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Jean-Nicolas Servandoni D’Hannetaire et ses filles, gloires du théâtre de la Monnaie

Jean-Nicolas Servandoni D’Hannetaire and his Daughters, Glories of the Théâtre de la Monnaie
Jean-Philippe Van Aelbrouck

Résumés

Cet article est un essai de reconstitution biographique autour de trois personnages emblématiques de la scène théâtrale bruxelloise : Jean-Nicolas Servandoni, dit D’Hannetaire, fils caché de l’architecte Servandoni, qui fut directeur du théâtre de la Monnaie, et ses filles Eugénie et Angélique, qui jouèrent à Bruxelles et à Paris. À l’aide de documents d’archives, inédits pour la plupart, nous suivons la vie de ces trois artistes en France et dans les Pays-Bas autrichiens. Les aspects privés et publics sont évoqués, ainsi que les liens qui unissent la famille à l’aristocratie bruxelloise, notamment au prince de Ligne, à Charles-Alexandre de Lorraine et au vicomte Desandrouins. Les gazettes et autres ouvrages contemporains livrent leurs appréciations, tantôt élogieuses et tantôt acerbes, sur leurs jeux d’acteurs et sur leurs trains de vie respectifs. Figures marquantes de la vie bruxelloise, D’Hannetaire et ses filles ont durablement laissé leurs empreintes dans l’histoire du théâtre.

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Notes de la rédaction

Nous remercions Cyril Pasquier pour la traduction en français des citations latines.

Texte intégral

Jean-Nicolas Servandoni D’Hannetaire

Fig. 1. Vincenzo Vangelisti, d’après Charles Monnet, Servandoni D’Hannetaire, 1776, gravure, 15,8 × 10,5 cm. Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, PC 28453.

Fig. 1. Vincenzo Vangelisti, d’après Charles Monnet, Servandoni D’Hannetaire, 1776, gravure, 15,8 × 10,5 cm. Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, PC 28453.

Permalien : https://bibliotheque-numerique.inha.fr/​idurl/​1/​13285

© Institut national d’histoire de l’art

  • 1 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 177, note.
  • 2 Liebrecht 1932, p. 60.
  • 3 Exposition d’un divertissement… [1744].

1On ne sait rien de l’enfance ni de la jeunesse de Jean-Nicolas Servandoni, qui prendra le nom de scène de D’Hannetaire. Henri Liebrecht puis Carlo Bronne affirment qu’il était destiné à l’état ecclésiastique, se basant sur les dires de Chevrier : « Il portoit autrefois le petit collet sous le nom de l’Abbé Servandoni1 ». On ne sait pas non plus d’où Liebrecht tient le fait qu’il joua vers 1743 au château d’Arolsen, chez le prince Charles-Auguste de Waldeck2. La première trace concrète qu’on a de lui est son passage à Liège en novembre 1744 : il y fait représenter un « divertissement nouveau de chants et de danses » à l’occasion de l’anniversaire du prince-évêque Jean-Théodore de Bavière. Les danses sont du maître à danser Noël Boudet, les interprètes sont Mlle Danicourt (Melpomène), compagne de D’Hannetaire, Mlles Henri, Boudet et son fils (Apollon)3.

2Chevrier raconte qu’en 1744 D’Hannetaire fut jeté en prison à Gand :

  • 4 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 118.

En 1744, il s’avisa de se rendre de Bruxelles à Gand dont les François étoient maitres, pour y debaucher quelques acteurs attachés à la troupe du Maréchal de Saxe ; le Gouverneur instruit de son arrivée, pretendit que le Duc d’Aremberg avoit envoyé le Sieur d’Hennetaire à Gand sous ce pretexte, mais en effet pour y epier les discours & les démarches des François, & il le fit emprisonner ; sa femme étoit aimable & jolie, on le delivra4.

  • 5 Liebrecht (1932, p. 54) lit « Fontantiny ».

3D’Hannetaire avait été baptisé à Grenoble le 4 novembre 1718, né la veille de Jean-Nicolas « Servandon dit Jerolamy5 », peintre, et de Marie-Josèphe Gravier, « se disant de Florence ». Voici l’acte de baptême complet :

  • 6 Grenoble, archives municipales, registre GG 102 (paroisse Saint-Hugues-Saint-Jean).

Le quatrieme octobre nove mil sept cent dix huit j’ay baptisé Jean Nicolas [D’Hannetaire] né hier fils de sieur Jean Nicolas Servandon dit Jerolamy peintre et de damoiselle Marie Josephe Gravier mariés se disant de Florence. Le parrain Claude Allemand marchand. La marraine damoiselle Catherine Jognard femme de sieur Jaques Bournat aussy marchand, en presence des soussignés avec les parties non le pere pour estre absent. [signé] Allemand, Catherine Bornat, Teyssier, Jomaron Layné, M. Teyssier, Lescuyer, De Beauregard vicaire6.

4On a longtemps cru que le grand Servandoni était son oncle, mais de récentes découvertes de Jérôme de La Gorce ont établi leur filiation directe.

5Le 1er janvier 1745 est baptisé à Liège le fils de D’Hannetaire, François-Hubert :

  • 7 Liège, Archives de l’État, registre 167 (paroisse Saint-Jean-Baptiste) : « A été baptisé François H (...)

Baptisatus fuit Franciscus Hubertus filius illegitimus Jõis Nicolaÿ Servandoni d’hannetere et Marguaritæ Huet dicta d’hannicourt. Suscip. Francisco Arnoldo Degrailet Chorez Canonico de Wassemberg et Magdalenâ Hubertinâ Lefebre uxore Michaëli Timone [?] Henry7.

6Il mourra avant 1758. Un mois et demi plus tard, le 17 février, D’Hannetaire épouse sa compagne Marguerite-Antoinette Huet, dite Danicourt, à la paroisse Saint-Georges de Liège. Les témoins sont des comédiens de la troupe :

  • 8 Ibid., registre 149 (paroisse Saint-Georges) : « Le 17 février 1745, les trois publications ayant é (...)

