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Dossier

Introduction. Politiques de lutte contre les inégalités éducatives : contextes et comparaisons

Cintia Indarramendi et Jean-Yves Rochex

Texte intégral

1Depuis la mise en place des premières politiques éducatives dites de « discrimination positive » aux États-Unis dans les années 1960 et 1970, ce type de stratégie ciblée sur des populations défavorisées s’est développé dans les pays de l’ocde et au-delà. Dans un contexte d’expansion de la scolarisation, et face au constat du faible rapport entre démocratisation de l’accès à l’enseignement et démocratisation de la qualité ou de l’accès aux apprentissages (Prost, 1982 ; Bautier et Rochex, 1997 ; Tiramonti, 2004), une nouvelle logique d’action éducative se développe pour différencier l’action publique en matière d’éducation selon les populations et ainsi « donner plus (ou mieux, ou autrement) à ceux qui ont le moins » (Demeuse et alii, 2008). Les cibles de ces politiques (territoires, établissements, individus) ainsi que la définition des populations focalisées (groupes « ethniques », sociaux, éducatifs) et les modalités de conception et de mesure des inégalités éducatives varient selon les lieux et les périodes, rendant compte de la grande hétérogénéité de ces politiques. Celles-ci peuvent d’ailleurs traiter à la fois des problèmes éducatifs et des problèmes sociaux (de pauvreté, d’exclusion, de malnutrition/famine, de santé, d’hygiène, de violence, de criminalité…).

2Nombreuses et diverses, même si elles font parfois l’objet d’évaluations et de données statistiques (en particulier dans les pays ayant mis en œuvre des mesures de « pilotage par les résultats »), les politiques éducatives ciblées demeurent néanmoins très inégalement connues. Alors que, dans la plupart des pays bénéficiant d’un financement international, les bailleurs de fonds produisent des indicateurs et des évaluations, nous disposons de peu de recherches sur la conception et la mise en œuvre de ces politiques. De surcroît, dans nombre de pays qui, par manque de moyens et/ou par tradition ou par choix politique (Indarramendi, 2015), ne disposent pas — ou insuffisamment — de services producteurs de données statistiques fiables et continues, les indicateurs disponibles sont rares et fragiles. Enfin, le caractère souvent discontinu et morcelé de ces programmes et dispositifs, soumis à des aléas, des réorientations ou des mises en sommeil selon les alternances politiques, rend l’analyse de leurs effets particulièrement complexe. Finalement, trop peu de travaux permettent de documenter la manière dont les politiques sont conçues mais également mises en œuvre et instrumentées. Aux différents niveaux de décision et d’action publique, leur mise en œuvre, leur financement tout comme la fabrication des outils de travail et des dispositifs requièrent des éclairages recontextualisés selon les types d’établissements et les situations locales/nationales.

3Dans ce dossier, nous proposons de mener une réflexion comparative sur les évolutions et les effets des politiques de lutte contre les inégalités éducatives. À l’encontre d’une approche longtemps dominante de l’éducation comparée comme expertise au service d’une logique transnationale de « progrès », de développement ou de modernisation, ce dossier s’inscrit dans une approche comparative critique et théorique. Une telle approche vise à élucider les spécificités et les « allant de soi » des systèmes éducatifs contemporains et des politiques dont ils font l’objet, dans un souci de compréhension de ce qui se joue ailleurs, dans un autre contexte et une autre historicité. Cette « stratégie de la distanciation » (Dupré et alii, 2003) vise d’abord à mieux décrire et comprendre les similitudes et les différences entre les pays en ce qui concerne les politiques de lutte contre les inégalités éducatives et leur ancrage dans l’histoire de chaque société et de chaque système éducatif. Elle permet également de mieux saisir, dans un contexte de remise en cause du cadre national des politiques publiques et de la vision descendante, instrumentale et linéaire de leur conception et de leur mise en œuvre, les processus complexes d’interdépendance, ainsi que d’hybridation et de recontextualisation, entre les différents niveaux — nationaux, mais aussi supra et infranationaux — dans lesquels s’élaborent, se mettent en œuvre et se reconfigurent, selon des historicités plurielles, les politiques éducatives, leurs rhétoriques et leurs instruments.

