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2025

Les relations sociales des musiciens du roi à la cour de Versailles à travers l’exemple des familles Chevalier, Le Roux et Hannès Desjardins sous le règne de Louis XIV

Social Relationships of the King’s Musicians at the Court of Versailles: the Chevalier, Le Roux and Hannès Desjardins Families during the Reign of Louis XIV
Anne-Sophie Carillier

Résumés

La cour de Versailles réunit entre 3 500 et 5 000 officiers simultanément au cours du règne de Louis XIV. Beaucoup ne sont présents à la cour que le temps de leur quartier, c’est-à-dire entre trois et six mois en moyenne, et constituent de ce fait des intermédiaires entre deux mondes a priori distincts, à savoir la société de cour et le reste du monde, avec lesquels ils nouent des relations plus ou moins intimes. Il s’agit ici d’analyser les relations sociales tissées par les officiers du roi à la cour, en s’appuyant sur l’exemple des musiciens du roi, et plus précisément sur le clan familial constitué des branches Chevalier, Le Roux et Hannès Desjardins. Par la diversité de leurs fonctions, les musiciens côtoient la plus haute noblesse tout comme une population plus modeste, dans la ville. Leur réseau de sociabilité entrelace à la fois des solidarités de métier, des liens familiaux ainsi que des solidarités d’ordre géographique, dont l’installation dans la ville de Versailles et la paroisse Notre-Dame est le témoin.

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Notes de la rédaction

Cet article est publié dans le cadre de l’appel à publication du programme de recherche « Réseaux et sociabilité à la cour de France, xviie-xviiie siècle » du Centre de recherche du château de Versailles.

Texte intégral

1La cour du Roi-Soleil est composée d’individus provenant d’horizons divers et de conditions sociales dissemblables, reproduisant le schéma d’une véritable société, avec son sommet, le roi, puis de grandes familles de la noblesse d’épée, ses couches intermédiaires – noblesse de robe et ministres –, mais aussi des individus d’origine bien plus humble, qui constituent la masse des petits officiers et serviteurs œuvrant plus discrètement, dans les coulisses – chefs et aides de cuisine, valets de chambre, jardiniers, fontainiers, musiciens, palefreniers et tant d’autres encore. Si les jardiniers du roi rappellent les paysans de la société dans son ensemble, ils ne font toutefois pas vivre la cour, dont ils n’assurent pas la subsistance ; tout au plus apportent-ils des productions de qualité pour approvisionner ponctuellement la table du roi. Un point commun rassemble néanmoins toutes ces personnes, au-delà de leurs différences : elles sont pourvues, pour l’immense majorité, d’au moins une charge, d’un office, si ce n’est deux, pour accroître leur revenu. Peu nombreux sont en effet ceux qui arpentent le palais de manière oisive, sans être pourvus d’un office ou sans être liés au détenteur d’une charge – même s’il y a des gens qui visitent la cour, tels nos touristes contemporains, ou d’autres qui viennent pour affaires.

  • 1 Elias, 1985.
  • 2 Duindam, 1994, en particulier p. 92-93 ; Chaline, 2014, en particulier p. 83 ; Horowski, 2019, en p (...)
  • 3 Agulhon, 1968. Pierre-Yves Beaurepaire s’attache aussi à examiner les lieux de sociabilité au xviii(...)
  • 4 Si le terme de sociabilité n’existe pas dans les dictionnaires de l’époque, l’adjectif « sociable » (...)
  • 5 Nous adoptons pour notre travail la définition du terme de sociabilité proposée par le colloque de (...)

2Le concept de société de cour a été développé par Norbert Elias, dans La Société de cour, dès les années 1930, bien que la publication ne soit intervenue qu’à la fin des années 19601. Sa thèse d’une noblesse emprisonnée et domestiquée a été abondamment nuancée depuis une trentaine d’années pour démontrer, d’une part, que les individus demeurent libres d’aller et venir à la cour et, d’autre part, que le souverain et la noblesse ont réciproquement besoin l’un de l’autre2. Nous souhaitons ici aborder les relations sociales et la sociabilité de la société de cour, non pas dans ses espaces et son organisation tels qu’étudiés par Maurice Agulhon, qui a contribué à inscrire le terme de sociabilité dans le domaine historique3, mais dans le sens de l’aptitude que les individus déploient à vivre en société et de la volonté qu’ils manifestent de tisser des liens entre eux4. Ces individus constituent ainsi plus ou moins spontanément des groupes sociaux qui témoignent d’affinités et de liens de dépendance5. L’idée de société suppose des codes propres à ses membres, en l’occurrence l’étiquette et l’idéal de l’honnête homme qui régissent les comportements en son sommet, mais aussi des formes d’interactions sociales mêlant affinités, amitié, relations d’interdépendance, réciprocité, tout autant que rivalité, jalousie, calomnie et médisance. Ces liens sociaux noués dans le contexte curial rassemblent et entrelacent les individus dans des rapports complexes, bien au-delà du cadre trop simple du rang et de l’origine sociale, qui se révèlent ici trompeurs.

  • 6 Nous pouvons citer ici la traduction récente de la thèse de Leonhard Horowski (Horowski, 2019). Il (...)
  • 7 Benoit, 1971a et Benoit, 1971b.
  • 8 Goulet, 2019, et notamment Leconte, 2019 ; Da Vinha, 2019, p. 299-323.
  • 9 Charles-Dominique, 2024, notamment p. 387-391. Il conclut d’ailleurs son propos en rappelant que «  (...)
  • 10 Lacombe, 2021.
  • 11 Versailles ne dispose pas de salle de spectacle durant le règne de Louis XIV ; les courtisans, le D (...)
  • 12 Massip, 1976, p. 8.
  • 13 Marcelle Benoit se préoccupe de cet aspect dans une étude qui veut appréhender les musiciens dans l (...)
  • 14 Carbonnier, 2019b, notamment à partir de la p. 269.
  • 15 Carbonnier, 2019a et Carbonnier, 2025.
  • 16 Sur le mécénat musical de la noblesse, pour la période s’étendant de 1682 à 1715 qui nous intéresse (...)

3La noblesse présente des formes d’interactions sociales fort intéressantes : elle a longtemps constitué la partie la plus visible et la plus séduisante de la société de cour pour les historiens et concentre encore fréquemment les attentions6. Les officiers plus humbles, en revanche, ont fait l’objet d’études moins nombreuses : ils proposent pourtant des exemples de sociabilité tout aussi pertinents. C’est pourquoi nous étudierons ici les relations sociales développées par les musiciens du roi à Versailles durant le règne de Louis XIV. En effet, ils constituent un observatoire privilégié car, d’une part, ils forment une communauté soudée, dont les liens paraissent étroits si l’on en juge d’après les registres paroissiaux, et d’autre part ils sont assez solidement ancrés dans la ville de Versailles : ils y acquièrent des terrains, pratiquent une forme de regroupement familial, nouent des relations de voisinage et endossent même un rôle dans la paroisse, puisque certains de leurs fils sont enfants de chœur. La Musique du roi a fait l’objet de quelques travaux, en particulier la thèse de Marcelle Benoit au début des années 1970, consacrée aux musiciens du roi à Versailles et à la musique de cour dans ses déclinaisons à la Chapelle, à la Chambre et à l’Écurie7. Plus récemment, en 2015, un colloque portant sur les foyers artistiques à la fin du règne de Louis XIV organisé au château de Versailles a abordé notamment le patronage de festivités exercé par les différents membres de la famille royale à l’extérieur de Versailles, que ce soit à Saint-Cloud ou à Paris dans la demeure du frère du roi puis de son fils Philippe d’Orléans, ou à Sceaux chez la duchesse du Maine. Ces fêtes, en mobilisant divers artistes, dont les musiciens du roi, contribuent, au Grand Siècle, à faire des résidences situées en périphérie de la cour des foyers artistiques de premier plan8. Luc Charles-Dominique a étudié quant à lui le musicien dans son environnement quotidien, loin de la cour, dans les villes et villages du royaume, insistant sur l’ancrage local des artistes qui cumulent plusieurs métiers9. Enfin, le premier tome de l’Histoire de l’opéra français, paru en 2021, commence avec le règne de Louis XIV10. Bien qu’elle ne concerne pas directement la période que nous étudions ici, puisqu’il n’y a pas de salle d’opéra à Versailles avant la fin du règne de Louis XV, cette publication permet d’enrichir la connaissance sur les musiciens dans la sphère parisienne11 où le cardinal de Mazarin se préoccupa, par ailleurs, de monter un opéra italien dans les jeunes années de Louis XIV, ainsi que le précise Catherine Massip12. Beaucoup d’ouvrages qui évoquent les musiciens pour leur participation au bon fonctionnement des divertissements de la cour ou de la haute noblesse les étudient peu dans leur environnement et leurs relations avec leurs pairs, même s’ils offrent ponctuellement des informations très précieuses à ce sujet13. C’est un aspect que Youri Carbonnier s’est attaché à traiter, notamment en se concentrant sur les pages, les castrats et les faussets de la Chapelle de Versailles, dont il étudie l’implantation dans la ville et atteste l’intégration dans la société versaillaise14. Ses travaux ont ensuite porté sur les musiciens du roi à la fin de l’Ancien Régime15. Nous poursuivons ici son approche, même s’il ne s’agit pas tant d’examiner le fonctionnement institutionnel et économique de la communauté des musiciens, que la position d’intermédiaires entre la cour et la ville de Versailles que peuvent endosser certains courtisans, à travers leur exemple. En effet, bien qu’ils n’appartiennent pas à la noblesse, les musiciens côtoient le sommet de la société curiale, dont ils assurent le divertissement et dont certains membres sont leurs protecteurs16, mais il leur arrive fréquemment de concilier plusieurs fonctions, aussi bien à la cour qu’auprès de familles de la noblesse locale, ou dans des églises.

  • 17 Les registres paroissiaux de Notre-Dame commencent en 1684. Entre son installation à Versailles le (...)