Anno dñi 17â feb. 1745 Tribus denuntiationibus præmissis per permissionem illmi Comitis de Rougrave vicarii gener. Leod. supra Legalizatione Testimoniorum libertatis personarum, de quibus die 23 januarii proxime elapsi; quarum prima facta est dñâ incidente in 29am jan. 2da dominicâ incidente in ejusdem 31 3a die purificationis B.M.V. incidente in 2am feb. currentis inter missæ parochialis solemnia, nulloq. legitimo impedimento detecto ego M.J. Ponthier rector ecclesiæ parochialis S. Georgii Leod. d. Joannem Nicolaum Servandoni communiter dictum Dannetaire juvenem et d. Margaritam Antoniam Huet communiter dictam Dannicourt filiam nostros mutuo eorum consensu per verba de præsenti coram me præstito et habito in ecclesiâ nostrâ matrimonio conjunxi præsentibus testibus d. Georgio Ludovico du Rosoy de Grandville juvene ex parochiâ S. Eustachii Parisiis et d. Thomâ Defleche juvene ex parochiâ S. Romani Burdigalæ, et dllâ Elizabethâ Protin relictâ d. Joannis Huet ex parochiâ S. Eustachii Parisiis, modo nostra, et pluribus aliis; postea ex ritu S. matris ecclesiæ eis benedixi. Quod Testor per extractum, et appositionem sigilli mei ordinarii anno, mense et die, quibus supra. M.J. Ponthier pastor S. Georgii Leod8.

  • 9 Bruxelles, Archives de l’État en Belgique (désormais AEB), Tribunaux auliques, liasse 2402.
  • 10 Spectacle de Bruxelles 1767, p. 62.
  • 11 Bruxelles, AEB, Tribunaux auliques, liasse 2402.

7Arrivé à Bruxelles dans le courant de l’année 1745, D’Hannetaire prend la direction du théâtre de la Monnaie à la mi-octobre9 et débute comme comédien par le rôle-titre du Comte d’Essex de Thomas Corneille10. Lorsque Charles-Simon Favart se voit confier la direction du théâtre par Maurice de Saxe l’année suivante, D’Hannetaire est engagé dans la nouvelle troupe. Après la fuite des troupes françaises fin 1748, D’Hannetaire reprend la direction du théâtre dès le 6 décembre11, mais il la cédera à Jean-Benoît Leclair quelques mois plus tard.

8Le 6 janvier 1746 est baptisée Marie-Louise-Philippine-Eugénie :

  • 12 Bruxelles, Archives de la ville, registre 469 (paroisse Saint-Nicolas) : « A été baptisée Marie Lou (...)

Bapta est Maria Ludvina Philippa Eugenia filia dni Joannis Nicolai Servandoni communiter dicti Dannetaire [D’Hannetaire], et d Margarethæ Antoniæ Huet, communiter dictæ Danicourt conjugum, quam susceperunt Joseph Ellouar, nomine Excellentissimi dñi NN..... Comitis de Lannoy Gubernatoris hujus Civitatis etc. etc., et Clara Gatnoff no[min]e Excellentissimæ dñæ Mariæ Ludvinæ Philippæ d’Esch, uxoris Excellentissimi dñi Caroli Urbani Chanclos Gubernatoris Civitatis Ostendanæ etc. etc. [En marge :] Nota per extractum matrimonii de die 17 februarii (non tamen legalezatum) apparet hos Servandoni et Huet esse conjugatos coram R. dñe M.J. Pontoir [sic] pastore S. Georgii Leodii12.

  • 13 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7456 (notaire Le Boucq).
  • 14 On y relève les signatures de Claude Andry, d’Hannetaire, Jacques Dubois, Jacques-François Garnier, (...)
  • 15 Bruxelles, Archives de la ville, registre 450 (paroisse du Finistère).

9Le 18 mars 1746, D’Hannetaire est témoin de la signature du contrat de mariage de Xavier-Richard de Rozée, « ecuier ci devant lieutenant de vaisseaux », et de Marguerite Gauchez. Plusieurs comédiens signent avec les époux13, permettant ainsi de reconstituer une partie de la troupe de Bruxelles14. Le mariage est célébré à l’église du Finistère le 26 mars15.

  • 16 Ibid., registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).
  • 17 Ibid., registre 165 (paroisse Sainte-Gudule).

10Le 17 janvier 1747, le couple D’Hannetaire donne naissance à Maurice-Alexandre. Le parrain est le lieutenant-général des armées françaises Charles-Paul de Montmorency-Luxembourg, duc de Boutteville, au nom de Maurice de Saxe16 ; il mourra à Bruxelles six mois plus tard17.

  • 18 Ibid., registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).

11Le 25 mai 1748, le couple donne encore naissance à Pierre-Charles-François. Le parrain est le comte d’Aubeterre, marquis de Jonzac, capitaine au régiment de Villeroy18. Il mourra avant 1758.

  • 19 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7456 (notaire Le Boucq).

12D’Hannetaire se révèle rapidement habile en affaires et le Notariat de Brabant est rempli de ses tractations, prêts, emprunts et autres mouvements de fonds. Le 23 mars 1748, il prête la somme de 20 292 livres 16 sols argent de France à Pierre Marquet de Peyre, « munitionnaire general des vivres de armees du Roy », qui s’engage à la rembourser dans les cinq ans19.

13Le 13 décembre 1748, Lebrun, probablement liquidateur des affaires de Favart à Bruxelles, écrit :

  • 20 Paris, archives de la Comédie-Française, dossier Favart.

A propos de Dhannetaire il a pris hier la poste pour se rendre a Anvers afin de parler au Duc d’Aremberg et cela sur une lettre que lui a ecrite le Duc d’Ursel. Il doit etre de retour pour la Comedie. Il y a grande apparence que c’est pour l’engager a former une troupe pour l’hyver20.

  • 21 Lagrave et Rouyer 1985, p. 265.
  • 22 Ibid., p. 137 et 139.

14D’Hannetaire quitte Bruxelles dans le courant de l’année 1749 et se rend à Bordeaux puis à Toulouse. La directrice, Angélique Destouches, remplit le théâtre de Bordeaux durant les étés 1749, 1750 et 1751. Considérée comme une excellente gestionnaire, elle donne 543 représentations de comédie en deux ans, pour une recette de 247 601 livres21. La troupe d’opéra de Bordeaux va traditionnellement jouer à Toulouse l’été, tandis que la troupe de comédie y va l’hiver. Ces deux troupes alternent donc leur répertoire entre Bordeaux et Toulouse. Pareillement, les privilèges sont octroyés pour Bordeaux, Toulouse « et autres villes de la Guyenne et du Languedoc22 ». Depuis quelques années en effet, les troupes qui obtiennent l’autorisation de jouer à Bordeaux y passent une partie de l’année, puis vont représenter à Toulouse :

  • 23 Bordeaux, archives départementales, C 18, correspondance de l’Intendance avec les Ministres de la C (...)

M. le Duc de Richelieu a formé depuis quelques tems le projet de faire rouler un opera de 6 en 6 mois alternativement entre les villes de Bordeaux et de Toulouse, de façon qu’on l’eut icy depuis le premier octobre jusqu’au dernier mars, et à Toulouse le reste de l’année23.

