• 1 Instrument de recherche publié dans la salle des inventaires virtuelle des Archives nationales de F (...)

5Depuis le mois de décembre, on peut ainsi retrouver dans la salle des inventaires virtuelle (SIV) « l’état des versements de la Cour de cassation1 » qui permet de simplifier la recherche dans les nombreux outils de description existants. Organisé par grands services producteurs de la Cour (première présidence, greffe civil ou greffe criminel) puis par année de production des documents, il permet de repérer rapidement les différents corpus documentaires et les inventaires les décrivant. Cet état des versements renvoie vers les instruments de recherche particuliers décrivant notamment les arrêts rendus par les différentes chambres de la Cour de Cassation qui sont a minima décrits par leur numéro (pour les années 1969-1988 pour le greffe criminel et 1960-1988 pour le greffe civil) ou par leur numéro et la date d’audience (pour toutes les autres années), informations que fournissent généralement les particuliers ou professionnels du droit dans leurs demandes.

• 2 Désigne les procédés informatiques pour la traduction d’images de textes imprimés ou dactylographié (...)
• 3 En matière criminelle [en ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34508686x/date&rk=987129 (...)

6La Cour se charge également de la publicité de ces arrêts formant la jurisprudence française dès ses premières années. L’arrêté du Directoire exécutif du 19 octobre 1796 institue le Bulletin de la Cour de cassation sur le même modèle que le Bulletin des lois déjà existant. Avant cet arrêté, les arrêts étaient placardés dans la commune de Paris ou en l’enceinte du Tribunal de cassation pour moitié. Cette publication qui existe toujours aujourd’hui sur le site internet de la Cour de cassation est divisée en matières civile et criminelle. Les bulletins ont été une source utile de recensement de la jurisprudence en matière de santé publique notamment grâce à la numérisation et à l’océrisation2 des exemplaires conservés à la Bibliothèque nationale de France pour la période de 1798 à 19133. Ces arrêts publiés, représentant une petite partie de l’activité de la Cour, permettent de pallier la disparition d’une grande partie des archives de la Cour au XIX^e siècle lors des incendies de la Commune.

• 4 Note du 14 juin 1945 établie par le 2^e bureau civil au chef de la comptabilité du ministère de la J (...)

7Le fichier central du service de documentation, des études et du rapport (SDER) de la Cour de cassation (versements 20160171 et 20160172) est une source particulièrement pertinente pour la recherche de jurisprudence. Instauré par la loi du 23 juillet 1947, le SDER a deux grandes missions : l’aide à la décision et la diffusion de la jurisprudence de la Cour de cassation. Le but recherché étant de classer dans un ordre méthodique tous les arrêts rendus par la Cour afin de maintenir dans le pays une unité jurisprudentielle4 et d’éviter, à partir de 1947, les contrariétés de jurisprudence entre deux chambres appelées à statuer sur les mêmes questions. Pour ce faire, le fichier central qu’il constitue dès 1947 vise à regrouper, en une série unique, les sommaires de tous les arrêts rendus afin de permettre de les garder en mémoire. Mais aussi de faciliter les rapprochements entre les différentes affaires traitées. Le fichier central se compose ainsi de quatre fichiers : trois de jurisprudences civiles, un de jurisprudence pénale auxquels s’ajoute un autre fichier dit « doctrinal ».

• 5 Santé publique : AnF fiches des articles 20160171/31, 20160171/89, 20160171/130, 20160171/145, 2016 (...)
• 6 Médecin : AnF fiches des articles 20160171/25, 20160171/76, 20160171/125, 20160171/141, 20160171/16 (...)
• 7 Eau : AnF fiches des articles 20160171/19, 20160171/119, 20160171/139, 20160171/163, 20160171/172, (...)
• 8 Administration à autrui de substances nuisibles à la santé : AnF fiches des articles 20160171/201, (...)
• 9 M. A. Perdriau, doyen honoraire de la Cour de cassation, les publications de la Cour de cassation, (...)