4Les lieux de pratique de la musique à la cour et à la ville ne constituent pas davantage l’objet de notre étude. En nous appuyant sur les registres paroissiaux de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour la seconde partie du règne de Louis XIV17, et sur les répertoires et minutes des notaires versaillais, il s’agira simplement ici de déterminer les différentes relations et stratégies sociales que déploient alors les musiciens du roi dans le contexte géographique et social de la cour installée à Versailles. Nous nous concentrerons sur le clan familial constitué par les familles Chevalier, Le Roux et Hannès Desjardins, unies par des alliances matrimoniales et demeurant ensemble dans le pavillon de François Chevalier. Cet exemple est original, car c’est le seul clan, tant à la Musique du roi que parmi les autres officiers et serviteurs du roi, pour lequel les registres paroissiaux nous permettent d’attester une forme de cohabitation et de regroupement familial dans un même pavillon. Nous ne disposons pas d’une telle précision géographique pour les autres officiers et serviteurs du roi. En cela, cette famille élargie ne peut être considérée comme représentative des autres musiciens du roi, ni des officiers au sens large, mais cela ne l’empêche pas d’offrir, aussi originales soient-elles, des perspectives d’étude intéressantes du point de vue des liens sociaux. Les Chevalier, les Le Roux et les Hannès Desjardins constituent notamment un bon exemple de l’insertion sociale des musiciens du roi et plus largement des serviteurs de la Couronne tant à la cour que dans la ville de Versailles.

5Après avoir présenté succinctement la Musique du roi et le clan familial constitué des branches Chevalier, Le Roux et Hannès Desjardins, nous observerons donc d’abord les différentes formes de relations sociales nouées par cette famille de musiciens – entre liens familiaux et de métier –, puis les relations d’ordre géographique témoignant de l’ancrage de la communauté des musiciens dans la ville de Versailles et de la porosité existant entre la Cour et la Ville.

La Musique du roi

Présentation

  • 18 Carbonnier, 2019a, p. 27.
  • 19 L’État de la France… ; séries disponibles : 1682 (2 t.), 1683 (2 t.), 1684 (2 t.), 1686 (2 t.), 168 (...)
  • 20 Benoit, 1971a, en particulier p. 100, où elle indique qu’avant sa nomination un musicien s’est en g (...)

6L’appellation de musiciens du roi recouvre des réalités très diverses, ainsi que le souligne Youri Carbonnier18. En effet, certains appartiennent à la multitude des officiers de la Maison du roi et bénéficient, de ce fait, de gages, voire, ponctuellement, d’une pension ; comme tous les officiers, ils sont scrupuleusement recensés par l’administration royale qui édite annuellement des listes de ces effectifs sous le nom d’État de la France, bien que l’on déplore aujourd’hui plusieurs volumes manquants19. Mais L’État de la France répertorie également des musiciens « ordinaires », avec la mention de leurs fonction et pupitre : ceux-ci sont nommés par brevet et reçoivent des appointements. Malgré ces données officielles, il est fréquent que des musiciens servent d’abord le roi de manière informelle, afin d’éprouver leur virtuosité et leurs qualités d’interprétation, avant d’être officiellement nommés par la suite, s’ils ont satisfait aux exigences royales, comme l’indique Marcelle Benoit20. Par conséquent, les listes établies par L’État de la France ne suffisent pas à cerner avec précision le monde des musiciens qui se produisent pour le plaisir du roi et de sa cour.

  • 21 Alfani, Gourdon et Robin, 2015, p. 13.

7Les registres paroissiaux de la paroisse Notre-Dame de Versailles, dont dépend la cour, constituent, en revanche, une source fourmillant de détails. En effet, en plus d’indiquer le nom des parrains, marraines ou autres témoins des cérémonies, l’acte de baptême, de mariage ou de sépulture mentionne presque systématiquement la profession et l’éventuel lien de parenté, voire la demeure. C’est pourquoi, en dépouillant méthodiquement ces registres, il est possible de recueillir de précieuses informations pour étudier les liens sociaux tissés par les officiers du roi, et notamment les musiciens qui nous occupent ici. Les parrainages par exemple constituent un excellent indicateur de l’insertion des individus au sein d’une communauté par le choix qu’ils effectuent pour leurs enfants, comme le montrent Guido Alfani, Vincent Gourdon et Isabelle Robin21.

  • 22 Massip, 1976, p. 89.

8En l’absence de recensement précis, il est malaisé de déterminer avec exactitude combien de musiciens du roi composent cette communauté à Versailles. Catherine Massip propose l’estimation d’une centaine de personnes dépendant de la Maison du roi pour le début du règne de Louis XIV22. Pour la seconde partie du règne, nous comptons avec LÉtat de la France pour l’année 1702, dont les listes sont les plus fournies, un total de 123 musiciens à la Chapelle et 99 à la Chambre. Pour l’Écurie, nous nous fondons sur l’année 1708, la plus complète, qui liste 32 musiciens. En additionnant les trois départements, nous aboutissons à un total de plus de 250 musiciens. Ce chiffre mérite toutefois d’être affiné. En retranchant les musiciens dont le nom apparaît pour plusieurs fonctions ou dans au moins deux départements, nous arrivons à un total de seulement 16 musiciens pour l’année 1682 – les États sont alors peu diserts sur la Musique – contre 217 en 1712 (tableau 1).

Tableau 1. Répartition des musiciens du roi dans les différents départements de la Maison du roi.

1682

1683

1684

1686

1687

1692

1698

1699

1702

1708

1712

Chapelle

11

11

10

12

12

97

107

108

119

119

115

Chambre

5

5

5

5

5

56

70

73

71

70

74

Écurie

0

0

0

4

5

5

19

21

20

28

28

Total

16

16

15

21

22

158

196

202

210

217

217

Source : L’État de la France pour les années correspondantes.

9Ces musiciens constituent donc une communauté pour le moins importante, ce qui justifie d’en étudier certaines caractéristiques sociales. Il convient toutefois de relativiser ce chiffre en le rapportant au nombre total d’officiers au service du roi et de sa famille présents simultanément à la cour de Versailles, que nous estimons à 3 545 en 1682 et 4 847 en 1712 (tableau 2).

Tableau 2. Rapport entre le nombre de musiciens, le nombre d’officiers de la Maison du roi et le nombre d’officiers recensés par L’État de la France et théoriquement présents à Versailles.

1682

1683

1684

1686

1687

1692

1698

1699

1702

1708

1712

Total des musiciens

16

16

15

21

22

158

196

202

210

217

217

Total des officiers de la Maison du roi

2046

2157

2258

2492

2515

2736

2810

2878

2932

3133

3181

Total général des officiers recensés par L’État de la France qui sont théoriquement présents à Versailles

3545

3713

3442

3701

3745

3840

2974

3042

4181

4415

4847

Source : L’État de la France pour les années correspondantes.

10Le dénombrement a été mené à partir de L’État de la France pour les années correspondantes en ne prenant en compte, dans le cas de services par quartier ou semestre, que les officiers d’un seul quartier ou semestre, considérant que les officiers n’étant pas en quartier quittent la cour où ils ne disposent pas de logement.

  • 23 Lepetit, 1978. Voir aussi Fromageot, 1900 ; Le Roi, 1868.
  • 24 Voir Lesure, 1953 ; Charles-Dominique, 2024. Marcelle Benoit parle quant à elle de « véritables cas (...)
  • 25 Charles-Dominique, 2024, p. 394.
  • 26 Dompnier, 2020. À Paris, les musiciens et ménétriers se constituent en corps de métier en 1321, et (...)
  • 27 Hennebelle, 2009, p. 360.
  • 28 Kenny, 2020, p. 4.

11Plusieurs formes de relations sont identifiables à la cour : solidarités familiales, liens noués dans le cadre de l’exercice d’une même charge, d’un même métier, ou encore relations d’ordre géographique nées de proximités dans le château, dans la ville de Versailles ou les villages alentour. La cour de Versailles ne vit pas en autarcie : elle tisse des liens étroits avec la ville et les localités proches qui pourvoient à son ravitaillement. Bernard Lepetit a ainsi étudié l’incidence de l’installation de la cour sur la croissance de la ville de Versailles23. Les musiciens illustrent cette situation. Ils forment une communauté de métier en ce sens qu’il s’agit d’un regroupement, d’une société d’individus exerçant une même profession, non loin les uns des autres dans une étroite proximité24. L’esprit de corps est fort chez eux, que ce soit à la cour ou parmi les musiciens plus humbles ailleurs dans le royaume, ainsi que le remarque Luc Charles-Dominique25. Ce constat peut s’étendre à bien des corps de métier manuels et intellectuels de l’époque, mais Bernard Dompnier souligne que les musiciens, en particulier les musiciens d’Église, ont un statut plus difficile à définir, ni tout à fait manuel ni tout à fait intellectuel26. David Hennebelle insiste sur leur place particulière dans la hiérarchie sociale de l’Ancien Régime, située à la confluence entre les serviteurs appartenant à la domesticité traditionnelle, les maîtres de métier, bien que leur art ne se réduise pourtant pas à une simple activité manuelle, et l’exercice d’une profession libérale pour l’agrément, voire la jouissance d’une charge en bonne et due forme pour quelques-uns27. Or la hiérarchie sociale est fondamentale dans la société d’Ancien Régime, où l’ascension et le changement de condition demeurent assez limités, ainsi que le rappelle Neil Kenny28, c’est pourquoi le flou qui entoure leur condition est déroutant pour une société si ordonnée.

  • 29 Benoit, 1971a, p. 91.
  • 30 Ibid., p. 46 et 77 notamment.
  • 31 Il est « maître de musique servans par quartier » de la Chapelle (L’État de la France, 1684, t. I, (...)
  • 32 Les frères Jacques et Nicolas La Quièze jouent tous deux du violon à la Chambre.
  • 33 Jean Danican Philidor et ses deux fils Jacques et André, ainsi que ses petits-fils Jacques et Pierr (...)
  • 34 Augustin-Jean Le Peintre et ses deux fils Pierre et Louis jouent du violon.
  • 35 Jean Marchand et ses deux fils Jean-Noël et Jean-Baptiste, tous trois dessus de violon. Voir Benoit(...)
  • 36 Pierre Huguenet et son frère Sébastien, ainsi que Jacques, le fils de Pierre, tous trois dessus et (...)

12Sans appartenir à la noblesse, les musiciens de cour sont pourtant intégrés au sommet de la société, dont ils assurent le divertissement29. La musique est omniprésente à la cour et revêt d’abord une dimension utilitaire, comme le rappelle Marcelle Benoit30 : les musiciens accomplissent un service. Nombre d’entre eux ou leurs familles servent à la fois à la Chapelle et à la Chambre, ce qui leur permet d’obtenir une rémunération plus élevée. L’installation au service du roi révèle donc une forme d’opportunisme. Parmi eux se trouvent Michel-Richard de Lalande31, les familles La Quièze32, Danican Philidor33, Le Peintre34, Marchand35, Huguenet36, ainsi que les Hannès Desjardins et les Le Roux, que nous allons étudier plus en détail.