15C’est ainsi qu’à la fin de l’été, on peut supposer que Mme D’Hannetaire aura préféré attendre la fin de sa grossesse à Toulouse, alors que son mari joue à Bordeaux. Angélique est baptisée à Toulouse le 23 septembre 1749 :

  • 24 Toulouse, archives municipales, GG 326 (paroisse Saint-Étienne).

Marie Angelique fille du Sr Jean Nicolas Dannetaire et de Delle Marguerite Huet mariés née le jour d’hier a eté Baptisée le vingt troisieme de septembre de l’année mil sept cent quarante neuf, elle a eu pour marraine Jeanne Marie Peletan qui a signé avec nous le pere d’ici absent24.

  • 25 Bordeaux, archives municipales, GG 100 (paroisse Saint-André).

16On ne connaît pas précisément la composition de la troupe que Mme Destouches avait réunie durant ces trois années, mais il est intéressant de constater, par les registres paroissiaux, que D’Hannetaire avait fait la connaissance à Bordeaux de comédiens qui le suivront à Bruxelles. C’est le cas de Gourville, futur directeur du Grand Théâtre lui aussi, qui fait baptiser sa fille Angélique-Victoire le 23 juin 1750. La marraine est la directrice Angélique Poncet-Destouches25.

  • 26 Bayonne, archives municipales, GG 93 (paroisse Notre-Dame).

17À Bayonne le 19 novembre 1750, D’Hannetaire est témoin au baptême d’un fils illégitime de Louis Mercier de Montplan, filleul de Louis XV et futur fermier général26.

18À Bordeaux le 25 juin 1751 est baptisée Charlotte :

  • 27 Bordeaux, archives municipales, GG 101 (paroisse Saint-André).

Dudit jour [25 juin 1751] a eté baptisée Charlote fille legitime de mr Jean Nicolas Dhannetaire musicien, et de mlle Marguerite Huet Danicourt paroisse St Eloy parrein mr François Rey marreine mlle Charlote Bertrand née ce matin à six heures. [Signé] Dhannetaire père, Bertrand, Rey27.

  • 28 Paris, archives de la Comédie-Française, dossier Z0215.

19À son retour de Bordeaux vers Bruxelles, D’Hannetaire s’arrête à Paris où il débute à la Comédie-Française. Le 15 avril 1752, il reçoit l’ordre de début suivant : « Nous duc de Fleury […] ordonnons le début du Sr Dennetere dans les Rolles qui pourroient luy convenir28 ».

20Reprenant les commentaires du Mercure de France de juin 1752, un petit almanach théâtral bruxellois note :

  • 29 Almanach historique..., année 1754, fo L 3vo.

Le 27 Avril 1752, M. d’Hannetaire, l’un de nos meilleurs Comediens de cette Ville pour les Rôles à manteau, de Crispin & pour les grands & troisiémes Rôles dans lesquels il excelle, venant de Bourdeaux pour se rendre ici, s’arrêta quelques jours à Paris où il representa sur le Théatre de la Comedie Française avec de grands aplaudissemens le Rôle d’Orgon dans le Tartuffe, & les jours suivans ceux d’Arnolphe dans l’Ecole des Femmes, d’Arpagon dans l’Avare, & d’Orgon, dans la petite Piéce du Consentement forcé ; on lui trouva de la voix, beaucoup de naturel, & [de] l’intelligence dans son jeu29.

  • 30 Ibid., année 1755 (non paginé).

21En 1754-1755, il tient « tous les rôles à manteaux, Crispins & Marquis ridicules, & les troisièmes rôles dans le tragique30 ».

  • 31 Bruxelles, Bibliothèque royale, livrets des pièces (dont la cote Faber 2047 A Mus.).

22Voici les principaux rôles qu’il interprète à Bruxelles durant cette période31 :

  • (rôle non précisé) dans Cythère assiégée de Favart, 28 février 1753 ;

  • Orgon dans L’École des tuteurs de Rochon de La Vallette, 1754 ;

  • Dorimont dans Bertholde à la ville d’Anseaume et Lattaignant, 28 juin 1755 ;

  • La France dans Le Trompeur trompé de Fuzelier, 28 juin 1755 ;

  • un mandarin dans Le Chinois poli en France d’Anseaume, 23 août 1755 ;

  • Crispin dans Les Amans trompés d’Anseaume et Marcouville, 1756 ;

  • Roger Bontems dans L’Enfant gâté de Destouches, 1756 ;

  • Colas dans Ninette à la cour de Favart, 30 janvier 1756 ;

  • le génie Radotos dans Le Triomphe de la musique italienne de Gaubier, 6 mai 1756 ;

  • Xiao dans Les Chinois de Favart, 17 juillet 1756 ;

  • Clarinel dans Le Maitte [sic] de musique de Baurans, 1757 ;

  • Maître Jacques dans Le Diable à quatre de Sedaine et Philidor, 12 mars 1757.

  • 32 Bruxelles, Archives de la ville, registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).
  • 33 Ibid., registre 441 (paroisse du Finistère).
  • 34 Ibid., registre 457 (paroisse du Finistère).

23En 1758, D’Hannetaire aura eu huit enfants, dont les deux derniers sont baptisés à Bruxelles le 1er janvier 1753 (Philippe32) et le 1er novembre 1757 (Louis-Thérèse-Dominique33). Il en aura perdu six et ne survivent que ses deux filles. Pour cinq d’entre eux, on ignore où et quand ils sont décédés. Trois ans plus tard, Mme D’Hannetaire meurt et elle est enterrée au cimetière de Haren34.

  • 35 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7568 (notaire Lindekens).
  • 36 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 116.
  • 37 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 8423 (notaire De Jonge).

24Le 26 février 1759, D’Hannetaire acquiert la baronnie de Haren. Cela n’en fait pas pour autant un « baron », mais un « seigneur35 »… S’il n’a jamais demandé ni obtenu le titre de baron, Chevrier le qualifie pourtant de « baron à brodequin36 ». Son épouse meurt le 31 janvier 1761 et D’Hannetaire revend le domaine le 27 décembre 176537. Il y avait fait ériger une statue en pied de Charles de Lorraine, flanquée des figures de ses filles et de ses cousines :

  • 38 Jeanne-Étiennette du Tarte, dite Mlle Rosalide (1740-1788), cousine de d’Hannetaire, actrice au thé (...)
  • 39 Victoire Titinon, dite Mlle Victoire, nièce de d’Hannetaire, danseuse au théâtre de la Monnaie en 1 (...)
  • 40 [Chevrier] 1762, p. 222-223.

