Navigation – Plan du site

AccueilNuméros28ActualitéRevues

Actualité

Revues

p. 107-110

FabricA

Travaux d’histoire culturelle et sociale de l’architecture et de ses territoires

Image 10000000000001F300000263B6E22FC5.jpg

La revue d’histoire culturelle et sociale de l’architecture et de ses territoires du laboratoire l’école nationale supérieure d’architecture de Versailles (LéaV) poursuit sur le sillon intellectuel qu’elle creuse depuis plusieurs années. Sixième numéro de la série, celui de 2012 confirme l’ouverture thématique des travaux d’écriture des jeunes (aspirants) doctorants du laboratoire. Des exercices courts et pointus d’écriture, véritables esquisses de la pensée critique en train de naître grâce à une herméneutique – un réarrangement – timide des connaissances de l’architecture. Cette fois le XXe siècle ressort privilégié. Deux figures du modernisme subtilement projetées sur le fond de leurs époques respectives : d’une part, Vittorio Ugo, architecte et théoricien revisité dans son Palerme natal des années 1960 et 1970 par Antonio Belvedere ; d’autre part, Mies van der Rohe et son rapport ambigu à la transparence, interprété au travers ses collages par Anne Frémy. Incursion à l’espace culturel allemand que poursuit Eléonore Muhidine dans la chronique de la destruction du Palais de la République de Berlin-Est, sur fond du projet urbain d’une capitale en douloureuse reconstruction identitaire. Semblables reconstructions identitaires ressurgissent dans la mise en parallèle par Cédric Fériel d’une forme urbaine « expérimentée » par les opérations de piétonisation, et de l’idée même d’urbanité telle qu’elle évolue dans les discours experts et populaires dans le dernier quart du XXe siècle. Le XIXe siècle s’ouvre avec le retour que propose Justine Bisserier aux aspects techniques des réservoirs parisiens d’eau : description brève mais documentée, qui reste sans doute en préambule d’une approche plus fine de la problématique des ressources à l’égard d’un développement urbain durable. La visite au XIXe siècle parisien se poursuit avec Floriane Magadoux, qui compare les façades de l’église Saint-Laurent et la mairie du 1er arrondissement pour en extraire les enjeux urbains qu’elles traduisent en formes architecturales. Enfin, deux excursions transcontinentales : Vincent Laureau entreprend de « recoudre » les liens disparus entre patrimoine architectural en terre et patrimoine immatériel des savoirs locaux ; Gilles-Antoine Langlois retourne, lui aussi, au patrimoine immatériel, celui du jazz de la Nouvelle-Orléans cartographié et exposé, outil ad hoc pour la renaissance post-Katrina de la ville. À première vue, ces essais semblent tout simplement couvrir intelligemment le kaléidoscope de l’univers architectural. Pour autant, certains pourraient y reconnaître les mêmes gênes qui ont animé l’Institut pour l’histoire et la théorie de l’architecture (GTA) à l’école Polytechnique fédérale de Zürich, ou l’Institut de l’histoire à l’IUAV. Simple constat qui vaut à cette petite revue, ses protagonistes et ses acteurs un rôle précieux d’échafaudage dans le chantier de la pensée architecturale française à venir.

Lieux communs

Image 10000000000001BA00000263F9528FE2.jpg

Le numéro 15 de Lieux communs, cahiers de l’équipe de recherche Langages, Actions Urbaines, Alterités (LAUA) de l’école nationale supérieure d’architecture de Nantes, est consacré à l’une des questions les plus permanentes qui relient la recherche architecturale, urbaine et paysagère aux sciences humaines : le rôle de l’histoire. Notamment, le caractère spécifique que le travail historiographique prendrait face à l’objet « ville ». Objet multiple, non-unitaire, diversifié et protéiforme, nous dit Amélie Nicolas dans son introduction, l’urbain vu par le prisme historien ne risquera pas l’écueil de l’homogénéité. Au contraire, c’est sous l’étoile de la diversité que vient se situer ce recueil de contributions. Qu’il s’agisse de la critique d’une prétendue autonomie de l’histoire urbaine que le géographe Marcel Roncayolo (qui aurait côtoyé les historiens et « découvert » les architectes), livre à Isabelle Chesneau. Ou le subtil dévoilement, par Sandra Parvu et Alice Sotgia des stratégies d’appel à l’histoire que cache la (re-)construction des repères de la mémoire dans ce terrain miné que reste toujours la Cité des 4 000 à la Courneuve. Ou encore dans une énième tentative pour élucider la longévité du bipôle « ville-nature », cette fois proposée par Adrien Gey, lequel effleure le dangereux télescopage entre le phénomène urbain complexe et ce concept interprétatif, surchargé d’idéologie, que l’histoire urbaine a forgé dans son moule manichéen. L’historiographie est propice, à n’en pas douter, à des télescopages temporels ! On ne peut que le penser avec Maëlle Tessier qui entreprend l’ambivalente historicisation du contemporain, ne serait-ce que dans le champ labouré du As Found, rappelant son introduction par les Smithsons au début des années 1950. C’est sans doute un peu après qu’Everett C. Hughes prononcera son discours sur L’aspect culturel de la recherche urbaine, en convoquant, lui aussi, l’historien pour « déterrer le passé le plus proche » ! Rôle ambigu, instru- mentalisé et sans doute porteur d’une nouvelle fonction historique, si l’on suit attentivement l’argument de Laurent Coudroy de Lille et d’Olivier Ratouis, qui concluent ce dossier en repérant le hiatus entre l’histoire comme science humaine avec ses méthodes et son corpus de connaissances et l’histoire « au sens plus banal », porteuse d’axes idéologiques et de récits sur le futur. Comme expressément annoncé au début de ce dossier, c’est l’écriture d’un nouveau programme de recherche pour le LAUA relatif à l’histoire qui anime l’ensemble des contributions. Pour la communauté des chercheurs, c’est aussi la révélation de la difficulté imminente pour l’historiographie contemporaine, manifeste à travers les textes de ce volume, de réinventer un « passé futur », pour paraphraser Reinhart Koselleck. Autrement dit, de voir en l’histoire urbaine et ses consœurs la capacité d’entrevoir pourquoi le XIXe siècle jettera un autre regard à ce qui l’a précédé.

