Navigation – Plan du site

AccueilMélangesArticles et études2025La Cassette de Louis XVI

2025

La Cassette de Louis XVI

Finances royales, pensions et économie domestique à la cour de Versailles
The Cassette of King Louis XVI: Royal Finances, Pensions and Domestic Economy at the Court of Versailles
Benoît Carré

Résumés

Centré sur la fin de l’Ancien Régime, cet article propose un regard inédit sur le rapport des membres de la famille royale à l’argent et, en premier lieu, à l’argent de leur « comptant ». Il dévoile les ressorts d’une dépense curiale mal connue, bien que documentée. La gestion, le paiement et l’attribution des pensions sur la Cassette de Louis XVI forment l’étude de cas qui permet de présenter l’histoire des fonds personnels de ce souverain, mais aussi d’analyser les rapports entre le roi et son entourage. Les structures héritées du précédent règne et les mutations opérées par le roi à partir de 1780 sont présentées et permettent d’exposer la manière dont Louis XVI assurait le contrôle de ses dépenses personnelles, de façon autonome et en dehors de tout regard ministériel. En dernière partie, la présentation des cassettes de la reine, des frères du roi et de Mesdames tantes permet d’inscrire l’histoire de la Cassette du roi dans une perspective comparatiste qui contribue à révéler les stratégies différenciées des membres de la famille royale dans la gestion de leurs fonds et la distribution des pensions relevant de ces mêmes caisses.

Haut de page

Notes de l’auteur

Cet article est un travail inédit tiré d’un chapitre de ma thèse de doctorat, soutenue en 2018 à l’université de Lille et intitulée Pensions et pensionnaires de la monarchie. De la grâce royale au système de redistribution de l’État. Les contraintes éditoriales des Presses universitaires du Septentrion ne m’ayant pas permis de faire figurer ce travail sur la Cassette de Louis XVI dans le livre tiré de ma thèse, j’ai décidé de le soumettre au Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, après avoir préalablement complété, remanié et adapté le texte initial.

Texte intégral

Je tiens tout particulièrement à remercier Flavie Leroux pour sa relecture, ses conseils et ses encouragements. Ils auront été déterminants. Merci également à Alexandra Pioch et Solenne Louis pour leur précieuse collaboration ainsi qu’à Jean-Claude Le Guillou et à la rédaction de la revue Versalia pour avoir donné leur accord à la reprise d’un plan qui illustre cette publication.

Introduction

  • 1 Entre autres : Newton, 2000 ; Newton, 2006 ; Lemaigre-Gaffier, 2016.
  • 2 Pour ne citer que les travaux qui englobent ou traitent des aspects économiques et financiers de la (...)
  • 3 Véri, 1928-1930, t. II, 27 janvier 1780, p. 296.
  • 4 Carré, 2019.

1Les finances de la cour de France à la fin de l’Ancien Régime demeurent dans leur ensemble encore très mal connues même si de vastes enquêtes sur les espaces et les services1 de la Maison du roi et, au-delà, le renouvellement de l’historiographie curiale2 ont contribué à lever bien des zones d’ombre et n’en font plus une terra incognita. Pour les gestionnaires de la monarchie d’Ancien Régime eux-mêmes, il était impossible d’avoir un regard universel sur le maquis des dépenses curiales, qualifié d’« arbre monstrueux » par l’abbé de Véri3. Jusqu’à la création de la liste civile en 1790, les dépenses de cour étaient caractérisées par une forme d’éclatement comptable que les réformes de Necker, malgré tous leurs efforts, n’étaient pas parvenues à résorber4. Un type bien spécifique de dépenses de cour échappait en effet complètement aux regards du contrôleur général des finances, et même à ceux du secrétaire d’État des grands officiers de la Maison du roi : il s’agissait des dépenses personnelles des membres de la famille royale, payées à partir de leur cassette, dont la structure était calquée sur celle du roi, la plus importante de toutes.

  • 5 Ces « comptants » étaient inclus dans la liste des dépenses du département de la Maison du roi. Si (...)
  • 6 Les pensions payées par le roi avec l’argent de sa cassette n’avaient rien à voir avec celles, plus (...)
  • 7 Paris, Archives nationales (désormais AN), AE/I/4/2 (armoire de fer), Journal de Louis XVI. Tome II (...)
  • 8 Louis XVI, 1909.
  • 9 AN, O/1/655.
  • 10 Séguret, 1897.
  • 11 Ibid., p. 180-182.
  • 12 Ibid., p. 181-182.
  • 13 Nicolas Schapira (2020) a bien montré comment le secrétaire particulier pouvait incarner la positio (...)

2Cet article propose d’éclairer un des aspects de cet ensemble complexe en se focalisant sur le rôle du roi et de son entourage proche dans la gestion de son économie domestique. Avec sa cassette personnelle, le roi de France disposait de fonds propres qu’il gérait comme un particulier. L’argent de celle-ci provenait directement et principalement du Trésor royal qui versait au roi, ainsi qu’à chaque membre de la famille royale, une dotation personnelle appelée « comptant5 ». Avec l’argent de son comptant et les autres revenus de sa cassette, le souverain payait ses dépenses personnelles, celles liées au service de ses petits appartements, mais aussi ses courts voyages ainsi que des pensions6. Les dépenses de la Cassette de Louis XVI sont particulièrement bien documentées. Le roi tenait lui-même sa comptabilité et les papiers relatifs aux dépenses furent saisis aux Tuileries après le 10 août 1792, puis versés aux Archives nationales7. Les comptes de la Cassette furent édités au début du xxe siècle par Beauchamp8. En outre, la sous-série O1 des Archives nationales conserve plusieurs papiers sur les pensions payées par la Cassette du roi9. La difficulté pour nous consistait à interpréter ces chiffres et à reconstituer le fonctionnement précis de la caisse. Or, les mémoires rédigés en 1832 par Séguret, ancien secrétaire de la Cassette de Louis XVI, et publiés à la fin du xixe siècle contribuent à éclairer le fonctionnement de ce budget royal miniature10. Transmis à l’historien Henri Beaune par les petits-neveux de Séguret, ces mémoires n’ont « aucune prétention littéraire », mais se distinguent par leur « précision » et leur « sincérité ». On n’y trouve point d’anecdotes inédites sur les courtisans, mais une description des « minutieuses obligations » du service des petits appartements à Versailles. Séguret y narre son quotidien de secrétaire de la Cassette et de « premier commis ou contrôleur des petits appartements de Louis XVI11 ». Il s’agit d’un témoignage précieux de la vie domestique du roi dans les années 1780 et plus précisément entre 1782 et 1788, période pendant laquelle Séguret exerça ses fonctions à Versailles. Avant de servir le roi, Séguret avait été le secrétaire particulier de Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray, premier valet de chambre du roi. Conquis par les qualités de son serviteur, Thierry confia rapidement à Séguret les fonctions de secrétaire de la Cassette en 1782. L’année suivante, en 1783, le premier valet de chambre du roi acquit la charge d’intendant général des meubles de la Couronne et délégua à Séguret, avec l’accord du roi, ses fonctions de contrôleur des petits appartements12. Rouage discret et efficace de l’entourage domestique du roi, Séguret avait acquis de facto, suite aux délégations successives du premier valet de chambre en titre, une position équivalente à celle de premier valet de chambre officieux13. C’est cette situation qui contribue à donner tant de force à son témoignage et fait de ses Mémoires une véritable grille de lecture qui aide à rendre intelligibles les comptes du roi.

  • 14 Petitfils, 2005, p. 243-245.
  • 15 À ce jour, la biographie de Louis XVI la plus solide, la plus sérieuse et la plus documentée produi (...)
  • 16 L’analyse des déplacements du roi, répertoriés dans son journal, révèle qu’il continue à chasser da (...)
  • 17 Carré, 2018.
  • 18 Pour Leonhard Horowski (2019, p. 292), Louis XVI a maintenu une distance inhabituelle à l’égard des (...)

3Outre le fonctionnement de la Cassette royale, la nature des dépenses personnelles de Louis XVI n’a suscité qu’un intérêt historiographique très limité. Or, la manière dont un roi dépense son argent, gratifie les uns et pas les autres, est évidemment porteuse de sens et n’est jamais dépourvue de dimension politique. Jean-Christian Petitfils a certes souligné l’étonnante manie des chiffres de ce monarque qui consacrait un temps considérable à tenir des comptes d’apothicaire, notant tout, vérifiant tout, mais il en a tiré des conclusions plus psychologiques que politiques14. Dans la mesure où Louis XVI a produit peu d’écrits en dehors de son journal et de ses comptes, il est étonnant que ces documents n’aient pas été plus exploités par le champ de l’histoire politique15 alors qu’ils peuvent nous en dire beaucoup sur les pratiques16 et l’état d’esprit de ce roi, mais surtout sur ses rapports avec les différents acteurs et les groupes sociaux qui l’entourent et le sollicitent. La politique d’attribution des pensions sur la Cassette n’a ainsi jusqu’à présent jamais attiré l’attention de l’historiographie. Les pensions représentent pourtant la plus grande partie des dépenses de cette caisse si particulière. À défaut d’une étude exhaustive de la Cassette, une entrée par les pensions apparaissait donc comme un angle pertinent pour explorer cet aspect méconnu des finances curiales et observer la manière dont le roi traitait son entourage. Alors que les ministres jouaient un rôle déterminant dans la distribution des pensions payées par le Trésor royal et d’autres caisses des départements ministériels et des généralités, le roi disposait d’un regard beaucoup plus direct et personnel sur les pensions qu’il accordait lui-même sur sa cassette17. Leur analyse peut donc contribuer à livrer des clefs de lecture supplémentaires afin de comprendre la politique de la faveur propre à Louis XVI et son rapport à ses serviteurs et, au-delà, à sa noblesse18. Les comptes de Louis XVI et le reste des archives de la Cassette permettent en outre de documenter le rapport du roi à l’argent, du moins celui dont il disposait directement. Leur analyse révèle la figure d’un homme a priori économe et bon gestionnaire qui tranche paradoxalement avec celle d’un roi dont le règne a été marqué par l’explosion de la dette. Cette vision à bon compte de Louis XVI ne résiste pas à une analyse poussée de l’ensemble des fonds dont ce monarque disposait et dont la Cassette ne représente qu’une partie, la plus personnelle de toutes.

La matérialité des comptes de la Cassette : le Journal de Louis XVI

  • 19 AN, AE/I/4/1, Journal de Louis XVI. Tome I, contenant jour après jour la mention de ses promenades, (...)
  • 20 AN, AE/I/4/2, Journal de Louis XVI. Tome II, contenant les dépenses particulières, pensions et grat (...)
  • 21 C’est un ensemble assez volumineux de quinze cahiers dans lequel le roi fait un récit détaillé de s (...)
  • 22 Il convient cependant de les compléter par la consultation d’autres papiers personnels du roi, sais (...)
  • 23 AN, AE/I/4/2.
  • 24 AN, C//222, pièces nos 284-272, Quittances de Thierry pour les dépenses des petits appartements, an (...)

4Les comptes de la Cassette font partie d’un ensemble documentaire célèbre et souvent cité : le fameux Journal de Louis XVI. Ce roi comptabilisa ses déplacements, ses chasses, mais aussi l’argent de sa cassette. Toute cette comptabilité figure dans le Journal du roi, souvent cité pour le célèbre mot « rien » que le roi inscrivit à la date du 14 juillet 1789, car il n’était pas sorti chasser ce jour-là. Précisons d’emblée qu’il n’y a pas un journal, mais trois journaux différents : le journal quotidien des promenades, revues, fêtes et voyages19 (où se trouvent les « rien ») ; le journal des dépenses de la Cassette20 (qui contient la comptabilité des dépenses des petits appartements et des pensions et gratifications que le roi versait avec son argent personnel) ; le journal contenant le récit des chasses21. Ces trois journaux forment le Journal de Louis XVI depuis que les archivistes ont regroupé sous cette appellation une trentaine de cahiers et feuillets manuscrits, de l’écriture du roi, trouvés aux Tuileries après le 10 août 179222. Lors du classement aux Archives nationales, les différentes pièces ont été réunies dans trois portefeuilles qui matérialisent la tomaison actuelle. Ces trois journaux sont conservés dans l’armoire de fer des Grands Dépôts de l’hôtel de Soubise, avec les anciennes constitutions de la France et les testaments de Louis XIV et Napoléon Ier. Le journal des « dépenses particulières, pensions et gratifications sur la cassette », qui forme le deuxième tome du Journal de Louis XVI, se compose de cinq cahiers manuscrits tenus par le roi. Trois cahiers contiennent les comptes des recettes et dépenses particulières du roi entre 1772 et 1784, un quatrième ceux pour l’année 1791. Les pensions et gratifications payées chaque trimestre (« quartier ») entre 1776 et 1792, avec l’argent de la Cassette, sont détaillées dans le cinquième cahier. Nous ignorons tout de la localisation des cahiers relatifs aux comptes des années 1785 à 1790, qui ne sont pas dans l’armoire de fer des Archives nationales23. En revanche, on trouve dans une autre série (la C) des récapitulatifs mensuels des dépenses des petits appartements comprises entre le 1er janvier 1776 et le 1er juillet 1790, ce qui peut combler partiellement la lacune du ou des cahiers de comptes manquants pour les années 1785 à 179024.

  • 25 « Décret relatif au dépôt des pièces remises à la commission des vingt-un, lors de la rédaction de (...)
  • 26 Soboul, 2014, p. 131.
  • 27 Ibid., p. 333-334.
  • 28 AN, C//222.
  • 29 Le Comité de sûreté générale était chargé de la police et de la sûreté de l’État. Avec le Comité de (...)
  • 30 En effet, « les députés se refusent à enterrer une documentation qu’ils souhaitent garder sous la m (...)
  • 31 Soboul, 2014, p. 334-335.
  • 32 Louis XVI, 1873.
  • 33 Louis XVI, 1900.
  • 34 Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France nous informe que la revue Souvenirs et mémoires(...)
  • 35 Louis XVI, 1909.
  • 36 Ibid., p. 3.
  • 37 Louis XVI, 1873, p. 20-21.