4Ce dossier se compose d’approches situées portant sur six systèmes éducatifs fortement hétérogènes (du point de vue de l’organisation politique et institutionnelle, des inégalités socio-économiques et culturelles, des traditions pédagogiques) : le Brésil, la Turquie, la Corée du Sud, le Chili, le Mexique et la France. Elles nous permettent de dégager des problématiques et des tensions qui traversent la conception et la mise en place des politiques ciblées de lutte contre les inégalités éducatives. En tenant compte des spécificités des différents régimes politiques et des différents systèmes socio-économiques et éducatifs, nous pouvons identifier des interrogations communes qui se réfèrent aux évolutions, aux enjeux de la mise en place et aux processus de traduction et de réappropriation des politiques éducatives de lutte contre les inégalités scolaires et sociales.

5Nous pouvons constater une convergence entre la plupart des auteurs du dossier sur le besoin de changer d’approche et de dépasser les limites d’analyses des politiques éducatives reposant seulement sur des indicateurs nationaux. Des convergences fortes également sur « la nécessité d’appréhender les effets des politiques publiques étudiées à partir d’enquêtes et d’analyses portant conjointement sur les processus de négociation des décisions prises, sur les mises en œuvre observées, sur les perceptions, appréciations et réactions des différentes catégories d’acteurs impliqués et sur d’éventuelles capacités de rétroactions d’actions publiques tenant compte des difficultés imprévues » (Mamede et alii, dans ce dossier).

6Cette nécessité, qui est revendiquée depuis les années 1980 par les approches cognitives des politiques publiques, est encore moins discutable de nos jours dans le cadre des systèmes éducatifs décentralisés (multipliant les instances de traduction des politiques éducatives), ainsi que dans celui de la diversification de l’action éducative suite à la « montée des dispositifs » (Barrère, 2013). Pourtant, la tâche demeure particulièrement complexe, et la plupart de nos analyses sont, soit souvent concentrées sur les référentiels politiques — et elles rendent alors peu compte des appropriations au niveau des établissements scolaires —, soit centrées sur les pratiques enseignantes — et elles mettent alors trop peu en évidence les processus politiques de prise de décision et les traductions intermédiaires. Plusieurs auteurs de ce dossier s’engagent dans cette démarche de recherche qui vise à rendre compte des différents niveaux de la mise en place des politiques. La contribution d’Ariane Richard-Bossez, Renaud Cornand et Alice Pavie représente un pas en avant dans ce sens. Les auteurs nous proposent l’analyse des « parcours d’excellence » en France, un dispositif déployé depuis 2016 en éducation prioritaire. Ils s’attachent « aux transformations de l’excellence qui se produisent au sein des différents échelons de mise en œuvre de ce dispositif », analysant l’échelon ministériel, l’échelon académique et celui des établissements. Ils mettent en avant la « plasticité » de la notion d’excellence, qui se traduit par une pluralité de modalités de ciblage des élèves bénéficiaires, ainsi que par une forte diversité d’activités proposées et de partenaires mobilisés. Ils montrent également le rôle de ces dispositifs dans la construction d’une nouvelle catégorie minoritaire d’élèves, les élèves « méritants » des dispositifs d’excellence, pour la plupart des élèves déjà favorisés scolairement, tandis que la majorité des élèves de l’éducation prioritaire n’ont pas accès à ce type de dispositif. Si la « plasticité » et la forte hétérogénéité des publics ciblés et des actions développées dans ce cadre limitent les possibilités d’évaluation des effets de ces actions, différents éléments permettent aux auteurs d’avancer que les possibilités de lutte contre les inégalités via les dispositifs d’excellence éducative semblent fortement limitées.

