• 1 Jean Chandos, ou John Chandos (vers 1320-1369), est un des capitaines anglais les plus prestigieux (...)

1La victoire anglaise lors de la bataille de Poitiers de 1356, la capture du roi Jean II et la conquête intégrale des terres françaises de l’Ouest, ont abouti à la signature du traité de Brétigny, en 1360. Jean Chandos1, au terme d’une tournée aussi efficace qu’organisée, prend possession pour le roi d’Angleterre, des terres qui lui ont été attribuées. La nouvelle entité constituée représente un tiers de la France, soit treize sénéchaussées, vingt-quatre évêchés et deux archevêchés.

• 2 Il en a été le lieutenant pour le roi d’Angleterre et connaît donc bien le territoire. Pierre Capra (...)
• 3 Martin Aurell, L’Empire Plantagenet, Perrin, Paris, 2003, p. 9. Thomas Rymer, Foedera, conventions, (...)
• 4 Robin Frame, The political development of the British Isles, 1100-1400, Oxford, 1995, p. 138-139.

2Soucieux de restaurer ce territoire dans ce qu’il avait de spécifique avant les démêlés du xiii^e siècle, soucieux également de donner à son fils aîné, Edouard de Woodstock (plus connu sous le nom de « Prince Noir ») une terre à sa mesure, et conscient des difficultés posées par l’ajout de régions aussi considérables avec une administration particulière, le roi d’Angleterre Edouard III érige ses nouvelles possessions en Principauté. Cet ensemble territorial est politiquement assez novateur. Edouard de Woodstock s’installe en Aquitaine, et gère la principauté2. Edouard III en conserve la suzeraineté et rétablit ainsi une réalité plus ancienne qui était celle du Duché d’Aquitaine, dans « l’empire Plantagenêt »3. La principauté, en elle-même, constitue un retour institutionnel à cette réalité passée. C’est une entité territoriale proche des premiers duchés, à cette différence et cette spécificité près : le principal feudataire n’est autre que le propre fils du roi, ce qui implique des rapports nouveaux. Edouard III fait montre de réalisme et surtout exprime une volonté politique tout à fait particulière. Selon Robin Frame, « […] Edward was conscious of the Angevin past [and] the Britsh Isles seemed on the point of forming part of a restored and reshaped European Imperium4. ». La principauté comprend d’une part le Duché d’Aquitaine et d’autre part les territoires conquis lors du Traité de Brétigny. Il y a donc deux entités distinctes : les pays de l’Ouest et le duché de Gascogne. Les pays de l’Ouest sont gérés depuis 1259, soit par le roi de France soit par certains de ses fils, et la Gascogne, qui n’a pas quitté le giron « angevin » depuis le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt en 1153, est sous l’autorité des rois d’Angleterre. Ce sont donc deux territoires qui ont eu une évolution politique et économique différentes.

• 5 La « recovery » est l’ensemble des mesures mises en place pour prendre en mains politiquement un te (...)

4La reconquête française déstabilise complètement l’équilibre mis en place pendant les douze années de domination anglaise (1360-1372). Pendant cette phase, la justice et son exercice vont être aussi utiles au roi de France que les troupes de Du Guesclin. Dès 1369, le roi de France se sert de la justice comme moyen de gouvernance. Il crée son propre réseau de soutiens locaux en détachant des individus de la mouvance du roi d'Angleterre. Mettant en place une politique de recovery5 habile, Charles V joue sur les rivalités intra-familiales qui sont révélées lors de conflits judiciaires, pour mettre en place une nouvelle géopolitique dans les régions reconquises. Les individus aux prises avec la justice l’instrumentalisent également et font de l’issue des affaires judiciaires auxquelles ils sont mêlés, la justification de leur soutien au roi.

• 6 Des lettres royaux sont rédigées pour régler les différents transferts, d’hommes, de moyens, de sou (...)

6Le nouvel ensemble territorial nécessite un personnel conséquent. Le Prince est donc accompagné lors de son installation définitive en Aquitaine, par un nombre important de membres de sa maison6. Le fonctionnement administratif de la région qui précède la mise en place de la Principauté nous est connu grâce aux travaux de Pierre Capra. La structure existe, avec ses cadres, mais compte tenu du contexte guerrier, les moyens sont insuffisants pour la faire fonctionner véritablement. Néanmoins, c’est sur cette base que s’appuie le Prince Noir quand il établit son autorité sur la région. La paix retrouvée, ainsi qu’un territoire considérablement agrandi, vont devenir deux réalités propices au renforcement et à l’approfondissement d’un encadrement administratif centralisé et efficient.