Cahiers thématiques

Image 1000000000000220000002D52FF304F9.jpg

La douzième édition des Cahiers thématiques du Laboratoire Conception, Territoire, Histoire (LACTH) de l’école nationale supérieure d’architecture et du paysage de Lille est consacrée aux représentations de l’architecture contemporaine. Sujet aussi bien connu qu’inépuisable, comme le reconnaissent ses éditeurs Richard Klein et Éric Monin. En effet, le déploiement de l’architecture par des techniques et des supports graphiques, plastiques, visuels, sensibles et communicatifs repousse toujours plus loin l’horizon qui définit ses limites. Horizon qui invite ce numéro des Cahiers thématiques d’étendre la notion du contemporain à celui de la modernité de l’entre-deux-guerres.

Trois parties structurent opportunément les contributions des chercheurs. La première s’intéresse aux stratégies propres des maîtres d’œuvre. Karine Thilleul, repère dans les photographies des maisons d’exposition entre 1920 et 1940 l’un des moments cruciaux de bascule de l’habiter comme condition humaine à la maison comme objet industriel. Véro- nique Boone revisite les entretiens enregistrés de Le Corbusier en quête d’une autre forme de rapport entre l’architecte et le public. Dans leur article en anglais, Andreina Milan et Margot Pellegrino retracent les relations culturelles franco- italiennes d’Enzo Venturelli, Claude Parent et Roger Anger sur fond de leurs productions visionnaires, utopiques et futuristes. Contribution médiane entre deux ères de l’architecture, celle de Sibylle Le Vot revient sur le siège social de Canal+ pour repérer le passage étroit par lequel Richard Meier transmet des principes modernistes dans l’idéologie (et l’) esthétique du contemporain. Même esprit relatif à une période de transition, dans l’article de Rika Devos sur l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles qui représente un seuil d’entrée de l’architecture moderne dans le quotidien belge. Quotidien que le modernisme a voulu rentre « plausible et adéquat » en « harmonie interne » et en « convenance externe » avec l’œuvre architecturale, pour paraphraser l’« enchantement » d’Antonella Mastrorilli pour les préfigurations urbaines des architectes de l’entre-deux-guerres résumées sous le titre de « La ville de la bienséance ». Enfin, plus critique à l’égard des représentations plastiques de l’architecture, Katarzyna Cytlak révèle le caractère équivoque des visions architecturales des artistes d’Europe centrale des années 1970.

La deuxième partie de ce volume renverse la question en rappelant le rôle potentiel de la maîtrise d’ouvrage dans la manipulation des codes de représentation. Valter Balducci et Federica Dalmonte retournent, eux aussi, au modernisme italien et à la promotion idéologique de la colonie « XXVIII Ottobre ». Autre promotion, celle de l’architecture sacrée en France des Trente glorieuses conduit Pierre Lebrun à l’histoire des grands ensembles et à leur équipement rapide, parfois sommaire, d’espaces religieux. Phénomène encore plus récent, la représentation de l’architecture vinicole souligne dans l’article de Laura Verdelli catalyse une nouvelle relation entre activité productive, protection du paysage et pensée environnementale. Un certain sens du « fonctionnalisme de l’image » se dégage de cette analyse, qui va dans le sens d’une « architecture de l’image », comme l’intitule Pierre Magne dans son article : entre construction et image, c’est l’image qui l’emporterait… C’est en tout cas le message transmis par l’article de Paola Moreno, Nathalie Simonnot et Daniel Siret quant aux petites figures de personnages insérés dans les supports de concours et de promotion des projets immobiliers. Cas inverse, pour Jean- François Roullin, c’est la rhétorique architecturale réelle ou imagée qui sert de fond dans les campagnes publicitaires des voitures, faisant preuve d’une paradoxale acceptation des courants contemporains. Et pour clore cette deuxième partie, Isabelle Chesneau invite le lecteur à passer de la rhétorique visuelle à la rhétorique spécifique de termes spatiaux dans les annonces immobilières.