[…] le Comédien s’écartant du respect, a l’audace insolente de mettre dans les Nouvelles publiques que les figures de ses filles & de ses cousines vont être placées aux quatre coins de la Statue. Ne rougit-on pas donner une pareille compagnie à ce grand Prince ? Sa Statue devoit être entourée de Minerve, de Thémis, de la Bienfaisance & de la Prudence, mais que veut-on substituer à ces quatre divinités, compagnes inséparables de S. A. R. Une Rosalide38 Nimphe pouliniere, qui n’est point assez chaste pour représenter une Muse, une Eugenie, une Victoire39 & une Angelique, disposées par la nature & par leur état, à ne jamais dementir les vertus de la famille40.

  • 41 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7571 (notaire Lindekens).

25Le 6 août 1762 comparaissent par-devant le notaire Lindekens « Monsr Jean Nicolas Servandony, Chevalier de l’ordre militaire de Christ, architecte de l’accademie Royal &c. […] et Monsr Jean Nicolas Servandony Dhannetaire Seigneur d’Haren &c. » : Servandoni doit à D’Hannetaire, depuis 1741, la somme de 4 034 livres seize sols de France. Il oblige « sa personne et biens et specialement les pretentions qu’il a actuellement et peut avoir par la suitte des ouvrages ou dessins qu’il a fait pour feu Son Altesse Electorale de Baviere Archeveque de Cologne, portant deux cent cinquante Louis d’or, pour encore la pension de cent Louis qu’il doit recevoir annuellement a charge de l’Eglise de St Suplice [sic], pour encore le produit de l’estimation fait des dits ouvrages pour le quel il est en proces contre monsieur Duleau Dallemand Curé de laditte paroisse de St Suplice41 ».

26Par une lettre datée de Brême le 26 avril 1762, un correspondant écrit à Chevrier :

  • 42 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 70-72.

Je ne sais, Monsieur, si le Théatre Français veut s’étendre dans cette partie de l’Allemagne, le Sieur d’Hennetaire attaché à la Comédie de Bruxelles vient d’arriver ici, on croit que c’est pour y solliciter la permission d’y amener une troupe, si les Magistrats l’accordent, je me ferai un plaisir de vous informer de ce qui se passera42.

27D’Hannetaire se ravise pourtant et revient à Bruxelles.

28En 1768, il renonce au théâtre en ces termes :

  • 43 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 5117 (notaire Warré).

Ce jourdui le vingt quatre Mars mil sept cent soixante et huit est comparu pardevant moi soussigné Jean Louis Warré notaire admis au conseil souverain de Sa Majesté Imperiale et Royale Apostolique ordonné en Brabant residant à Bruxelles et en presence des temoins cy après denommés Sieur Jean Nicolas D’Hannetaire connu en qualité d’acteur et de directeur associé des Spectacles de cette ville, lequel en vertu d’un ancien usage de la commedie, au quel il n’a point eté specialement derogé par l’article vingt huit des Statuts de la troupe de Son Altesse Royale, a declaré comme il declare par cette de la maniere la plus solemnelle, avoir dès ce jour bien et duement renoncé au theatre et à tous exercices y adjacens, avec promesse authentique de ne plus reparoitre de sa vie sur la Scene publique, soit pour son interet personnel, soit pour quelqu’autre consideration que ce puisse etre (à moins que ce ne fut pour le seul et unique profit des pauvres si jamais il en etoit requis), se soumettant en cas de defaut à tous depens dommages et interets envers qui il appartiendroit conformement aux clauses et conditions usitées en pareil cas suivant le susdit usage de la commedie43 [...].

29Notons que c’est l’unique cas de renonciation officielle attesté dans les Pays-Bas autrichiens.

  • 44 Hedgcock 1911, p. 160 et 227 ; Liebrecht 1932, p. 122.

30En 1772, D’Hannetaire publie Observations sur l’art du comédien, sans lieu ni date. L’ouvrage sera réédité à cinq reprises, à Paris et sous son nom, en 1774, 1775, 1776, 1778 et 1800. De Paris, il en envoie un exemplaire au célèbre acteur anglais David Garrick, « le soumettant au tribunal de votre censure, comme à la véritable pierre de touche de tout ce qui a rapport au théâtre en général ». Garrick omet de lui répondre et charge l’ancien directeur de théâtre Jean Monnet d’aller le remercier à Paris : « J’ai découvert avec peine ce M. d’Hannetaire de Bruxelles », écrit Monnet à Garrick. D’Hannetaire habitait une maison située rue des Batailles à Chaillot. C’est là que Monnet le trouve à l’été 177544.

  • 45 Paris, Archives généalogiques Andriveau, mariages parisiens, fiche en ligne sur le site Filae (http (...)

31Le 10 juin 1775, D’Hannetaire épouse en secondes noces à Paris, paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, la Bruxelloise Catherine Janssens45.

32Le couple revient à Bruxelles en 1776 et D’Hannetaire continuera à vendre et acquérir des immeubles jusqu’à sa mort. Son acte de décès est établi le 4 janvier 1780 à la paroisse Sainte-Gudule :

  • 46 « Een lyck met 16 heeren ad S. Gudulam in Templo Mynheer Joannes Nicolaus Servandoni D’Hannetaire l (...)

Un cadavre avec 16 hommes à Ste-Gudule dans le temple, Monsieur Jean Nicolas Servandoni D’Hannetaire, dernièrement marié à Catherine Janssens, décédé le 1er de ce mois vers les 5 heures du soir à l’âge de 61 ans, habitant la maison de verre sur la chaussée de Schaerbeek46.

33Laissons le dernier mot au comédien Dazincourt, qui fit ses premiers pas à Bruxelles sous la houlette de D’Hannetaire :

  • 47 H. A. K***S [Henri-Alexis Cahaisse] 1810, p. 20-21.

La maison de Dhannetaire, père de trois filles charmantes, et toutes les trois attachées au spectacle, où elles réunissaient tous les genres de talens, étaient la seule qu’il fréquantât […]. Quatre-vingt mille livres de rente que possédait Dhannetaire, mettaient nécessairement une différence entre lui et les autres comédiens, relativement au choix de sa société ; quoi qu’on puisse dire avec justice, qu’à l’époque dont nous parlons, les comédiens du prince Charles méritaient une distinction particulière d’avec tous les comédiens de province ou de l’étranger. Le prince de Ligne, ami et protecteur des arts et des talens, faisait un ca particulier de Dhannetaire, et venait souvent se délasser chez lui du cérémonial auquel l’obligeait le rang distingué qu’il occupait à la Cour de Bruxelles. Plusieurs autres seigneurs de cette Cour suivaient l’exemple du prince ; et la maison de Dhannetaire était leur rendez-vous, ainsi que celui des hommes de mérite que renfermait la ville. Cette maison était un véritable athénée dans lequel un des passe-temps le plus agréable était de jouer des comédies improvisées, dont le sujet n’était donné qu’au moment où on avait décidé de les jouer. Dhannetaire avait certainement une habitude et une connaissance du théâtre qui auraient dû le mettre au rang du premier improvisateur ; et dans la vérité, il méritait des éloges par la manière dont il créait son rôle47.