Le clan Chevalier – Le Roux – Hannès Desjardins

13La famille élargie Chevalier – Le Roux – Hannès Desjardins constitue un exemple des multiples solidarités développées par les musiciens du roi, en particulier de la superposition et de l’entrelacement entre solidarité de métier, solidarité familiale et ancrage géographique dans la ville (arbre généalogique en annexe).

  • 37 L’État de la France, entre 1682 et 1712, ne porte pas trace de François Chevalier. En revanche, Mar (...)
  • 38 Bardet, 2016, p. 51.
  • 39 Charles-Dominique, 2024, p. 391.
  • 40 Bernard Bardet détaille l’exemple de François Chevalier dans Bardet, 2016, p. 229 et suiv.
  • 41 AD 78 (4E 3291) 5Mi 149 – 10801399/6 – Registre no 22 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, (...)
  • 42 AD 78 (4E 3293) 5Mi 149BIS – 1080400/1 – Registre no 23 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BM (...)
  • 43 La Gorce, 2015, p. 42 et Kocevar, 2015. Voir aussi Bardet, 2016.
  • 44 La formule « musicien ordinaire » ou « ordinaire de la Musique » est récurrente dans les registres (...)
  • 45 Benoit, 1971b, p. 106 : Antoine Desjardins est mentionné parmi les « fiffres et tambours de la Cham (...)
  • 46 Benoit, 1971b, p. 77, Jean Le Roux est mentionné comme petit violon du roi en 1680. Il se démet de (...)
  • 47 Voir l’arbre généalogique dans la section « Documents annexes ».

14François-Chevalier (1636-1709) appartient aux petits violons de la Chambre du roi ou violons du Cabinet37, sorte d’« orchestre personnel »38 du roi, dont il transmet la survivance à son fils François-Florent durant les années 1670. La famille illustre la tendance des musiciens à contracter des mariages endogames soulignée par Luc Charles-Dominique39, puisque les deux filles, Marguerite-Michelle et Catherine, ont toutes deux épousé deux musiciens du roi40. L’une est unie à Philippe Hannès Desjardins41, hautbois de la Musique du Cabinet, tandis que l’autre est mariée à Charles-Henri Le Roux42, haute-contre des violons du Cabinet. François Chevalier, son fils François-Florent Chevalier et son gendre Charles-Henri Le Roux servent donc tous trois au sein du même groupe des violons du Cabinet43. Les deux gendres sont de surcroît eux-mêmes fils de musiciens ordinaires du roi44. Philippe Hannès Desjardins, né vers 1668, est en effet le fils d’Antoine, hautbois du roi à la Chambre, et ses trois frères, François, Jean-Baptiste et Charles, occupent des fonctions analogues à l’Écurie45. Charles-Henri Le Roux, né vers 1665, est quant à lui le fils de Jean46, violon du roi. Les trois branches constitutives du clan familial47 entretiennent des liens très étroits et leurs membres apparaissent soudés entre eux à l’occasion des cérémonies rythmant leur vie.

La Musique, entre liens familiaux et esprit de corps

Les liens familiaux

  • 48 AD 78 (4E 3306) 5Mi 151BIS – 1080402/2 – Registre des baptêmes de l’année 1700, p. 78r°, Baptême du (...)
  • 49 AD 78 (4E 3310) 5Mi 151BIS – 1080402/3 – Registre des baptêmes de l’année 1701, registre 2, p. 44vo(...)
  • 50 AD 78 (4E 3306) 5Mi 151BIS – 1080402/2 – Registre des baptêmes de l’année 1700, p. 29vo, Baptême du (...)
  • 51 AD 78 (4E 3312) 5Mi 151BIS – 1080402/4 – Registre des baptêmes de l’année 1702, registre 2, p. 16vo(...)

15Parmi les solidarités développées par cette famille, on relève d’abord une forme de regroupement familial, puisque tous habitent, dès 1700, chez François Chevalier, le grand-père, dans son pavillon du quartier du Parc aux Cerfs, c’est-à-dire dans le quartier situé au-delà de la rue de Satory et au sud de l’avenue de Sceaux. Nous lisons, en effet, lors du baptême de Marguerite Hannès Desjardins en 1700 : « demeurant au Parc aux Cerfs48 », puis l’année suivante à l’occasion du baptême de son frère François : « demeurant au Parc aux Cerfs pavillon du sieur Chevallier49 ». Pour la branche Le Roux de la famille, c’est lors du baptême de Pierre que nous disposons de la première information, identique : « demeurant au Parc aux Cerfs au pavillon de Mr. Chevalier50 ». Outre donc ses deux gendres et leur famille, François Chevalier accueille par ailleurs dans son pavillon le père de l’un de ses gendres, Jean Le Roux, comme l’indique l’acte de baptême de son petit-fils Jean-Baptiste Le Roux, dont il est parrain51. Malgré quelques décès précoces, les enfants sont relativement robustes et les naissances nombreuses. Le pavillon Chevalier rassemble ainsi plus d’une vingtaine de personnes, intimement liées par cette cohabitation.

  • 52 AD 78 (4E 3312) 5Mi 151BIS – 1080402/4, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versaill (...)
  • 53 AD 78 (4E 3312) 5Mi 151BIS – 1080402/4, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versaill (...)
  • 54 Alfani et Gourdon, 2012, p. 1-43.
  • 55 AD 78 (4E 3329) 5Mi 163BIS – 1080415/1, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versai (...)
  • 56 AD 78 (4E 3329) 5Mi 163BIS – 1080415/1, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versai (...)
  • 57 AD 78 (4E 3312) 5Mi 161TER – 1080413/5, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versai (...)

16La force du lien familial transparaît aussi dans le fait que les différents membres du clan sont parrains lors des baptêmes ou témoins lors des mariages ou sépultures. Charles-Henri Le Roux est ainsi parrain d’un fils de Philippe Hannès Desjardins, tandis que son épouse est marraine d’un autre fils52 – nous ne relevons cependant pas de réciprocité, puisqu’aucun enfant de Charles-Henri Le Roux n’a pour parrain ou marraine Philippe Hannès Desjardins et son épouse. Par ailleurs, le fait que des frères et sœurs soient désignés comme parrain ou marraine, souvent avant même d’avoir atteint l’âge de dix ans, renforce l’idée de clan familial. On observe ce type de parrainage pour quatre fils Le Roux et un fils Hannès Desjardins53. Les parrainages au sein de la famille permettent de limiter les empêchements canoniques qui prohibent toute union matrimoniale entre les parrains et marraines et leurs descendants54. Le lien familial apparaît également tout aussi étroit lors des sépultures. En effet, lorsque Cécile Le Roux, âgée de quatorze ans, décède, quatre témoins issus de la famille assistent aux obsèques, à savoir son père, François Chevalier son grand-père maternel, François-Florent Chevalier son oncle maternel, et son oncle par alliance Philippe Hannès Desjardins55. Lors des funérailles de François Chevalier, le chef de la famille, le registre des sépultures mentionne cinq témoins, tous issus du cercle familial et dont trois sont de surcroît des musiciens au service du roi : ses fils François-Florent et Joseph-Michel, ses deux gendres Charles-Henri Le Roux et Philippe Hannès Desjardins, et son petit-fils Nicolas Le Roux56. Les obsèques de deux enfants de Philippe Hannès Desjardins, enfin, se révèlent ici particulièrement intéressantes, puisque les deux témoins sont les mêmes en ces deux occasions, à savoir leur grand-père François Chevalier, tandis que l’autre témoin est le grand-père de leurs cousins, Jean Le Roux, dont la présence atteste l’intimité régnant entre les membres par alliance de la famille57.

Une communauté de métier étroitement soudée

  • 58 AD 78 (4E 3293) 5Mi 149BIS – 1080400/1 – Registre no 23 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BM (...)
  • 59 Le choix d’un témoin éminent au sein du corps de métier rappelle l’insertion du peintre Charles Le  (...)
  • 60 L’État de la France, 1692, t. I, p. 227, « Dessus de Cromorne, du corps des Violons du Cabinet. [Mo (...)
  • 61 AD 78 (4E 3293) 5Mi 149BIS – 1080400/2 – Registre no 25 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BM (...)

17Le clan Chevalier – Le Roux – Hannès Desjardins illustre, ensuite, l’esprit de corps qui anime les musiciens à la cour. En effet, plusieurs parrains ou témoins lors des cérémonies sont issus de la communauté de la Musique du roi. Lors de son mariage, d’abord, Charles-Henri Le Roux est assisté du surintendant de la Musique du roi, Michel-Richard de Lalande58, c’est-à-dire l’une des personnes les plus influentes et les plus élevées dans la hiérarchie des musiciens du roi59. Les baptêmes, ensuite, offrent l’opportunité de renforcer les liens avec André Danican Philidor, désigné par L’État de la France comme « dessus de Cromorne des violons du Cabinet du roi60 », Sébastien Huguenet, haute-contre des violons du Cabinet, Jean-Baptiste Marchand, dessus de violon du Cabinet, Pierre Le Peintre, dessus de violon de la Chambre61, qui sont tous les quatre issus de familles de musiciens éminentes. Ces parrainages au sein de la communauté sont fréquents : sur les 357 actes de baptême concernant un enfant de musicien du roi recensés dans les registres de la paroisse Notre-Dame entre 1684 et 1715, 94 indiquent pour parrain ou marraine un membre de la Musique du roi, et dans 53 autres cas, le parrain et la marraine appartiennent tous deux à la Musique du roi.

  • 62 Marcelle Benoit insistait déjà sur la forte homogamie des musiciens versaillais (Benoit, 1971a, p.  (...)