8Organisé en rubriques puis en subdivisions immuables (soit 6 068 thèmes liés à 22 842 sous-thèmes) les mots ou groupes de mots de référencement sont empruntés à la nomenclature de la Cour. Conçus afin de permettre au chercheur d’opérer des rapprochements et de percevoir les divisions d’une matière au premier coup d’œil, ils permettent à partir d’une notion générale de parvenir au problème particulier posé par le pourvoi auprès de la Cour de cassation. Dans le cas de cette étude, plusieurs mots-clés ont pu être sélectionnés « Santé publique5 », « Médecin- chirurgien6 », « Eau7 » ou « Administration à autrui de substances nuisibles à la santé8 ». Ce titrage est particulièrement utile lorsque l’on travaille sur une thématique précise. Comme l’indique dans son étude M. le Doyen Perdriau9, « le titrage est effectué, selon une méthode extrêmement stricte, à partir de la “nomenclature” en usage à la Cour de cassation ». Le titre constitue l’unique chemin d’accès au sommaire de l’arrêt susceptible d’être recherché quel que soit la période, de sorte qu’un arrêt mal titré sera perdu, faute de pouvoir être retrouvé par une personne qui en ignore – par hypothèse – l’existence.

• 10 AnF, 19890368/271.
• 11 Articles 3 et 4 de la loi des 16-24 août 1790, 46 de la loi des 19-22 juillet 1791, et 47, n°15, du (...)
• 12 Articles 3 et 4 de la loi des 16-24 août 1790, article 46 de la loi des 19-22 juillet 1791.

12Un arrêt de la chambre criminelle rendu lors de l’audience du 9 mars 186710, sur le pourvoi du ministère public près le tribunal de simple police des cantons de Dinan (Côtes-du-Nord), d’un jugement rendu par ce tribunal, le 5 novembre 1866, en faveur d’un nommé Montfort illustre parfaitement cette fonction. Le maire de la commune de Dinan a pris deux arrêtés en 1865 et 1866 « en vue de prévenir une épidémie dont le pays était menacé ». Au regard de la réglementation en vigueur11, ils sont considérés comme parfaitement légaux et obligatoires dans le contexte. L’arrêté municipal prescrit aux habitants de faire disparaître, tous les cinq jours, les immondices ou matières infectantes déposées dans les dépendances de leurs maisons, comme une cour sur laquelle ils auraient une servitude d’écoulement des eaux ménagères. Il est reproché au particulier Montfort de n’avoir pris « aucune mesure pour faire disparaître d’une dépendance de sa maison des matières susceptibles de répandre des exhalaisons infectes et malsaines ». En effet, plusieurs éviers, au premier et au second étages de son domicile, déversaient dans une cour des eaux ménagères qui se coagulaient le long du mur de ladite maison et qui selon le procès-verbal « s’y corrompaient à l’air ». Dans ce cas, le droit à la propriété invoqué par le défendeur n’est pas reconnu, les textes règlementaires de 1790-179112 étant force de loi.

• 13 En 1849 sont créés les conseils consultatifs d’hygiène dans les départements et les arrondissements (...)

13Dans le domaine de la santé publique, l’eau et son utilisation ont une grande part dans la jurisprudence. Il est bien considéré par les autorités que l’eau stagnante ou mal utilisée est une source de maladie et de propagation d’épidémie. Dans cet ordre d’idée, le maire de Bône, aujourd’hui Annaba en Algérie, publie un arrêté de salubrité publique suite à des plaintes et avis du conseil d’hygiène13. La publication officielle concerne des excavations pratiquées en plusieurs points de la ville de Bône par des exploitants pour extraire de la terre à brique ou du sable. Durant l’hiver, ces zones sans écoulements d’eaux convenables deviennent des marécages qui sont jugés cause d’insalubrité. Le garde champêtre a dressé un procès-verbal le 22 mai 1872.

• 14 AnF, 19890368/352.

14L’arrêt a été rendu par la chambre criminelle lors de l’audience du 1^er février 1873 portant une décision d’annulation14, sur le pourvoi du ministère public près le tribunal de simple police de Bône, d’un jugement rendu par ce tribunal le 15 juin 1872 en faveur des nommés Jean-Pierre Sens et Barthélemy Rossy, tous les deux relaxés. La Cour dans sa décision confirme l’autorité municipale dans son droit de prévenir les épidémies en imposant des précautions convenables. Par là même, elle reconnait que l’absence d’eau dans les trous n’empêche pas le délit, les mesures du maire étant préventives. Au juriste de conclure « Les maires en Algérie, aussi bien que sur le continent, ont le droit de prendre, dans un intérêt de salubrité publique, des arrêtés relatifs à l’exploitation des carrières ; et le juge de simple police ne peut refuser d’appliquer un règlement municipal enjoignant aux exploitants de carrières, lorsqu’ils pratiquent des excavations, de faire les travaux nécessaires pour l’écoulement des eaux. Les prescriptions de cette nature ayant un caractère préventif, le juge de simple police ne pourrait se fonder, pour prononcer la relaxe, sur ce que les carrières exploitées par les inculpés ne contenaient pas d’eaux stagnantes ».