Eugénie D’Hannetaire

Fig. 2. Juste Chevillet, d’après un tableau de A. Legendre, La Jeune Sultane, vers 1770, portrait gravé d’Eugénie D’Hannetaire, 437 × 324 cm. Wolfenbüttel, Herzog Anton Ulrich Museum.

Fig. 2. Juste Chevillet, d’après un tableau de A. Legendre, La Jeune Sultane, vers 1770, portrait gravé d’Eugénie D’Hannetaire, 437 × 324 cm. Wolfenbüttel, Herzog Anton Ulrich Museum.

Permalien : http://kk.haum-bs.de/​?id=chevillet-j-ab2-0005

CC BY-NC-SA 4.0

  • 48 Bruxelles, Archives de la ville, registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).

34Fille aînée de D’Hannetaire, Marie-Louise-Philippine-Eugénie Servandoni naît à Bruxelles le 6 janvier 1745. Son parrain est le comte de Lannoy, gouverneur de la ville de Bruxelles, et sa marraine, la comtesse de Chanclos, femme du gouverneur de la ville d’Ostende48.

  • 49 Annonces et avis divers des Pays-Bas du 4 décembre 1761.
  • 50 [Chevrier] 1762, t. II, p. 253.

35Dès l’âge de huit ans, elle tient des rôles d’enfant dans la comédie, sur les planches du théâtre de la Monnaie. Sa première apparition remarquée comme danseuse a lieu le 14 décembre 1761, dans les pantomimes de Laurent Felicini Colin Maillard, Les Forgerons et la parodie de Ninette49. Dans la danse, elle est « mise, je ne sais trop pourquoi, au rang des premières danseuses », écrit Chevrier50. En revanche, elle joue surtout « les soubrettes en chef », emploi qu’elle conservera jusqu’à son départ de Bruxelles.

  • 51 Spectacle de Bruxelles 1768, p. 87.

36Le 2 mai 1767, elle danse encore dans La Fête chinoise, ballet de Saint-Léger, au sujet duquel l’auteur du Spectacle de Bruxelles écrit : « Mlles Rosalide et Eugénie d’Hannetaire y ont exécuté un pas de trois avec Mme Granier, et on a remarqué qu’elles n’ont pas moins de talents pour les amusements joyeux de Terpsicore que pour les leçons de l’aimable Thalie et de la sévère Melpomène51»

  • 52 Ligne 1922.
  • 53 Ibid., p. 125.

37L’admiration sans borne que lui voue le prince de Ligne apparaît en évidence dans le livre qu’il fait paraître en 1774 sous le titre Lettres à Eugénie sur les spectacles52. Vingt-deux ans plus tard, le prince en remaniera le contenu et intitulera cette seconde édition Lettres à Eulalie. S’il ne dit rien de la danseuse, il trouve en revanche la femme et l’actrice « pleine de goût, de tact, d’esprit et de connaissances » et, s’adressant à elle : « c’est à votre talent [que j’écris], qui est très rare, très décidé, très éclairé surtout. Si c’était à votre âme, j’en dirais encore plus de bien53 ».

  • 54 Paris, Archives généalogiques Andriveau, mariages parisiens, fiche en ligne sur le site Filae (http (...)
  • 55 Paris, Archives de la ville, état civil reconstitué.

38Mlle Eugénie quitte Bruxelles en 1773, en compagnie du comédien Jean Mauduit, dit Larive, qu’elle épousera à Paris le 18 juin 1775. Le couple s’installera à Paris, où les époux divorceront le 18 septembre 179454. Elle décède à Paris dans la nuit du 22 au 23 février 1816, dans le 11e arrondissement55.

Angélique D’Hannetaire

Fig. 3. Gilles-Lambert Godecharle, Angélique D’Hannetaire, 1781, buste en terre cuite. Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, inv. 3140 A.

Fig. 3. Gilles-Lambert Godecharle, Angélique D’Hannetaire, 1781, buste en terre cuite. Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, inv. 3140 A.

https://www.fine-arts-museum.be/​fr/​la-collection/​gilles-lambert-godecharle-angelique-d-hannetaire-comedienne-1749-1822

© Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles / photo : J. Geleyns - Art Photography

  • 56 Annonces et avis divers des Pays-Bas du 22 décembre 1761.

39La carrière théâtrale d’Angélique, la cadette, débute quelques jours après celle de sa sœur. Elle apprend le métier de comédienne et de chanteuse avec le musicien Ignace Vitzthumb et, le 23 décembre 1761, elle se produit dans « la Servante Maitresse, Opéra-Bouffon executé Par Mlle Angelique d’Hannetaire, & le Sr Bultos, Eleves de Mr Witzhumb56 ».

40Elle fait bientôt partie de la troupe officielle et on peut lire dans l’almanach du Spectacle de Bruxelles pour l’année 1767 :

  • 57 Spectacle de Bruxelles 1767, p. 65-66.

[Elle] a commencé dès l’enfance à représenter sur ce Théatre. Elle joue les rôles d’amoureuses & chante ceux de duegnes dans les Opéra-Bouffons. Elle a Part entiere57.

41Ainsi, lorsqu’en juin 1766, sous l’impulsion de D’Hannetaire, se constitue la troupe des « Comédiens ordinaires de S. A. R. le prince Charles de Lorraine », Angélique en est l’une des quinze sociétaires.

  • 58 Bruxelles, Archives de la ville, registre 121 (paroisse Sainte-Gudule).

42Maîtresse de Jean-Marie Stanislas vicomte Desandrouins, propriétaire de la Compagnie des mines d’Anzin, Angélique accouche secrètement par trois fois. Anne-Josèphe est baptisée le 4 avril 1768, Zacharie-Stanislas, le 7 septembre 1769 et décède à vingt et un mois, Louise-Eugénie-Lucie, le 7 novembre 1770. Ces trois baptêmes sont célébrés dans la plus grande discrétion à Sainte-Gudule et enregistrés dans le « regestum secretum58 ». Dans les registres officiels de Sainte-Gudule, la mère est nommée « Marie-Angélique Le Roy », tandis que le père n’est pas mentionné. Les deux filles seront connues sous le titre de « Mesdemoiselles de Fontenelles ».