7La contribution de Natalia Pino s’engage également dans une démarche qui vise à rendre compte des processus de traduction des politiques publiques à travers l’analyse des politiques de lutte contre l’exclusion scolaire au Chili. Dans ce pays, souvent évoqué comme exemple de la mise en place des politiques néolibérales de marché ou de “quasi-marché” en matière éducative, différents gouvernements ont tenté de contrôler les effets des politiques néolibérales par des mesures visant à réduire les inégalités scolaires. Néanmoins, « l’engagement dans la lutte contre les inégalités et les discriminations éducatives reste un acte facultatif » pour les établissements et leurs responsables. C’est ce qui se dégage de l’analyse proposée dans l’article au sujet de la mise en place de la loi de subvention préférentielle (sep, 2008) dans sept établissements scolaires. Cette loi sep incite les écoles à accueillir les élèves “prioritaires” (socialement vulnérables) au moyen de compensations financières. Via une gestion fortement axée sur les résultats, la sep fixe des objectifs de performance, classifie et sanctionne les établissements dont les résultats sont faibles. S’appuyant sur la notion d’« arrangement » développée par Jean-Louis Derouet (1992), le texte met en avant le rôle de la capacité interprétative des acteurs scolaires dans la définition de la politique. La grande autonomie et l’importante marge de manœuvre offertes aux prestataires éducatifs se traduisent par la coexistence de pratiques dissemblables, voire de logiques contradictoires, qui peuvent être inégalement pertinentes quant à leur efficacité en termes de lutte contre les inégalités éducatives. La loi exigeant la prise en charge des élèves vulnérables a pu se traduire par le développement de pratiques de sélection des élèves (en fonction de critères scolaires et comportementaux ou via la mise en place de bourses méritocratiques) ou par la manipulation des indicateurs d’efficience (autodéclarés) et des instruments de contrôle de l’action publique. Plutôt que d’y voir le résultat de l’inefficacité de la politique, Natalia Pino analyse ces pratiques comme les effets « logiques » d’une loi au faible pouvoir coercitif ainsi que de la non-intervention délibérée des pouvoirs publics. Elle met ainsi en avant, tout comme le travail d’Ariane Richard-Bossez, Renaud Cornand et Alice Pavie sur la France, un aspect qui semble caractériser le stade actuel des politiques de lutte contre les inégalités éducatives : des accords contingents et provisoires se substituent progressivement à des choix politiques explicites fondés sur des principes universels dans la lutte contre les inégalités.

8Le travail de Sylvie Didou rend bien compte de cette réalité. Elle analyse les politiques mises en place au Mexique dans le cadre de la lutte contre les inégalités dans l’enseignement supérieur durant la période 2000-2018. L’auteure étudie le passage d’une intervention étatique à visée territoriale, orientée vers la croissance de l’offre et des effectifs, à des programmes institutionnels diversifiés, destinés à améliorer l’accueil de groupes victimes de discrimination (indigènes, personnes en situation de handicap, afrodescendants). Sylvie Didou met en avant la prolifération de programmes visant le traitement des ségrégations multiples, laquelle vient se substituer à une démarche d’équité territoriale qui ciblait des groupes sociaux en condition de pauvreté. Le texte montre qu’au Mexique la lutte contre les inégalités a évolué vers une différenciation croissante des groupes récepteurs, tel que cela a pu être mis en avant pour les politiques européennes (Demeuse et alii, 2008 ; 2012). Les politiques mises en place dans l’enseignement supérieur consistent dans l’accompagnement de groupes restreints, symboliquement importants, qui, souvent, se définissent socialement comme victimes d’injustices.

9La prolifération des dispositifs peut également se traduire, voire s’expliquer, dans certains contextes, par une individualisation de la compréhension des difficultés éducatives. C’est ce qui est mis en avant par la contribution de Metin Cevizci. Mobilisant une lecture sociohistorique, l’auteur analyse l’évolution des politiques de lutte contre les inégalités d’accès et de réussite dans un système éducatif sur lequel nous disposons de fort peu de travaux, celui de la Turquie. Il rend compte de la place importante de la conception libérale de la compétition et du mérite dans les politiques d’égalité d’accès, ainsi que de la prédominance de la conception médico-psychologique dans le traitement de l’échec scolaire. Ceci se traduit par la mise en place, pour traiter des problèmes tels que les troubles spécifiques des apprentissages et le trouble du déficit de l’attention, de dispositifs reposant sur une conception individualisante de ces problèmes. Cette situation, combinée avec la prégnance des valeurs de mérite et de compétition pour assurer l’égalité des chances en éducation, contribue à une naturalisation de la réussite ou de l’échec. Ceux-ci sont alors expliqués à partir des aptitudes personnelles (mobilisant des facteurs d’ordre biologique et psychique : élèves intelligents, travailleurs, talentueux, ou ayant certains troubles). Le modèle de politique par projets est financé et encouragé en Turquie par l’Union européenne ou des ONG internationales, ce qui illustre le rôle de ces instances dans la définition des politiques des pays dits « du Sud ». Le développement des politiques de Conditional Cash Transfer (CCT) en est un exemple (politique de lutte contre l’absentéisme via l’attribution d’allocations aux familles en contrepartie de la scolarisation régulière de leurs enfants). Cela interroge sur le rôle de ces instances dans la prolifération de modèles abstraits de bonnes pratiques (Schriewer, 1997) en matière de lutte contre les inégalités éducatives, modèles fortement contraignants dans les pays qui dépendent de financements externes pour mettre en place leurs propres politiques éducatives. Pour finir, Metin Cevizci interroge un autre aspect particulièrement problématique du traitement des inégalités scolaires : la faiblesse des politiques préventives susceptibles d’intervenir en amont de la manifestation des difficultés scolaires et la forte prédominance des politiques de gestion de ces difficultés une fois qu’elles se manifestent. Cette situation, qui caractérise les politiques de lutte contre les inégalités dans beaucoup d’autres contextes (Rochex et alii, 2018), pourrait en partie, d’après l’auteur, expliquer l’absence de résultats probants.