• 15 AnF, 19890368/846-19890368/848.

16Dans un autre arrêt de 1896, il est question des eaux qui alimentent une fontaine publique destinée aux besoins des habitants d’une commune. L’arrêt de la chambre criminelle est rendu en audience du 29 octobre 189615 portant une décision d’annulation partielle, sur le pourvoi du ministère public près le tribunal de simple police de Rennes, d’un jugement rendu, le 17 février 1896, par le tribunal de simple police de Rennes, au profit de Marie Bazin Paulet, Joséphine Frogerais, Aimée Renault, Marie Gentil, Marie Coudray, Augustine Maltier, Constance Chériot, Marie Loret. La fontaine doit être considérée comme faisant partie du domaine public communal, et est, à ce titre, imprescriptible ; il en est de même de ses eaux répandues sur la voie publique, si elles sont destinées à des besoins publics, tels que la propreté et la salubrité des rues.

• 16 AnF, 19890368/358-19890368/359.

18La municipalité dans ses attributions doit veiller à la santé des habitants. Mais également à endiguer les épidémies ou maladies infectieuses auprès des cheptels d’animaux. Un arrêt de la chambre criminelle rendu lors de l’audience du 11 juillet 1873 portant une décision de rejet16 nous permet d’aborder ce sujet. Il précise en matière de contravention aux règlements sur le typhus des bêtes à cornes que les juges de répression se déclarent « à bon droit ». Les bouchers au profit desquels une exception a été spécifiée ne peuvent s’en prévaloir, lorsqu’il est établi, en fait, que ce n’est pas en qualité de bouchers, mais comme marchands de bétail qu’ils se sont rendus acquéreurs, qu’ils ont exploité sur les marchés et revendu les bestiaux malades, et qu’ils n’ont pris aucune des précautions prescrites aux bouchers. Les prévenus ne peuvent non plus se prévaloir de leur bonne foi, en alléguant que les animaux achetés et revendus par eux n’étaient pas marqués d’un signe distinctif voulu par les règlements, lorsqu’il résulte de l’arrêt non-seulement que l’existence de l’épidémie était de notoriété publique, mais encore qu’elle était à la connaissance personnelle de chacun d’eux. « Toute infraction aux lois qui ont pour objet de régler la police sanitaire, de prévenir ou d’arrêter le développement des épizooties, est punissable par le fait seul de son existence ». Mais condamnant plusieurs prévenus ensemble aux amendes édictées par la loi, l’arrêt viole le principe d’après lequel l’amende doit être individuelle et infligée à chacun des coparticipants à une même infraction.

• 17 AnF, 19890368/999-19890368/1002.
• 18 Arrêt du 17 février 1900 (AnF, 19890368/999-19890368/1002).

21L’arrêt de la chambre criminelle est rendu en ce sens lors de l’audience du 17 février 190017, sur le pourvoi du ministère public près le tribunal à simple police d’Avesnes, d’un jugement rendu, le 6 décembre 1899 par ledit tribunal, au profit du nommé Béthune (Georges). La conclusion en est la suivante : « doit être annulé le jugement du tribunal de simple police qui, pour prononcer la relaxe d’un individu prévenu d’infraction ci un arrêté préfectoral prohibant la circulation de divers animaux sur le territoire d’une commune injectée par la fièvre aphteuse, se fonde sur certaines paroles restrictives dudit arrêté qui auraient été prononcées par le Préfet en session du Conseil général18 ».

• 19 AnF, 19890368/158.