43Le public et la critique apprécient particulièrement le jeu d’Angélique et plusieurs documents attestent de l’intérêt qu’on lui témoigne. Ainsi, un pamphlétaire anonyme écrit en 1774 :

  • 59 Essais sur l’étude du comédien…, p. 39.

Mlle Angelique, fille du célébre d’Hennetaire, intéresse par sa figure. Sa voix est flexible & sonore. Elle la dirige avec beaucoup d’art & de goût ; mais sur la Sçene elle se permet quelques négligences, une démarche familiere & souvent des distractions, & du froid dans son jeu. [...]. Il est certains rôles qu’elle rend avec intérêt & avec vérité, il en est d’autres où il semble que ses graces doivent lui tenir lieu des talens de l’action. Le Spectateur aime à voir une Actrice toujours occupée de son rôle : il ne s’intéresse point aux conversations des Loges qui avoisinent le Théâtre59.

44La Place écrit en 1776 dans le Mercure de France :

  • 60 Mercure de France, avril 1776 (supplément), p. 161-162. Le même texte figure dans Favart 1808, t. I (...)

On a représenté à la fin de Février dernier, sur le théâtre de Bruxelle, la Comédie de la Belle Arsène, par M. Favart, musique de M. Monsigni.

Cette pièce a eu les suffrages & les applaudissemens de la Cour & des spectateurs, qui étoient en grand nombre.
Le rôle d’Arsène, chanté & joué par Madame Angélique d’Annetaire, avec toute la noblesse, les grâces & l’intelligence qu’exigent les sentimens contrastés qu’elle éprouve, & rendus encore plus touchans par un organe aussi brillant & aussi léger que sensible, a réuni tous les suffrages en faveur d’une Actrice dont les progrès, sur-tout depuis deux ans, sembloient même avant ce jour, avoir rempli les vœux des plus délicats connoisseurs60.

  • 61 Céphalide ou les Autres Mariages samnites, opéra-comique en trois actes, 1777, Bruxelles, J. L. de (...)

45En 1777, elle tient le rôle principal dans Céphalide ou les Autres Mariages samnites, un opéra-comique en trois actes écrit par le prince de Ligne, sur une musique d’Ignace Vitzthumb et Jean Cifolelli61.

  • 62 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 8854, 5 décembre 1774 (notaire Van Cauwelaert (...)

46C’est donc en gestionnaire de fortune que D’Hannetaire vend en viager à Angélique une maison située rue du Damier à Bruxelles. Cette « belle et grande maison nouvellement edifiée » consiste en « une nouvelle salle à manger de trente piés de longueur et une cuisine à peu près de même grandeur avec bascour, remises, ecuries et jardins y adjacens et toutes ses ap[pendances] et dependances avec les meubles boiseries tapisseries etc. qui ont été évalués à six mille florins de change, telle qu’elle est ». Le même jour, le vicomte Desandrouins se porte caution pour le paiement de la rente viagère annuelle62.

  • 63 Bruxelles, AEB, Conseil privé autrichien 1052A et Secrétairerie d’État et de Guerre 2133/2. Nouvel (...)

47La carrière d’actrice d’Angélique s’arrête en 1779 : on rencontre son nom pour la dernière fois dans la liste d’appointements des comédiens pour la saison 1779-1780. Elle gagne 6 000 florins pour interpréter les premiers rôles mais, en cours de saison, elle sera remplacée à cet emploi par Mlle Valville63.

  • 64 Bruxelles, AEB, Tribunaux auliques 3160 (créance Bultos).

48Angélique demeure encore à Bruxelles jusqu’en 1784 au moins, comme en témoigne la liste des « Pensionnaires de l’octroi » établie au mois de juin64.

49La gazette du 14 janvier 1785 annonce la mise en vente de ses effets :

  • 65 Annonces et avis divers des Pays-Bas autrichiens du 14 janvier 1785.

On vendra jeudi prochain 2 du courant, dans la maison ci-devant occupée par Mlle d’Henntaire, rue Neuve, vis-à-vis le Finistere, une quantité de meubles, savoir : ottomanes, lit de repos, fauteuils, chaises, commodes & encoignures de laque & autres, plusieur secrétaires de différentes formes, chiffonniers, tables à la Dubarry, à écrire, à déjeuner & en chiffonniere, trictrac, toillettes [sic], rouets à filer ; une machine à électriser dans un coffre de bois de mahony, armoires, buffets, lustres, lanternes dorées d’or moulu, bras de cheminée, pendules de cheminée & cartel, plusieurs groupes & le portrait de madame du Barry, biscuit de porcelaine de Séve [sic], girandoles ; plus 50 tilleuls de 12 à 15 ans, plusieurs clématites de 6 à 9 ans, lilas blancs & autres arbustes65.

50Elle quitte Bruxelles pour s’installer à Paris peu de temps après, c’est du moins ce que nous apprend une notice nécrologique insérée dans l’Oracle :

  • 66 L’Oracle no 148, 28 mai 1822. Cité par Faber 1878-1880, t. III, p. 361-362.

De Bruxelles, le 27 mai 1822 – Mlle Dennetaire [sic] vient de terminer sa carrière à Paris. Fille du directeur du théâtre de Bruxelles, sous le gouvernement autrichien, cette actrice a fait longtemps les délices des habitants de cette capitale. Dans ce temps, Larive brillait ici, ainsi que Dazincourt : le premier avait épousé une de ses sœurs. Mlle Angélique Dennetaire était connue par les grâces de son esprit, sa bienfaisance et par ses longues liaisons avec le célèbre prince de Ligne, mort à Vienne en 1814. Depuis longtemps fixée à Paris, sa maison était ouverte à tous les Belges qui s’y présentaient ; plus d’une fois elle leur a rendu des services qui honorent la bonté de son caractère66.

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Bibliographie

Sources imprimées

Almanach historique et chronologique de la comedie françoise, etablie à Bruxelles, 1754-1755, [Bruxelles, J. J. Boucherie], 2 vol.

[Chevrier François-Antoine], 1762, Le Colporteur : histoire morale et critique, Londres, J. Nourse.

[Chevrier François-Antoine], 1762-1763, L’Observateur des spectacles ou Anecdotes théâtrales, La Haye, H. Constapel, 3 vol (t. I, 1er janv.-15 mars 1762 ; t. II, 1er avril-15 juin 1762 ; t. III, 1er janv.-15 mars 1763).