• 7 Pierre Capra, op.cit., p. 22.
• 8 Chaque sénéchaussée dispose de son propre sceau, ainsi que le montre l’étude de Daniel Nony, « Deux (...)
• 9 Thomas Rymer, op.cit., t. II, Partie II, p. 61-62.
• 10 Jean-Paul Trabut Cussac, L’administration anglaise en Gascogne sous Henri III et Edouard 1^er, de 12 (...)

7Pour Pierre Capra, « […] d’un ensemble archaïque avec des organes insuffisants, le Prince a fait un gouvernement complet7. » Le terme « archaïque » est assez sévère. Le Prince réutilise en réalité des structures existantes. Il les complète et les approfondit face aux nouveaux besoins qui s’imposent à lui, du fait des augmentations territoriales. Le sénéchal d’Aquitaine est le premier officier de la Principauté. Son autorité s’étend, à la fois politiquement et géographiquement. L’extension territoriale que connait l’Aquitaine implique l’adjonction de nombreuses sénéchaussées. Ces dernières, au nombre de 13 sont de tailles et d’importances variables. Siègent enfin d’autres magistrats, notaires, gardes des sceaux8, maîtres des eaux et forêts… On trouve également des procureurs généraux et ordinaires du roi9. Les Anglais conservent et absorbent les structures existantes. Le dernier niveau de gestion du territoire est tenu par les baillis, prévôts, et par les maires. Chargés de la gestion administrative et financière, ils sont également responsables de la justice locale, et tiennent des cours locales pour les petits délits. Le prévôt procédait en tant qu’officier de police. C’était lui qui effectuait les enquêtes contre les différents délinquants et procédait éventuellement à leur arrestation. Aidés par les agents auxiliaires à leur disposition, lieutenants, sous-prévôts, ils sont, du moins en Gascogne, des professionnels du droit. Depuis 1289, ils doivent en effet être « notaires publics »10.

• 12 La pétition est une demande faite par des habitants directement au Parlement. Les habitants des ter (...)
• 13 Royaume-Uni, Kew, National Archives TNA, C61/85, memb. 7 et 22, 46 Ed III, 17 avril 1372.

9Les pétitions sont pourtant légion, mais c’est trop tardivement qu’Edouard III prend conscience de la nécessité de créer une cour souveraine pour traiter les affaires locales12. Le fait de devoir faire appel, en dernière instance, à la justice royale à Londres lasse certains. Le roi d’Angleterre donne alors la possibilité à son fils d’organiser des jugements de dernière instance en Aquitaine, même. Malheureusement, la décision d’Edouard III est trop tardive13. La déstabilisation de la Principauté d’Aquitaine par les appels gascons est déjà en place depuis 1368. La création d’une cour parlementaire en 1372 ne peut donc pas mettre un frein aux agissements de Charles V.

• 14 Jean de Saint-Pierre, ancien maître des monnaies de Poitiers et d’Angers, bénéficie du don le 25 oc (...)
• 15 En décembre 1369, Jean Adeuil se voit octroyer un don très important, dont font partie certains des (...)
• 16 En novembre 1370, une rente est prélevée sur une partie de ses biens au profit de ces trois frères. (...)
• 17 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), JJ 100, n° 754, fol. 223, v°, mai 1370.
• 18 Le sire d’Aubeterre récupère à nouveau son bien, lors de son retour en grâce le 15 décembre 1372 (v (...)

11Lors de la période de reconquête française en Aquitaine, les familles de la noblesse poitevine n’agissent pas selon une logique de clan. Chaque membre suit ses propres intérêts. Il n’y a pas de solidarité intra-lignagère et les conflits intra-familiaux sont légion. Ces énergies contraires constituent une base intéressante pour l’établissement de la politique de Charles V. Ce dernier procède très tôt à de nombreuses confiscations de terres, pour faire pression sur des hommes qui maintiennent leur fidélité au roi d’Angleterre. Ces confiscations ne sont pas forcément effectives car le roi n’a pas encore reconquis les territoires concernés. Ce sont des « dons pour services rendus » qui précèdent la conquête et qui incitent des combattants fidèles au roi à s’attaquer à certaines places-fortes, châteaux ou villes. Aimery d’Argenton, seigneur de Hérisson et de Crémille, possédait des terres dans la châtellenie de Mirebeau et la châtellenie de la Guerche en Anjou. Ses biens sont hypothétiquement confisqués dès 1369 au profit de cinq personnes différentes : Jean de Saint-Pierre14, Jean Adeuil15, Jean, Pierre et Guillaume Ajaon16. Celui qui se rend maître des biens d’Aimery d’Argenton bénéficie du « don » royal. De même, Godicilde-Raymond d’Aubeterre, qui lui aussi reste fidèle au roi d’Angleterre, voit ses terres confisquées au profit de Jean de Bauçay, lequel « s’est tourné françois », dans les premiers moments de la reconquête17. Cette confiscation rentre donc dans la catégorie des « dons pour retour en fidélité ». C’est un don temporaire, puisqu’une fois la région définitivement gagnée par le roi de France, Godicilde-Raymond d’Aubeterre abandonne le parti du roi d’Angleterre, et retourne dans le giron du roi de France. Il obtient alors une lettre de rémission pour ses choix politiques « douteux », et se voit rétabli dans ses possessions18.