22Lors d’un épisode épidémique, tout maire est tenu d’agir en vertu des dispositions de la loi des 16-24 août 1790 dans le but d’arrêter « dans ses progrès un fléau calamiteux répandu dans la commune confiée à son administration » en exerçant son pouvoir de police sanitaire. Le maire de la commune de Bar-le-Duc va user de ce pouvoir pour réquisitionner Eugène Andreux, médecin de profession, afin de soigner les habitants atteints par le choléra. Andreux accède à la demande mais la commune refuse de le payer pour ses services, la loi n’étant pas suffisamment explicite. Aux magistrats de statuer que « nul ne peut être tenu, en l’absence de toute disposition de la loi, de faire gratuitement le sacrifice de son temps, de son travail et de son industrie, même dans l’intérêt public ou communal ». La dépense est bien à la charge de la commune qui doit rétribuer toute personne exerçant une profession salariée. Son activité implique une promesse et obligation de lui fournir un salaire. Par un arrêt de la chambre criminelle rendu lors de l’audience du 27 janvier 185819, sur le pourvoi du nommé Andreux, d’un jugement rendu le 12 décembre 1857 par le tribunal civil de Bar-le-Duc, le médecin obtient gain de cause. La décision de la Cour de cassation va dans le sens suivant : « Le médecin qui, obtempérant à un arrêté du maire pris dans un intérêt public en cas d’épidémie, donne ses soins aux indigents de la commune, a droit de réclamer à la commune les salaires et indemnités qui lui sont dus pour les soins qu’il a donnés en conformité de cet arrêté. Cette dépense est communale et elle doit être mise à la charge de la commune ».

• 20 Venues du sous-continent indien, elles ont notamment frappé la France à quatre reprises au XIX^e siè (...)

23Au début du XIX^e siècle, les autorités commencent à faire le lien entre certains facteurs environnementaux et les causes de décès. L’idée que la mort n’est peut-être pas une fatalité se retrouve dans de nombreux discours. Les lois et décisions en matière de santé publique et hygiène publique se multiplient donc. Les phases épidémiques de choléra20 en France vont impulsées une véritable législation de la santé publique.

• 21 Ces affaires sont regroupées sous la nomenclature « art de guérir ».
• 22 Arrêts Véron du 24 janvier 1834, Gauthier du 9 juillet 1853, Rosey du 9 juillet 1853, Bindé du 21 j (...)

24La profession médicale est organisée par la loi du 19 ventôse an XI (10 mars 1803). Le droit d’exercer se trouvait lié à l’obtention de deux diplômes, soit celui de docteur en médecine ou en chirurgie, de portée nationale et décerné par l’une des six écoles de médecine, soit celui d’officier de santé, obtenu à moindre coût mais à stricte limite départementale. L’ensemble des certificats d’aptitude aux différents grades universitaires (bacheliers, licenciés, docteurs, officiers de santé, chirurgiens-dentistes, pharmaciens) sont délivrés par les facultés de théologie, lettres, sciences, droit, médecine et pharmacie. À partir de 1803 on observe un développement des enquêtes administratives appliquées aux « charlatans » et à l’exercice illégal de la médecine. Les autorités souhaitent surveiller et encadrer au mieux le domaine de la santé afin de le rendre plus efficace sur l’ensemble du territoire et ainsi effacer les inégalités géographiques. Dans le cadre du renforcement de ces contrôles, la Cour de cassation va instruire un pourvoi le 9 octobre 182421 sur la requête du procureur général près la cour royale d’Orléans contre la nommée Émilie Barré, où des précisions seront apportées à la loi. Le délit a été constaté par un commissaire de police de la ville d’Orléans assisté de deux pharmaciens. On reproche à Madame Barré d’avoir vendu dans sa boutique d’herboriste à Orléans des « drogues et médicaments dont la plupart d’après la dénomination, étaient de compositions et préparations pharmaceutiques ». Le ministère public se prévaut des lois du 21 germinal an XI (article 36) et du 28 pluviôse an XIII (article 33). La chambre civile statue que l’article 36 ne concerne que les « charlatans » en excluant les marchands qui « distribuent des drogues et des préparations médicinales dans des boutiques et magasins où ils ont une résidence sédentaire ». Par contre, elle reconnait que si l’article 33 ne parle que des épiciers et droguistes, il n’en est pas moins applicable aux herboristes qui vendent des compositions identiques. On observe par ailleurs, à la consultation des registres et Bulletins des arrêts au XIX^e siècle, que la Cour, par dérogation au droit commun, reconnaît au tribunal de police correctionnelle une attribution spéciale pour juger des affaires relatives à l’exercice illégal de la médecine22.