Essais sur l’étude du comédien ou Complainte sur le théatre actuel de Bruxelles, 1774, s. l., s. n.

Exposition d’un divertissement nouveau de chants et de danses, préparé par les Comédiens sur la Fête de Son Altesse Serenissime, & exécuté sur le Téâtre de cette Ville au mois de novembre 1744, [1744], Liège, Everard Kints, 11 p., in-4o.

Favart Charles-Simon, 1808, Mémoires et correspondances littéraires, dramatiques et anecdotiques, éd. A.-P.-C. Favart, Paris, L. Collin, 3 vol.

H. A. K***S [Cahaisse Henri-Alexis], 1810, Mémoires de Dazincourt, Paris, Favre.

Ligne Charles-Joseph de, 1922, Lettres à Eugénie sur les spectacles, éd. G. Charlier, Bruxelles/Paris, H. Champion [1774, Bruxelles/Paris, Valade].

Spectacle de Bruxelles, 1767-1768, Bruxelles, J. J. Boucherie, 2 vol.

Études

Faber Frédéric, 1878-1880, Histoire du théâtre français en Belgique depuis son origine jusqu’à nos jours, Bruxelles/Paris, Fr. J. Olivier/Maison Tresse, 5 vol.

Hedgcock F. A., 1911, David Garrick et ses amis français, Paris, Hachette.

Lagrave Henri et Rouyer Philippe (dir.), 1985, La vie théâtrale à Bordeaux, Paris, Éd. du Centre national de la recherche scientifique.

Liebrecht Henri, 1923, Histoire du théâtre français à Bruxelles au xviie et au xviiie siècle, Paris, É. Champion.

Liebrecht Henri, 1932, Comédiens français d’autrefois à Bruxelles, Paris/Bruxelles, Maison du livre français/Éditions Labor.

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Notes

1 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 177, note.

2 Liebrecht 1932, p. 60.

3 Exposition d’un divertissement… [1744].

4 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 118.

5 Liebrecht (1932, p. 54) lit « Fontantiny ».

6 Grenoble, archives municipales, registre GG 102 (paroisse Saint-Hugues-Saint-Jean).

7 Liège, Archives de l’État, registre 167 (paroisse Saint-Jean-Baptiste) : « A été baptisé François Hubert, fils illégitime de Jean-Nicolas Servandoni d’Hannetaire et de Marguerite Huet dite Danicourt ; il eut pour parrain François-Arnaud Degrailet Chorez, chanoine de Wassenberg, et, pour marraine, Madeleine-Hubertine Lefebre, épouse de Michel Timone Henry. »

8 Ibid., registre 149 (paroisse Saint-Georges) : « Le 17 février 1745, les trois publications ayant été faites par autorisation de l’illustrissime comte de Rougrave, vicaire général de Liège, outre la légalisation des témoignages de liberté des personnes, le 23 janvier récemment échu – la première faite le 29 janvier, la deuxième le dimanche 31 du même mois et la troisième le jour de la Chandeleur, 2 février courant, au cours de la grand-messe paroissiale –, et, aucun empêchement canonique n’ayant été découvert, moi, M.J. Ponthier, recteur de l’église paroissiale Saint-Georges de Liège, après qu’ils eurent donné et reçu leur consentement mutuel par paroles de présent devant moi, j’ai uni par le mariage en notre église M. Jean-Nicolas Servandoni, communément dit d’Hannetaire, jeune homme, et Mlle Marguerite-Antoinette Huet, communément dite Danicourt, jeune fille, nos paroissiens, en présence des témoins M. Georges-Louis du Rosoy de Grandville, jeune homme de la paroisse Saint-Eustache de Paris, M. Thomas Defleche, jeune homme de la paroisse Saint-Romain de Bordeaux, et Mme Élisabeth Protin, veuve de Jean Huet, de la paroisse Saint-Eustache de Paris, notre paroissienne depuis peu, et plusieurs autres ; ensuite, selon le rite de Notre Sainte-Mère Église, je leur ai donné la bénédiction. J’en atteste par cet extrait et l’application de mon sceau ordinaire, en l’an, mois et jour susdits. M.J. Ponthier, prêtre de Saint-Georges de Liège. »

9 Bruxelles, Archives de l’État en Belgique (désormais AEB), Tribunaux auliques, liasse 2402.

10 Spectacle de Bruxelles 1767, p. 62.

11 Bruxelles, AEB, Tribunaux auliques, liasse 2402.

12 Bruxelles, Archives de la ville, registre 469 (paroisse Saint-Nicolas) : « A été baptisée Marie Louise Philippine Eugénie, fille de M. Jean-Nicolas Servandoni, communément dit d’Hannetaire, et de Mme Marguerite-Antoinette Huet, communément dite Danicourt, époux, dont Joseph Ellouar, au nom de son Excellence X, comte de Lannoy, gouverneur de cette localité etc. etc. et Claire Gatnoff, au nom de son Excellence Marie-Louise-Philippine d’Esch, épouse de son Excellence Charles-Urbain Chanclos, gouverneur d'Ostende etc. etc. furent les parrain et marraine. [En marge :] Note : par extrait de mariage du 17 février (cependant pas légalisé), il apparaît que M. Servandoni et Mme Huet ont été unis devant le révérend père M.J. Pontoir, prêtre de Saint-Georges de Liège. »

13 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7456 (notaire Le Boucq).

14 On y relève les signatures de Claude Andry, d’Hannetaire, Jacques Dubois, Jacques-François Garnier, Thomas Desflèches, Alexandre-Louis Langlois, Georges-Louis de Frasant, Louis Stoupe, Jacques Renaud, Henry Tabary, Jean-Baptiste Aubé et Balthazar Dufour, tous liés de près ou de loin au spectacle.

15 Bruxelles, Archives de la ville, registre 450 (paroisse du Finistère).

16 Ibid., registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).

17 Ibid., registre 165 (paroisse Sainte-Gudule).

18 Ibid., registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).

19 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7456 (notaire Le Boucq).

20 Paris, archives de la Comédie-Française, dossier Favart.

21 Lagrave et Rouyer 1985, p. 265.

22 Ibid., p. 137 et 139.

23 Bordeaux, archives départementales, C 18, correspondance de l’Intendance avec les Ministres de la Cour, lettre du 13 septembre 1744.