• 19 Jacqueline Hoareau-Dodinau, Pascal Texier, « Loyauté et fidélité dans les actes poitevins du Trésor (...)

12Les lettres de rémission accordées par le roi Charles V constituent donc une des sources principales de notre étude. Ces décisions permettent de déterminer les réseaux de fidélité et de soutien existant sous la domination anglaise. Ce sont ces réseaux que Charles V essaie de démanteler, afin d’assurer sa domination sur la région. La loyauté devient alors un problème central. Ainsi que le montrent Jacqueline Hoareau-Dodinau et Pascal Texier, la loyauté est l’élément constitutif de la fidélité. Le sentiment d’appartenance nationale n’existant pas, le roi, en pratiquant une politique active de dons et de contre-dons, crée donc une loyauté « rémunérée »19.

• 20 Charles V a confié le Poitou, la Saintonge, l’Aunis, le Limousin à son frère, Jean, duc de Berry. I (...)
• 21 « (…) [La] genèse de la lettre de rémission s’inscrit dans un réseau de solidarités que le crime st (...)
• 22 Paul Guérin, « Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’Histoire du Poit (...)

13La loyauté au roi de France peut également être « monnayée ». Dans des affaires plus complexes, meurtres, pillages, extorsions, le justiciable peut souhaiter obtenir le pardon du roi par une abolition de la condamnation, ou une interruption de la procédure, en demandant à bénéficier d’une rémission. Les justiciables utilisent alors différents réseaux d’influence. La demande de rémission n’émane jamais du justiciable lui-même, mais de ses proches, ou, encore mieux, du Duc de Berry lui-même, qui se fait alors l’écho de la demande de ses fidèles. Les lettres de rémission postérieures à la reconquête révèlent ainsi la mise en place d’une politique orientée visant, sinon à gommer les dissensions, au moins à espérer replacer sous l’autorité royale ou ducale un grand nombre d’individus. De nombreux actes délictueux sont ainsi pardonnés. Trois types d’actes peuvent retenir notre attention : l’abolition, la rémission et la grâce. L’abolition est utilisée principalement en matière politique, comme les crimes de lèse-majesté, et appelle une amnistie collective ou individuelle. La rémission a lieu avant qu’il n’y ait eu jugement et implique une remise de la peine encourue. La trace du délit est maintenue. La grâce, quant à elle, supprime tout ou partie de la peine. Parfois le coupable est en prison ou en fuite. La véracité des faits est en général sujette à caution. Certaines décisions de justice sont par ailleurs contestées, soit par la victime, soit par sa famille. L’affaire peut durer longtemps. Il faut également souligner que les lettres de rémission sont accordées de manière tardive. Les faits sont anciens. Les lettres sont d’abord adressées au bailli des exemptions (juge des cas royaux), et non au sénéchal de Poitou, nommé par le comte apanagiste, qui n’avait donc pas qualité pour exécuter les mandements du roi20. Le réseau familial, féodal, militaire est actif tout au long du processus de la demande de rémission21. On retrouve à travers les lettres de rémission des arguments répétitifs qui tentent toujours d’exempter de leur responsabilité les coupables des actes perpétrés : « […] le récit expose aussi les services qu’il avait pu rendre antérieurement, la bonne renommée dont il jouissait avant son crime, son repentir, les torts vrais ou supposés de la victime ou de la partie lésée, en un mot toutes les circonstances propres à atténuer sa culpabilité et à attirer sur lui la commisération du souverain22 ».

• 23 Jean de Rochechouart est des soutiens de Philippe VI de Valois, puis de son fils Jean II. Il a part (...)
• 24 France, Paris, Bibliothèque de France (BnF), Clairambault, titres scellés, registre 189, p. 7175.
• 25 Siméon Luce (éd), Chroniques de Jean Froissart, t. 5, 1887, p. L, et LI.
• 26 Françoise Bériac-Lainé, Chris Given-Wilson, Les Prisonniers à la bataille de Poitiers, Paris, Honor (...)
• 27 France, Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF), ms frçs, Carrés d’Hozier, 406, PO1823.
• 28 Abel Bardonnet, op.cit., p. 116-124.
• 29 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), J 642, n. 16¹³.