• 23 AnF, 19890368/288.

25Le préfet de police de Paris, de par le pouvoir dont il est investi par les arrêtés des consuls des 12 messidor an VIII et 3 brumaire an IX peut prendre des mesures pour prévenir les épidémies et maladies contagieuses touchant le monde de la petite enfance. Un arrêt de la chambre criminelle rendu lors de l’audience du 3 août 1866 portant une décision de rejet23 sur le pourvoi formé par la nommée Berlin contre un jugement rendu sur appel de simple police par le tribunal de police correctionnelle de la Seine, le 17 mai 1866, qui l’a condamnée à 5 francs d’amende et un jour de prison nous permet de traiter ce sujet. Le préfet est habilité à spécifier l’étendue, la disposition des lieux, le nombre de pensionnaires que les sage-femmes pourront recevoir à la fois. La finalité de ce principe est d’éviter que « les femmes enceintes y soient accumulées dans conditions dangereuses pour elles-mêmes et pour la cité toute entière ». Suite à sa demande en cassation, Madame Berlin, sage-femme condamnée pour non-respect de la règlementation, est déboutée de sa demande.

• 24 Noël-Jean Mazen, « S.I.D.A. et MVIH : la pandémie, la peur et le droit », Science sociale et santé, (...)
• 25 Loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d’ordre social, Légifrance [en lig (...)

26À l’instar du sida qui sévit depuis les années 1980, l’épidémie de choléra qui s’est caractérisée par une propagation à grande échelle, a également généré un climat de peur dans les populations, alimentée par la méconnaissance des origines de la maladie et par les difficultés de la médecine à y faire face. Cependant, en un siècle, la prise en compte des droits individuels ayant progressé au sein de la société, il est à noter que dans le cas du sida, les recommandations sanitaires ciblées sur les groupes à risque se sont heurtées à une logique de défense des libertés individuelles24. Dans le cas d’erreur médicale, les textes sont aussi là pour préciser les conditions de réparations des préjudices subis. Une autre épidémie va profondément faire évoluer la jurisprudence de la Cour de cassation dans ce domaine. Pour exemple, la loi du 31 décembre 1991 a créé un fonds d’indemnisations doté de la personnalité civile et présidé par un président de chambre ou un conseiller à la Cour de cassation. Ce fonds est chargé d’assurer la réparation intégrale des préjudices résultant de la contamination par le virus d’immunodéficience humaine (VIH) « causée par une transfusion de produit sanguin ou une injection de produit dérivé du sang, réalisée sur le territoire de la République française » (article 47-1 de la loi25). La jurisprudence de 1992 à 1997 statue principalement sur le droit des victimes à agir en justice malgré la loi sous la nomenclature « exclusion de la procédure de droit commun (non) ». La Cour de cassation légifère que « si les principes généraux du droit commandent d’accorder à toute victime le droit de saisir l’autorité judiciaire pour obtenir réparation du dommage qu’elle estime avoir subi, ils lui interdisent d’être dédommagée deux fois du même préjudice ». Dès lors qu’une décision juridictionnelle définitive a été rendue et que son préjudice a été intégralement réparé, la victime n’a plus d’intérêt à agir. Un dossier de pourvoi du 26 mars 1993 reconnait cependant qu’une action en justice peut être formée contre le fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés selon les termes précisés par le législateur. Il reconnait la cour d’appel de Paris compétente pour examiner une demande tendant à reconnaitre la nullité de l’offre faite par le fonds d’indemnisation. La juridiction statuera non comme juridiction d’appel, mais comme juridiction nationale spécialement désignée pour connaitre ces actions.

• 26 Article 1353 du Code civil.

27Sur le même sujet la Cour va instruire des dossiers dont la finalité sera de déterminer le « lien de causalité ». L’étude se portant sur les causes de contamination du virus. Un arrêt du 9 juillet 1996 de la première chambre civile conclut qu’en l’état actuel des connaissances médicales, 40% des contaminations du virus de l’hépatite C ne font pas preuve de leur origine. La jurisprudence s’appuie pour la recherche des causes de la contamination sur la voie d’expertises afin de déterminer s’il existe « des présomptions graves, précises et concordantes26 de nature à établir l’imputabilité de la contamination à la transfusion administrée ». Dans cette affaire, il est précisé au demandeur qu’il n’existe pas de lien suffisant entre les transfusions sanguines qu’il a reçues après son accident de la circulation et sa contamination. Au juriste de préciser, que n’est pas non plus « fondée la demande de réparation du préjudice en résultant au conducteur du véhicule responsable de l’accident ».