24 Toulouse, archives municipales, GG 326 (paroisse Saint-Étienne).

25 Bordeaux, archives municipales, GG 100 (paroisse Saint-André).

26 Bayonne, archives municipales, GG 93 (paroisse Notre-Dame).

27 Bordeaux, archives municipales, GG 101 (paroisse Saint-André).

28 Paris, archives de la Comédie-Française, dossier Z0215.

29 Almanach historique..., année 1754, fo L 3vo.

30 Ibid., année 1755 (non paginé).

31 Bruxelles, Bibliothèque royale, livrets des pièces (dont la cote Faber 2047 A Mus.).

32 Bruxelles, Archives de la ville, registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).

33 Ibid., registre 441 (paroisse du Finistère).

34 Ibid., registre 457 (paroisse du Finistère).

35 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7568 (notaire Lindekens).

36 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 116.

37 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 8423 (notaire De Jonge).

38 Jeanne-Étiennette du Tarte, dite Mlle Rosalide (1740-1788), cousine de d’Hannetaire, actrice au théâtre de la Monnaie de 1753 à 1772.

39 Victoire Titinon, dite Mlle Victoire, nièce de d’Hannetaire, danseuse au théâtre de la Monnaie en 1760 et 1761.

40 [Chevrier] 1762, p. 222-223.

41 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 7571 (notaire Lindekens).

42 [Chevrier] 1762-1763, t. II, p. 70-72.

43 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 5117 (notaire Warré).

44 Hedgcock 1911, p. 160 et 227 ; Liebrecht 1932, p. 122.

45 Paris, Archives généalogiques Andriveau, mariages parisiens, fiche en ligne sur le site Filae (https://filae.com).

46 « Een lyck met 16 heeren ad S. Gudulam in Templo Mynheer Joannes Nicolaus Servandoni D’Hannetaire lestin houwelyck met Catharina Janssens, overleden den 1en deser ontrent 5 uren savonts inden ouderdom van 61 jaeren woonende by het gelaesen huys op den Schaerbeeckschen Steenwegh », Bruxelles, Archives de la ville, registre 172 (paroisse Sainte-Gudule).

47 H. A. K***S [Henri-Alexis Cahaisse] 1810, p. 20-21.

48 Bruxelles, Archives de la ville, registre 469 (paroisse Saint-Nicolas).

49 Annonces et avis divers des Pays-Bas du 4 décembre 1761.

50 [Chevrier] 1762, t. II, p. 253.

51 Spectacle de Bruxelles 1768, p. 87.

52 Ligne 1922.

53 Ibid., p. 125.

54 Paris, Archives généalogiques Andriveau, mariages parisiens, fiche en ligne sur le site Filae (https://filae.com).

55 Paris, Archives de la ville, état civil reconstitué.

56 Annonces et avis divers des Pays-Bas du 22 décembre 1761.

57 Spectacle de Bruxelles 1767, p. 65-66.

58 Bruxelles, Archives de la ville, registre 121 (paroisse Sainte-Gudule).

59 Essais sur l’étude du comédien…, p. 39.

60 Mercure de France, avril 1776 (supplément), p. 161-162. Le même texte figure dans Favart 1808, t. III, p. 67.

61 Céphalide ou les Autres Mariages samnites, opéra-comique en trois actes, 1777, Bruxelles, J. L. de Boubers, in-8°, 37 p.

62 Bruxelles, AEB, Notariat général de Brabant, registre 8854, 5 décembre 1774 (notaire Van Cauwelaert).

63 Bruxelles, AEB, Conseil privé autrichien 1052A et Secrétairerie d’État et de Guerre 2133/2. Nouvel almanach ambigu-chantant, 1780, Gand, p. 120.

64 Bruxelles, AEB, Tribunaux auliques 3160 (créance Bultos).

65 Annonces et avis divers des Pays-Bas autrichiens du 14 janvier 1785.

66 L’Oracle no 148, 28 mai 1822. Cité par Faber 1878-1880, t. III, p. 361-362.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Vincenzo Vangelisti, d’après Charles Monnet, Servandoni D’Hannetaire, 1776, gravure, 15,8 × 10,5 cm. Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, PC 28453.
Légende Permalien : https://bibliotheque-numerique.inha.fr/​idurl/​1/​13285
Crédits © Institut national d’histoire de l’art
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/25240/img-1.jpg
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Titre Fig. 2. Juste Chevillet, d’après un tableau de A. Legendre, La Jeune Sultane, vers 1770, portrait gravé d’Eugénie D’Hannetaire, 437 × 324 cm. Wolfenbüttel, Herzog Anton Ulrich Museum.
Légende Permalien : http://kk.haum-bs.de/​?id=chevillet-j-ab2-0005
Crédits CC BY-NC-SA 4.0
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/25240/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 893k
Titre Fig. 3. Gilles-Lambert Godecharle, Angélique D’Hannetaire, 1781, buste en terre cuite. Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, inv. 3140 A.
Légende https://www.fine-arts-museum.be/​fr/​la-collection/​gilles-lambert-godecharle-angelique-d-hannetaire-comedienne-1749-1822
Crédits © Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles / photo : J. Geleyns - Art Photography
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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Philippe Van Aelbrouck, « Jean-Nicolas Servandoni D’Hannetaire et ses filles, gloires du théâtre de la Monnaie »Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne], 22 | 2022, mis en ligne le 07 novembre 2022, consulté le 21 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/crcv/25240 ; DOI : https://doi.org/10.4000/crcv.25240

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Auteur

Jean-Philippe Van Aelbrouck

Docteur en sciences sociales de l’Université libre de Bruxelles (sujet de thèse : Comédiens itinérants à Bruxelles au xviiie siècle). Recherches et publications sur le théâtre et la danse au xviiie siècle : Dictionnaire des danseurs à Bruxelles de 1600 à 1830 (Mardaga, 1994) ; « Marius Petipa, une enfance bruxelloise (1819-1835) », De la France à la Russie, Marius Petipa. Contexte, trajectoire, héritage, Slavica Occitania, numéro sous la dir. de P. Melani, no 43, 2016, p. 41-81 ; « Marius Petipa » dans Célébrations nationales : 2010 (ministère de la Culture, 2009, p. 141-142), « Noverre et la diffusion de ses œuvres à Bruxelles », Musicorum. Jean-Georges Noverre (1727-1810), un artiste européen au siècle des Lumières, no 10, 2011, p. 315-321 ; « Max Emanuels Aufentalt in Bruxelles und die Opéra du Quai au Foin (1682-1697) », dans S. Hörner et S. Werr (dir.), Das Musikleben am Hof von Kurfürst Max Emanuel (Schneider, 2012, p. 119-125).
He has a doctorate in social sciences from the Université Libre de Bruxelles (thesis title: ‘Comédiens itinérants à Bruxelles au xviiie siècle’). Research and publications on theatre and dance in the 18th century.
jphva[at]telenet.be

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