18Il ne paraît donc pas exagéré de parler de communauté de métier soudée, au sens sociologique du terme62. Tous les musiciens du roi, certes, ne cultivent pas au même degré cet esprit de corps, mais nombreux sont ceux qui le recherchent en s’alliant avec des musiciens éminents lors des baptêmes et mariages. Ils ne sont pas les seuls serviteurs du roi à privilégier des solidarités de métier : on retrouve un même esprit de corps chez les apothicaires du roi, les gondoliers, les fontainiers et les jardiniers du roi, par exemple, ou encore parmi les officiers de la Bouche et du Commun. Il est cependant possible de déceler dans la spécificité des fonctions des musiciens l’explication de liens si étroits, ce qui paraît moins aisé dans les cas des autres officiers du roi. En effet, dans la musique comme au théâtre ou à l’opéra, la performance et la qualité du résultat reposent sur une coopération entre plusieurs acteurs, que l’on ne retrouve pas à ce même degré chez tous les officiers. Chacun des interprètes doit s’accorder avec ses pairs, respecter le tempo et les indications portées sur la partition ou données par le chef d’attaque. Cela suppose une forme de coopération, ainsi qu’une connaissance fine de ses compagnons, pour parvenir à interpréter une œuvre ensemble en dépit des faiblesses et travers de chacun, et atteindre ainsi une parfaite harmonie.

19Outre l’esprit de corps qui prévaut chez les musiciens, il est également possible de déceler chez eux des formes de solidarités géographiques, qui débordent du cadre strict de la cour. Plus généralement d’ailleurs, toutes conditions confondues, le courtisan, dans son acception la plus large, déploie des formes de relations sociales originales avec la ville de Versailles, tant en acquérant des terrains qu’en s’enracinant dans la vie paroissiale et urbaine versaillaise.

Les liens tissés avec la ville de Versailles

L’installation dans la ville

  • 63 La notion de voisinage et l’évolution de ses acceptions a fait l’objet d’une étude détaillée. Voir (...)
  • 64 Campos, Donin et Keck, 2006.
  • 65 Traversier, 2010.
  • 66 Bardet, 2016, p. 241 et suiv.
  • 67 Ibid., p. 247.
  • 68 Benoit, 1971a, p. 318.

20Les musiciens du roi s’implantent eux aussi dans la ville63. Si l’étude de la musique et des musiciens d’un point de vue sociologique a longtemps suscité des réticences, sur lesquelles insiste Rémy Campos64, plusieurs ouvrages publiés à la fin des années 2000 les appréhendent spécifiquement dans leur environnement urbain, à partir du xviiie siècle, contribuant à l’articulation pluridisciplinaire entre histoire, sociologie et musicologie, ainsi que le souligne Mélanie Traversier65. Et, pour le cas des musiciens du roi à Versailles, qui nous occupent ici, il faut signaler qu’ils témoignent de formes d’enracinement antérieures. En effet, déjà avant l’installation de la cour à Versailles, ils s’étaient enracinés dans la ville de Saint-Germain, où 18 petits violons habitaient par exemple, avant d’émigrer ensuite à Versailles66. Bernard Bardet estime ensuite à 35 les Violons du roi établis à Versailles67, et Marcelle Benoit signale la prédilection des musiciens du roi pour le quartier du Parc-aux-Cerfs, ainsi que pour les abords de la Grande Écurie et de la paroisse Notre-Dame68. Les registres paroissiaux de Versailles laissent aussi entrevoir, outre l’installation dans ces trois quartiers, l’établissement de quelques-uns d’entre eux d’une part sur les grandes avenues convergeant vers le château et d’autre part autour de la rue de l’Orangerie.

  • 69 Fromageot, 1900.
  • 70 Le Roi, 1868, t. I, p. 4.
  • 71 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles. Le 7e xbre 1696, 7 décembre 1696, Paris, Biblioth (...)
  • 72 AD 78 – 3E43 120, compromis du 4 septembre 1686, entre François Chevalier et Charles Boneau et Loui (...)
  • 73 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles…, parcelles 115 et 118.
  • 74 AD 78 (4E 3297) 5Mi 150BIS – 1080401/7 – Registre non numéroté, BMS du 17 décembre 1697 au 19 janvi (...)
  • 75 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles…, parcelles portant les numéros 62 (Danican Philid (...)
  • 76 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles…, parcelles 146 et 147.
  • 77 Cela renvoie à la notion de paysage sonore, dont Rémy Campos a dressé un bilan historiographique cr (...)
  • 78 Bien que Laurent Besse, Albane Cogné, Ulrike Krampl et Stéphanie Sauget estiment que « la co-présen (...)

21Comme de nombreux officiers, les musiciens ont tiré profit des conditions privilégiées consenties par le roi, notamment l’exemption de la taille et des autres taxes depuis 1663, ainsi que de la concession gracieuse de terrains à bâtir69, pour acquérir une parcelle dans le quartier du Parc-aux-Cerfs. Joseph-Adrien Le Roi estime, dans son Histoire de Versailles, que dans ce quartier, « les rues furent tracées, mais un très-petit nombre de maisons s’y élevèrent du vivant de ce roi [Louis XIV]70 », et considère qu’il faut attendre le règne de Louis XV pour que le quartier prenne véritablement son essor. Il apparaît nécessaire de nuancer ce propos. En effet, si les plans dont nous disposons ne permettent pas de déterminer si la parcelle demeure nue ou est construite, il n’est cependant pas rare que les registres paroissiaux mentionnent l’existence d’un pavillon, confirmant que tous les propriétaires ne se sont pas contentés de se voir octroyer un terrain, mais l’ont aménagé afin de s’y installer avec leur famille. C’est précisément le cas de François Chevalier, qui demeure avec sa nombreuse famille dans un pavillon sis rue du Hasard, d’après un plan du quartier dressé en 169671. Nous savons avec certitude qu’il en est propriétaire et qu’il a fait bâtir sa maison sur le terrain, grâce à un compromis passé devant notaire en septembre 1686, puis un compte de 168772. Parmi ses voisins immédiats, se trouvent les musiciens Vincent Puvigné et Prosper Charlot, qui possèdent une parcelle plus haut dans la même rue, toujours d’après ce plan73. D’autres demeurent dans les rues avoisinantes (fig. 1), à commencer par la rue des Bourdonnais, parallèle à la rue du Hasard, où Jean-Baptiste Marchand possède un pavillon74, ou encore Jacques Danican Philidor, André Guillegaut et Louis Fernon le Jeune dont les parcelles sont contiguës75. Dans la rue de la Huchette, une rue parallèle mais un peu plus éloignée, les musiciens Jacques Godonesche et Jean Borel de Miracle ont acquis deux terrains attenants76. La proximité de ces familles témoigne d’un investissement physique des lieux, qui se prolonge par une présence sonore : en effet, aux beaux jours, lorsque les fenêtres étaient ouvertes, et peut-être toute l’année, les passants dans les allées avaient probablement le plaisir d’entendre de la musique s’échapper de ces pavillons, lorsque leurs occupants répétaient leurs traits77. Plus loin, d’autres musiciens encore et d’autres officiers du roi ont acquis un terrain. Le quartier est certes en plein développement durant le règne de Louis XIV, mais il paraît déjà faire l’objet d’un investissement spatial par de nombreux officiers du roi, désireux de disposer d’un terrain, puis d’un logement leur permettant de vivre avec leur famille près du cœur de la cour, tout en tissant des liens avec la ville78.

  • 79 AD 78 – 3E43 120, compromis du 4 septembre 1686, entre François Chevalier d’une part et Charles Bon (...)
  • 80 AD 78 – 3E43 150, quittance du 28 septembre 1707, entre François Chevalier et Jean Moreau.
  • 81 Voici quelques exemples, non exhaustifs : AD 78 – 3E43 113, comptes portant obligation, entre André (...)

22En ce qui concerne le clan familial qui nous occupe, il est peu mentionné dans les registres des notaires versaillais, hormis pour une malfaçon de maçonnerie, où François Chevalier est en affaire avec des maçons et charpentiers versaillais autour des années 1686 et 168779. En 1707, on le voit également en bonnes relations avec son voisin, qualifié de bourgeois de Versailles, à qui il prête la somme de 180 livres pour la réfection du mur mitoyen entre leurs deux terrains80. Il semble ainsi que François Chevalier entretienne quelques liens avec le monde urbain versaillais, mais les archives notariales ne permettent pas de conclure à l’établissement de relations très étroites. Il est possible que son notaire se soit trouvé à Paris ou qu’il ait établi des actes sous seing privé. En revanche, d’autres musiciens du roi, et plus largement de nombreux officiers du roi, se lient plus étroitement avec le monde urbain. André Danican Philidor, par exemple, musicien du roi, revient ainsi régulièrement dans les minutes des notaires, à l’occasion de baux ou de marchés, ce qui paraît indiquer une bonne intégration au sein de la population versaillaise81.

Fig. 1. François Chevalier et ses proches voisins musiciens dans le Parc-aux-Cerfs à Versailles, en 1696. Détail du Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles. Le 7e xbre 1696. Échelle : [1:1390 environ], 100 toises = 140 mm. Paris, Bibliothèque nationale de France, VA-448 (F)-FT 6, IFN-53128089.

Fig. 1. François Chevalier et ses proches voisins musiciens dans le Parc-aux-Cerfs à Versailles, en 1696. Détail du Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles. Le 7e xbre 1696. Échelle : [1:1390 environ], 100 toises = 140 mm. Paris, Bibliothèque nationale de France, VA-448 (F)-FT 6, IFN-53128089.

1. François Chevalier – 2. Jacques Danican Philidor. – 3. André Guillegault. 4. Louis Fernon – 5. Jean-Baptiste Marchand – 6. Jacques Godonesche – 7. Jean Borel de Miracle.
Permalien : https://gallica.bnf.fr/​ark:/12148/​btv1b531280896

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

L’ancrage dans la paroisse

  • 82 AD 78 (4E 3310) 5Mi 151BIS – 1080402/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versaill (...)
  • 83 Alfani et Gourdon, 2012, p. 13 « The Council [of Trent] stated that spiritual kinship existed only (...)
  • 84 Minvielle, 2009, notamment p. 247.

23Outre l’implantation dans la ville, la communauté des musiciens du roi témoigne aussi d’un ancrage dans la paroisse. On le perçoit déjà dans la famille Le Roux, avec les parrains désignés pour Anne-Marguerite Le Roux, qui sont deux pauvres de la paroisse82. Un tel choix peut avoir deux explications. Il permet d’une part, on l’a dit, de se garder d’une future alliance matrimoniale, interdite par l’Église83 : une telle éventualité est considérée comme nulle en raison de leur statut social inférieur. Il peut d’autre part revêtir une dimension symbolique, dans un contexte de Contre-Réforme, et traduire une volonté d’humilité de la part de la famille, puisque les pauvres rappellent le Christ : par ce choix, les parents sollicitent une protection symbolique sur eux et leurs enfants, ainsi que l’explique Stéphane Minvielle d’après l’exemple bordelais84.