16Louis de Malval, membre d’une famille possessionnée dans la Marche, fait partie de ces hommes. Il mène dans un premier temps une carrière au service du roi de France, puis se retrouve ensuite au service du roi d’Angleterre. En 1352, au début de sa carrière d’homme d’armes, il est aux côtés de Jean de Rochechouart23. Il passe ensuite au service de Renaud de Pons, sire de Montfort, et guerroie sous ses ordres en Limousin et en Périgord24. En 1356, nous retrouvons Louis de Malval, à la tête d’une compagnie d’une centaine d’hommes dans le Berry25, peu de temps avant la bataille de Poitiers, au cours de laquelle il est fait prisonnier, mais vraisemblablement parmi les prisonniers dits à « petite rançon »26. C’est pourquoi il rentre assez vite dans ses foyers, et assure ensuite la garde du château de Malval, propriété de son beau-père, dès 135727. Lors du passage de l’Ouest de la France sous le contrôle anglais, Louis de Malval prête hommage à Jean Chandos, lieutenant du roi d’Angleterre, lors de la tournée effectuée par ce dernier pour prendre possession des territoires accordés par le Traité de Brétigny de 136028. Ses terres situées dans le nord de la principauté justifient sa nomination au poste de gouverneur de la Marche, pour le compte du Prince Noir dès 1362. Comme beaucoup de seigneurs poitevins, il accompagne ce dernier, lors de l’expédition de Castille en 1366 mais, dès 1368, il est un des premiers seigneurs du nord de l’Aquitaine à adhérer à l’appel du comte d’Armagnac29. Cette décision interroge. Quelles sont les raisons de ce revirement précoce ? Quelles sont ses motivations ?

• 30 Siméon Luce (éd), Chroniques de Jean Froissart, op. cit., t. 7, 1887, p. 242.
• 31 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), KK, 251, fol 24 r° et v°, fol 40 v°.
• 32 Joseph Kervyn de Lettenhove (éd), Œuvres de Froissart, Chroniques, t. 8, réimp. 1967, p. 40 et 82.
• 33 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), JJ 100, n° 472, fol. 147 et AHP, t. XIX, p. 44- (...)
• 34 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), JJ 100, n° 75.

17Louis de Malval, à son retour de Castille, est pris dans une véritable tourmente judiciaire. Les décisions prises par la justice aquitaine ne lui sont pas favorables. C’est le moment-clé qui marque son retour dans la « fidélité » du roi de France. Il espère obtenir, avec les nouveaux « soutiens » qu’il se crée au service de Du Guesclin, une issue plus favorable, dans les différentes affaires dans lesquelles il est impliqué. Les importantes récompenses qu’il reçoit pour s’être « tourné françois »30, montrent que le roi a un intérêt particulier à conserver cet homme à son service. Il est en effet chargé de différentes missions par le duc de Berry31, participe au siège d’Usson, dans l’ost de Du Guesclin32. On lui promet comme « remerciement » de sa loyauté, le château de Gençay le 4 mars 137033, ainsi qu’une rente annuelle de 1000 francs prélevée sur le trésor pendant trois ans34. Louis de Malval est une recrue locale d’importance pour le roi de France. Il fait rapidement jouer ces nouveaux réseaux pour tenter de régler à son avantage deux affaires, pourtant déjà jugées par la justice aquitaine.

• 35 France, Guéret, Archives départementales de la Creuse, H147-232, testament de Louis de Malval.
• 36 Situé dans la Creuse, à proximité de biens possédés par Louis de Malval.
• 37 Déjà conseiller du roi de France, Jean Rivaud est maintenu à son poste par Jean Chandos le 23 septe (...)
• 38 André Lecler (ed.), Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges, de l'abbé Nadaud, Limoges (...)
• 39 Jacques Verger, « L’entourage du cardinal Pierre de Monteruc (1356-1385) », Mélanges de l’École fra (...)
• 40 André Leclerc (ed.), op.cit, p. 419.
• 41 Royaume-Uni, Kew, National Archives TNA, C61/79, m. 7, 18 avril 1866, 40 Ed. III. TNA C61/80, m. 10 (...)