5Le versement du Journal aux Archives nationales ne se fit que le 5 mai 1794 en exécution du décret de la Convention nationale du 4 floréal an II de la République (23 avril 1794)25. Les papiers de Louis XVI trouvés aux Tuileries avaient été saisis par la représentation nationale après le 10 août. La Commission des vingt-et-un, formée le 6 décembre 1792 afin de rédiger l’acte d’accusation de Louis Capet, avait reçu une quantité considérable de documents parmi lesquels figuraient les différents cahiers qui constituent aujourd’hui le Journal. Ces derniers étaient noyés dans la masse documentaire et ne suscitèrent pas l’intérêt des conventionnels. Le dépouillement des papiers saisis aux Tuileries avait été rapide et les documents les plus compromettants pour le roi, comme les lettres saisies dans les bagages des émigrés, ne purent pas forcément être exploités par l’accusation, faute de temps26. Après l’exécution du roi, les papiers de Louis XVI furent versés en deux temps aux Archives nationales. Un premier versement se fit dans le cadre du décret du 23 juillet 1793 : la Commission des vingt-et-un se dessaisit alors des documents qui provenaient de l’armoire de fer des Tuileries et de ceux qui avaient servi de pièces à conviction lors du procès de Louis Capet27. On y trouvait des quittances et autres papiers relatifs aux dépenses des petits appartements payées par Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray28. Le reste des pièces fut conservé à la Convention nationale, mais passa des mains de la Commission des vingt-un à celles du Comité de sûreté générale29. Les différents comités de la Convention, comme ceux des précédentes assemblées, avaient en effet pris soin de conserver la plupart des documents de l’ancien exécutif30. Le second versement eut lieu au printemps 1794 quand le Comité de sûreté générale demanda à la Convention de pouvoir transférer ce qui lui restait des papiers du « ci-devant roi » aux Archives nationales. Le Journal de Louis XVI – contenant le journal des dépenses de la Cassette – en faisait partie. Il rejoignit ainsi la série C avant d’en être détaché au xixe siècle pour être conservé dans l’armoire de fer où il se trouve toujours31, ce qui a longtemps nui à l’accessibilité de ce document. Pour le plus grand bonheur des chercheurs, les trois journaux qui forment le Journal de Louis XVI ont depuis été entièrement numérisés et mis en ligne. Avant cela, il fallait se contenter d’un dépouillement publié en 1873 par Louis Nicolardot32 et d’une transcription partielle du journal des sorties publiée en 1900 par Raymond de Beauchamp33 et dont la suite, qui comprenait les notes du roi après 1779, ne fut jamais publiée34. Ce dernier avait en revanche édité intégralement la partie du journal correspondant à la comptabilité de la Cassette de Louis XVI, en 190935. Le document, tel qu’il est conservé dans l’armoire de fer, est en vérité une version mise au propre par le roi lui-même, a priori après la fin de chaque mois, à partir d’un brouillon qu’il tenait quotidiennement36. Louis Nicolardot l’avait déjà compris, estimant d’ailleurs que la mise au propre pouvait parfois se faire après la fin de l’année37. Le roi procédait de la même façon pour tenir sa comptabilité en mettant régulièrement au propre des brouillons de feuilles de dépenses raturées. Cette manière de faire facilite les ajouts et les corrections a posteriori, au moment de la mise au net comme après. Alors que le roi notait le strict minimum dans le journal des sorties et activités quotidiennes, ses comptes apparaissent en revanche bien plus riches de détails (fig. 1). Les feuillets du roi faisaient en effet office d’aide-mémoire. Ils permettaient de savoir combien d’argent Louis XVI avait reçu sur sa cassette et à qui il en avait donné personnellement. Cela ne veut pas dire pour autant que tout l’argent du roi figurait dans les comptes de la Cassette.

Fig. 1. Page du Journal de Louis XVI détaillant les recettes et dépenses particulières du roi sur sa cassette en mai 1780. Archives nationales, AR/I/4/2, Journal de Louis XVI. Tome II, contenant les dépenses particulières, pensions et gratifications sur la cassette (1772-1792), cahier 3, dépenses particulières (1775-1784), fo 33, mai 1780.

Fig. 1. Page du Journal de Louis XVI détaillant les recettes et dépenses particulières du roi sur sa cassette en mai 1780. Archives nationales, AR/I/4/2, Journal de Louis XVI. Tome II, contenant les dépenses particulières, pensions et gratifications sur la cassette (1772-1792), cahier 3, dépenses particulières (1775-1784), fo 33, mai 1780.

Permalien : https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/​siv/​UD/​FRAN_IR_058231/​A1_68

© Archives nationales de France

Le fonctionnement de la Cassette de Louis XVI

Le legs de Louis XV : une double cassette

  • 38 En théorie, les biens des rois de France se confondaient avec ceux de la Couronne. En pratique, les (...)
  • 39 Marie-Thérèse et Mercy-Argenteau, 1875, t. II, p. 152.
  • 40 Ibid.

6En montant sur le trône le 10 mai 1774, Louis XVI hérite de la Couronne, mais aussi des biens personnels de son grand-père Louis XV38. Il se trouve ainsi confronté à la structure complexe des finances particulières du feu roi. Louis XV avait en effet deux cassettes. La première était notoire : il s’agissait de la Cassette royale. La seconde était bien plus secrète et faisait l’objet de tous les fantasmes. Son existence était connue de quelques souverains européens qui, à peine informés de la mort de Louis XV, interrogèrent aussitôt leurs ambassadeurs sur le montant de ces fonds. L’impératrice d’Autriche, Marie-Thérèse, voulut « savoir si, comme on suppose, on a trouvé dans sa chatouille [cassette] 40 millions de livres ou florins39 ». Le comte de Creutz, ambassadeur de Suède, écrivait avoir reçu l’assurance, de la part d’une « personne très-bien instruite » qu’on avait trouvé « dans le trésor particulier du feu roi trois cent soixante millions ; qu’on en fait un secret pour ne pas rendre sa mémoire trop odieuse […] »40. Sur le sujet, l’ambassadeur de Suède apparaît cependant moins bien informé que l’abbé de Véri. Ce proche de Maurepas dressa dans son journal le 4 juin 1774, soit quelques semaines après la mort du roi, un tableau assez précis des ressources financières dont disposait Louis XV à titre personnel :

  • 41 Véri, 1928-1930, t. I, p. 103-105.

Louis XV a été soupçonné, pendant toute sa vie, d’avoir un trésor qu’il devait augmenter chaque année. On croyait que sa cassette, qui monte à 100 000 francs par mois, n’était pas absorbée par les pensions qui y sont établies. On savait que les gains qu’il faisait au jeu étaient reçus par lui, tandis que ses pertes étaient payées par le trésor royal. […] on savait que Louis XV avait part et profit de plusieurs places de finances, soit dans les postes, soit dans la ferme générale. On le soupçonnait d’être en part dans la caisse de Poissy, et même d’agioter sur la place les différents papiers qui s’y trouvaient. Quoi qu’il en soit de ces deux derniers soupçons, les premiers faits sont assurés. Il était également certain que le trésor royal payait toutes les dépenses connues du Roi, même celles de Mme de Pompadour et de Mme du Barry. Où passait donc l’argent de sa recette particulière41 ?

  • 42 Ibid.
  • 43 Bayard, Félix et Hamon, 2000, p. 159 et 162.
  • 44 Sur le « Secret du roi » et la diplomatie parallèle sous le règne de Louis XV, voir Broglie, 1956-1 (...)

7D’après Véri, cet argent servait à l’entretien « des filles qu’il plaçait successivement dans son sérail du Parc aux Cerfs et qu’il mariait ensuite », mais aussi « des enfants qu’il en avait ». Ces dépenses « étaient bien des dépenses prises sur la Caisse secrète »42. La gestion de cette dernière incombait à l’ancien contrôleur général des finances, Henri Léonard Jean-Baptiste Bertin (1720-1792). Même s’il n’était plus en charge des finances depuis 1763, il était resté ministre, placé à la tête d’un petit secrétariat d’État créé sur mesure pour lui par Louis XV au lendemain de sa démission du Contrôle général. Officiellement chargé de l’agriculture, des rivières, des mines, des canaux et des manufactures de porcelaine, Bertin gérait aussi les comptes personnels de Louis XV43. Le roi avait donc mis en place une double comptabilité pour gérer son argent : d’un côté la Cassette officielle alimentée par le Trésor royal et qui payait les dépenses domestiques classiques du souverain et surtout des pensions, de l’autre une cassette officieuse alimentée par un éventail de revenus constitués en utilisant l’appareil d’État et en détournant les recettes fiscales de la Couronne afin de financer les plaisirs du roi et les fruits de ces plaisirs. Cette dualité rappelle aussi, dans une certaine mesure, celle qui caractérisait sa diplomatie44.

  • 45 Antoine, 1989, p. 842-843.
  • 46 Thierry servait Louis XVI quand il n’était encore que le duc de Berry. Il avait toute la confiance (...)
  • 47 Thierry de Ville d’Avray, 1908, p. 93.
  • 48 Hours, 2009, p. 238.
  • 49 Depuis 1759, Louis XV était devenu l’unique actionnaire de cette manufacture de porcelaine si célèb (...)
  • 50 Hours, 2009, p. 238-239.
  • 51 Une étude précise de la comptabilité du ministère Bertin permettrait peut-être de préciser l’ampleu (...)

8La plus grosse partie du pécule personnel officieux de Louis XV fut constituée au début des années 1760. Michel Antoine situe vers 1761 l’époque à partir de laquelle le roi s’octroya plusieurs croupes prises sur un certain nombre de places de fermiers généraux45. Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray rapporte que le placement de croupiers « obligés » avait été imaginé pour disposer d’informations utiles sur les produits nets des baux des fermes46. La Couronne soupçonnait en effet les fermiers généraux de dissimuler l’étendue réelle des produits fiscaux afin d’éviter que le roi n’augmentât le prix du bail lors de son renouvellement. Bertin avait alors eu l’idée de faire du roi lui-même un croupier sur les fermes, « moyen aussi simple qu’infaillible de connoître la vérité des produits nets de chaque bail ». Louis XV « avoit adopté ce plan d’autant plus volontiers qu’il y trouvoit des ressources pour ses plaisirs et pour ses bienfaits particuliers ». « Les maîtresses, les enfans, les favoris de Louis XV obtenoient des secours et des grâces sur cette partie entièrement isolée dont M. Bertin, en quittant les Finances, avoit gardé le travail de confiance auprès de Sa Majesté47. » À ces croupes s’ajoutaient des revenus fonciers. En 1762, Louis XV échangea avec le comte d’Eu des terres normandes contre la principauté de Dombes. Bertin et Trudaine avaient préparé les détails de la transaction qui aurait pu être relativement anodine si elle ne s’était pas faite au détriment des intérêts de l’État. En effet, les revenus de la principauté de Dombes, qui s’élevaient en moyenne à 250 000 livres par an, ne furent pas versés à la régie des domaines, mais vinrent compléter les recettes de la cassette officieuse du roi. En plus du produit des croupes et de Dombes, le pécule personnel de Louis XV se gonflait de contrats de rentes sur les États du Languedoc, de billets de loterie et, accessoirement, de gains du roi au jeu48. Ajoutons à ces recettes celles qui étaient tirées de la manufacture de Sèvres49. Bertin, toujours lui, gérait ce fleuron industriel dont les appartements du roi à Versailles servaient de galerie d’exposition et de vitrine50. La provenance des fonds qui alimentaient la cassette officieuse de Louis XV était donc particulièrement diversifiée et reste difficile à quantifier avec précision51. Ce que nous savons reflète toutefois l’implication du roi dans les affaires.

  • 52 Carré, 2020.
  • 53 Le secrétariat d’État de Bertin, créé le 14 décembre 1763 et supprimé le 26 mai 1780, bénéficia d’a (...)
  • 54 Antoine, 1989, p. 843.
  • 55 Thierry de Ville d’Avray, 1908, p. 93.
  • 56 Ibid., p. 97.

9Les revenus privés de Louis XV lui permettaient de ne pas dépendre uniquement des versements du Trésor royal (tabl. 1). Bien entendu, en tant qu’ordonnateur des dépenses de l’État, le roi pouvait à tout moment utiliser le Trésor royal pour financer telle ou telle dépense personnelle en signant une ordonnance au porteur inscrite au Livre rouge. Toutefois, ce type d’ordonnance, utile pour financer les dépenses secrètes de l’État, nécessitait également la signature du contrôleur général des finances52. Au regard du caractère particulièrement intime de certaines dépenses, on comprend bien l’intérêt pour Louis XV de contourner le Contrôle général en créant en 1763 pour son ami Bertin un ministère sur mesure, chargé de gérer sa cassette officieuse. Ce département ministériel constitua non seulement un véritable ministère du Commerce, de l’Économie et de l’Industrie53, mais il fit aussi office de paravent administratif destiné à dissimuler la gestion de l’argent de l’homme privé qui se cachait sous le visage du roi54. Pour autant, Bertin donnait les ordres, mais ne maniait pas les fonds lui-même. Cette tâche revenait à Nicolas Beaujon, qui fit office de trésorier de la cassette officieuse de Louis XV : « M. de Beaujon, banquier de la Cour, étoit le dépositaire des fonds et les distribuoit sous les ordres du ministre55. » Le célèbre financier bordelais apportait lui-même à Versailles les liquidités dont le roi avait besoin et payait les grâces accordées aux maîtresses et aux enfants naturels du Bien-Aimé56.

Tableau 1. L’argent personnel de Louis XV, principales recettes connues.

Provenance

Montant annuel

Gestion

Destination

Trésor royal

1 200 000 livres

Premiers valets de chambre

Cassette officielle

Croupes

150 000 livres

Bertin

Cassette officieuse

Dombes

250 000 livres

Bertin

Sources : Michel Antoine, Bernard Hours, Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray.

En finir avec les pratiques du règne de Louis XV ?

  • 57 Newton, 2006, p. 233.
  • 58 Thierry de Ville d’Avray, 1908, p. 104.
  • 59 Hours, 2009, p. 322-323.
  • 60 Castelluccio, 2004, p. 212.
  • 61 Au xviiisiècle, « bon » s’emploie aussi comme « une espèce d’adverbe dont on se sert pour marquer (...)
  • 62 Thierry de Ville-d’Avray, 1908, p. 93-98.
  • 63 Il faudrait pour cela consulter les papiers et notamment la comptabilité de Thierry ; or, les archi (...)

10En 1774, Louis XVI hérita de toutes les sources de revenus de son grand-père. On retrouve clairement la trace d’une partie d’entre elles dans les comptes personnels du nouveau roi. Ce dernier conserva la structure financière de la Cassette royale de son prédécesseur, mais, comme il en avait pris l’habitude quand il était Dauphin, il assura lui-même la comptabilité de ses recettes et dépenses personnelles. Le contrôle des dépenses des Petits Cabinets, c’est-à-dire le service privé du roi57, fut confié à Thierry de Ville-d’Avray (fig. 2) qui en rendait compte précisément et régulièrement au souverain. Le premier valet de chambre constata rapidement toute une série d’abus en consultant les comptes et les factures de ce service et en amorça la réforme. Dès la fin de l’année 1776, les initiatives de Thierry de Ville-d’Avray avaient produit plus de 100 000 livres d’économies, ce qui correspondait au tiers des dépenses des Petits Cabinets en 177558. Qu’en était-il du pécule qui constituait la cassette officieuse de Louis XV ? Bernard Hours écrit que Mesdames tantes suivirent l’emploi des fonds privés de leur défunt père afin d’assurer les conditions de vie de leurs frères et sœurs naturels59. Bertin, quant à lui, continuait d’apporter chaque mois au roi les produits des revenus de la principauté de Dombes hérités de Louis XV, ou du moins une partie d’entre eux comme on le découvrit plus tard. En revanche, Louis XVI ne tint pas à garder les croupes que s’était arrogées son grand-père dans différentes places de la ferme générale. Il les céda à Thierry de Ville-d’Avray dès 1774 afin de lui permettre d’acheter la charge de premier valet de chambre du roi60. La rivalité entre Terray et Bertin – le second s’ingéniant à annuler le bon61 pris par Terray en faveur de Thierry au seul motif que le contrôleur général des finances avait empiété sur ses prérogatives – réduisit les bienfaits du roi à l’égard de Thierry à la moitié des croupes laissées vacantes par Louis XV. Il restait tout de même 780 000 livres pour le premier valet de chambre du roi. Arrivé au Contrôle général des finances, Turgot décida d’utiliser l’autre moitié pour régler l’arriéré de paiement des petites pensions militaires62. Enrichi malgré tout, Thierry utilisa ces fonds dans un premier temps pour acquérir sa charge de premier valet de chambre du roi. On ignore en revanche totalement l’usage qu’il fit des revenus des croupes durant les années qui suivirent63.

Fig. 2. Alexandre Roslin, Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray (1732-1792), intendant du Garde-Meuble, 1790, huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2013.31.

Fig. 2. Alexandre Roslin, Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray (1732-1792), intendant du Garde-Meuble, 1790, huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2013.31.