  • 85 AD 78 (4E 3295) 5Mi 150BIS – 1080401/2 – Registre no 31 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BM (...)
  • 86 AD 78 (4E 3319) 5Mi 153 – 1080403/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles (...)
  • 87 Aubert de La Chenaye Des Bois et Badier, 1869, t. XIV, p. 982 et suiv., à l’article « Noailles », p (...)
  • 88 AD 78 – 5Mi 147BIS – 1080397/2 – Registre no 12 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année (...)
  • 89 AD 78 – 5Mi 148BIS – 1080398/3 – Registre no 16 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année (...)
  • 90 AD 78 (4E 3291) 5Mi 149 – 10801399/6 – Registre no 22 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, (...)
  • 91 AD 78 (4E 3294) 5Mi 149BIS – 1080401/1 – Registre no 27 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BM (...)
  • 92 On notera que le maréchal de Noailles est pourtant alors gouverneur du Roussillon et de Cerdagne, p (...)

24Le clan Chevalier – Le Roux – Hannès Desjardins n’est toutefois pas le plus emblématique, du point de vue des parrainages, pour illustrer l’ancrage dans la ville. Il s’agit d’une tendance que l’on retrouve chez plusieurs musiciens du roi, comme Jean-Baptiste Marchand85 que nous évoquions précédemment ou encore Louis du Mont qui se lie très étroitement avec le petit peuple versaillais pour le baptême de sept des douze enfants pour lesquels nous disposons de l’acte de baptême86. La plus haute noblesse déploie d’ailleurs également de telles solidarités en direction de la communauté paroissiale, à commencer par les Noailles eux-mêmes. En effet, le maréchal de Noailles, Anne-Jules de Noailles, a eu plus de vingt enfants, dont la très grande majorité ont vécu assez longtemps pour être baptisés87. Quatre d’entre eux ont des parrain et marraine appartenant au monde urbain versaillais. Emmanuel-Jules, quinzième enfant du couple, a pour parrain et marraine des « pauvres habitants de cette ville88 » ; Marie-Victoire-Sophie, dix-septième enfant, des parrains issus de la bourgeoisie marchande89 ; pour Jean-Emmanuel, vingt et unième enfant du couple, il s’agit de deux simples habitants de la paroisse, dont le registre ne mentionne pas la profession exacte90 ; Anne-Louise, enfin, vingt-deuxième et dernier enfant du couple, est placée sous la protection d’un maître d’école de la paroisse et de la veuve d’un sculpteur91. Cette tendance à se tourner vers la population urbaine plus modeste paraît intéressante à souligner, en ce sens qu’elle montre bien que la cour n’est pas un univers fermé, isolé, vivant en autarcie, mais qu’au contraire elle noue des liens avec le monde qui l’entoure92.

  • 93 AD 78 (4E 3295) 5Mi 150BIS – 1080401/2 – Registre no 31 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BM (...)
  • 94 AD 78 – 58J 1 – Registre des Délibérations de la paroisse Notre-Dame de Versailles, 1692-1773 NP, 2 (...)
  • 95 AD 78 – 3E43 125, Minutes de l’étude Bekelynck, Marché du 5 mai 1689 entre les marguilliers et Jean (...)

25Cet ancrage de la société de cour dans la ville de Versailles s’incarne encore dans le fait que certains fils d’officiers, de gondoliers en particulier, assument dans la paroisse la fonction d’enfants de chœur. Aucun enfant du clan Chevalier – Le Roux – Hannès Desjardins n’a été identifié dans cette fonction dans les registres paroissiaux parcourus, mais nous y retrouvons en revanche Augustin Le Peintre, fils du violoniste Augustin-Jean93. Il ne semble pas, en revanche, d’après les registres de délibérations de la paroisse, que les musiciens eux-mêmes aient été marguilliers, contrairement à d’autres officiers du roi comme le jardinier Henri Dupuis ou l’entrepreneur des bâtiments Léonard Aumasson94, mais on relève le nom de Jean-Noël Marchand, nommé organiste de la paroisse en 168995.

*

  • 96 Da Vinha, 2019.

26Il apparaît ainsi que, si la cour constitue le centre des attentions, les individus qui œuvrent en son cœur ne s’y enferment pas et s’ouvrent au contraire sur leur environnement. Les musiciens du roi, et en particulier le clan Chevalier – Le Roux – Hannès Desjardins, en constituent un exemple éclairant. Ils sont en effet indéniablement dépendants du roi, dont ils assurent le divertissement et auquel ils se doivent de plaire. Mais la sociabilité à la cour ne revêt pas seulement une forme verticale : des courtisans aveuglés par la lumière royale, tournés uniquement vers le roi, dont ils feraient dépendre tout leur bonheur et leur subsistance et qu’ils se contenteraient de suivre et d’imiter, comme des créatures dépourvues de raison. Au contraire, des solidarités moins verticales, relevant de la famille ou du métier, réunissent les individus qui tissent aussi des liens étroits avec la ville, absolument indépendants du roi. Par conséquent, en dehors de la période de service où leur présence est requise à la cour, ils peuvent demeurer en sa périphérie, posséder une propriété en ville, et assumer des fonctions dans la paroisse ou auprès des membres de la haute noblesse pour animer des mariages ou des fêtes dans leur hôtel particulier versaillais, parisien ou leur demeure à la campagne96. Les musiciens du roi, à travers le clan familial que nous avons choisi d’étudier, illustrent ainsi la porosité et la complémentarité qui existent entre la cour et la ville à Versailles.

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Bibliographie

Sources imprimées

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L’État de la France, et en particulier les années ci-dessous. Voir la liste des volumes numérisés sur le site du Centre de recherche du château de Versailles.

  • 1682 : L’État de la France, éd. N. Besongne, Paris, J. Guignard, 2 vol.

  • 1683 : L’État de la France, éd. N. Besongne, Paris, J. Le Gras, 2 vol.

  • 1684 : L’État de la France, éd. N. Besongne, Paris, T. Guillain, 2 vol.

  • 1686 : L’État de la France, éd. N. Besongne, Paris, J. Guignard, 2 vol.

  • 1687 : L’État de la France, éd. N. Besongne, Paris, A. Besoigne, 2 vol.

  • 1692 : L’État de la France, éd. N. Besongne, Paris, G. de Luyne, 2 vol.

  • 1698 : L’État de la France, éd. N. Besongne, Paris, A. Besoigne, 3 vol.

  • 1699 : L’État de la France, éd. L. Trabouillet, Paris, G. de Luyne, 3 vol.

  • 1702 : L’État de la France, éd. L. Trabouillet, Paris, C. Osmont, 3 vol.

  • 1708 : L’État de la France, éd. L. Trabouillet, Paris, J. et M. Guignard, 3 vol.

  • 1712 : L’État de la France, éd. L. Trabouillet, Paris, J. Trabouillet, 3 vol.

  • 1722 : L’État de la France, Paris, C. Prudhomme, 5 vol.

Motets de feu Mr. de La Lande, chevalier de l’ordre de St Michel, sur-intendant de la Musique du roy, maître de musique et compositeur ordinaire de la Chapelle et de la Chambre de Sa Majesté, avec un discours sur la vie et les œuvres de l’autheur, 1729, Paris, le Sieur Boivin, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9062621t.

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Notes

1 Elias, 1985.

2 Duindam, 1994, en particulier p. 92-93 ; Chaline, 2014, en particulier p. 83 ; Horowski, 2019, en particulier p. 16.

3 Agulhon, 1968. Pierre-Yves Beaurepaire s’attache aussi à examiner les lieux de sociabilité au xviiie siècle, entre loges maçonniques, salons et académie (Beaurepaire, 2014).

4 Si le terme de sociabilité n’existe pas dans les dictionnaires de l’époque, l’adjectif « sociable » et la notion de « société », au sens de compagnie ou regroupement, sont tous deux attestés dans le dictionnaire de Furetière de 1690 ou dans le dictionnaire de l’Académie française en 1694.

5 Nous adoptons pour notre travail la définition du terme de sociabilité proposée par le colloque de 1983 qui s’est tenu à Rouen sur ce sujet. La définition est rappelée par Henri Van Effenterre, qui la récuse pour l’Antiquité grecque qu’il étudie, mais qui s’avère tout à fait opérante pour étudier les relations sociales à la cour de Louis XIV : « un groupe permanent ou temporaire, quel que soit son degré d’institutionnalisation, auquel on choisit de participer ». Voir Van Effenterre, 1987, p. 46.

6 Nous pouvons citer ici la traduction récente de la thèse de Leonhard Horowski (Horowski, 2019). Il se concentre dans cet ouvrage sur les factions et les stratégies matrimoniales des familles de la haute noblesse, détentrices des charges les plus prestigieuses. Nous renvoyons aussi vers les monographies consacrées aux familles et personnages illustres du royaume, qui évoquent les alliances matrimoniales et les réseaux auxquels ils appartiennent, dont voici quelques exemples : Da Vinha et Grande, 2022 et en particulier Loyau, 2022 ; Frostin, 2006 ; Maral, 2018 ; Penicaut, 2004.

7 Benoit, 1971a et Benoit, 1971b.

8 Goulet, 2019, et notamment Leconte, 2019 ; Da Vinha, 2019, p. 299-323.

9 Charles-Dominique, 2024, notamment p. 387-391. Il conclut d’ailleurs son propos en rappelant que « nos critères actuels de ‘‘professionnalisme’’, ‘‘semi-professionnalisme’’ ou ‘‘amateurisme’’ sont en partie inopérants » (p. 898).

10 Lacombe, 2021.

11 Versailles ne dispose pas de salle de spectacle durant le règne de Louis XIV ; les courtisans, le Dauphin et ses proches, en particulier, se rendent au Palais-Royal à Paris pour assister à des représentations. Voir La Gorce, 2021. Anne-Madeleine Goulet évoque pour sa part le rôle social de la musique, dans des cadres variés, allant des églises et couvents aux ruelles et salons (Goulet, 2021). Il y a toutefois des spectacles à la cour, dans des théâtres construits dans le manège de la Grande Écurie, à partir de 1682, ou, dès 1685, dans le vestibule de la cour des Princes (voir Beaussant, 1996, p. 388-393 ; Pruchnicki, 2009).