18La première affaire est assez simple. Ayant lui-même peu de biens en propre (la majeure partie de ses biens lui ont été acquis par son mariage avec une cousine fortunée, Galienne de Malval35), Louis de Malval tente constamment d’accroître son patrimoine. Profitant du contexte trouble existant aux marges de la Principauté, il a occupé illégalement le château de Genouillac36, propriété de Marguerite de Meauce en 1365. Dans un premier temps, Marguerite de Meauce et son mari Estève de Monteruc sont convoqués devant le sénéchal du Limousin, ainsi que Louis de Malval. Les époux Meauce-Monteruc sont représentés par Jean Rivaud37,avocat pour le roi d’Angleterre, et par Arnaud Tison, doyen d’Angoulême, et futur chancelier d’Aquitaine. Louis de Malval souhaite que l’affaire soit jugée en Limousin, mais les époux Meauce-Monteruc font valoir qu’ils ont peur de ce dernier et des pressions locales qu’il pourrait exercer. Dans un premier temps, les Meauce-Monteruc font donc jouer un réseau politique local, en utilisant les représentants de l’autorité anglaise en Aquitaine. Néanmoins, arguant du fait qu’ils craignent les agissements violents de Louis de Malval, ils ne respectent pas l’organisation judiciaire de la Principauté, réclament que leur affaire soit complètement délocalisée à Londres et finissent par obtenir ce passe-droit. Leur affaire est donc intégralement jugée à Londres et ils joignent à leur action en justice une lettre du Prince en leur faveur. Dans cette partie de l’affaire, le couple fait intervenir les réseaux familiaux du mari : Estève de Monteruc38. Ce dernier est à la fois le neveu du Pape défunt Innocent VI (1352-1362), sous son nom laïc Étienne Aubert, par sa mère, et le frère du cardinal Pierre de Monteruc39. Faisant partie de la « familia » laïque de Étienne Aubert et de Pierre de Monteruc, Estève a déjà utilisé le prestige du clan pour réaliser un mariage intéressant avec Marguerite de Meauce40. Le soutien de son frère et le prestige de sa famille lui ont sûrement été à nouveau très utiles pour obtenir du Prince non seulement la délocalisation de l’affaire, mais également son appui, formalisé dans la lettre jointe aux pièces de la procédure. Lors de leur jugement définitif obtenu à Londres, le roi Edouard III donne donc raison aux Meauce-Monteruc et exige la restitution du château à ses propriétaires41. On voit alors deux réseaux, deux logiques qui s’affrontent. Un homme seul, Louis de Malval, dont le prestige ne dépasse pas les limites du Limousin, et qui tente d’agrandir son patrimoine. Face à lui, un couple, soutenu par un clan puissant, qui ne respecte pas les structures judiciaires locales et préfère voir son affaire jugée à un plus haut niveau, par des personnes plus sensibles aux pressions politiques.

• 42 Voir l’arbre généalogique de Guy de Chauvigny en annexes.

19Une deuxième affaire implique aussi Louis de Malval. En novembre 1362, alors qu’il était au service d’Edouard de Woodstock comme gouverneur de la Marche, Louis de Malval s’est « emparé » d’une cousine de sa femme : Eliette de Prie, veuve de Jean de Prie et héritière de nombreuses possessions, les châteaux d’Eguzon, d’Arrablay, de Châteauclos notamment. Il aurait séquestré la dite Eliette de Prie dans un de ses châteaux, l’aurait torturée empoisonnée… et aurait ainsi pu s’emparer de ses biens. Ces accusations sont portées contre Louis de Malval par un autre prétendant à l’héritage d’Eliette de Prie, Guy de Chauvigny42. Ce dernier assigne Louis de Malval en justice, devant le sénéchal anglais du Limousin, Thomas de Roos, et l’accuse du meurtre d’Eliette de Prie. Louis de Malval fournit une tout autre version des faits. Il explique notamment qu’Eliette de Prie n’a pas mené une existence des plus « exemplaires », et selon les différents comptes-rendus d’enquête, aurait vécu une vie de « débauches » et de rapines (elle aurait même été bigame et se serait associée avec un routier limousin, Arnaud d’Ussel). Louis de Malval argue donc du fait qu’il a secouru la « pauvre pêcheresse », rejetée de tous, et qu’il lui a donné le gîte et le couvert. Pour le remercier de ces nombreux bienfaits, cette dernière lui a fait une donation complète de ses biens, de son vivant. Décédée en 1366, Eliette de Prie n’est pas enterrée en terre consacrée dans un premier temps. Ce fait constitue pour Guy de Chauvigny une preuve de la culpabilité de Louis de Malval, qui aurait, selon lui, voulu dissimuler le décès suspect de sa parente. L’accusé réfute cet argument et fait valoir qu’il est allé lui-même déterrer sa cousine avec l’autorisation de l’évêque afin qu’elle puisse reposer en terre consacrée.

• 43 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X^2a 11, fol. 187 v°, 192 v°, 2 septembre 1385.
• 44 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X^2a 8, fol. 437, 20 décembre 1374.
• 45 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X^1a 24, fol. 216, 6 février 1375.
• 46 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X^2a, fol. 13 v°, 18 mai 1378, et fol. 103, 221  (...)
• 47 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X^2a 11, fol. 187 v°, 192 v°, 2 septembre 1385.