Notice sur le site des Collections du château de Versailles

© Château de Versailles (Dist. GrandPalaisRmn) / Christophe Fouin

11Si Louis XVI se débarrassa rapidement des croupes de Louis XV, il chercha en revanche à faire main basse sur les revenus de la Loterie royale. Véri nota en effet avec regret, dès l’été 1776, que Louis XVI prenait le même chemin que son prédécesseur dans le détournement de certains fonds publics. La Loterie royale venait alors d’être instituée par le regroupement de précédentes loteries :

  • 64 Extrait daté du 12 juillet 1776. Véri, 1928-1930, t. II, p. 15.

Comme il est bon de colorer toute opération d’une ombre de bienfaisance, on distrait le dixième des profits de la loterie pour en former une caisse de bienfaisance qui sera destinée par le Roi seul à ce qu’il voudra. Le dernier Roi ne regardait le trésor royal que comme une chose étrangère à lui : sa cassette et ses profits dans des affaires de finance étaient son objet personnel, auquel il prenait intérêt. Plusieurs souverains sont sujets à cette séparation de revenus publics ; et le Roi actuel prend la même route64.

  • 65 Le xviiie siècle avait été marqué par la multiplication des loteries en Europe. Les recettes de ces (...)
  • 66 Ibid., § 21.
  • 67 Sur les premiers valets de chambre, voir, pour le règne de Louis XIV, les travaux de Da Vinha, 2004(...)

12Dans les faits, l’idée d’une retenue d’un dixième sur les bénéfices de la Loterie royale fut abandonnée et le fonds initialement destiné aux œuvres charitables fut alimenté par le montant des lots non réclamés, ce qui permettait de dégager 600 000 livres par an. Les intentions du roi, en revanche, demeurèrent inchangées et Louis XVI utilisa cet argent au moins jusqu’en 1784 afin de financer la guerre65. Les anciennes loteries continuèrent quant à elles à alimenter un fonds, appelé « caisse des loteries », qui fut assez rapidement placé sous la direction du trésorier de la police de Paris, Rouillé de L’Étang66, et dont le roi décidait certainement de l’emploi par l’intermédiaire de son lieutenant général de police, Lenoir, puis Thiroux de Crosne. Pour autant, l’usage précis de ces fonds par le roi reste encore à établir. Soulignons cependant une constante, tant chez Louis XV que chez Louis XVI, dans la volonté de se ménager des marges de manœuvre financières indépendantes du regard des secrétaires d’État et du contrôleur général des finances. Dans le cas de la gestion de la Cassette royale et hormis le rôle joué par Bertin, aucun ministre n’entrait en ligne de compte. Le roi s’appuyait sur ses premiers valets de chambre. Sans doute les hommes les plus proches de l’intimité du roi et les plus dévoués à sa personne67.

Origine et emploi des fonds de la Cassette de Louis XVI

  • 68 AN, O/1/749, no 16.
  • 69 Ibid.
  • 70 Nicolas Beaujon n’apparaît pas dans les comptes de Louis XVI comme pourvoyeur de fonds. Il semble d (...)
  • 71 Louis XVI, 1909, p. 60.
  • 72 Claude Jean Rigoley, baron d’Ogny (1725-1798), conseiller au parlement de Dijon en 1745, puis inten (...)
  • 73 Véri, 1928-1930, t. I, p. 104.

13Au début du règne, le fonctionnement de la Cassette royale de Louis XVI, et principalement l’origine des ressources, s’inscrivait dans une forme de continuité par rapport au règne précédent. Chaque mois, le secrétaire d’État de la Maison du roi, appliquant ses états de distribution, ordonnait au Trésor royal de verser dans la Cassette du roi une somme de 100 000 livres au titre du « comptant du roi ». Cet arrangement était déjà en vigueur sous le règne de Louis XV comme l’indique une note des bureaux de la Maison du roi portant sur les fonds de l’année 1776 et qui précise que « le fonds destiné à cet objet est fixé depuis longtemps et ne varie jamais : il monte à 1 200 000 livres par an à raison de 100 000 livres par mois68 ». À cette somme s’ajoutait une autre de 12 000 livres, « prise sur une des quatre ordonnances de 36 000 l. qui s’expédient par quartier » au nom du roi pour des dépenses destinées à la Petite Écurie. Ce surplus était payé en janvier, ce qui explique que le comptant de Louis XVI s’élevait à 112 000 livres ce mois-là et non à 100 000 comme tous les autres mois de l’année. Cette somme annuelle de plus de 1,2 million de livres permettait de payer « les pensions que Sa Majesté juge à propos d’accorder sur Sa Cassette69 ». Pour ses dépenses strictement personnelles, Louis XVI devait compter sur Bertin qui lui remettait chaque mois, et ce jusqu’en 1780, des sommes provenant des revenus de la principauté de Dombes70. Le montant de ces sommes variait : 12 000, 18 000 ou 24 000 livres par mois. Les recettes personnelles de Louis XVI étaient complétées chaque mois par d’occasionnels gains au jeu et, plus souvent, par des gains à la Loterie royale. Le roi achetait en effet régulièrement des billets de loterie qu’il se procurait directement auprès de son ministre des Finances. Ainsi peut-on lire dans les comptes particuliers de Louis XVI que, le 28 décembre 1777, il donna 6 000 livres « à M. Necker pour des billets de Loterie71 ». Louis XVI recevait en outre, à la fin de chaque année civile, une somme de 48 000 livres de la part de l’intendant des postes et messageries, Rigoley d’Ogny72, qui la réglait généralement, mais pas toujours, en quatre versements de 12 000 livres étalés au cours du mois de décembre. La comptabilité personnelle de Louis XVI ne précise pas le motif de ces versements, mais ils correspondent certainement au produit annuel des parts que Louis XV, d’après l’abbé de Véri, détenait « dans les postes73 » et dont Louis XVI, en toute logique, avait hérité et qu’il avait conservées, contrairement aux croupes dans les fermes.

  • 74 En mai 1780, Louis XVI nota dans ses comptes que Bertin lui avait versé deux fois 24 000 livres pou (...)
  • 75 Bayard, Félix et Hamon, 2000, p. 162.
  • 76 Bachaumont, 1786, t. XXVI, p. 23.

14Le montant des recettes personnelles de Louis XVI fut donc assez régulier au début de son règne et jusqu’en 1780. Cette année-là, Bertin fut soupçonné d’avoir volé le roi et fut contraint de quitter ses fonctions. Son dernier versement date de mai 1780 et Louis XVI nota qu’il correspondait au solde du compte « sur la principauté de Dombes74 ». Bertin remit sa démission au même moment. L’année précédente, en 1779, le ministre avait renvoyé un de ses premiers commis, Edme David Le Seurre, accusé d’avoir détourné près de 600 000 livres en gérant les fonds personnels de Louis XV depuis sa mort. Le mis en cause prétendit avoir agi sur ordre de Bertin. Ce dernier nia et engagea un procès contre Le Seurre, mais ne fut jamais en mesure de prouver que le premier commis avait menti75. La rumeur fit le reste et Bertin démissionna le 30 mai 1780. Outre le scandale qui frappait l’ancien contrôleur général des dépenses de Louis XV, cette affaire avait aussi porté sur la place publique la connaissance des pratiques financières du défunt roi. Le montant des « revenus de la province de Dombes » était désormais connu de tous et dans l’esprit de beaucoup « les Bureaux de Mr Bertin n’étoient pour la plupart qu’un repaire de coquins, de brigands, de banqueroutiers » et le ministre « par sa paresse & son insouciance, causoit & fomentoit le dérangement de ses subalternes »76.

15Le départ de Bertin en 1780 fut l’occasion de faire évoluer les circuits financiers de la Cassette et d’y mettre un peu d’ordre (tabl. 2).

Tableau 2. Circuits des recettes et dépenses de la Cassette de Louis XVI à partir de l’été 1780.

Provenance des recettes

Emploi des fonds

Trésor royal

136 000 livres/mois

Pensions et dépenses ordinaires du service des Petits Appartements + autres dépenses

100 000 livres/mois

Dépenses personnelles du roi et dépenses extraordinaires pour le service des petits appartements

36 000 livres/mois

Postes et messageries

48 000 livres/an
(remis en décembre)

48 000 livres/an

Gains (jeu et loteries)

Part variable

Part variable

Produit net de l’exercice précédent (économies)

  • 77 Séguret, 1897, p. 183.
  • 78 Louis XVI, 1909, p. 80-81.
  • 79 Sans compter les gains au jeu ou à la Loterie royale et les reports de soldes d’un exercice à l’aut (...)

16Les choses furent simplifiées et clarifiées : le Trésor royal versa désormais chaque mois à Louis XVI une somme forfaitaire complémentaire de 36 000 livres en plus des 100 000 livres qu’il versait déjà mensuellement en guise de comptant77. Le comptant du roi s’éleva donc à 136 000 livres par mois à partir de cette date. Sur cette somme mensuelle, Louis XVI confiait 100 000 livres à son premier valet de chambre afin de régler des dépenses liées au service ordinaire des petits appartements et les pensions assignées à la Cassette ; le roi ne gardait ainsi que 36 000 livres pour lui-même. C’est ce montant qu’il faisait figurer comme recette dans ses comptes mensuels en plus du produit du mois précédent. Naturellement, cette somme forfaitaire était toujours complétée ponctuellement par les éventuels gains au jeu ou à la Loterie du roi et par les fonds apportés par Rigoley d’Ogny en fin d’année civile. Louis XVI disposait donc pour lui-même et a minima d’une somme annuelle de 480 000 livres avec laquelle il payait diverses dépenses extraordinaires liées au service des petits appartements, quelques gratifications extraordinaires pour ses domestiques, de petits dons ou des cadeaux pour son entourage, les frais de la guinguette du Petit Trianon, ainsi que quelques achats personnels. En mai 1780, parmi diverses dépenses personnelles, le roi s’offrit par exemple pour 408 livres de matériel météorologique, « huit thermomètres ou baromètres » achetés à un certain Cicery. Le mois suivant, il donna 240 livres à sa sœur Élisabeth « pour une charité78 ». En outre, évidemment, le roi disposait toujours de plus de 1,2 million de livres par an pour faire payer par ses premiers valets de chambre les dépenses ordinaires des petits appartements et les pensions assignées à la Cassette. En résumé, après 1780, le budget annuel de la Cassette royale s’élevait ainsi à 1 680 000 livres79. Le comptant du roi représentait toujours la recette principale de ce budget :

  • 80 Séguret, 1897, p. 183.

Cette somme lui était apportée par le garde du Trésor en exercice. Elle était toute en or, et renfermée dans trois sacs de peau blanche faits pour cet usage, dont deux renfermaient 50 000 francs chacun, et le troisième 36 000 francs. Cela s’appelait le comptant du roi et était destiné à subvenir à toutes les dépenses personnelles du roi : son jeu, ses menus plaisirs, ses achats particuliers, pensions, gratifications, encouragements directs, secours, aumônes, en un mot, à tout ce qui ne devait passer par aucune filière ou comptabilité ministérielle. Le roi, en recevant cette somme, remettait au premier valet de chambre les deux sacs de 50 000 francs, et ne gardait pour lui que celui de 36 000 francs80.

  • 81 Ibid.

17Le roi gérait et dépensait lui-même les 36 000 livres mensuelles qu’il « gardait pour lui ». En revanche, il confiait chaque mois à ses premiers valets de chambre une somme de 100 000 livres destinée à payer les pensions sur la Cassette, les gratifications et les autres dépenses des petits appartements81.

  • 82 Almanach de Versailles pour l’année 1784, p. 118. Pour plus de détails sur les carrières de ces qua (...)
  • 83 Malgré les investissements considérables faits à la fin du règne de Louis XV pour équiper de serres (...)
  • 84 « Tout cet article de la Cassette est abusif à l’excès et doit se détruire en totalité ; il est com (...)
  • 85 AN, O/1/653.

18Les quatre premiers valets de chambre du roi jouaient un rôle crucial dans l’administration de la majeure partie des dépenses de la Cassette du roi. Ils géraient une enveloppe annuelle d’un peu plus de 1,2 million de livres, soit 300 000 livres par quartier. Chaque premier valet de chambre en rendait compte au roi à la fin de ses trois mois d’exercice. Claude-Christophe Lorimier de Chamilly (1732-1794) pour le quartier de janvier, Jean-Baptiste Tourteau de Septeuil (1753-1812) pour le quartier d’avril, le baron Charles-Marie Quentin de Champlost (1742-1801) pour le quartier de juillet, et enfin Thierry de Ville-d’Avray pour le quartier d’octobre82. À la fin de chaque trimestre, les comptes rendus par ses premiers valets de chambre permettaient à Louis XVI, seul et unique contrôleur, de suivre avec régularité la manière dont les fonds étaient utilisés. Les trésoriers-payeurs de la Maison du roi, puis ceux du Trésor royal, le contrôleur général des finances comme le secrétaire d’État de la Maison du roi ou les premiers gentilhommes de la Chambre n’eurent jamais aucun regard sur les dépenses de la Cassette. Sur les 300 000 livres dont chaque premier valet de chambre avait la charge dans son quartier, plus des deux tiers servaient à payer des pensions à divers particuliers (retraités du service des petits appartements ou des cabinets du Roi, anciens employés du domaine ou famille de la noblesse pauvre) et aux gardes du corps. Le reste payait diverses dépenses de personnel, comme des appointements ou des gratifications, mais aussi des voyages, des étrennes ou encore des fruits83 « présentés au roi84 » et autres « dépenses courantes » des petits appartements. La totalité de l’enveloppe n’était généralement pas consommée et, à la fin de leur quartier, les premiers valets de chambre remettaient au roi ce qu’il restait85.

Tableau 3. Cassette du roi, détail des dépenses du quartier d’avril pour les années 1783, 1785 et 1786.

Tourteau de Septeuil
Premier valet de chambre

Quartier d’avril 1783

Quartier d’avril 1785

Quartier d’avril 1786

Pensions annuelles à divers particuliers

207 396 l. 10 s.

207 574 l. 10 s.

205 841 l. 10 s.

Pensions des gardes du corps

19 845 l.

19 920 l.

18 460 l.

Dépenses faites par les capitaines des gardes

2 601 l.

3 024 l.

3 378 l.

Appointements ou pensions aux commandants et gentilshommes de la Vénerie

6 615 l.

5 865 l.

5 625 l.

Dépenses fixes (gratifications) pour la capitainerie de Saint-Germain-en-Laye

2 669 l. 10 s.

2 419 l. 10 s.

2 419 l. 10 s.

Dépenses non fixes pour la capitainerie de Saint-Germain-en-Laye

2 025 l.

5 938 l. 10 s.

5 908 l.

Fruits présentés au roi

1 304 l.

1 184 l.

1 184 l.

Dépenses pour la capitainerie royale de la Varenne du Louvre

10 385 l. 59 s.

11 812 l. 9 s.

11 417 l. 15 s. 6 d.

Voyages de Saint-Hubert et Rambouillet

5 610 l. 16 s.

4 082 l. 4 s.

3 962 l. 4 s.

Dépenses courantes ordinaires et fixes

26 893 l. 6 s.

32 939 l. 15 s. 6 d.

29 885 l. 18 s.

TOTAL des dépenses (en livres, sols, deniers)

285 076 l. 7 s. 9 d.

294 759 l. 18 s. 6 d.

288 081 l. 8 s.

Montant des fonds remis par le roi à Tourteau de Septeuil

300 000 l.

300 000 l.

300 000 l.

Source : Archives nationales, O/1/653.

  • 86 Ibid.