12 Massip, 1976, p. 8.

13 Marcelle Benoit se préoccupe de cet aspect dans une étude qui veut appréhender les musiciens dans leur globalité (Benoit, 1971a). Nous poursuivons donc ici une telle approche, en nous focalisant uniquement sur l’exemple d’une famille pour étudier les relations sociales qu’elle développe et entretient.

14 Carbonnier, 2019b, notamment à partir de la p. 269.

15 Carbonnier, 2019a et Carbonnier, 2025.

16 Sur le mécénat musical de la noblesse, pour la période s’étendant de 1682 à 1715 qui nous intéresse ici, voir Montagnier, 1996 ; Béguin, 1999 ; Cessac et Couvreur, 2003 ; Hennebelle, 2009 ; Bardet, 2016, p. 197-206 ; Cessac, 2019 ; Charles-Dominique, 2024, p. 466 et suiv.

17 Les registres paroissiaux de Notre-Dame commencent en 1684. Entre son installation à Versailles le 6 mai 1682 et 1684, la cour dépend de la paroisse Saint-Julien. Nous avons donc centré notre étude sur la période 1684-1715.

18 Carbonnier, 2019a, p. 27.

19 L’État de la France… ; séries disponibles : 1682 (2 t.), 1683 (2 t.), 1684 (2 t.), 1686 (2 t.), 1687 (2 t.), 1692 (2 t.), 1698 (1 t.), 1699 (1 t.), 1702 (3 t.), 1708 (3 t.), 1712 (2 t.). Voir également Cohen, 1992.

20 Benoit, 1971a, en particulier p. 100, où elle indique qu’avant sa nomination un musicien s’est en général déjà fait entendre à la cour auparavant, et que l’obtention du titre de musicien du roi ne vient en réalité souvent que justifier une fonction exercée depuis quelque temps. La période d’essai n’est cependant pas toujours suivie d’un engagement formel.

21 Alfani, Gourdon et Robin, 2015, p. 13.

22 Massip, 1976, p. 89.

23 Lepetit, 1978. Voir aussi Fromageot, 1900 ; Le Roi, 1868.

24 Voir Lesure, 1953 ; Charles-Dominique, 2024. Marcelle Benoit parle quant à elle de « véritables castes évoluant en cercle fermé » pour qualifier l’endogamie caractéristique des musiciens du roi (Benoit, 1971a).

25 Charles-Dominique, 2024, p. 394.

26 Dompnier, 2020. À Paris, les musiciens et ménétriers se constituent en corps de métier en 1321, et la corporation se double d’une confrérie, afin de venir en aide aux indigents. L’apprentissage du jeune musicien auprès de son maître dure six ans (Bardet, 2016, p. 115). Les Vingt-Quatre Violons du roi cumulent ainsi leur charge de cour et des fonctions corporatives, puisqu’ils détiennent les principales charges au sein de la communauté parisienne de Saint-Julien, ce qui leur confère, en un sens, une fonction d’intermédiaire entre la cour et le reste du royaume (ibid., p. 149 et suiv.).

27 Hennebelle, 2009, p. 360.

28 Kenny, 2020, p. 4.

29 Benoit, 1971a, p. 91.

30 Ibid., p. 46 et 77 notamment.

31 Il est « maître de musique servans par quartier » de la Chapelle (L’État de la France, 1684, t. I, p. 31) et « maître de Musique de la Chambre » du roi pour le semestre de janvier (ibid., 1698, t. I, p. 221), compositeur de musique de la Chapelle et de la Chambre, surintendant de la musique de la Chambre. Sur le prestige de la fonction de maître de musique par quartier, que Thomas Leconte désigne par l’expression « sous-maître » de musique de la Chapelle du roi, dénomination n’apparaissant dans L’État de la France qu’à partir de 1722, voir Leconte, 2020 ; Brossard et Kocevar, 2003, p. 312 (avec un renvoi à L’État de la France, 1722, t. I, p. 149). Michel-Richard de Lalande semble particulièrement bien implanté à la cour et assez proche du roi, puisqu’une anecdote rapporte qu’en 1712, le souverain et lui faisant tous deux face au deuil, le roi aurait dit : « Vous avez perdu deux filles qui avoient bien du mérite : Moy, j’ay perdu Monseigneur. Et luy montrant le Ciel, le Roy ajoûta : La Lande, il faut se soumettre » (Motets de feu Mr. de La Lande…, 1729, préface, p. 4). Voir Massip, 2005, p. 20 et suiv. : le roi a choisi Lalande pour enseigner le clavecin aux enfants nés de ses amours avec Mme de Montespan.

32 Les frères Jacques et Nicolas La Quièze jouent tous deux du violon à la Chambre.

33 Jean Danican Philidor et ses deux fils Jacques et André, ainsi que ses petits-fils Jacques et Pierre, les fils de Jacques ; puis Anne et François, les fils d’André, jouent tous des instruments à vent, dont la dénomination varie (hautbois, fifre, basson, basse de cromorne). David Hennebelle souligne d’ailleurs la « polyvalence instrumentale » caractéristique des musiciens modernes dans le cas des orchestres privés, ce qui nous laisse penser que certains musiciens, même à Versailles, pouvaient maîtriser plusieurs instruments (voir Hennebelle, 2009, p. 113). Marcelle Benoit précise ainsi que Jean-Noël I Marchand « joue aussi bien les instruments à clavier que le violon. Il tient l’orgue de la paroisse » (Benoit, 1960, p. 105). L’exemple est repris par Bernard Bardet (Bardet, 2016, p. 127).

34 Augustin-Jean Le Peintre et ses deux fils Pierre et Louis jouent du violon.

35 Jean Marchand et ses deux fils Jean-Noël et Jean-Baptiste, tous trois dessus de violon. Voir Benoit, 1960 et Benoit, 1962.

36 Pierre Huguenet et son frère Sébastien, ainsi que Jacques, le fils de Pierre, tous trois dessus et haute-contre de violon.

37 L’État de la France, entre 1682 et 1712, ne porte pas trace de François Chevalier. En revanche, Marcelle Benoit le mentionne comme violon du roi entre 1664 et 1706 (voir Benoit, 1971b, p. 11, 50, 55, 65, 101, 114, 121, 174, 203). À partir de 1676, son fils François-Florent est associé à la charge en survivance, et exerce seul la charge à partir de 1707 (ibid., p. 209). Son acte de sépulture dans le registre paroissial mentionne cette profession : « l’un des petits violons du roi ». Archives départementales des Yvelines (désormais AD 78) (4E 3329) 5Mi 163BIS – 1080415/1, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1709, p. 94r°, Sépulture du 03.12.1709 (François Chevalier). Les patronymes des musiciens sont normalisés dans le texte de l’article, mais conformes au document d’origine dans les références d’archives.

38 Bardet, 2016, p. 51.

39 Charles-Dominique, 2024, p. 391.

40 Bernard Bardet détaille l’exemple de François Chevalier dans Bardet, 2016, p. 229 et suiv.

41 AD 78 (4E 3291) 5Mi 149 – 10801399/6 – Registre no 22 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, années 1692-1693, p. 119v°, Mariage du 26.01.1693 (Philippe Hannes Desjardins et Marguerite-Michelle Chevalier). L’État de la France, 1692, t. I, p. 227, « Dessus de Cromorne, du corps des Violons du Cabinet » ; L’État de la France, 1712, t. I, p. 229.

42 AD 78 (4E 3293) 5Mi 149BIS – 1080400/1 – Registre no 23 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année 1693, p. 8v° et 9r°, Mariage du 23.04.1693 (Charles Henry Le Roux et Catherine Chevalier). L’État de la France, 1692, t. I, p. 227, « Hautecontre [du corps des Violons du Cabinet] » ; L’État de la France, 1712, t. I, p. 229, et p. 227, « Quintes [du corps des Vingt-Quatre Violons de la Chambre du Roy] ». Ainsi que L’État de la France en témoigne et comme le souligne Bernard Bardet, Charles-Henri Le Roux est à la fois dans la bande des Violons du Cabinet et dans la bande des Vingt-Quatre Violons de la Chambre du roi. Son cas n’est pas isolé et préfigure la fusion de ces deux bandes sous la Régence (Bardet, 2016, p. 81).

43 La Gorce, 2015, p. 42 et Kocevar, 2015. Voir aussi Bardet, 2016.

44 La formule « musicien ordinaire » ou « ordinaire de la Musique » est récurrente dans les registres paroissiaux, pour désigner les musiciens du roi.

45 Benoit, 1971b, p. 106 : Antoine Desjardins est mentionné parmi les « fiffres et tambours de la Chambre du Roy » en 1686 ; ibid., p. 121, 140, 144, 161, 174 : il est mentionné comme fifre de l’Écurie (1689-1700). L’État de la France, 1698, t. I, p. 235. L’État de la France, 1698, t. I, p. 554 : « Douze Grands Hautbois & Violons de la Grande Écurie […] Jean Hannes Desjardins » ; L’État de la France, 1708, t. I, p. 596 : « Six Cromornes & Trompettes Marines, de la Grande Écurie […] François Hannés des Jardins ». Il faut ici préciser que les titres et les charges mentionnés par L’État de la France ne correspondent cependant pas nécessairement à la réalité.

46 Benoit, 1971b, p. 77, Jean Le Roux est mentionné comme petit violon du roi en 1680. Il se démet de sa charge en 1688 au profit de Pierre-François Le Mercier (ibid., p. 111).

47 Voir l’arbre généalogique dans la section « Documents annexes ».

48 AD 78 (4E 3306) 5Mi 151BIS – 1080402/2 – Registre des baptêmes de l’année 1700, p. 78r°, Baptême du 22.07.1700 (Marguerite Hannes Desjardins).

49 AD 78 (4E 3310) 5Mi 151BIS – 1080402/3 – Registre des baptêmes de l’année 1701, registre 2, p. 44vo, Baptême du 01.11.1701 (François Desjardins).

50 AD 78 (4E 3306) 5Mi 151BIS – 1080402/2 – Registre des baptêmes de l’année 1700, p. 29vo, Baptême du 14.03.1700 (Pierre Le Roux).