20Le sénéchal Thomas de Roos diligente une enquête et rend un jugement favorable à Louis de Malval. Ce verdict est mentionné dans l’arrêt rendu par la justice française43. L’action en justice est interrompue par la reconquête de Du Guesclin. Une fois « l’ordre revenu », Guy de Chauvigny attente une nouvelle action contre Louis de Malval. Il essaie clairement d’obtenir un verdict favorable, et ainsi de « casser » la décision anglaise. Louis de Malval est dans un premier temps emprisonné au Châtelet44, et une nouvelle enquête est diligentée. Un premier arrêt favorable à Guy de Chauvigny est rendu en 137545. L’affaire est ensuite renvoyée, entre 1378 et 138046. Reprenant les conclusions de l’enquête diligentée par les Anglais, l’arrêt définitif est rendu en septembre 138547. Louis de Malval est alors innocenté, mais dans le même temps Guy de Chauvigny n’est pas poursuivi pour ses « fausses » accusations.

• 48 Voir arbres généalogiques en annexes.

21Guy de Chauvigny et Louis de Malval sont deux hommes qui utilisent les mêmes réseaux. Ils font tout d’abord partie du même « clan » élargi48. Guy de Chauvigny est le fils de Blanche de Brosse, cousine d’Eliette de Prie. Les deux hommes ont donc des prétentions légitimes sur l’héritage d’Eliette de Prie. Ils revendiquent donc leurs droits à l’héritage. Néanmoins, les arguments portés par Guy de Chauvigny semblent moins légitimes, et ce dernier a recours à des accusations fallacieuses pour entrer en possession des biens de la cousine de sa mère. Outre les raisons patrimoniales qui se justifient, pourquoi les deux hommes semblent aussi acharnés ? Quels sont les objectifs réels de Guy de Chauvigny et pour quelles raisons est-il prêt à risquer lui-même de se retrouver mis en accusation ?

• 49 Selon le coutumier de Poitou, qui formalise, au xv^e siècle, le droit successoral en vigueur dans le (...)
• 50 Françoise Autrand, Charles VI, Paris, Fayard, 1986, p. 14-19.
• 51 Françoise Lehoux, Jean de France, duc de Berry, Paris, Picard, 1968, t. 2, p. 279.
• 52 Chloé Tardivel montre ainsi que « l’injure, l’insulte est punie proportionnellement au niveau socia (...)

22Guy de Chauvigny, d’une noblesse plus prestigieuse, est représentant d’une famille certes ancienne mais il n’a pas de réel soutien, et rentre tardivement en possession de ses biens, du fait de droit de « viage » encore utilisé en Poitou49. C’est un homme jeune, seul, orphelin de père et de mère, et qui se trouve sous la tutelle d’un de ses oncles jusqu’au milieu des années 1360. Il veut s’affirmer, agrandir ses possessions, prendre enfin la place qui lui est due sur l’échiquier géopolitique local. Ses motivations ne sont finalement pas différentes de celles de Louis de Malval, son rival. Néanmoins, ce dernier est un homme expérimenté, peu possessionné certes, mais connu des milieux dirigeants locaux et nationaux. Peu regardant sur les méthodes, c’est un homme efficace. Guy de Chauvigny est porté par la réputation familiale mais il a beaucoup moins d’expérience. Se dessinent ici des rapports de force entre deux réseaux actifs et proches du pouvoir. Néanmoins, la politique royale semble mouvante. Charles V a soutenu dans un premier temps Chauvigny contre Malval, mais le changement de souverain semble privilégier ce dernier. Les soutiens de Louis de Malval, au cours des années 1380 sont puissants. Un infléchissement de la politique royale lui est clairement favorable à partir de 1380, au moment de la mort de Charles V. A contrario, Guy de Chauvigny n’est plus aussi « bien en cour ». Il se maintient dans l’entourage du duc de Berry, mais le duc lui-même n’a plus le soutien du nouveau roi. En effet, Charles VI tente, au début de son règne, d’imprimer sa marque et de se défaire de l’influence de certains de ses oncles, au profit d’autres50. Il favorise clairement les réseaux actifs de Louis de Malval, contre ceux de Guy de Chauvigny. Néanmoins, ce dernier aurait pu encourir une condamnation pour ses « fausses » accusations à l’issue de cette affaire. Il est associé à de nombreuses demandes de rémission émanant du duc et est intégrée aux manifestations de la sociabilité locale. Guy de Chauvigny est ainsi présent au mariage de la fille du duc de Berry, en 1386, à Bourges51. L’influence du duc à la cour a sûrement servi à Guy de Chauvigny afin d’éviter la condamnation pour « verbis iniuriosis »52.