19Au sein d’un même quartier, le montant comme la nature des dépenses de la Cassette variaient assez peu d’une année sur l’autre comme nous pouvons le constater à partir de ce tableau (tabl. 3) qui détaille celles du quartier d’avril (deuxième trimestre) pour les années 1783, 1785 et 178686. Jean-Baptiste Tourteau de Septeuil était alors le premier valet de chambre en exercice. Les pensions et les récompenses versées à plusieurs particuliers et aux divers gardes du roi constituent la plus grande partie des dépenses, toujours plus de 70 % d’entre elles. Le quartier d’octobre (quatrième trimestre) était celui de Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray pour lequel nous avons le témoignage de Séguret. Comme pour le quartier d’avril, les dépenses de ce quartier consistaient elles aussi majoritairement en des pensions et gratifications variées dont Séguret nous livre le détail :

  • 87 Séguret, 1897, p. 183-184.

C’étaient, en général, des pensions modiques ou plutôt des aumônes ; je ne crois pas qu’il y en eût une qui s’élevât au-dessus de 1 200 francs. Elles étaient distribuées d’abord parmi les serviteurs de la maison du roi, leurs veuves, leurs orphelins, les valets, gens d’écurie ; peu étaient exceptés lorsque leur position personnelle l’exigeait. Venaient ensuite les familles peu aisées qui, quoique nobles, n’avaient cependant pas de quoi donner à leurs enfants l’éducation convenable ou soutenir un fils au service. […] En troisième ligne venaient les gardes du corps et autres officiers de la maison militaire ; il était rare que les anciens officiers, en général cadets de famille et peu fortunés, n’obtinssent pas après de longs services une pension qui, avec la croix de Saint-Louis et leur modique retraite, faisait toute la ressource de leurs vieux jours. On ne doit pas oublier quelle était la modicité de ces pensions : 100 francs, 200 francs par quartier, c’était le nec plus ultra87.

20Les principes sur lesquels était fondée la distribution des pensions de la Cassette royale variaient finalement assez peu de ceux qui guidaient la distribution de celles payées par le Trésor royal. Le roi récompensait ses serviteurs, ses militaires, sa noblesse pauvre. La Cassette payait également les aumônes que distribuaient les curés de Versailles. Comme le Trésor royal, le comptant du roi encourageait aussi quelques auteurs et des artistes :

  • 88 Ibid., p. 184-185.

Il est vrai que bien souvent le prétendu chef-d’œuvre n’était qu’une médiocre esquisse et le livre quelque ouvrage fort ennuyeux ; c’était égal, il fallait encourager ou secourir, payer des dépenses faites ou des peines prises ; dans ce cas, le roi ne reculait jamais. Quant à la croûte ou à la brochure, c’était la part du premier valet de chambre88.

  • 89 Carré, 2020.

21La seule différence entre les pensions du Trésor royal et celles de la Cassette, outre l’ampleur des fonds distribués (plus de 28 millions de livres par le Trésor royal et plus de 0,8 million par la Cassette), était que la seconde ne récompensait jamais les services rendus à l’État. En ce sens, la Cassette était un fonds purement royal et domestique qui préfigurait la liste civile. Tourteau de Septeuil, premier valet de chambre et cogestionnaire de la Cassette sous l’Ancien Régime, devint d’ailleurs le trésorier de la liste civile durant la monarchie constitutionnelle. Les dépenses de la Cassette comme plus tard celles de la liste civile n’eurent jamais qu’un seul et unique contrôleur : le roi lui-même89.

22Louis XVI tenait ses propres comptes en inscrivant régulièrement et minutieusement chaque dépense de la Cassette dans son journal. En janvier, il faisait l’inventaire de ses espèces. La manie de tout noter ne l’empêchait pas pour autant d’oublier de l’argent, puis d’en retrouver :

  • 90 Louis XVI, 1909, p. 97.

Je ne sais quelle erreur s’est fourrée dans mon compte depuis quelque temps, écrit-il en septembre 1782, mais le neuf de ce mois j’ai retrouvé dans le fond de ma cassette de l’argent qu’il y avait plusieurs années que j’avais oublié et par conséquent je recommence l’État général au 1er du Mois90.

  • 91 Le Guillou, 2007, p. 100.
  • 92 Nolhac, 1918, p. 208, n. 22.
  • 93 Petitfils, 2005, p. 253.

23Dans les petits appartements du Roi à Versailles, une ancienne salle de bains de Louis XV décorée par Antoine Rousseau avait été aménagée en 1777 afin de servir de cabinet particulier à Louis XVI91. Il a longtemps porté le nom de cabinet de la Cassette92. Le roi y tenait ses registres de compte93, mais ce n’est pas dans cette pièce qu’étaient payées les pensions sur la Cassette puisque le roi, comptable et contrôleur des dépenses, n’en était pas pour autant le trésorier-payeur.

Les pensions sur la Cassette de Louis XVI, un nouveau regard sur le rapport du roi à sa noblesse

Paiement « chez le Roi » des pensions sur la Cassette

  • 94 Almanach de Versailles…, 1779, p. 123.
  • 95 « Pour se rendre à ce bureau en venant des cours du château, les pensionnés gravissaient l’escalier (...)

24Les pensions représentaient la plus grande partie des dépenses de la Cassette. Sur plus de 1,6 million de livres de revenus personnels que Louis XVI recevait chaque année, au moins la moitié (0,8 million) était dépensée en pensions. « Les paiements se font chez le Roi, à sa Cassette94. » Contrairement aux pensions du Trésor royal qui se payaient à Paris, les pensions sur la Cassette royale se payaient directement au château de Versailles, au cœur même des petits appartements du Roi (le « côté du roi »), sous les combles. Le secrétaire de la Cassette de quartier disposait depuis le printemps 1776 d’une chambre et d’un bureau qui avaient été détachés de l’appartement des premiers valets de chambre du roi. Situées au troisième et au quatrième étage de la cour des Cerfs, ces deux pièces étaient d’anciennes chambres de service, voisines des combles de la galerie des Glaces. La chambre du troisième étage devint le bureau où se payaient les pensions sur la Cassette (fig. 3), tandis que la chambre mansardée du quatrième étage fut attribuée au secrétaire de la Cassette de quartier. Jean-Claude Le Guillou a parfaitement et précisément décrit l’itinéraire que devaient emprunter les pensionnaires au début de chaque trimestre afin de recevoir des mains du secrétaire de la Cassette le montant de leur pension95.

Fig. 3. Emplacement de la pièce « où l’on paie la cassette » du roi avant 1783. Capture d’écran du Plan forgé des attiques du corps central du château de Versailles, 1777, Centre de recherche du château de Versailles. Application Immersailles (depuis 2021).

Fig. 3. Emplacement de la pièce « où l’on paie la cassette » du roi avant 1783. Capture d’écran du Plan forgé des attiques du corps central du château de Versailles, 1777, Centre de recherche du château de Versailles. Application Immersailles (depuis 2021).

Source : Centre de recherche du château de Versailles. Application Immersailles (depuis 2021). Projet en partenariat avec les universités Gustave Eiffel et Rennes II. Chef de projet : Thomas FRESSIN. URL : www.chateauversailles-recherche.fr/immersailles/.

  • 96 Il s’agit de l’escalier de d’Épernon qui avait fini par se faire appeler « escalier de la Cassette  (...)
  • 97 « Les nouveaux locaux de la Cassette comportaient trois petites pièces et deux minuscules dégagemen (...)
  • 98 Séguret, 1897, p. 184.

25En 1783, le bureau de la Cassette et la chambre du secrétaire de la Cassette furent déménagés et laissèrent place à un cabinet de physique et un autre de menuiserie, tous deux destinés à l’usage personnel du roi. Le nouvel emplacement dévolu aux pièces de la Cassette les rapprochait de l’escalier par lequel arrivaient les pensionnaires pour se faire payer96, ce qui était plus commode et leur évitait d’avoir à parcourir un long dédale à travers les pièces des combles. Le bureau ne changeait pas d’étage et restait au troisième – l’attique du château –, en revanche le secrétaire quittait sa chambre mansardée pour s’installer de plain-pied avec le bureau. Le service de la Cassette disposait désormais d’un peu plus d’espace97. Cette nouvelle localisation limitait également les dérangements pour les autres services de l’étage, notamment les cuisines des petits appartements du roi, dans la mesure où les pensionnaires – toujours très nombreux à venir retirer leur pension dès le premier jour du trimestre – n’avaient plus à traverser tout l’étage (fig. 4). Les retraités du service des petits appartements ne pouvaient manquer de créer une certaine animation dans les dégagements étroits et les couloirs exigus de ces combles lorsqu’ils venaient chercher leur pension et rencontraient à cette occasion d’anciennes connaissances. Séguret rapporte que dans les couloirs, les jours de paiement, « c’était véritablement comme à la porte d’un spectacle le jour d’une première représentation98 ».

Fig. 4. Emplacement des nouvelles pièces de la Cassette après 1783, numérotées 19, 40 et 41 sur le plan de Jean-Claude Le Guillou (2007). Tiré de Jean-Claude Le Guillou, « Le “côté du Roi” au temps de Louis XVI », Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles, no 10, 2007, p. 116.

Fig. 4. Emplacement des nouvelles pièces de la Cassette après 1783, numérotées 19, 40 et 41 sur le plan de Jean-Claude Le Guillou (2007). Tiré de Jean-Claude Le Guillou, « Le “côté du Roi” au temps de Louis XVI », Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles, no 10, 2007, p. 116.

© Jean-Claude Le Guillou / Versalia

  • 99 Séguret, 1897, p. 184.
  • 100 Ibid.

26Le paiement des pensions était effectué par le secrétaire de la Cassette qui endossait alors le rôle de trésorier-payeur. Au début de chaque quartier, le premier valet de chambre en exercice faisait payer par son secrétaire les pensions aux pensionnaires inscrits dans le quartier correspondant. Séguret raconte que les paiements commençaient dès le premier jour du trimestre. « On doit croire qu’il y avait foule le premier jour99 […]. » Le 1er octobre, Séguret ne voyait généralement que les pensionnaires qui vivaient à Versailles, car « la nécessité de joindre à leur quittance un certificat de vie postérieur au 1er octobre faisait que ceux de province ne se présentaient guère que le 1er novembre ». Les 100 000 livres que le roi avait remises à Séguret le 1er octobre étaient généralement dépensées au bout de quinze jours. Les derniers à se présenter au milieu du mois étaient généralement invités à revenir le mois suivant100. Le paiement des pensions de la Cassette n’était visiblement pas la tâche que Séguret appréciait le plus lors de son service au sein des cabinets du Roi.

  • 101 Ibid., p. 186.

J’y passais ordinairement toute la matinée, pendant les quinze premiers jours de chaque mois ; mais la tristesse de ce local, n’ayant de vue que sur les toits, exerçait souvent son influence que ne détruisait pas l’ennui du travail minutieux qui m’occupait101.

  • 102 Solnon, 2014, p. 572.

27Étant de quartier l’automne, Séguret avait néanmoins régulièrement l’occasion de servir à Fontainebleau, où la cour se rendait généralement à cette saison102. La distribution des pensions n’était nullement interrompue par ce voyage qui durait plusieurs semaines et que Séguret appréciait tout particulièrement :

  • 103 Séguret, 1897, p. 186.

À Fontainebleau, j’étais placé plus gaîment ; le local de la cassette était dans l’antichambre même du roi, au bout de la galerie de Diane. […] C’est dans une petite pièce, éclairée par une simple lucarne et pratiquée dans l’épaisseur même du mur, que se faisaient les payements ; à peine pouvais-je m’y retourner ; mais aussi, quand je n’étais pas occupé, je n’avais qu’à ouvrir ma petite porte et je me trouvais au milieu des courtisans et de tout le service réunis dans l’antichambre103

28L’analyse des pensions de la Cassette permet d’ouvrir elle-même une « petite porte » sur l’économie domestique du roi de France. Alors que les pensions payées à plus de 22 000 pensionnaires par le Trésor royal étaient attribuées dans le cadre d’un processus bureaucratique où les ministres et leurs commis jouaient un rôle crucial, créant une chaîne de délégation qui immanquablement et matériellement conduisait à éloigner le roi des pensionnaires eux-mêmes, les pensions sur la Cassette de Louis XVI étaient distribuées et payées dans un circuit plus resserré. De fait, le lien symbolique et matériel créé par ces versements était autrement plus fort et plus personnel. Si les montants en jeu étaient dérisoires par rapport à ceux à quatre, cinq ou six chiffres que l’élite du royaume pouvait toucher au Trésor royal, les pensions sur la Cassette reliaient de manière tout à fait spéciale leurs bénéficiaires au roi.

Valoriser le mérite militaire

  • 104 AN, O/1/655, Pensions sur la Cassette du Roi. Travail. Dossiers d’états divers, demandes, observati (...)

29Les demandes de pensions sur la Cassette du roi étaient adressées aux premiers valets de chambre et présentées au roi à la fin de leur quartier. Louis XVI examinait les comptes, constatait le montant des pensions qui avaient été payées au début du quartier et prenait acte des extinctions qui, de fait, constituaient autant de potentielles nouvelles pensions à distribuer. Puis il prenait connaissance de la liste des demandes et décidait. Comme pour les pensions sur le Trésor royal, le roi apposait son bon de manière manuscrite pour signifier qu’il accordait une pension. En consultant les documents de travail originaux conservés aux Archives nationales, on constate qu’à la fin des années 1770, Louis XVI se prononçait alors sur chaque cas. S’il estimait que la pension pouvait être prise en charge par une autre caisse, il prenait la peine de le préciser dans la marge. En revanche, il laissait un blanc quand il voulait signifier que la demande était refusée pour le moment. Elle pouvait alors être renouvelée l’année suivante ou éventuellement présentée dans un autre quartier. En revanche, au cours des années 1780, le roi se contentait généralement d’indiquer « bon pour toute la feuille104 ». Louis XVI apposait son bon assez facilement. Toutefois, il fut beaucoup plus scrupuleux et économe vis-à-vis des demandes de pensions sur sa cassette à la fin des années 1770 et au début des années 1780.

30Le contexte de la guerre d’Indépendance américaine a incontestablement influencé la libéralité de Louis XVI. Concernant les demandes de pensions pour le quartier d’avril 1780, le roi en refusa vingt-sept et ne donna son accord qu’à dix-huit d’entre elles, réservant tout particulièrement son soutien financier aux familles de militaires engagés dans la guerre d’Indépendance américaine. Pourtant, en tête de la liste se lit une note pressante écrite par le premier valet de chambre en exercice, Tourteau de Septeuil, qui exhorte Louis XVI à soutenir ces familles de la noblesse pauvre :

  • 105 AN, O/1/655, no 14.

Le plus grand nombre de ces demandes a déjà passé sous les yeux de Votre Majesté qui m’a donné l’ordre de les lui rapporter, vu l’extrême besoin des personnes. Toutes celles dont les noms sont portés sur cet extrait sont sans pain. Ce sont de nobles et dignes familles qui, de tout temps, ont consacré leur sang ou leurs années de service, et qui, sans ressource aucune, viennent se jeter aux pieds de Votre Majesté, comme dans l’asile de la bienfaisance et de l’humanité105.