Marnes

documents d’architecture

Image 10000000000001CC000002DD8CE0A9D9.jpg

L’arrivée d’une nouvelle revue dans le paysage francophone de l’édition d’architecture constitue un événement suffisamment rare pour être salué. D’au- tant plus que cette revue est le résultat d’une démarche collective associant les forces vives de la recherche au sein d’une école d’architecture. D’autant plus également que cette revue affiche l’ambition d’alimenter l’enseignement de l’architecture avec des textes issus de la scène internationale de la théorie, de l’histoire, de la critique et de la pratique architecturales. Tel est le cas de Marnes, produit de l’Observatoire de la condition suburbaine (OCS) de l’école d’architecture, de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée. La revue se positionne comme une « compilation périodique de références », rassemblant un corpus de textes traduits et publiés pour la première fois en français ou de rééditions/traductions de textes difficilement accessibles, sous les auspices d’un appareil critique fourni au travers d’articles introductifs écrits par les chercheurs de l’école ou plus largement des écoles nationales supérieures d’architecture françaises. Par cette démarche qui consiste à nourrir la pratique de l’enseignement de l’architecture (ajoutons sans risque : de la ville et du paysage), Marnes puise dans un réservoir d’idées qui, n’en doutons pas, sera de plus en plus riche et engagé. Il s’agit là d’un schéma tout à fait original, renvoyant sans doute à la très vieille tradition de commentateurs, sous une nouvelle forme livresque dont l’esthétique éditoriale très étudiée nous rappelle que l’équipe a quelques « heures de vol » en la matière. Au terme de deux numéros de plus de quatre cents pages chacun, force est de constater que, malgré son jeune âge, l’unité de recherche OCS se saisit d’un paradoxe assez significatif de la culture architecturale en général : la modernité architecturale est solidement tournée vers l’innovation et le futur, tout en exigeant une connaissance précise de ses fondements, de ses écueils, de ses réussites et de ses échecs, en somme, de son histoire. Par rapport à d’autres publications au sein desquelles ce paradoxe réside de manière implicite, Marnes choisit d’en faire explicitement un « projet d’école », au travers – et c’est la deuxième remarque – d’un créneau unique. En effet, les contributions ne se focalisent pas sur des bâtiments mais sur des textes qui ont façonné notre regard, notre pratique et notre didactique.

Pour autant, cette approche semble pour le moment valider l’hypothèse de ce numéro des Cahiers sur « la modernité suspendue ». Car le retour – par des traductions françaises d’une remarquable qualité philologique – à certains moments phares du XXe siècle est très certainement nécessaire. Le passage du pittoresque au brutalisme anglais ou la question de la dalle qu’abordait – entre autres – le premier volume de la série, suivis par les problématiques des infrastructures routières, les formes collectives de l’architecture ou la construction du concept de la ville générique chez Rem Koolhaas offerts aux lecteurs de ce deuxième volume, sont à l’évidence des thématiques qui ont orienté le débat architectural et l’enseignement dans les écoles. Reste à s’interroger sur la confrontation et le croisement de ces problématiques avec les urgences qui sont celles de ce nouveau siècle. Et ce, malgré quelques bribes ou pistes de réflexions, analyses prospectives déjà en germe dans les écrits plus anciens, comme sur la question énergétique par exemple. Il ne faudrait pas que la revue se contente d’enregistrer en instantané l’évolution de l’athlète en train de s’élancer, proposant une scène quelque peu figée, suspendue, à l’image des séries de décompositions photographiques du mouvement d’Eadweard Muybridge. À la nouvelle génération, comme celle qui écrit dans les pages de Marnes, de désigner avec la même précision la continuité du mouvement ? Ce que l’on peut souhaiter à ce produit qui frôle parfois la perfection, tant dans son contenu que dans sa réalisation en tant qu’objet imprimé, c’est précisément de poursuivre la recherche dans les champs plus ou moins connus de la pensée architecturale, afin de repérer ces instants qu’auraient prévu, extrapolé et situé l’architecture par rapport au changement de paradigme que le XXIe siècle est en train d’imposer avec une cruauté (morale) d’autant plus grande qu’elle se projette sur le fond de notre conscience (historique) profondément marnée.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search