• 53 Voir arbre généalogique en annexes.

24Le testament de Louis de Malval offre une conclusion définitive à ces différents conflits, conclusion que les sources judiciaires françaises ne précisent pas, dans le cas du conflit contre les Meauce-Monteruc. L’inventaire de ses biens montre qu’il a finalement obtenu les terres des Meauce-Monteruc et conservé les possessions d’Eliette de Prie. Le clan Malval et les Meauce-Monteruc semblent avoir mis fin à leurs conflits. En effet, un des exécuteurs testamentaires de Louis de Malval, Jean-Guy d’Aubusson est marié depuis 1378 à la fille d’Estève de Monteruc et de Marguerite de Meauce, Guyonne de Monteruc53. Les intérêts des deux clans se sont-ils finalement confondus ? Ont-ils trouvé un arrangement, au cours des années de la domination du duc de Berry ? Les sources étant silencieuses sur ce point, nous ne pouvons que formuler des interrogations.

• 54 Jean II est mort avant 1355 et Simon de Thouars est mort lors du tournoi organisé pour son mariage (...)

Troisième enfant du vicomte Louis de Thouars, Pernelle devient vicomtesse de Thouars et chef de la famille en 1370, au décès de ce dernier. En effet, ses deux frères aînés, Jean II de Thouars et Simon de Thouars sont morts prématurément54. Elle se révèle alors, femme politique indépendante, maîtresse de ses choix, dans un contexte pourtant très complexe.

• 55 Royaume-Uni, Kew, National Archives TNA E 36/189. La qualité du registre dans lequel se trouvent ce (...)
• 56 Michael Jones, The Black Prince, Londres, Head of Zeus, 2018, p. 60 du chapitre 7 de la version num (...)

Née vers 1330, elle a épousé en premières noces Amaury IV de Craon en 1345. Amaury combat déjà activement aux côtés de du roi de France pendant les premières années de la guerre de Cent Ans. Il est fait prisonnier avec le maréchal Boucicaut pendant le siège de Romorantin, quelques jours avant la bataille de Poitiers, en 1356. Il subit alors le sort de nombreux combattants, et est envoyé en Angleterre, avec des centaines d’autres prisonniers français. De retour en Poitou après avoir payé une lourde rançon, il prête hommage au roi d’Angleterre en 136355, et accepte de remplir quelques missions à son service, notamment la mise en sécurité de certains châteaux des marches du Poitou56.

• 57 Le vicomte Louis de Thouars est déclaré incapable de gérer ses biens par un arrêt rendu à l’issue d (...)
• 58 Voir arbre généalogique en annexes.

Néanmoins, Amaury est un des premiers barons à se détacher de l’obédience du Prince Noir. Il obtient de nouvelles charges et de nouvelles missions de Charles V dès 1369. Le couple choisit alors deux itinéraires politiques différents. Amaury a choisi son camp, celui du roi de France. Ses possessions personnelles, situées dans la Marche, sont plus directement sous l’influence du roi de France, ce qui peut expliquer ce choix. Sa longue captivité peut également avoir généré un certain ressentiment et incité Amaury de Craon à se tourner vers le roi de France. Pernelle, quant à elle, choisit de rester fidèle au Prince Noir et se désolidarise totalement de son époux. La mort de son père, le vicomte Louis, après une longue maladie qui a durablement divisé la famille57, la laisse seule à la tête du clan, en 137058. Elle a 35 ans. Elle s’impose alors, non seulement comme cheffe du clan Thouars, mais aussi comme « fer de lance » de la fronde poitevine contre Charles V.

• 60 Denis-François Secousse, Ordonnance des rois de France, vol. 5, 1736, p. 593.
• 61 Élodie Giard, « La protection de l’Île de Ré à la fin du Moyen Âge. Une affirmation de l’identité i (...)
• 62 Ce dernier a sans doute été largement amputé au cours de son mariage. Elle réclame donc une part de (...)
• 63 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), JJ 103, n° 354, fol. 171 v°, 15 décembre 1372, (...)