10En ce qui concerne les résultats et les effets des politiques de lutte contre les inégalités éducatives, nous savons à quel point cette analyse est complexe, ces impacts ne pouvant être isolés d’autres dynamiques sociales. Quand les évaluations des effets existent, elles s’appuient principalement sur des indicateurs facilement quantifiables — et dont la fiabilité est variable — et rendent rarement compte des évolutions dans les pratiques institutionnelles, dans les relations d’interdépendance entre établissements, dans les pratiques des professionnels de l’éducation et dans l’accès des élèves concernés aux apprentissages. Deux contributions du dossier soulèvent particulièrement la question des effets des politiques de lutte contre les inégalités, la première au Brésil (Mamede et alii) et la deuxième en Corée du Sud (Ryu et alii).

11Maira Mamede, Vanda Ribeiro, Sylvain Broccolichi et Maria Cruz proposent une analyse des importants progrès en matière de lutte contre les inégalités éducatives dans l’état du Ceará (Brésil). Leur contribution met en avant différents aspects qui pourraient expliquer de telles évolutions : objectiver et analyser précisément les échecs dans la réduction des inégalités, développer l’outillage, la coopération et le pouvoir d’agir des acteurs concernés, ajuster continuellement les évaluations et formations en fonction des remontées de terrain. Les auteurs mettent ainsi l’accent sur les instruments et les outils de travail qui accompagnent la mise en place de la politique, ainsi que le tissage entre évaluation, formation et pratiques. Ces instruments, souvent négligés dans les processus de mise en place des politiques éducatives (Lessard & Carpentier, 2015), consistent, pour le cas étudié, en la restitution des résultats et des préconisations, en la distribution de brochures dédiées aux coordonnateurs pédagogiques et aux enseignants et comportant des préconisations d’actions pédagogiques, en l’attribution de matériel pédagogique et en la formation à son usage. Au-delà de cette mise en avant de l’importance des instruments, l’article soulève un débat particulièrement intéressant autour du pilotage des systèmes éducatifs par les résultats. Contrastant avec les travaux qui dénoncent la recrudescence des inégalités territoriales et sociales suite à ces transformations, l’article, pour sa part, met en avant les effets bénéfiques des évaluations diagnostiques et formatives ainsi que de la valorisation des écoles en fonction d’objectifs ciblés par niveau. Les auteurs expliquent que les enseignants « initialement réticents aux évaluations de leur travail […] semblent avoir été rassurés par l’accompagnement et les ressources qui leur permettent de progresser, et également motivés aussi par les primes mensuelles ». Dans le cas de Ceará, les incitations financières aux municipalités dont les résultats progressent ou les prix donnés aux écoles les plus performantes, ne semblent pas avoir créé un système de concurrence entre établissements et enseignants, mais plutôt une amélioration des résultats des publics les plus défavorisés.