31La plupart de ces demandes faisaient d’ailleurs l’objet de recommandations. Dans la marge, en face du nom du demandeur, figure le nom du protecteur qui était intervenu pour le compte du bénéficiaire attendu. La démarche du sieur de Bourges, garde du corps du roi pendant trente-deux ans et retiré pour des infirmités, était soutenue par Rigoley d’Ogny, l’intendant des Postes et Messageries. Le vicomte de Pons appuyait la demande de pension du sieur de Montfort, brigadier des gardes du corps du roi, « au service depuis 35 ans, il n’a rien et supplie Sa Majesté de vouloir bien l’aider à vivre ». Celle du sieur de Monclars, « gentilhomme dauphinois, garde du roi », qui n’a « absolument rien de chez lui pour se soutenir au service » était parrainée par le prince de Tingry, dans la compagnie duquel il servait. L’évêque de Laon réclamait des secours pour les demoiselles Ogier, filles d’un brigadier des gardes du corps du roi mort après quarante ans de service et nièces d’un ambassadeur en Suède et au Danemark. Elles vivaient dans le diocèse de l’évêque qui aidait déjà « une autre partie de leur famille également dans la plus affreuse détresse ». L’évêque de Laon suppliait le roi de « jeter un œil de compassion sur ces pauvres infortunées demoiselles ». À toutes ces suppliques, pourtant appuyées par des personnages importants et fortement secondées par le premier valet de chambre, Louis XVI refusa de donner une suite favorable. En revanche, le roi accepta d’accorder une pension de 300 livres demandée par le comte de Rochambeau en faveur de sa tante, Marie-Josèphe Begon :

  • 106 Ibid.

Âgée de quatre-vingt[s] ans, sans pain, [elle] a vécu quarante ans chez son beau-frère le marquis de Rochambeau mort depuis peu. Le fils, en partant pour l’Amérique, s’est flatté que Sa Majesté voudrait bien accorder, à sa prière, un secours de 300 livres par an à sa vieille tante isolée, accablée d’infirmités, pour subsister dans un couvent le peu de temps qui lui reste à vivre106.

  • 107 Ibid.
  • 108 Jamais Louis XVI ne participa directement à aucune campagne militaire ni ne mena lui-même ses troup (...)
  • 109 AN, O/1/655, no 2.

32Même mansuétude de la part de Louis XVI vis-à-vis de la comtesse d’Hunolstein, qui le suppliait de bien vouloir accorder au chevalier de la Martinière une gratification de 400 livres pour lui permettre de se rendre en Amérique. Le roi avait déjà accordé une pension sur sa cassette aux sœurs du chevalier107. Louis XVI savait donc parfaitement résister aux sollicitations les plus pressantes. Dans le cas d’espèce précité, il se montra même insensible aux plaintes des familles d’anciens gardes du corps. Au-delà, la manière dont Louis XVI traita ces demandes de pensions sur la Cassette révèle en partie son attitude vis-à-vis de la noblesse d’épée. Il était prêt à la soutenir financièrement et personnellement à condition qu’elle combatte. Sans aller jusqu’à parler d’un « roi de guerre », qu’il n’était pas108, on peut dire qu’il avait une vision utilitariste de la noblesse d’épée, conforme à l’esprit des Lumières. Pour autant, refuser obstinément d’accorder des pensions alimentaires à des familles nobles ayant longtemps servi son prédécesseur pouvait paraître excessif, ingrat et était en tout cas contraire aux règles tacites du don et du contre-don. Louis XVI agissait-il par pingrerie ? En décembre 1775, donc en temps de paix, le roi se montrait déjà tatillon avec l’emploi des fonds de sa cassette. Hochereau de Gassonville, ancien garde du corps de Louis XV, devenu maréchal des logis des gardes du comte d’Artois, sollicita une pension de 400 livres que Louis XVI lui refusa : « le comte d’Artois dans la maison duquel il est peut le récompenser109 ». Souhaitait-il affirmer sa capacité de résistance au clientélisme de la cour ? Si les états de services et le patronage pouvaient suffire à convaincre ses ministres d’accorder des pensions sur le Trésor royal, c’est en revanche l’engagement aux côtés des Insurgents qui déterminait le roi à utiliser son argent personnel afin de soutenir la noblesse et récompenser son mérite militaire. Le patriotisme était donc un critère plus important que le clientélisme pour obtenir une pension sur la Cassette en temps de guerre. Après tout, affranchir l’Amérique et rétablir la « liberté des mers » (fig. 5), n’étaient-ce pas là de nobles causes ?

Fig. 5. Allégorie de Louis XVI en général antique ayant « affranchi l’Amérique », « rétabli la liberté des Mers » et sur le point de « donner la paix à l’univers » sous le regard satisfait de Minerve, vers 1783, eau-forte. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, INV.GRAV 781.

Fig. 5. Allégorie de Louis XVI en général antique ayant « affranchi l’Amérique », « rétabli la liberté des Mers » et sur le point de « donner la paix à l’univers » sous le regard satisfait de Minerve, vers 1783, eau-forte. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, INV.GRAV 781.

Inscription en bas de l’estampe : « LOUIS XVI. Ce Monarque occupé du bonheur de ses sujets, se promène dans une campagne riante, tenant à la main la Lance de Minerve, qui, en touchant la terre fait naître un olivier dont une des branches pose sur le cœur de Sa Majesté, tandis que d’une autre branche un Génie a fait une couronne qu’il place sur la tête du Prince. Deux autres Génies montrent une devise latine, dont le sens est : qu’il n’appartient qu’à lui, après avoir affranchi l’Amérique, et rétabli la liberté des Mers, de donner la paix à l’univers, Et Minerve, satisfaite de voir les vœux du Souverain accomplis, retourne dans les Cieux. A Paris chez Alibert Md. d’Estampes, au Palais Royal ».
Notice sur le site des collections du château de Versailles

© Château de Versailles

Une gestion bourgeoise ou « machiavélique » ?

  • 110 « Pour sa propre personne, il était d’une économie confinant à la ladrerie », Petitfils, 2005, p. 2 (...)
  • 111 AN, O/1/655, no 23.
  • 112 Ibid.

33La distribution des grâces pécuniaires payées par la Cassette royale en dit plus sur les volontés personnelles de Louis XVI que celle des pensions sur le Trésor royal. De tous les fonds dont il était l’ordonnateur, la Cassette était le seul dont il disposait exclusivement et surtout dont il pouvait effectivement suivre scrupuleusement les dépenses. Le roi recevait tous les trois mois le rapport de ses premiers valets de chambre sur la mise en œuvre de ce budget miniature. Le suivi était plus fréquent et plus régulier que celui des dépenses du Trésor, dont la structure et le montant – plusieurs centaines de millions de livres chaque année – ne permettaient pas au roi d’en avoir une connaissance fine et le contraignaient à faire confiance à ses ministres et à son administration. Le détail des dépenses de la Cassette confirme la réputation d’homme économe (voire pingre lorsqu’il s’agissait de dépenser pour lui-même110) généralement attribuée à Louis XVI. En observant plus précisément les dons du roi sur la Cassette et la manière dont ils sont répartis, on constate qu’il savait dire non à la vieille noblesse d’épée. En temps de guerre, il attendait que celle-ci joue son rôle social. Si elle voulait des pensions, elle devait d’abord donner son sang. Ce cas est révélateur de l’évolution de l’état d’esprit de cette dernière qui estimait que, par son seul rang, elle devait bénéficier des secours du roi, oubliant au passage la notion de service. Louis XVI défendait sans doute une vision plus classique de la récompense, conforme aux vieux préceptes de Machiavel qui, dans Le Prince, conseillait aux rois d’être sobres dans leur apparence et économes, quitte à passer pour pingres. Ceci devait leur permettre, le moment venu et une fois leur épargne constituée, de faire preuve de libéralité. La manière dont Louis XVI géra ses propres fonds paraît suivre la même logique, du moins pour ce qui est de la distribution des grâces payées par sa cassette (tabl. 4). De 1776 à 1779, Louis XVI accorda de moins en moins de nouvelles pensions. La variation des dépenses n’était pas corrélée avec celle des recettes puisque ces dernières étaient fixes et, dans tous les cas, garanties par le Trésor royal. La diminution était tout simplement le fruit de la volonté du roi. En décembre 1781, Thierry de Ville-d’Avray, dont le quartier se terminait, demanda à Louis XVI d’accorder pour 3 060 livres de nouvelles pensions. « Le montant des pensions que j’ai l’honneur de demander à Votre Majesté, est à très peu de choses près semblable aux objets qui ont vaqué par mort cette année sur la Cassette111. » Réponse du roi : « Cela est fort bien fait mais il faudrait qu’elles diminuassent plutôt que d’augmenter. En 1779 et 1780 il y a eu près de 5 000 livres d’augmentation112. » Même un proche serviteur comme Ville-d’Avray ne parvenait pas à faire évoluer la générosité du roi.

Tableau 4. Montant annuel des pensions et gratifications accordées par Louis XVI sur sa cassette entre 1776 et 1789.

Tableau 4. Montant annuel des pensions et gratifications accordées par Louis XVI sur sa cassette entre 1776 et 1789.

Source : données tirées des Comptes de Louis XVI, publiés par le comte de Beauchamp d’après le manuscrit autographe du roi conservé aux Archives nationales, Paris, Henri Leclerc, 1909.

© Benoît Carré

  • 113 La nouvelle de la capitulation de Cornwallis à Yorktown le 19 octobre 1781 arriva à Versailles un m (...)
  • 114 Valade, 2016, p. 170-171.
  • 115 Gruber, 1972, p. 116.
  • 116 Gazette de France, 13 novembre 1781, p. 427.
  • 117 Louis XVI, 1909, p. 90.
  • 118 Gruber, 1972, p. 270.
  • 119 Gazette de France, janvier 1782, supplément à la Gazette du mardi 29 janvier 1782, p. 46.
  • 120 Tous les chiffres des pensions et gratifications accordées chaque trimestre par Louis XVI sur sa ca (...)

34Faire des économies ne constituait toutefois pas une fin en soi, mais plutôt un moyen de thésauriser suffisamment afin de pouvoir ponctuellement opérer une grande distribution de libéralités. Telle était la leçon de Machiavel et telle était la manière dont Louis XVI gérait les fonds de sa cassette. En effet, si le montant des dons nouveaux baissa de 34 480 livres en 1776 à 21 416 en 1779, puis fut contenu en dessous de 26 000 livres jusqu’en 1781, il fit un véritable bond en 1782. Cette année-là, Louis XVI accorda 23 692 livres de pensions et 12 628 de gratifications, soit un total de 36 320 livres. Lors du dernier trimestre de l’année 1781, le roi avait d’ailleurs distribué un nombre de gratifications plus élevé qu’à l’accoutumée, après n’en avoir accordé aucune au troisième trimestre, et très peu lors des deux premiers. Ce moment coïncide avec la naissance, le 22 octobre 1781, du premier fils du couple royal, Louis-Joseph de France, et avec les grandes festivités qui suivirent. La nouvelle de cet heureux événement se répandit en même temps que celle des succès militaires franco-américains113. L’alliance entre l’Autriche et la France se trouvait par ailleurs consolidée puisque Marie-Antoinette apportait enfin un héritier au trône après plus de onze années de mariage et reçut l’assentiment populaire à travers les expressions de joie collectives114. La popularité de la reine était alors telle qu’il fut envisagé un temps de la couronner à Notre-Dame pour la remercier115. La naissance d’un dauphin offrait une nouvelle occasion de manifester, dans la plus pure tradition de la société d’Ancien Régime, le lien entre la monarchie et le peuple par des célébrations, des distributions d’argent et des échanges de dons. Dès le 26 octobre, le roi s’était rendu à Paris pour assister à un Te Deum à Notre-Dame. Sur son trajet, il « fit jeter de l’argent au peuple » à l’aller et au retour116. Le 4 novembre 1781, Louis XVI offrit 150 000 livres à Marie-Antoinette ; cette somme, prise sur sa cassette, complétait les 150 000 livres versées directement par le Trésor royal117. Les échevins de Paris firent le déplacement jusqu’à Versailles avec les représentants de tous les corps de métier de la ville afin de rendre hommage à la reine et au petit Dauphin, offrant des cadeaux au couple royal118. La famille royale se rendit à l’hôtel de ville de Paris le 21 janvier 1782 pour assister à un dîner offert par les échevins, puis à un feu d’artifice. Sur le chemin du retour, « les officiers des gardes du corps qui entouraient les carrosses du roi et de la reine ont jeté de l’argent en plusieurs endroits119 ». Cette munificence resta exceptionnelle, car, dès l’année suivante, le montant total annuel de nouvelles grâces pécuniaires accordées par le roi sur sa cassette redescendit à 27 214 livres, et diminua encore en 1784, se limitant à 22 615 livres120. Louis XVI faisait donc preuve d’une libéralité mesurée. Il dépensait quand il le devait.

Cassettes personnelles et autres fonds propres des membres de la famille royale

Augmentation du « comptant » de la reine Marie-Antoinette : merci Mercy

  • 121 Marie-Thérèse et Mercy-Argenteau, 1875, t. III, p. 372.
  • 122 En 1782, il s’agissait de Mme de Misery, baronne de Biache.
  • 123 AN, K//505, no 18, État des pensions sur la cassette de la reine (1782).
  • 124 Marc-Antoine-François-Marie Randon de La Tour (1736-1794) occupa des fonctions importantes dans la (...)

35Les autres membres de la famille royale disposaient également d’une cassette personnelle, dotée d’une gestion et d’une comptabilité propres, distinctes de celles de leur propre maison. Ces cassettes servaient elles aussi à payer des dons et des pensions. De même que l’organisation interne des maisons domestiques des membres de la famille royale imitait celle du roi à plus petite échelle, de même leurs cassettes reprenaient une structure financière similaire. La reine Marie-Antoinette recevait ainsi chaque année 200 000 livres du Trésor royal pour son comptant et afin d’alimenter sa cassette personnelle. En 1779, le roi, après avoir constaté que la reine perdait beaucoup au jeu, lui avait proposé de doubler le montant de sa cassette que Mercy présentait comme « purement destinée à des actes de générosité arbitraires121 », ce qui était presque exact. Avec une partie de cette somme, la reine entretenait en effet plus d’une cinquantaine de personnes, dont 43 femmes, en leur versant des pensions. Hormis deux pensions de 2 400 livres, la plupart de ces grâces étaient comprises entre 120 et 400 livres. On trouvait également quelques petites pensions de 60 livres. Au total, en 1782, le montant des pensions payées par la reine s’élevait à 16 900 livres. C’était la première femme de chambre122 de la reine, Mme de Misery, qui était chargée de leur gestion, comme de l’ensemble des dépenses fixes de la cassette de la reine123. Ainsi, Randon de La Tour124, trésorier-payeur général des maisons du roi et de la reine à partir de 1780, n’avait aucun regard sur ces pensions qui ne figuraient pas sur les états de dépenses qu’il devait suivre. La reine versait en outre toute une série de gratifications ordinaires ou extraordinaires mais aussi des aumônes. Elle distribuait annuellement 10 722 livres de gratifications ordinaires à une soixantaine de personnes. À cela s’ajoutaient 3 228 livres de gratifications extraordinaires ou particulières, dont 936 livres à distribuer aux pauvres de Fontainebleau. Les aumônes et charités s’élevaient quant à elles à 11 592 livres, versées entre autres à des religieuses des paroisses de Paris, Versailles et Saint-Germain, mais aussi aux prisonniers de la capitale (1 152 livres). Contrairement aux frères du roi, la reine ne demanda pas la prise en charge du paiement des pensionnaires de sa cassette par le Trésor royal. Dès le début du règne, Provence et Artois avaient en effet obtenu auprès de leur frère que les pensions qui se payaient sur leurs cassettes soient transférées sur le Trésor royal. La reine imagina d’en faire autant, en parla à Mercy qui l’en dissuada pour des raisons politiques :

  • 125 Marie-Thérèse et Mercy-Argenteau, 1875, t. II, p. 210-211.