51 AD 78 (4E 3312) 5Mi 151BIS – 1080402/4 – Registre des baptêmes de l’année 1702, registre 2, p. 16vo, Baptême du 29.07.1702 (Jean-Baptiste Le Roux) « demeurant au même endroit [que son fils] ».

52 AD 78 (4E 3312) 5Mi 151BIS – 1080402/4, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1702, registre 2 p. 43vo, Baptême du 20.09.1702 (Jean Batiste Hannes), « la mareine Catherine Chevalier femme de Charles Henry Le Roux » ; (4E 3318) 5Mi 153 – 1080403/2, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1705, p. 13vo, Baptême du 25.06.1705 (Charles Philippe Hannés des Jardins), « le parein a eté Charles Henry Le Roux ordinaire de la Musique du Roy ».

53 AD 78 (4E 3312) 5Mi 151BIS – 1080402/4, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1702, second volume p. 16vo, Baptême du 28.07.1702 (Jean Baptiste Le Roux), marraine : Cécile Le Roux (sœur, 7 ans) ; (4E 3314) 5Mi 151BIS – 1080402/5, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1703, second volume p. 63vo, Baptême du 07.11.1703 (Charles Henri Le Roux), marraine : Catherine Renée Le Roux (sœur 9 ans) ; (4E 3319) 5Mi 153 – 1080403/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1706, second volume p. 12v°, Baptême du 20.11.1706 (Michel François Le Roux), parrain : Nicolas Le Roux (frère, 9 ans) ; (4E 3330) 5Mi 154 – 1080404/1, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1710, p. 48vo, Baptême du 12.06.1710 (Edme Joseph Henry Le Roux), parrain : Charles Henri Le Roux (frère, 6 ans). (4E 3318) 5Mi 153 – 1080403/2, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1705, p. 13v°, Baptême du 25.06.1705 (Charles Philippe Hannes Desjardins), marraine : Marie Marguerite Desjardins (sœur, 6 ans).

54 Alfani et Gourdon, 2012, p. 1-43.

55 AD 78 (4E 3329) 5Mi 163BIS – 1080415/1, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1709, p. 54vo, Sépulture du 29.07.1709 (Cécile Le Roux).

56 AD 78 (4E 3329) 5Mi 163BIS – 1080415/1, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1709, p. 94r°, Sépulture du 03.12.1709 (François Chevalier).

57 AD 78 (4E 3312) 5Mi 161TER – 1080413/5, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1702, p. 77vo, Sépulture du 30.11.1702 (François Anez) ; (4E 3319) 5Mi 162BIS – 1080414/3, Registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1706, p. 5vo, Sépulture du 26.01.1706 (Jean-Baptiste Desjardins).

58 AD 78 (4E 3293) 5Mi 149BIS – 1080400/1 – Registre no 23 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année 1693, p. 8vo et 9ro, Mariage du 23.04.1693 (Charles Henry Le Roux et Catherine Chevalier), « de la part dudit Le Roux […] de Mr Michel De La Lande Surintendant de la musique du roy ».

59 Le choix d’un témoin éminent au sein du corps de métier rappelle l’insertion du peintre Charles Le Brun dans son propre réseau, qui a été étudiée par Bénédicte Gady. Solliciter Le Brun comme parrain de son enfant permet de se ménager un appui, voire se constituer un protecteur dans le métier (voir Gady, 2006, p. 379). Lalande concilie avec sa fonction de surintendant celle de maître de musique de la Chapelle du roi servant par quartier, qui fait de lui le « véritable maître du fonctionnement musical de la Chapelle » (Leconte, 2020, p. 61).

60 L’État de la France, 1692, t. I, p. 227, « Dessus de Cromorne, du corps des Violons du Cabinet. [Monsieur] André Danican Philidor ». Le titre paraît toutefois curieux, puisque le cromorne est un instrument à vent et paraît incongru dans le corps des violons. Cependant, dans ce même corps, sont aussi mentionnés des bassons, puisqu’on peut lire sur la même page « Bassons. Messieurs Jâque Danican Philidor, le cadet 1690. Pierre Ferrier 1690 ».

61 AD 78 (4E 3293) 5Mi 149BIS – 1080400/2 – Registre no 25 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année 1694, p. 51ro, Baptême du 25.02.1694 (Catherine Renée Le Roux), parrain : André Danican Philidor (ordinaire de la Musique) ; (4E 3294) 5Mi 149BIS – 1080401/1 – Registre no 27 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année 1695, p. 49ro, Baptême du 05.03.1695 (Cécile Le Roux), parrain : Sébastien Huguenet (ordinaire de la Musique), marraine : Cécile Laubier (épouse de Jean-Baptiste Marchand, ordinaire de la Musique) ; (4E 3325) 5Mi 153 – 1080403/5, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1708, p. 57vo, Baptême du 30.07.1708 (Marie Henriette Anne Le Roux), marraine : Marie-Geneviève Marchand (épouse de Pierre Le Peintre, ordinaire de la Musique). AD 78 (4E 3293) 5Mi 149BIS – 1080400/2 – Registre no 25 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, p. 8v°, Baptême du 10.01.1694 (Cécile Marguerite Hannes Desjardins), parrain : André Danican Philidor (ordinaire de la Musique du roi), marraine : Cécile Laubier (épouse de Jean-Baptiste Marchand, ordinaire de la Musique).

62 Marcelle Benoit insistait déjà sur la forte homogamie des musiciens versaillais (Benoit, 1971a, p. 289). Ce constat semble cependant propre aux musiciens versaillais, puisque Sylvie Granger explique qu’au Mans, l’homogamie demeure globalement inférieure à 10 %. Elle l’explique par le faible nombre de musiciens dans la ville, qui ne permet pas de trouver d’épouse parmi les familles de musiciens (voir Granger, 2002, p. 243 et suiv.).

63 La notion de voisinage et l’évolution de ses acceptions a fait l’objet d’une étude détaillée. Voir Besse, Cogné, Krampl et Sauget, 2018, en particulier dans l’introduction, p. 16 et suiv. David Garrioch a quant à lui étudié les différentes communautés et relations de voisinage à Paris au xviiie siècle, insistant notamment d’une part sur le fait que la proximité n’induit pas nécessairement de relations étroites entre les individus et d’autre part sur les multiples communautés dans lesquelles les individus entrent (voisinage, lieu de travail, famille, etc.). Voir Garrioch, 1986. En ce qui concerne les musiciens et leur rapport à la ville, plusieurs études spécifiques ont été menées. Sylvie Granger étudie l’ancrage urbain des musiciens dans l’Ouest de la France, en privilégiant l’exemple de la ville du Mans (Granger, 2002). Si David Hennebelle annonce concentrer son étude sur Paris, l’aire géographique étudiée se révèle en vérité bien plus large, afin d’appréhender à sa juste mesure les liens entre les musiciens et l’aristocratie (Hennebelle, 2009). Catherine Massip s’intéresse elle aussi à l’installation des musiciens du roi à Paris, du temps de Mazarin (Massip, 1976, p. 94 et suiv.)

64 Campos, Donin et Keck, 2006.

65 Traversier, 2010.

66 Bardet, 2016, p. 241 et suiv.

67 Ibid., p. 247.

68 Benoit, 1971a, p. 318.

69 Fromageot, 1900.

70 Le Roi, 1868, t. I, p. 4.

71 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles. Le 7e xbre 1696, 7 décembre 1696, Paris, Bibliothèque nationale de France, VA-448 (F)-FT 6, IFN-53128089. Parcelle portant le numéro 96.

72 AD 78 – 3E43 120, compromis du 4 septembre 1686, entre François Chevalier et Charles Boneau et Louis Bricar : « pour voir sy les ouvrages de Maconnerie que lesdits Boneau et Bricar ont [fait] pour ledit sieur Chevalier en une maison qu’il a fait bastir en cette vile du parcq au Cerf ». AD 78 – 3E43 121, comptes du 8 mars 1687, entre François Chevalier et Louis Bricard : « furent présents François Chevalier, ordinaire de la Musique du Roy, proprietaire d’une maison size aux parcq aux Cerfs rue du Hazard ».

73 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles…, parcelles 115 et 118.

74 AD 78 (4E 3297) 5Mi 150BIS – 1080401/7 – Registre non numéroté, BMS du 17 décembre 1697 au 19 janvier 1698, p. 14 (2.01.98 – baptême de Jean-Baptiste Marchand) « demeurant au Parc aux Cerfs en sa maison ». Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles…, parcelle portant le numéro 85.

75 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles…, parcelles portant les numéros 62 (Danican Philidor le cadet), 63 (Guillegau), 64 (Fernon le Jeune).

76 Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles…, parcelles 146 et 147.

77 Cela renvoie à la notion de paysage sonore, dont Rémy Campos a dressé un bilan historiographique critique (Campos, 2017).

78 Bien que Laurent Besse, Albane Cogné, Ulrike Krampl et Stéphanie Sauget estiment que « la co-présence spatiale ne suffit pas à créer le voisinage » et qu’il faut un événement déclencheur (Besse, Cogne, Krampl et Sauget, 2018, p. 18), la proximité crée des rencontres fortuites et des habitudes qui peuvent susciter des interactions sociales et par conséquent une relation de voisinage plus étroite par la suite. Les archives notariales et les registres paroissiaux en témoignent à plusieurs reprises, pour la période 1682-1715 que nous avons consultée.

79 AD 78 – 3E43 120, compromis du 4 septembre 1686, entre François Chevalier d’une part et Charles Boneau et Louis Bricar d’autre part et accord du 1er octobre 1686, entre François Chevalier, Pierre d’Allemagne et Joachim de La Rue ; 3E43 121, comptes du 8 mars 1687, entre François Chevalier et Louis Bricard.