12Le travail de Bang-ran Ryu, Tae Seob Shin et Junyeop Kim présente, quant à lui, le double intérêt de porter sur un contexte peu connu en France, la Corée du Sud, et de proposer une analyse des politiques de lutte contre les inégalités au travers des approches de stratification principale et de score de propension. Les auteurs analysent le programme Zones prioritaires de bien-être éducatif (ewpzp) et ses effets sur « l’adaptation scolaire » des élèves du primaire. Le programme, mis en place en 2003 et inspiré des zones d’éducation prioritaires en France et des Education Action Zones en Angleterre, vise la mobilisation des établissements et des acteurs de la communauté éducative dans l’identification des difficultés du public défavorisé et leur traitement à travers « le soutien à l’apprentissage, la compensation des privations culturelles, et le soutien psychologique et émotionnel ». L’analyse proposée porte sur l’impact du programme du point de vue de l’adaptation scolaire des élèves. Le but ultime du programme est en effet de revitaliser les activités dans les domaines de l’apprentissage, du soutien émotionnel et de l’expérience culturelle, afin que les élèves issus de ménages en situation de pauvreté soient davantage exposés à des expériences éducatives positives leur permettant de mieux s’adapter à leur vie scolaire. Les résultats suggèrent que les bénéficiaires du soutien prioritaire (ps, un programme d’aide personnalisée offert aux élèves de l’ewpzp ayant des besoins spéciaux) ont signalé une augmentation de leur perception de l’intérêt des enseignants envers la situation éducative des enfants vivant en situation de pauvreté. L’intérêt des enseignants a amélioré directement et indirectement les comportements, les attitudes et les aptitudes sociales des élèves ainsi que leurs résultats. L’intérêt des enseignants peut également avoir un impact indirect sur la communauté, l’objectif étant de développer la communication et la coopération entre les écoles, entre les acteurs locaux et entre les diverses agences privées présentes dans les communautés locales. Considérant donc les enseignants comme le vecteur clé pour la réussite des politiques, les auteurs insistent sur l’intérêt de mener davantage de travaux sur la formation des enseignants afin d’améliorer son efficacité et son impact.

13Depuis la mise en place des premières politiques de lutte contre les inégalités dans les années 1960 et 1970, leurs évolutions ont été importantes, tant en ce qui concerne la définition des inégalités, de la difficulté éducative et des publics ciblés, que celle des objectifs éducatifs ou sociaux de ces actions. Ainsi, malgré l’importante hétérogénéité des politiques et des contextes abordés dans ce dossier, les auteurs mettent en évidence des évolutions convergentes. Un premier aspect concerne la forte diversification des publics et des problématiques ciblés ainsi que la multiplication des dispositifs qui risquent de se traduire par une fragmentation accrue des systèmes scolaires et de l’offre éducative. Un deuxième aspect, fortement lié au premier, concerne la prégnance des conceptions naturalistes de la réussite et de l’échec scolaires (Millet & Thin, 2007), les logiques d’individualisation et de psychologisation des parcours et des difficultés scolaires et éducatives (Cevizci), ainsi que le retour des critères et idéologies méritocratiques (Richard-Bossez et alii ; Pino). Ces tendances, qui avaient déjà été repérées en France et dans d’autres pays européens (Demeuse et alii, 2008, 2012 ; Ecclestone et alii, 2009 ; Rochex, 2016 ; Glasman, 2010 ; Tarabini, 2015) sont mises en avant dans le cadre de tournants politiques variés. Ce dossier souligne que les politiques de lutte contre les inégalités éducatives sont aujourd’hui multiformes, voire divergentes, concernant les publics ciblés (Didou ; Richard-Bossez et alii), les modalités de contractualisme politique (Pino) ou même la prégnance d’une médicalisation du traitement des difficultés éducatives. La lisibilité de ce type de politiques en a été affaiblie, ce qui rend l’analyse des effets de ces actions particulièrement complexe. Mais, bien au-delà, la segmentation de la lutte contre les inégalités pose surtout des questions quant aux objectifs politiques et sociétaux qui inspirent ces actions. Plusieurs contributions du dossier (Didou, Cevizci, Richard-Bossez et alii) montrent qu’une compréhension de la difficulté éducative en termes de diversité individuelle est en train de se développer, voire de devenir hégémonique. Si la reconnaissance de la diversité des élèves, des familles, des territoires, des luttes semble inéluctable de nos jours (Sénac, 2012), comment faire en sorte que cette reconnaissance n’aille pas à l’encontre d’une politique générique de démocratisation sociale et de lutte contre les inégalités socio-éducatives ?

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Bibliographie

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Pour citer cet article

Référence électronique

Cintia Indarramendi et Jean-Yves Rochex, « Introduction. Politiques de lutte contre les inégalités éducatives : contextes et comparaisons »Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 20 | 2021, mis en ligne le 02 février 2022, consulté le 16 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/cres/5156 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cres.5156

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Auteurs

Cintia Indarramendi

Université Paris 8, Laboratoire CIRCEFT-ESCOL [cindarramendi@gmail.com].

Jean-Yves Rochex

Université Paris 8, Laboratoire CIRCEFT-ESCOL [jyrochex@gmail.com].

 

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