[…] il ne convient point à la reine de se mettre en parité avec personne de la famille royale, même dans les avantages qui peuvent être accordés aux princes et princesses ; il est de la dignité de la reine que ses pensionnaires continuent à devoir à elle seule ce dont ils jouissent par un effet de ses bontés, et cet article est dans ce pays-ci de quelque conséquence dans l’opinion publique125.

  • 126 Ibid., p. 227, p. 242-251, 267.

36Le comptant qui alimentait la cassette de Marie-Antoinette ne s’élevait alors qu’à 96 000 livres par an (celui des tantes du roi était de 200 000 livres). Mercy et l’abbé de Vermond n’eurent pas de peine à convaincre Turgot de soumettre au roi un mémoire pour obtenir l’augmentation de ce comptant. En novembre 1774, celui-ci passa donc à 200 000 livres. La manœuvre avait été habile et Marie-Thérèse remercia son ambassadeur d’avoir permis à sa fille d’être mise sur le même pied que les autres membres de la famille royale sans que Marie-Antoinette eût à le demander et sans qu’elle eût besoin de se détacher de ses pensionnaires126.

Provence et Artois, deux paniers percés

  • 127 Claeys, 2011, t. II, p. 2037.
  • 128 Bula, 1997, p. 358.
  • 129 Necker, 1790, p. 8.

37À l’orée du règne de Louis XVI, les frères du roi et leurs épouses avaient obtenu la prise en charge des pensions de leurs cassettes personnelles par le Trésor royal. Leurs cassettes ainsi libérées, ils purent ensuite accorder de nouvelles pensions. En 1781, dans un mémoire adressé au contrôleur général des finances Joly de Fleury, le surintendant du comte d’Artois, Radix de Sainte-Foy127, imputa l’endettement de ce prince aux pensions particulières qu’il avait accordées. La maison du comte d’Artois dépensait alors 720 000 livres de plus que ce que le Trésor royal lui versait pour son train de vie128. Les dettes du comte d’Artois finirent par atteindre 20 millions et le roi vint au secours de son plus jeune frère en effaçant l’ardoise avec l’argent de l’État. Il en fit autant pour le comte de Provence. Le Livre rouge fut le support discret de la liquidation du passif princier et le secret en fut bien gardé jusqu’à sa publication retentissante en 1790 par le Comité des pensions. Necker eut l’élégance de prendre la défense de Provence et Artois. Il tenta d’excuser leur conduite en rappelant qu’ils avaient été « élevés, dès l’enfance, au milieu du luxe d’une grande Monarchie ». À cela, il fallait ajouter le souci qu’avait eu Louis XVI de ne pas « exposer ses Frères à un déshonneur, & leurs créanciers à une ruine malheureuse », deux raisons pour lesquelles le roi avait accepté que les dettes de ses frères fussent prises en charge par le Trésor royal129. Toutefois, la ligne adoptée par Necker ne soutenait pas longtemps la comparaison avec le cas du roi lui-même. Louis XVI avait lui aussi été élevé dans le luxe de la cour et avait été doté d’une maison pléthorique. Contrairement à eux, il n’avait cessé de chercher à en réduire le coût et avait scrupuleusement tenu en équilibre sa comptabilité personnelle.

  • 130 Bula, 1997, p. 355-356.
  • 131 Burnand, 2009, p. 151.
  • 132 Félix, 2006, p. 98.
  • 133 Sciama, 2006, p. 61-76.
  • 134 AN, O/1/655, no 40.

38Necker minimisait également la responsabilité des princes en faisant allusion à l’incompétence des surintendants de leur maison. Il mettait ainsi sur le même plan le surintendant du comte d’Artois, Radix de Sainte-Foy, qui avait été accusé de malversations financières130, et celui du comte de Provence, Cromot. Le Genevois avait des raisons de vouloir dévaloriser ce dernier puisque le surintendant de Monsieur avait pris une part active à sa chute en 1781131. Avant d’entrer au service du comte de Provence en 1770, Cromot avait exercé d’importantes responsabilités au Contrôle général des finances, notamment comme premier commis de L’Averdy. Il fut renvoyé avec lui pour avoir tenté de renverser Choiseul, et redevint premier commis au Contrôle général sous le ministère Terray132. La culture gestionnaire de Cromot, sa connaissance du crédit et de l’administration des finances évitèrent à la maison du comte de Provence les difficultés que rencontra celle du comte d’Artois. L’ancien commis des finances n’eut de cesse de tenter de brider les habitudes dépensières de Monsieur et, quand il n’y parvenait pas, était capable d’emprunter pour lui à des taux avantageux133. Les compétences de Cromot profitèrent également à la maison de Madame. En juin 1784, Cromot n’hésita pas à réduire les dépenses de la maison de la comtesse de Provence en faisant payer par la Cassette du roi les pensions de six domestiques devenus « absolument hors d’état par leur âge ou leurs infirmités de continuer leur service134 ». Le roi avait créé un précédent au début de son règne et ne pouvait que difficilement refuser de nouvelles demandes – a fortiori quand ces vieux domestiques avaient également été au service de sa mère, Marie-Josèphe de Saxe. Cela n’avait pas échappé à Cromot, qui trouva là un nouveau moyen de faire des économies sur les comptes du couple Provence, aux dépens du roi.

Mesdames tantes, un éventail de fonds

  • 135 AN, O/1/3767, État des pensions accordées par Mesdames, tantes du Roy, aux personnes ci-après nommé (...)

39Par un remarquable concours de circonstances, les tantes de Louis XVI se trouvèrent en mesure d’accorder un nombre de pensions relativement élevé, plus important, sans doute, que celui que pouvait accorder la reine elle-même sur sa propre cassette. Au milieu des années 1780, Madame Adélaïde et Madame Victoire disposaient d’un éventail de fonds très diversifiés. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le cahier des Décisions de Mesdames depuis le mois de janvier 1784135. Sur quatorze chapitres, neuf concernent l’attribution et la gestion de diverses grâces pécuniaires : pensions en commun aux trois sœurs, pensions de Madame Adélaïde, pensions de Madame Victoire, pensions de Madame Sophie, pensions testamentaires de leur mère, pensions sur les Missions, pensions sur les fonds de la Maison-Bouche, gratifications pour la Lorraine, gratifications particulières, et pensions du roi de Pologne, leur grand-père. Cet éventail de fonds avait été constitué progressivement, par héritages successifs. En 1766, après la mort de Stanislas Leszczynski, leur grand-père maternel, toute la Maison du roi de Pologne avait été pensionnée par Louis XV. Il s’agissait essentiellement de Lorrains qui faisaient partie de la domesticité du défunt à Lunéville. Lorsque ces derniers venaient à mourir, leur pension n’était pas pour autant éteinte, car Mesdames tantes, qui en avaient hérité la gestion, intervenaient alors pour les attribuer à d’autres Lorrains. Cette clientèle s’élargit encore une fois en 1768, à la mort de leur mère. En effet, dans son testament, Marie Leszczynska accorda des pensions à plusieurs de ses serviteurs. Adélaïde, Victoire et Sophie disposaient d’un droit de regard dans leur attribution quand l’une d’entre elles venait à vaquer. Mesdames tantes devenaient de ce fait les protectrices des anciens serviteurs de leur mère et de leur grand-père.

  • 136 Ibid.
  • 137 AN, O/1/3767, État des pensions affectées sur le fonds des Missions, sans date.
  • 138 AN, O/1/741, Distributions du Trésor royal (1787-1788).
  • 139 La comptabilité de Mesdames ne nous apprend rien sur ce fonds des Missions. Nous savons en revanche (...)
  • 140 AN, O/1/3767, État des pensions sur la cassette de Madame Sophie, 29 mars 1785.
  • 141 AN, O/1/3767, Décision de Madame Adélaïde, 27 août 1784.
  • 142 AN, O/1/3767, no 78.

40Devenu roi en 1774, Louis XVI décida d’accorder à ses tantes leur propre maison, conformément aux dernières volontés de Louis XV. Mesdames tantes disposèrent ainsi d’un service de la Bouche sur les fonds duquel elles payaient une quinzaine de pensions de retraite, destinées pour la plupart à récompenser les domestiques de leur château de Bellevue : un garçon d’office, un garçon des potages et entremets, la veuve du chef pâtissier, un « compagnon serrurier pour les ouvrages du château de Bellevue », etc. Ces pensions représentaient 3 646 livres par an136. Les princesses disposaient en outre d’un autre fonds, appelé « fonds des Missions », sur lequel elles accordèrent jusqu’à vingt et une pensions à des demoiselles pauvres, allant de 50 et 300 livres, pour un total de 5 730 livres137. Bien entendu, les filles de Louis XV payaient également des pensions sur leur cassette personnelle que le Trésor royal alimentait chaque mois par le paiement d’un comptant138 qui représentait annuellement 200 000 livres pour chacune d’entre elles. Plus étonnant fut l’usage que firent Adélaïde et Victoire des fonds de la cassette de Sophie après sa mort. En 1785, ne pouvant plus utiliser le fonds des Missions pour payer des pensions139, elles décidèrent de transférer celles qui s’y trouvaient inscrites vers la cassette de leur sœur, soit dix-sept grâces pécuniaires dont les montants allaient de 50 à 300 livres, attribuées uniquement à des femmes140. La majorité des décisions financières prises par Mesdames concernait l’administration de ces pensions et gratifications, dont elles avaient hérité la gestion ou qu’elles avaient accordées elles-mêmes. Très pieuses et attachées à la moralité de leurs pensionnaires, Mesdames n’hésitèrent pas à retirer leurs grâces lorsque leurs protégées se trouvaient en délicatesse avec la police ou la maréchaussée. La dame Heuveller en fit les frais. Arrêtée à Pontoise en juillet 1784, elle perdit sa pension de 250 livres le mois suivant sur décision de Madame Adélaïde141. C’est généralement cette dernière qui signait la plupart des décisions au nom de ses sœurs. Le 13 janvier 1782, elle accorda ainsi en leur nom 600 livres de pension sur les dépenses de la Bouche à la veuve de leur comptable, le sieur Avéneaux, et à leurs enfants142.

Conclusion

41La Cassette royale apparaît comme le dernier pré carré de l’État dynastique au sein de l’État bureaucratique. Sa gestion, par le roi lui-même assisté de ses premiers valets de chambre, la situe au cœur de l’économie domestique qui caractérisait les maisons civiles des membres de la famille royale. Son étude révèle l’étendue de l’autonomie financière personnelle de ce prince. Au sein du département de la Maison du roi, elle préfigure la liste civile, créée en 1790. L’étude du fonctionnement et des dépenses des cassettes personnelles des membres de la famille royale permet de lever le voile sur les aspects pratiques des dépenses particulières des membres de la Maison de France. À travers les pensions payées par les cassettes apparaît aussi la liste des serviteurs qui évoluent au plus près de l’intimité du couple royal et de leurs plus proches parents. Ces derniers les récompensaient comme n’importe quels maîtres et maîtresses de maison. Cependant le roi, du fait de l’importance des fonds dont il disposait avec l’argent de sa cassette par rapport aux autres membres de sa famille, était en mesure de récompenser au-delà de ses seuls serviteurs directs. La politique de la faveur royale, à l’échelle de la Cassette de Louis XVI, conduit à un usage des libéralités qui se distingue des pratiques et des règles propres à la gestion ministérielle des pensions royales. Le roi, en choisissant de marquer prioritairement son soutien financier personnel au profit des familles de la noblesse pauvre engagées dans la guerre d’Indépendance américaine, montrait à la fois son attachement aux critères de mérite militaire et de service, et manifestait aussi son soutien envers ce conflit. Louis XVI se démarque en outre de ses frères, Provence et surtout Artois, par l’impeccable gestion des comptes de sa cassette. Plus globalement, il ressort de notre étude un contraste très net entre l’équilibre et la gestion vertueuse de la Cassette royale d’un côté et l’ampleur considérable du déficit de la monarchie de l’autre. La structure comptable et la dimension réduite de la Cassette royale permettaient un suivi et un contrôle régulier des dépenses, ce qui n’était pas le cas pour les comptes de la monarchie dans son ensemble. La rigueur personnelle de l’unique ordonnateur et contrôleur des dépenses de la Cassette contribua à la bonne tenue de son budget particulier mais fut sans effet sur les finances du royaume. Du reste le roi, à l’échelle de la Cassette, n’avait pas de créanciers alors que le Trésor royal et les autres caisses de la monarchie dépendaient du système fisco-financier, des avances des receveurs et des fermiers, du succès des créations de rentes, etc. Dans l’espace de la Cassette, le roi n’était tenu que par la dette morale qui le liait à ses anciens serviteurs auxquels il devait des récompenses. Pour le reste, il était libre de dépenser à sa guise.

  • 143 Nous reprenons ici les propres mots de Louis XVI, qui qualifiait ainsi la situation à laquelle le r (...)
  • 144 Voir Carré, 2020.

42Mince liberté pour un roi, pourrait-on penser, que celle permise par une enveloppe de moins de deux millions de livres par an, « vain simulacre de la royauté143 » ? Sur ce point, il importe de ne pas se laisser duper par la fiction comptable de la Cassette de Louis XVI. Il ne tenait qu’à lui de décider d’en augmenter les recettes puisqu’il disposait du pouvoir de puiser, à l’infini ou presque et en tout cas sans contrôle, dans les caisses du Trésor royal, ce qui n’était pas le cas de ses frères ou de son épouse qui ne pouvaient pas augmenter leur propre comptant sans son accord. Louis XVI avait beau jeu de tenir les comptes de la Cassette en équilibre quand il pouvait acquérir le château de Rambouillet par une ordonnance au porteur qui ne figurait ni dans les comptes de sa cassette, ni dans ceux du département de la Maison du roi. La complicité du contrôleur général des finances, un homme qu’il pouvait congédier à tout moment, suffisait. Il fallut attendre que l’exécution de Louis Capet fût passée pour que le public découvre, à la fin de l’hiver 1793, avec la publication intégrale du Livre rouge, que la vertu financière du « ci-devant roi » n’était qu’une chimère144.

Haut de page

Bibliographie

Sources imprimées

Archives parlementaires de 1787 à 1860 – Première série (1787-1799), 1887, éd. J. Mavidal et E. Laurent, t. XXVII.

Bachaumont Louis Petit de, 1786, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France depuis 1762 jusqu’à nos jours ou Journal d’un observateur, Londres, John Adamson.

Collection générale des décrets rendus par la Convention nationale, 1792-1795, Paris, Baudouin, 17 vol.

Broglie Charles-François de, 1956-1961, Correspondance secrète du comte de Broglie avec Louis XV, 1756-1774, éd. Didier Ozanam et Michel Antoine, Paris, C. Klincksieck, 2 vol.

Louis XVI, 1873, Journal de Louis XVI, éd. Louis Nicolardot, Paris, E. Dentu.

Louis XVI, 1900, Journal de Louis XVI, éd. Raymond de Beauchamp, dans Souvenirs et mémoires, t. V, supplément, Paris, Lucien Gougy.

Louis XVI, 1909, Comptes de Louis XVI, publiés par le comte de Beauchamp d’après le manuscrit autographe du roi conservé aux Archives nationales, éd. Raymond de Beauchamp, Paris, Henri Leclerc.

Marie-Thérèse et Mercy-Argenteau Florimont de, 1875, Correspondance secrète entre Marie-Thérèse et le comte de Mercy-Argenteau, éd. Alfred von Arneth et Auguste Geffroy, 2e éd., Paris, Firmin-Didot, 3 vol.