• 27 Les archives de la chambre criminelle de la Cour de cassation ont été détruites en grande partie lo (...)
• 28 Le Second empire colonial français comprenait outre l’Algérie déjà citée dans une affaire plus haut (...)
• 29 Procédures instruites contre les nommés 1°Piramassamypaullé, 2° Adinarayanapaullé, 3° Maurangapache (...)

30Un premier arrêt de la chambre criminelle rendu à l’audience du 16 janvier 184627 qui renvoie devant la cour royale de Pondichéry28 pour cause de sûreté publique devant un autre tribunal que celui de Karikal29 expose la situation en Inde lors d’une épidémie de choléra.

• 30 AnF, 19890368/184.
• 31 Elles sont créées par circulaire du ministère de l’Intérieur le 2 février 1852 pour statuer « dans (...)

32Un autre arrêt de la chambre criminelle rendu lors de l’audience du 25 février 186030, sur le pourvoi du nommé Aycard de l’arrêt rendu par la cour impériale d’Aix, chambre correctionnelle, le 20 novembre 1859, en faveur des nommés Légier et Segond fait poindre un conflit dont le contexte semble être un épisode épidémique supposé. Le 1^er février 1859, un libelle est envoyé au garde des Sceaux afin de dénoncer une infraction commise par un notaire. Dans l’état, il est accusé d’avoir abandonné sa résidence notariale ce qui peut être une infraction qui relève de l’article 4 de la loi du 25 ventôse an XI. Le ministre de la Justice est tout à fait en droit « d’apprécier les caractères de l’infraction en raison soit de la durée de l’absence soit des circonstances extraordinaires qui ont pu la motiver ». La deuxième accusation est beaucoup plus grave. Le notaire aurait quitté le lieu de ses fonctions à trois reprises lors d’épidémies dans la ville d’Ampurs en 1849, 1854 et 1855. Le conseiller de la Cour de préciser dans ses conclusions que quitter sa résidence en temps d’épidémie serait « une circonstance de nature à appeler sur lui de la part du garde des Sceaux un redoublement de sévérité ». Après plus amples informations pris dans le registre des décès et auprès du médecin-maire de la ville, il peut être allégué qu’aucune épidémie n’a eu cours dans la commune pendant les dates données dans le libelle. Le dossier conclut à un règlement de compte entre notaires sous couvert de bouleversement politique. En effet, le calomnié a été condamné en décembre 1852 par la commission mixte31 en raison de ses opinions politiques.

• 32 AnF, 19890375/658.

34Un arrêt de la chambre criminelle rendu lors de l’audience du 23 octobre 1931 portant une décision de rejet32 sur le pourvoi de la compagnie des eaux de Lures concerne, elle, une épidémie de fièvre typhoïde. Celle-ci a éclaté dans les premiers jours du mois de novembre 1928 dans la banlieue de Lyon. Un décompte officiel fait état de 2 500 cas et plus de deux cents décès. Une enquête conclut à la contamination des puits de captage et de pompage de la compagnie des eaux à Vassieux par suite d’infiltrations d’eaux souillées provenant d’un aqueduc qui traverse le terrain de la compagnie et qui sert d’égout pour la commune de Caluire. Il est donc reproché au préposé en charge de la surveillance et de l’entretien de l’égout d’avoir négligé sa tâche malgré un signalement comme « un effroyable danger pour la santé publique ». Deux chefs d’inculpations ont été retenus : homicides et blessures involontaires commis sur personnes désignées et homicides et blessures involontaires commis sur personnes demeurées inconnues. La compagnie quant à elle est tenue responsable civilement de son agent dans le cas de dommages-intérêts à payer. Un certain nombre d’actions civiles tendant à obtenir ces allocations vont être engagées. En 1937, la chambre des requêtes de la Cour de cassation statue de nouveau favorablement sur la recevabilité de ces demandes, la prescription des actions n’étant pas retenue dans le cas d’épidémie.