pomarède J., « L’(in)sécurisation par les technologies militaires et la mise en sens de la violence. Le cas de l’intervention militaire de l’OTAN au-dessus de la Libye (2011) », Cultures & Conflits, n° 93, 2014, pp. 125-145 ; Peralva A., Telles V., « Entre le licite et l’illicite : mobilités humaines, marchés et militarisation des contrôles dans le monde post-bipolaire », Cultures & Conflits, n° 123-124, 2022, pp. 153-171.
9 Delori M., Wasinski C., « L’intelligence artificielle dans la guerre israélienne à Gaza. Histoire de la production d’une violence libérale de masse. Autour d’une enquête de Yuval Abraham », Cultures & Conflits, n° 137, 2025, pp. 105-136 ; Pérez-Lagüela E., “Transnational Corporations and Technological Transformation: The Political Economy of the New Digital Economy” in International relations and technological revolution 4.0: World order, power and new international society, Springer Nature Switzerland, 2024, pp. 107-131.
10 Durieux B., « Quel sens pour l’action militaire un siècle après 1917 ? », Inflexions, n° 36, pp. 85-97 ; a contrario, Benraad M., « Guerre et violence en Iraq : un “régime de vengeance” sans fin ? (2003-2023) », Annuaire français de relations internationales, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2023, pp. 123-136 ; Rogalski M., « Gaza : une vengeance sans limites ? », Recherches internationales, n° 129, 2024, pp. 3-6 ; Bigo D., « Grands débats dans un petit monde ? bis repetita », Recherches internationales, n° 125, 2023, pp. 121-140.
11 Braithwaite A., “Transnational Terrorism as an Unintended Consequence of a Military Footprint”, Security Studies, vol. 24, 2015, pp. 349-375 ; Hubrecht J., Sansico V., « Guerre, paix, justice : le brouillage des temps », Les Cahiers de la Justice, n° 1, 2025, pp. 33-48. Nous reviendrons sur la notion coloniale de guerre hybride réinventée en 2000 par les doctrines militaires britanniques et états-uniennes qui cherchent à profiter du brouillage des temps pour justifier la guerre de basse intensité permanente.
12 Howard Zinn a même critiqué la pertinence de ces exemples de guerres présentées comme « justes ». Voir : Zinn H., Just war, Milan, Charta, 2006.
13 « Table-ronde. La prolongation des conflits. Approche comparative des systèmes de guerre », Cultures & Conflits, n° 1, 1990. Republié dans le dossier « 35 ans sur les sentiers de l’international », Cultures & Conflits, n° 135-136, 2024, pp. 25-34.
14 Delori M., La guerre contre le terrorisme comme rivalité mimétique, Paris, Bruxelles, Peter Lang, 2025.
15 Da Empoli G., L’heure des prédateurs, Paris, Gallimard, 2025. Lire à rebours de cette interprétation du Discours sur la première décade de Tite Live par Machiavel, le livre de Claude Lefort (Machiavel, le travail de l’œuvre, Paris, Gallimard, 1972) ainsi que son article magistral « Le nom d’Un. Préface au Discours de la servitude volontaire, d’Étienne de La Boétie », republié dans : Lefort C., Lectures politiques. De Dante à Soljenitsyne, Paris, Presses Universitaires de France, 2021, pp. 21-74.
16 Corten O., Le droit contre la guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international contemporain, Paris, Éditions A. Pedone, 2020.
17 Delori M., Ce que vaut une vie. Théorie de la violence libérale, Paris, Éditions Amsterdam, 2021.
18 Pélopidas B., Repenser les choix nucléaires. La séduction de l’impossible, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2021.
19 Bigo D., Bonnefoy L., Delori M., Tsoukala A., Wasinski C., « La rivalité mimétique : matrice de la guerre contre le terrorisme et de ses stratégies discursives ? », Cultures & Conflits, n° 123-124, 2021, pp. 21-36.
20 Dumouchel P., Dupuy J. P., L’enfer des choses : René Girard et la logique de l’économie, Paris, Seuil, 1979 ; Dupuy J.-P., “Naturalizing Mimetic Theory”, in Garrels S. R. (ed.), Mimesis and Science, Michigan State University Press, Michigan, 2011, pp. 193-213.
21 Khalili L., Time in the Shadows. Confinement in Counterinsurgencies, Stanford, Stanford University Press, 2012 ; Mégret F., “From ‘savages’ to ‘unlawful combatants’: a postcolonial look at international law’s ‘other’”, in Orford A. (ed.), Internatinal law and its ‘others’, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, pp 1-37 ; Delori M., “The ‘Global War on Terror’ and the Fetishism of Lesser Intentionality”, PARISS, vol. 3, n° 1, 2022, pp. 7-28.
22 Diagne S. B., Universaliser : « L’humanité par les moyens d’humanité », Paris, Albin Michel, 2024 ; Bigo D., “International Political Sociology: Rethinking the International through Field(s) of Power”, in Basaran T., Bigo D., Guittet E.-P., Walker R.B.J. (eds.), Perspectives from International Political Sociology: Transversal Lines, Abingdon, New York, Routledge, 2016, pp. 26-51 ; Diagne S. B., “Penser l’universel avec Étienne Balibar”, Raison publique, n° 19, 2014, pp. 15-21. Republié en anglais en 2023: “What Might a Truly Universal Universalism Be? Thinking the Universal With Étienne Balibar”, Beyond Universalism, 2023, 35, doi.org/10.1515/9783110798494-002 [consulté le 23 mai 2025].
23 Thiérard H., « L’apport de la traductologie au renouveau de l’universel dans les sciences humaines : Meschonnic, Berman, Cassin, Diagne », TTR : Traduction Terminologie Rédaction, vol. 37, 2024, pp. 43-68, https://doi.org/10.7202/1114771ar [consulté le 23 mai 2025].
24 Dans le fragment 298 [169] des Pensées, Blaise Pascal se livre à une réflexion sur la relation qu’entretiennent justice et force : « La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique » (Paris, Livre de Poche, 1972, p. 145). Il faut donc rendre forte la justice et ne pas s’accommoder du second. Il n’y a pas à se résigner, comme le laissent croire certains commentateurs. Cela reste une question très actuelle.
25 Lenoir R., « L’État selon Pierre Bourdieu », Sociétés contemporaines, n° 87, 2012, pp. 123-154.
26 Schabas W. A., The International Legal Order’s Colour Line: Racism, Racial Discrimination, and the Making of International Law, Oxford, Oxford University Press, 2023.
27 Balibar E., Des universels. Essais et conférences, Paris, Galilée, 2016, et Europe, crise et fin ?, Lormont, Le Bord de l’eau, 2016.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Le Comité de rédaction, « La force symbolique du droit international en question », Cultures & Conflits, 138 | 2025, 7-18.
Référence électronique
Le Comité de rédaction, « La force symbolique du droit international en question », Cultures & Conflits [En ligne], 138 | été 2025, mis en ligne le 16 juin 2025, consulté le 20 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/conflits/26437 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14534
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