80 AD 78 – 3E43 150, quittance du 28 septembre 1707, entre François Chevalier et Jean Moreau.

81 Voici quelques exemples, non exhaustifs : AD 78 – 3E43 113, comptes portant obligation, entre André Danican Philidor et Félix Girardin ; 3E43 114, bail du 19 septembre 1684, entre André Danican Philidor, Thomas Le Sage, René Blanchet ; 3E43 116, quittance du 4 avril 1685, entre Félix Girardin et André Danican Philidor ; 3E43 117, quittance du 19 novembre 1685, entre Léonard Nipoux et André Danican Philidor ; 3E43 120, bail du 3 septembre 1686, entre André Danican Philidor et Louis Mandester ; 3E43 128, quittance du 28 octobre 1690, entre Louis Billot et André Danican Philidor ; 3E43 129, quittance du 7 février 1691, entre Jean Marchand et André Danican Philidor ; 3E43 133, désistement du 6 février 1693, entre André Danican Philidor et Gilles Georget ; 3E43 135, vente de rente du 3 février 1695, entre André Danican Philidor et Gilles Bossard. Sur la présence des musiciens du roi dans les registres des notaires de Versailles, voir Benoit, 1963, Benoit et Dufourcq, 1966 et Benoit et Dufourcq, 1975.

82 AD 78 (4E 3310) 5Mi 151BIS – 1080402/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1701, p. 42v°, Baptême du 19.04.1701 (Anne Marguerite Le Roux), parrain : François Lavoine, marraine : Jeanne de l’Estre, « tous les deux mendiants ».

83 Alfani et Gourdon, 2012, p. 13 « The Council [of Trent] stated that spiritual kinship existed only between godfathers and godmothers on one side, and parents of the baptised child on the other side ; between the child and his godfathers and godmothers ; and between the child and whoever baptised him » (Le concile [de Trente] a déclaré que la parenté spirituelle n’existait qu’entre les parrains et marraines d’une part, et les parents de l’enfant baptisé d’autre part ; entre l’enfant et ses parrains et marraines ; et entre l’enfant et celui qui l’a baptisé).

84 Minvielle, 2009, notamment p. 247.

85 AD 78 (4E 3295) 5Mi 150BIS – 1080401/2 – Registre no 31 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année 1696, p. 62ro, Baptême du 13.09.1696 (Marie Therese Marchand), parrain : François La Voyne, marraine : Marie Gatinet, « tous deux pauvres de cette parroisse » ; (4E 3310) 5Mi 151BIS – 1080402/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1701, p. 53ro, Baptême du 16.05.1701 (Marie Louise Marchand), parrain : François Lavoine, marraine : Catherine Le Cerf, « pauvres de profession » ; (4E 3315) 5Mi 153 – 1080403/1, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1704 et le début de l’année 1705, p. 28ro, Baptême du 22.02.1704 (Geneviève Marchand), parrain : Jean Saugeot (garçon chapelier), marraine : Elizabeth Camion (fille d’un tailleur de pierre) ; (4E 3319) 5Mi 153 – 1080403/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1706, p. 57v°, Baptême du 31.07.1706 (Charles Henri Marchand), parrain : Jean Gy (cordonnier), marraine : Françoise Le Grand (fille d’un tisserand) ; (4E 3322) 5Mi 153 – 1080403/4, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1707, p. 85vo, Baptême du 10.08.1707 (Geneviève Marchand), parrain : Jaques Lefèvre (fils d’un laboureur) ; (4E 3327) 5Mi 153 – 1080403/6, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1709, p. 53ro, Baptême du 31.05.1709 (Luc Marchand), parrain : Jean Théobon (sonneur de messe), marraine : Cécile Le Gendre (servante chez le père) ; (4E 3345) 5Mi 154 – 1080404/6, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1715, p. 3ro, Baptême du 08.01.1715 (Jean Pierre Marchand), parrain : Paul Toubois (chapelier).

86 AD 78 (4E 3319) 5Mi 153 – 1080403/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1706, second volume p. 13vo, Baptême du 21.11.1706 (Jean Baptiste du Mont), parrain : Jean Théodon (pauvre de la paroisse), marraine : Matharine Goupy (pauvre de la paroisse) ; (4E 3325) 5Mi 153 – 1080403/5, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1708, p. 106vo, Baptême du 08.12.1708 (Furcy Gabriel du Mont), parrain : Jean Théodon (garçon de l’église), marraine : Madeleine Gorenslon (épouse du parrain) ; (4E 3327) 5Mi 153 – 1080403/6, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1709, p. 116ro, Baptême du 16.11.1709 (Marie Anne Elizabeth Dumont), parrain : Jean Baptiste Croissy (garçon de l’église), marraine : Elizabeth Gaillard (domestique chez le père) ; (4E 3333) 5Mi 154 – 1080404/2, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1711, p. 11vo, Baptême du 26.01.1711 (Angélique Rosalie Dumont), parrain : Pierre Rivière dit Champagne (pauvre), marraine : Marie Maucuyt (pauvre) ; (4E 3336) 5Mi 154 – 1080404/3, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1712, p. 48vo, Baptême du 08.07.1712 (Francois Alexandre Dumont), parrain : Félix Ambault (suisse de l’église), marraine : Catherine Beauché (domestique chez le père) ; (4E 3339) 5Mi 154 – 1080404/4, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1713, p. 78ro, Baptême du 18.12.1713 (Philippe Auguste Dumont), parrain : Pierre Rivière (sonneur des messes), marraine : Marguerite Tribouillet (épouse d’un journalier) ; (4E 3345) 5Mi 154 – 1080404/6, Registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles pour l’année 1715, p. 40vo, Baptême du 07.05.1715 (Marguerite Rozalie Dumont), parrain : Charles l’Abbé (garçon d’église), marraine : Hélène Veillot (fille de Jean Veillot, jardinier).

87 Aubert de La Chenaye Des Bois et Badier, 1869, t. XIV, p. 982 et suiv., à l’article « Noailles », précise le prénom de dix-sept d’entre eux, laissant ainsi supposer que si l’enfant porte un prénom, c’est qu’il lui a été donné lors du baptême.

88 AD 78 – 5Mi 147BIS – 1080397/2 – Registre no 12 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, années 1685-1686, p. 145ro, Baptême du 26.02.1686 (Emmanuel Jules de Noailles).

89 AD 78 – 5Mi 148BIS – 1080398/3 – Registre no 16 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, années 1687-1689, p. 74ro, Baptême du 06.05.1688 (Marie Victoire Sophie de Noailles), parrain : Nicolas Gaudron, ébéniste bourgeois de Versailles, marraine : Marie Lambert, veuve de Claude Boschard, marchand de toile.

90 AD 78 (4E 3291) 5Mi 149 – 10801399/6 – Registre no 22 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, années 1692-1693, p. 98ro-vo, Baptême du 27.12.1692 (Jean Emmanuel de Noailles), parrain : Barthelemy Petit, marraine : Marie Habert, « tous deux de cette paroisse ».

91 AD 78 (4E 3294) 5Mi 149BIS – 1080401/1 – Registre no 27 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année 1695, p. 258vo et 259ro, Baptême du 26.08.1695 (Anne Louise de Noailles), parrain : Charle Fougere, maître d’école de la paroisse, marraine : Barbe Collin, veuve de François Balthasar Fontaine, sculpteur.

92 On notera que le maréchal de Noailles est pourtant alors gouverneur du Roussillon et de Cerdagne, puis son fils après lui, fonction qui ne permet pas d’expliquer ce lien tissé par la famille avec la population de Versailles durant le règne de Louis XIV ; ce n’est en effet qu’en 1722 que la famille obtiendra la survivance de la charge de gouverneur de Versailles, exercée auparavant par Blouin ; voir L’État de la France (1722, t. I, p. 500 et 1718, t. III, p. 268) ainsi que la base Prosocour (https://www.prosocour.chateauversailles-recherche.fr).

93 AD 78 (4E 3295) 5Mi 150BIS – 1080401/2 – Registre no 31 de la paroisse Notre-Dame de Versailles, BMS, année 1696, p. 20r°, Sépulture du 22.07.1696 (Antoinette Godonesche, fille de Jacques, Ordinaire de la Musique), « en presence de Michel Petion et d’Augustin le Peintre, enfants de chœur ».

94 AD 78 – 58J 1 – Registre des Délibérations de la paroisse Notre-Dame de Versailles, 1692-1773 NP, 28 mai 1691, « Henri Dupuis, […] Léonard Aumasson […], tous bourgeois de cette ville de Versailles et anciens marguilliers de la ditte œuvre et fabrique ».

95 AD 78 – 3E43 125, Minutes de l’étude Bekelynck, Marché du 5 mai 1689 entre les marguilliers et Jean-Noël Marchand.

96 Da Vinha, 2019.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. François Chevalier et ses proches voisins musiciens dans le Parc-aux-Cerfs à Versailles, en 1696. Détail du Plan de la ville du parcq aux Cerfs a Versailles. Le 7e xbre 1696. Échelle : [1:1390 environ], 100 toises = 140 mm. Paris, Bibliothèque nationale de France, VA-448 (F)-FT 6, IFN-53128089.
Légende 1. François Chevalier – 2. Jacques Danican Philidor. – 3. André Guillegault. 4. Louis Fernon – 5. Jean-Baptiste Marchand – 6. Jacques Godonesche – 7. Jean Borel de Miracle.Permalien : https://gallica.bnf.fr/​ark:/12148/​btv1b531280896
Crédits Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
URL http://journals.openedition.org/crcv/docannexe/image/41721/img-1.png
Fichier image/png, 729k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne-Sophie Carillier, « Les relations sociales des musiciens du roi à la cour de Versailles à travers l’exemple des familles Chevalier, Le Roux et Hannès Desjardins sous le règne de Louis XIV »Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne], Articles et études, mis en ligne le 24 mars 2025, consulté le 28 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/crcv/41721 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13k6t

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Auteur

Anne-Sophie Carillier

Après un master en histoire moderne intitulé « L’ordre public à la cour de Versailles, 1682-1715 » soutenu à l’université Paris IV-Sorbonne en 2015, puis l’obtention de l’agrégation d’histoire en 2017, Anne-Sophie Carillier prépare, sous la direction d’Olivier Chaline à Sorbonne Université, une thèse intitulée « Le lien social à la cour de Versailles durant le règne de Louis XIV, 1682-1715 ».
Having completed a master’s degree in early modern history entitled ‘Public Order at the Court of Versailles, 1682-1715’ at Paris IV-Sorbonne University, and obtaining her agrégation in history in 2017, Anne-Sophie Carillier is preparing, under the supervision of Olivier Chaline at Sorbonne University, a thesis entitled ‘Social Relationships at the Court of Versailles during the Reign of Louis XIV, 1682-1715’.
ED188 Histoire Moderne et Contemporaine, Sorbonne Université, Paris
anne-sophie.carillier[at]etu.sorbonne-universite.fr

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