Necker Jacques, 1790, Observations de M. Necker, sur l’avant-propos du Livre rouge, Paris, Imprimerie royale.

Séguret, 1897, « Les Mémoires de M. de Séguret, secrétaire de la cassette et premier commis des petits appartements de Louis XVI (notice et extraits) », éd. Henri Beaune, L’Université catholique, nouv. série, t. XXV (15 mai-15 août), p. 180-198, 345-365.

Thierry de Ville-d’Avray Marc-Antoine, 1908, Mémoires de Marc-Antoine Thierry, baron de Ville d’Avray, premier maire de Versailles, éd. Henri Charles Thierry de Ville-d’Avray, Revue de l’histoire de Versailles et de Seine et Oise, p. 81-107, 209-226.

Véri Joseph-Alphonse de, 1928-1930, Journal de l’Abbé de Véri, éd. Jehan Gaspard Marie de Witte, Paris, Jules Tallandier, 2 vol.

Outils et dictionnaires

Bayard Françoise, Félix Joël et Hamon Philippe (dir.), 2000, Dictionnaire des surintendants et des contrôleurs généraux des finances, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France.

Claeys Thierry, 2011, Dictionnaire biographique des financiers en France au xviiie siècle, Paris, Éditions SPM, 2 vol.

Études

Antoine Michel, 1948, Le secrétariat d’État de Bertin (1763-1780), dans Positions des thèses soutenues par les élèves de la promotion de 1948 pour obtenir le diplôme d'archiviste paléographe, Paris, École nationale des chartes.

Antoine Michel, 1989, Louis XV, Paris, Fayard.

Becquet Hélène, 2006, « La cour de France sous Louis XVI, un système en décadence ? L’exemple de la maison des enfants de France », Dix-huitième siècle, no 38, 2006/1, p. 407-428.

Bove Boris, Salamagne Alain et zum Kolk Caroline (dir.), 2021, L’itinérance de la cour en France et en Europe. Moyen Âge-xixe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion.

Bula Sandrine, 1997, « Les finances royales et la gestion de l’apanage du comte d’Artois », dans Françoise Bayard et François Monnier (dir.), L’administration des finances sous l’Ancien Régime, actes du colloque (Bercy, 22-23 février 1996), Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, p. 347-360.

Burnand Léonard, 2009, Les pamphlets contre Necker. Médias et imaginaire politique au xviiie siècle, Paris, Classiques Garnier.

Cadio Émilie, 2012, « Le Comité de sûreté générale (1792-1795) », La Révolution française, no 3, https://doi.org/10.4000/lrf.676.

Carré Benoît, 2018, Pensions et pensionnaires de la monarchie française. De la grâce royale au système de redistribution de l’État au xviiie siècle, thèse de doctorat en histoire, dir. Marie-Laure Legay, université de Lille.

Carré Benoît, 2019, « La comptabilité des pensions de cour au xviiie siècle », Comptabilités, no 11, http://journals.openedition.org/comptabilites/2354.

Carré Benoît, 2020, « Contraindre l’Exécutif à la transparence financière. La naissance du Comité des pensions et la publication des dépenses secrètes de la monarchie (1790) », La Révolution française, no 17, https://doi.org/10.4000/lrf.3372.

Carré Benoît, 2021, « Les échappées de Louis XVI. Itinérance curiale et mobilité royale (1774-1792) », dans Boris Bove, Alain Salamagne et Caroline zum Kolk (dir.), L’itinérance de la cour en France et en Europe. Moyen Âge-xixe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, p. 313-338.

Castelluccio Stéphane, 2004, Le Garde-Meuble de la Couronne et ses intendants du xvie au xviiie siècle, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Da Vinha Mathieu, 2004, Les valets de chambre de Louis XIV, Paris, Perrin.

Félix Joël, 2006, Louis XVI et Marie-Antoinette. Un couple en politique, Paris, Payot & Rivages.

Gruber Alain Charles, 1972, Les grandes fêtes et leurs décors à l’époque de Louis XVI, Genève, Librairie Droz.

Horowski Leonhard, 2019, Au cœur du palais. Pouvoir et carrières à la cour de France (1661-1789), Rennes/Versailles, Presses universitaires de Rennes/Centre de recherche du château de Versailles, coll. « Histoire », série « Aulica. L’Univers de la cour ».

Hours Bernard, 2009, Louis XV. Un portrait, Toulouse, Privat.

Le Guillou Jean-Claude, 2007, « Le “côté du Roi” au temps de Louis XVI », Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles, no 10, p. 80-142.

Legay Marie-Laure, 2014, Les loteries royales dans l’Europe des Lumières, 1680-1815, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, https://doi.org/10.4000/books.septentrion.1552.

Lemaigre-Gaffier Pauline, 2016, Administrer les menus plaisirs du roi. La cour, l’État et les spectacles dans la France des Lumières, Ceyzérieu, Champ Vallon.

Maroteaux Vincent, 1985, « Une curiosité institutionnelle. L’administration du domaine de Versailles sous l’Ancien Régime », Bibliothèque de l’école des chartes, no 2, p. 275-312.

Martin Virginie, 2020, « Introduction. Pour une histoire du “gouvernement d’Assemblée”. Les comités à la charnière du Législatif et de l’Exécutif », La Révolution française, no 17, https://doi.org/10.4000/lrf.3829.

Newton William Ritchey, 2000, L’espace du roi. La Cour de France au château de Versailles, 1682-1789, Paris, Fayard.

Newton William Ritchey, 2006, La petite cour. Services et serviteurs à la Cour de Versailles au xviiie siècle, Paris, Fayard.

Nolhac Pierre de, 1918, Histoire du Château de Versailles. Versailles au xviiie siècle, Paris, Émile-Paul Frères.

Ozouf Mona, 2005, Varennes. La mort de la royauté, 21 juin 1791, Paris, Gallimard.

Petitfils Jean-Christian, 2005, Louis XVI, Paris, Perrin.

Rouet Marion, 2019, « Cerisiers, pêchers et ananas. Des cultures de pointe dans les potagers royaux en Île-de-France dans la seconde moitié du xviiie siècle », In Situ, no 41, https://doi.org/10.4000/insitu.25466.

Schapira Nicolas, 2020, Maîtres et secrétaires (xvie-xviiie siècles). L’exercice du pouvoir dans la France d’Ancien Régime, Paris, Albin Michel.

Sciama Cyrille, 2006, « Le comte de Provence et son surintendant des Bâtiments. Un partenariat original, 1771-1791 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 53-3, p. 61-76, https://doi.org/10.3917/rhmc.533.0061.

Soboul Albert, 2014 (1966), Le procès de Louis XVI, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire ».

Solnon Jean-François, 2014 (1987), La cour de France, Paris, Perrin.

Szulman Éric, 2014, La navigation intérieure sous l’Ancien Régime. Naissance d’une politique publique, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Valade Pauline, 2016, Réjouissances monarchiques et joie publique à Paris au xviiie siècle, Approbation et interrogation du pouvoir politique par l’émotion (1715-1789), thèse d’histoire, dir. Michel Figeac, université Bordeaux-Montaigne.

Wilson-Chevalier Kathleen et zum Kolk Caroline (dir.), 2018, Femmes à la cour de France. Charges et fonctions, xve-xixe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion.

Haut de page

Notes

1 Entre autres : Newton, 2000 ; Newton, 2006 ; Lemaigre-Gaffier, 2016.

2 Pour ne citer que les travaux qui englobent ou traitent des aspects économiques et financiers de la cour de Louis XVI, comme institution et/ou comme groupe social, on peut se référer notamment à Becquet, 2006 ; Wilson-Chevalier et zum Kolk, 2018 ; Horowski, 2019 ; Bove, Salamagne et zum Kolk, 2021.

3 Véri, 1928-1930, t. II, 27 janvier 1780, p. 296.

4 Carré, 2019.

5 Ces « comptants » étaient inclus dans la liste des dépenses du département de la Maison du roi. Si les comptants étaient versés par le Trésor royal, nous verrons que d’autres recettes pouvaient bien entendu alimenter la Cassette du roi ou les cassettes personnelles des autres membres de la famille royale.

6 Les pensions payées par le roi avec l’argent de sa cassette n’avaient rien à voir avec celles, plus connues, qui étaient assignées sur le Trésor royal. Voir Carré, 2018.

7 Paris, Archives nationales (désormais AN), AE/I/4/2 (armoire de fer), Journal de Louis XVI. Tome II, contenant les dépenses particulières, pensions et gratifications sur la cassette (1772-1792) ; AN, C//222, Dépenses des petits appartements.

8 Louis XVI, 1909.

9 AN, O/1/655.

10 Séguret, 1897.

11 Ibid., p. 180-182.

12 Ibid., p. 181-182.

13 Nicolas Schapira (2020) a bien montré comment le secrétaire particulier pouvait incarner la position de son maître en son absence.

14 Petitfils, 2005, p. 243-245.

15 À ce jour, la biographie de Louis XVI la plus solide, la plus sérieuse et la plus documentée produite par le champ académique reste celle de Félix, 2006.

16 L’analyse des déplacements du roi, répertoriés dans son journal, révèle qu’il continue à chasser dans les environs de Paris durant son séjour aux Tuileries et n’a jamais passé autant de nuits en dehors de sa résidence principale qu’en 1774 et en 1790. Carré, 2021.

17 Carré, 2018.

18 Pour Leonhard Horowski (2019, p. 292), Louis XVI a maintenu une distance inhabituelle à l’égard des grands officiers de sa maison.

19 AN, AE/I/4/1, Journal de Louis XVI. Tome I, contenant jour après jour la mention de ses promenades, voyages, revues, fêtes et cérémonies auxquelles il assistait (1766-1792).

20 AN, AE/I/4/2, Journal de Louis XVI. Tome II, contenant les dépenses particulières, pensions et gratifications sur la cassette (1772-1792).

21 C’est un ensemble assez volumineux de quinze cahiers dans lequel le roi fait un récit détaillé de ses chasses. AN, AE/I/4/3, Journal de Louis XVI. Tome III, contenant des cahiers relatant les chasses du roi dans les forêts de Versailles et de Rambouillet de 1769 à 1791.

22 Il convient cependant de les compléter par la consultation d’autres papiers personnels du roi, saisis aux Tuileries après le 10 août et conservés dans la série C. Il en va ainsi des quittances signées par Thierry et remises au roi. Elles sont relatives à des dépenses du service des petits appartements. AN, C//222.

23 AN, AE/I/4/2.

24 AN, C//222, pièces nos 284-272, Quittances de Thierry pour les dépenses des petits appartements, années 1776-1790.

25 « Décret relatif au dépôt des pièces remises à la commission des vingt-un, lors de la rédaction de l’acte d’accusation contre le dernier tyran des Français, 4 Floréal An II », dans Collection générale des décrets…, 1794, vol. 49, p. 28.

26 Soboul, 2014, p. 131.

27 Ibid., p. 333-334.

28 AN, C//222.

29 Le Comité de sûreté générale était chargé de la police et de la sûreté de l’État. Avec le Comité de salut public, il s’agit d’un des plus importants comités de la Convention nationale. À ce sujet, voir Cadio, 2012.

30 En effet, « les députés se refusent à enterrer une documentation qu’ils souhaitent garder sous la main pour assurer le suivi des affaires », Martin, 2020, § 41.

31 Soboul, 2014, p. 334-335.

32 Louis XVI, 1873.

33 Louis XVI, 1900.

34 Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France nous informe que la revue Souvenirs et mémoires, dans laquelle la première partie du travail de Beauchamp avait été publiée au dernier trimestre de l’année 1900, cessa de paraître après cette date. Du reste, la transcription du Journal par Beauchamp, qui couvre les années 1766 à 1778, reste difficile à trouver. Joël Félix (2006, p. 640) écrit que ce document est manquant à la BNF. L’exemplaire que nous avons consulté provient de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.

35 Louis XVI, 1909.

36 Ibid., p. 3.

37 Louis XVI, 1873, p. 20-21.

38 En théorie, les biens des rois de France se confondaient avec ceux de la Couronne. En pratique, les choses étaient plus complexes et nombreux sont les cas qui constituent autant d’exceptions à cette règle. Le domaine de Versailles, par exemple, fut considéré comme un bien privé des rois Louis XIII et Louis XIV avant d’être officiellement rattaché au domaine de la Couronne par un édit de mai 1716. Maroteaux, 1985, p. 275-277.

39 Marie-Thérèse et Mercy-Argenteau, 1875, t. II, p. 152.

40 Ibid.

41 Véri, 1928-1930, t. I, p. 103-105.

42 Ibid.

43 Bayard, Félix et Hamon, 2000, p. 159 et 162.

44 Sur le « Secret du roi » et la diplomatie parallèle sous le règne de Louis XV, voir Broglie, 1956-1961.

45 Antoine, 1989, p. 842-843.

46 Thierry servait Louis XVI quand il n’était encore que le duc de Berry. Il avait toute la confiance de ce dernier. C’est à Thierry que le roi confia les clefs de ses cabinets après le 10 août 1792. En tant que premier valet de chambre du roi, Thierry était également en charge de la gestion de la Cassette du roi. Il était donc particulièrement bien placé pour savoir comment celle-ci avait pu être gérée sous le règne du précédent puisqu’il fut chargé de la reprise en main de cette caisse à partir de 1774.

47 Thierry de Ville d’Avray, 1908, p. 93.

48 Hours, 2009, p. 238.

49 Depuis 1759, Louis XV était devenu l’unique actionnaire de cette manufacture de porcelaine si célèbre. Sèvres fut en mesure de rivaliser avec les meilleures fabriques du monde suite à la découverte, en 1768 dans le Limousin, d’un gisement de kaolin qui permit à la manufacture française de produire des porcelaines à pâte dure.

50 Hours, 2009, p. 238-239.

51 Une étude précise de la comptabilité du ministère Bertin permettrait peut-être de préciser l’ampleur des fonds dont Louis XV disposait pour ses affaires privées. Des papiers du département de Bertin sont aux Archives nationales dans la sous-série F/1.

52 Carré, 2020.

53 Le secrétariat d’État de Bertin, créé le 14 décembre 1763 et supprimé le 26 mai 1780, bénéficia d’attributions étendues dans le champ de l’action économique. Ainsi, la Compagnie des Indes, plusieurs manufactures textiles, les haras, les écoles vétérinaires, les sociétés d’agriculture et l’agriculture elle-même, les mines, les voies navigables (fleuves et canaux), les transports publics et les messageries, les petites postes, les loteries, etc., dépendaient de ce ministre. L’historiographie récente a mis en lumière l’action novatrice de Bertin, notamment dans le développement du réseau de transport fluvial, nuançant ainsi la vision du « petit ministère » dont le tableau avait été brossé par Antoine (1948). Voir Szulman, 2014, chap. III, p. 101-151.

54 Antoine, 1989, p. 843.

55 Thierry de Ville d’Avray, 1908, p. 93.

56 Ibid., p. 97.

57 Newton, 2006, p. 233.

58 Thierry de Ville d’Avray, 1908, p. 104.

59 Hours, 2009, p. 322-323.

60 Castelluccio, 2004, p. 212.

61 Au xviiisiècle, « bon » s’emploie aussi comme « une espèce d’adverbe dont on se sert pour marquer qu’on approuve la chose dont il s’agit ». « En ce sens, il se prend aussi substantivement, lorsqu’on dit, Le bon du Roi, d’un Ministre, d’un Banquier, pour dire, L’agrément du Roi, le consentement d’un Ministre, l’acception d’un Banquier. » Dictionnaire de l’Académie française, 4e éd., Paris, Veuve B. Brunet, 1762, en ligne : https://cnrtl.fr/definition/academie4/bon.

62 Thierry de Ville-d’Avray, 1908, p. 93-98.

63 Il faudrait pour cela consulter les papiers et notamment la comptabilité de Thierry ; or, les archives de l’homme de confiance de Louis XVI ne sont pas conservées dans des dépôts publics.

64 Extrait daté du 12 juillet 1776. Véri, 1928-1930, t. II, p. 15.

65 Le xviiie siècle avait été marqué par la multiplication des loteries en Europe. Les recettes de ces lotos des Lumières devaient contribuer au financement public d’édifices religieux et avaient le mérite, par leur succès, d’alimenter les caisses de l’État en liquidités. Il était en outre tentant, pour le pouvoir, de faire main basse sur le montant des lots non réclamés. Legay, 2014, chap. 5, § 26.

66 Ibid., § 21.

67 Sur les premiers valets de chambre, voir, pour le règne de Louis XIV, les travaux de Da Vinha, 2004.

68 AN, O/1/749, no 16.

69 Ibid.

70 Nicolas Beaujon n’apparaît pas dans les comptes de Louis XVI comme pourvoyeur de fonds. Il semble donc que son accès direct auprès du roi ait cessé avec la mort de Louis XV.

71 Louis XVI, 1909, p. 60.

72 Claude Jean Rigoley, baron d’Ogny (1725-1798), conseiller au parlement de Dijon en 1745, puis intendant général des courriers, postes, relais et messageries de France à partir de 1770. À ce titre, il dirigeait le Cabinet noir qui ouvrait les correspondances et renseignait directement le roi. Petitfils, 2005, p. 175.

73 Véri, 1928-1930, t. I, p. 104.

74 En mai 1780, Louis XVI nota dans ses comptes que Bertin lui avait versé deux fois 24 000 livres pour « solde de tout compte sur la principauté de Dombes ». Le 11 février 1781 toutefois, le roi a reçu 7 200 livres de la part de Bertin pour le « reste d’un ancien compte de la Dombe [sic] ». Louis XVI, 1909, p. 80 et 86.

75 Bayard, Félix et Hamon, 2000, p. 162.

76 Bachaumont, 1786, t. XXVI, p. 23.

77 Séguret, 1897, p. 183.

78 Louis XVI, 1909, p. 80-81.

79 Sans compter les gains au jeu ou à la Loterie royale et les reports de soldes d’un exercice à l’autre.

80 Séguret, 1897, p. 183.

81 Ibid.

82 Almanach de Versailles pour l’année 1784, p. 118. Pour plus de détails sur les carrières de ces quatre premiers valets de chambre, voir Prosocour, base de données publiée en ligne par le Centre de recherche du château de Versailles (https://www.prosocour.chateauversailles-recherche.fr/).

83 Malgré les investissements considérables faits à la fin du règne de Louis XV pour équiper de serres chaudes les résidences royales, la production fruitière était parfois inégale et soumise aux aléas. Louis XVI avait tout comme Louis XV un goût visiblement prononcé pour les cerises, mais au début de la décennie 1780, les cerisiers royaux de Choisy régalaient surtout les volatiles. On comprend ainsi pourquoi le roi faisait payer par sa cassette l’achat de fruits de qualité qui lui étaient apportés. Sur la production fruitière dans les potagers royaux, voir Rouet, 2019.

84 « Tout cet article de la Cassette est abusif à l’excès et doit se détruire en totalité ; il est composé de pourboires à des gens qui présentent des fruits et dont les familles se succèdent pour toucher. Le tout seroit de ne plus rien recevoir désormais. », extrait d’un mémoire anonyme intitulé Cassette du Roi. Changemens nécessaires pour régénérer les fonds de la Cassette et en assurer la conservation, avec le Projet de Règlement d’après les observations, 26 décembre 1789, AN, C//222, pièce no 296, fo 6vo.

85 AN, O/1/653.

86 Ibid.

87 Séguret, 1897, p. 183-184.

88 Ibid., p. 184-185.

89 Carré, 2020.

90 Louis XVI, 1909, p. 97.

91 Le Guillou, 2007, p. 100.

92 Nolhac, 1918, p. 208, n. 22.

93 Petitfils, 2005, p. 253.

94 Almanach de Versailles…, 1779, p. 123.

95 « Pour se rendre à ce bureau en venant des cours du château, les pensionnés gravissaient l’escalier d’Épernon jusqu’au niveau de l’attique, puis empruntaient un corridor obscur les conduisant jusqu’à la cour des Cerfs, où une longue terrasse en plein air recouvrant la galerie de l’appartement des Premiers Valets de chambre les menait en ligne droite au bureau de la Cassette, dont les deux fenêtres et la porte vitrée étaient toujours protégées par les grilles ouvrantes posées en 1774 », Le Guillou, 2007, p. 99-100.

96 Il s’agit de l’escalier de d’Épernon qui avait fini par se faire appeler « escalier de la Cassette ».

97 « Les nouveaux locaux de la Cassette comportaient trois petites pièces et deux minuscules dégagements : une entrée, une garde-robe ou chambre de service, un corridor, le bureau du Secrétaire et sa chambre à coucher. […] Le dégagement était sombre, mais la chambre et le bureau bénéficiaient chacun d’une fenêtre regardant sur la cour de la Cave du roi, en vis-à-vis de la chambre à coucher du maréchal de Richelieu », Le Guillou, 2007, p. 119.

98 Séguret, 1897, p. 184.

99 Séguret, 1897, p. 184.

100 Ibid.

101 Ibid., p. 186.

102 Solnon, 2014, p. 572.

103 Séguret, 1897, p. 186.

104 AN, O/1/655, Pensions sur la Cassette du Roi. Travail. Dossiers d’états divers, demandes, observations avec décisions & bons du Roi, etc., 1775-1789.

105 AN, O/1/655, no 14.

106 Ibid.

107 Ibid.

108 Jamais Louis XVI ne participa directement à aucune campagne militaire ni ne mena lui-même ses troupes au combat. Mona Ozouf a souligné que les militaires impliqués dans la fuite du roi avaient regretté de ne pas voir le roi s’exposer plus dans ce rôle. Voir Ozouf, 2005, p. 111-135.

109 AN, O/1/655, no 2.

110 « Pour sa propre personne, il était d’une économie confinant à la ladrerie », Petitfils, 2005, p. 245.

111 AN, O/1/655, no 23.

112 Ibid.

113 La nouvelle de la capitulation de Cornwallis à Yorktown le 19 octobre 1781 arriva à Versailles un mois plus tard, le 19 novembre, et fut publiée dans la Gazette de France du lendemain. Gazette de France, 1781, no 93, p. 437.

114 Valade, 2016, p. 170-171.

115 Gruber, 1972, p. 116.

116 Gazette de France, 13 novembre 1781, p. 427.

117 Louis XVI, 1909, p. 90.

118 Gruber, 1972, p. 270.

119 Gazette de France, janvier 1782, supplément à la Gazette du mardi 29 janvier 1782, p. 46.

120 Tous les chiffres des pensions et gratifications accordées chaque trimestre par Louis XVI sur sa cassette sont issus de Louis XVI, 1909.

121 Marie-Thérèse et Mercy-Argenteau, 1875, t. III, p. 372.

122 En 1782, il s’agissait de Mme de Misery, baronne de Biache.

123 AN, K//505, no 18, État des pensions sur la cassette de la reine (1782).

124 Marc-Antoine-François-Marie Randon de La Tour (1736-1794) occupa des fonctions importantes dans la gestion des finances curiales. Contrôleur général de la maison de la comtesse de Provence à partir de 1774 et jusqu’à la Révolution, il fut aussi trésorier général des maison et finances de la reine Marie-Antoinette de 1777 à 1779, puis trésorier-payeur général des maisons du roi et de la reine de 1780 à 1783 avant de devenir trésorier général de la Maison du roi (1783-1788). Claeys, 2011, t. II, p. 2052-2055.

125 Marie-Thérèse et Mercy-Argenteau, 1875, t. II, p. 210-211.

126 Ibid., p. 227, p. 242-251, 267.

127 Claeys, 2011, t. II, p. 2037.

128 Bula, 1997, p. 358.

129 Necker, 1790, p. 8.

130 Bula, 1997, p. 355-356.

131 Burnand, 2009, p. 151.

132 Félix, 2006, p. 98.

133 Sciama, 2006, p. 61-76.

134 AN, O/1/655, no 40.

135 AN, O/1/3767, État des pensions accordées par Mesdames, tantes du Roy, aux personnes ci-après nommées ; suivant les décisions de ces princesses ; lesquelles pensions sont payables par quartier sur les fonds de la Bouche, à raison de l’arrêté par année. Divisé en 14 chapitres, ce cahier a servi à consigner des décisions de Mesdames Tantes jusqu’en janvier 1788. La seule décision postérieure est datée du 7 mars 1792 à Rome et figure sur une feuille volante glissée dans le cahier.

136 Ibid.

137 AN, O/1/3767, État des pensions affectées sur le fonds des Missions, sans date.

138 AN, O/1/741, Distributions du Trésor royal (1787-1788).

139 La comptabilité de Mesdames ne nous apprend rien sur ce fonds des Missions. Nous savons en revanche qu’à la même époque, le produit des loteries royales devait financer la construction et à l’entretien d’édifices sacrés. Chaque année, 16 200 livres étaient destinées aux « Missions de Chine » dont on suppose qu’il correspond au fonds des Missions. Une partie de cet argent a-t-il servi à payer des pensions à quelques jeunes filles pauvres de la noblesse ? La fin de l’utilisation du fonds des Missions par Mesdames coïncide en tout cas avec la création d’un fonds de la Loterie royale destiné au soulagement de la noblesse. Avec la création de cette nouvelle caisse, le versement des secours à la noblesse pauvre se trouvait a priori centralisé. Legay, 2014, p. 88-91.

140 AN, O/1/3767, État des pensions sur la cassette de Madame Sophie, 29 mars 1785.

141 AN, O/1/3767, Décision de Madame Adélaïde, 27 août 1784.

142 AN, O/1/3767, no 78.

143 Nous reprenons ici les propres mots de Louis XVI, qui qualifiait ainsi la situation à laquelle le réduisaient, à ses yeux, les 25 millions de livres annuels que l’Assemblée nationale lui allouait pour sa liste civile. « Déclaration du roi adressée à tous les Français à sa sortie de Paris, lue lors de la séance du 21 juin 1791 », Archives parlementaires, 1887, t. XXVII, p. 378-383.

144 Voir Carré, 2020.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Page du Journal de Louis XVI détaillant les recettes et dépenses particulières du roi sur sa cassette en mai 1780. Archives nationales, AR/I/4/2, Journal de Louis XVI. Tome II, contenant les dépenses particulières, pensions et gratifications sur la cassette (1772-1792), cahier 3, dépenses particulières (1775-1784), fo 33, mai 1780.
Légende Permalien : https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/​siv/​UD/​FRAN_IR_058231/​A1_68
Crédits © Archives nationales de France
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/40513/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 225k
Titre Fig. 2. Alexandre Roslin, Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray (1732-1792), intendant du Garde-Meuble, 1790, huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V.2013.31.
Légende Notice sur le site des Collections du château de Versailles
Crédits © Château de Versailles (Dist. GrandPalaisRmn) / Christophe Fouin
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/40513/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 338k
Titre Fig. 3. Emplacement de la pièce « où l’on paie la cassette » du roi avant 1783. Capture d’écran du Plan forgé des attiques du corps central du château de Versailles, 1777, Centre de recherche du château de Versailles. Application Immersailles (depuis 2021).
Légende Source : Centre de recherche du château de Versailles. Application Immersailles (depuis 2021). Projet en partenariat avec les universités Gustave Eiffel et Rennes II. Chef de projet : Thomas FRESSIN. URL : www.chateauversailles-recherche.fr/immersailles/.
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/40513/img-3.png
Fichier image/png, 679k
Titre Fig. 4. Emplacement des nouvelles pièces de la Cassette après 1783, numérotées 19, 40 et 41 sur le plan de Jean-Claude Le Guillou (2007). Tiré de Jean-Claude Le Guillou, « Le “côté du Roi” au temps de Louis XVI », Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles, no 10, 2007, p. 116.
Crédits © Jean-Claude Le Guillou / Versalia
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/40513/img-4.png
Fichier image/png, 504k
Titre Fig. 5. Allégorie de Louis XVI en général antique ayant « affranchi l’Amérique », « rétabli la liberté des Mers » et sur le point de « donner la paix à l’univers » sous le regard satisfait de Minerve, vers 1783, eau-forte. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, INV.GRAV 781.
Légende Inscription en bas de l’estampe : « LOUIS XVI. Ce Monarque occupé du bonheur de ses sujets, se promène dans une campagne riante, tenant à la main la Lance de Minerve, qui, en touchant la terre fait naître un olivier dont une des branches pose sur le cœur de Sa Majesté, tandis que d’une autre branche un Génie a fait une couronne qu’il place sur la tête du Prince. Deux autres Génies montrent une devise latine, dont le sens est : qu’il n’appartient qu’à lui, après avoir affranchi l’Amérique, et rétabli la liberté des Mers, de donner la paix à l’univers, Et Minerve, satisfaite de voir les vœux du Souverain accomplis, retourne dans les Cieux. A Paris chez Alibert Md. d’Estampes, au Palais Royal ».Notice sur le site des collections du château de Versailles
Crédits © Château de Versailles
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/40513/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Tableau 4. Montant annuel des pensions et gratifications accordées par Louis XVI sur sa cassette entre 1776 et 1789.
Légende Source : données tirées des Comptes de Louis XVI, publiés par le comte de Beauchamp d’après le manuscrit autographe du roi conservé aux Archives nationales, Paris, Henri Leclerc, 1909.
Crédits © Benoît Carré
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/40513/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 204k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Benoît Carré, « La Cassette de Louis XVI »Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne], Articles et études, mis en ligne le 21 mars 2025, consulté le 28 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/crcv/40513 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13jdg

Haut de page

Auteur

Benoît Carré

IRHiS (UMR 8529), université de Lille, Villeneuve-d’Ascq, France
Université de Trèves, Trèves, Allemagne
Ancien allocataire de recherche de l’Assemblée nationale (2014-2017), Benoît Carré a effectué ses recherches doctorales sous la direction de Marie-Laure Legay. Il est docteur de l’université de Lille depuis 2018 et chercheur associé à l’IRHiS (UMR 8529). Après avoir enseigné à l’université de Lille et à l’université Rennes 2 en tant qu’attaché temporaire d’enseignement et de recherche, puis à l’université de Haute-Alsace en tant qu’enseignant-chercheur contractuel, il a rejoint en 2021 l’université de Trèves comme chercheur international au sein du projet ERC « Pamphlets and Patrons : how Courtiers Shaped the Public Sphere in Ancien Régime France » (PaPa), piloté par Damien Tricoire.
A former recipient of a French National Assembly research grant (2014–2017), Benoît Carré carried out his doctoral research under the supervision of Marie-Laure Legay. He has been affiliated to the University of Lille since 2018 and is an associate researcher at the IRHiS (UMR 8529). After teaching at the University of Lille and Rennes 2 as a temporary teaching and research associate, then at the University of Haute-Alsace as a contractual teacher-researcher, in 2021 he joined the University of Trier as an international researcher within the ERC project ‘Pamphlets and Patrons: How Courtiers Shaped the Public Sphere in Ancien Régime France’ (PaPa), led by Damien Tricoire.
https://orcid.org/0009-0000-5266-9898
benoit.carre[at]univ-lille.fr ; carre[at]uni-trier.de

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search