Elle a résisté pendant trois ans aux multiples pressions du roi. Le but de ce dernier est bien sûr de faire rentrer la vicomtesse dans sa « fidélité », et d’inciter les familles poitevines « rebelles » à faire de même. Il utilise alors deux méthodes éprouvées : la confiscation et la désolidarisation. Pernelle devient donc dans la rhétorique royale « la Dame de Craon, rebelle au roi »60. Ses biens sont confisqués et certains de ses territoires bénéficient de l’octroi de nombreux privilèges61. Le but de Charles V est bien sûr de désolidariser ces territoires de leur seigneur. Dans un deuxième temps, Charles V utilise une querelle interne au clan Thouars, afin de s’attacher la fidélité d’une autre partie de la famille, et ainsi d’affirmer plus durablement son autorité. Dès la mort du vicomte Louis, en 1370, Pernelle se trouve opposée à sa belle-mère, la vicomtesse douairière, Isabelle d’Avaugour. Le conflit porte sur les biens constitutifs du douaire d’Isabelle. Cette dernière réclame en effet une part importante des biens du vicomte défunt pour reconstituer son douaire62. Isabelle d’Avaugour fait dans un premier temps appel à la justice anglaise puisque la région est encore sous le contrôle anglais. Le roi d’Angleterre statue en faveur de Pernelle, sa belle-fille, en 1370. C’est donc une femme en colère, bafouée dans ses droits et en difficulté que Charles V va favoriser. Isabelle d’Avaugour se tourne donc vers le roi de France, contre la promesse de récupérer tous les biens confisqués à sa belle-fille63.

• 64 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X^1a 26, fol. 172 v° et 174 v°.
• 65 Paul Guérin, « Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancel (...)

Le conflit entre les deux femmes reprend, une fois que Pernelle de Thouars est retournée dans le « giron » français. Elle tente de récupérer ses biens, et assigne sa belle-mère en justice. Elle obtient un arrêt favorable, et la restitution des terres, en 137764. Isabelle d’Avaugour refuse l’arrêt. La reprise en mains des terres sus-nommées par Pernelle de Thouars est rendue totalement impossible. Isabelle d’Avaugour entraîne dans sa lutte les villes et les châteaux dont elle réclame la jouissance. Les habitants et les gardiens de ces derniers refusent de prêter serment à Pernelle. Ils rentrent en rébellion contre leur seigneur direct et ces actions, dans une région déjà largement éprouvée par la guerre, sont contraires aux intérêts du roi. Charles V rétablit l’ordre, et oblige Isabelle d’Avaugour à se soumettre à sa justice65.

• 66 Anthony-David Carr, « A Welsh Knight in the Hundred Years War: Sir Gregory Sais », Transactions of (...)
• 67 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X^1a 27, fol. 197 v°.
• 68 Élodie Giard, Une terre convoitée, le Poitou et les Pays de l’Ouest entre la France et l’Angleterre (...)
• 69 TNA SC8/230/11491 Néanmoins, la décision est longue à se mettre en place dans les faits, puisqu’en (...)

27L’utilisation de réseaux opposés au sein d’une même famille par le roi de France se trouve parfaitement illustré dans une autre affaire. Au cours de la domination anglaise en Aquitaine, de nombreux mariages « mixtes » ont été contractés. Des femmes de la noblesse poitevine, riche veuves ou riches héritières, ont épousé des combattants anglais, permettant au Prince Noir de contrôler des fiefs stratégiques dans la Principauté. C’est le cas de Radegonde Béchet, dame de Morthemer. Riche veuve, héritière des biens de son frère et de son père, elle a épousé Gregory Says (Grigor ail Sain Sior Sais en gallois), un des capitaines du Prince. Elle a également organisé le mariage de sa fille, Catherine Sénéchal avec Jehan Harpedenne père, un des conseillers du roi Edouard III. Lors de la reconquête française, elle suit son mari en Angleterre66. Sa belle-mère, Françoise des Landes, profite alors de la situation pour l’assigner en justice et obtenir le don des biens de Radegonde à son profit. Elle se sert des choix politiques de sa belle-fille Radegonde pour obtenir justice en ce sens. Elle lui intente donc un premier procès en 1378, arguant du fait que Radegonde est restée rebelle au roi de France67. Radegonde fait jouer son réseau familial pour récupérer ses biens. Sa fille, Catherine Sénéchal, est retournée en France après la mort de son premier mari, Jehan Harpedenne. Le roi Charles V l’avait alors incitée à épouser son propre conseiller, Étienne d’Avantois, chambellan du duc de Berry68. Ce second mariage avait permis à Catherine Sénéchal de rentrer de quelques terres perdues. Lorsque sa mère Radegonde se trouve opposée à Françoise des Landes, Catherine Sénéchal utilise donc l’influence de son second mari, auprès du duc de Berry dans un premier temps, puis du roi Charles V, dans un second temps. Les deux femmes sont en effet à la tête de possessions territoriales importantes, et le roi a intérêt à les intégrer à son nouveau réseau de fidélité. Il statue donc en faveur de Radegonde Béchet69.

• 70 Claude Gauvard, « De grace especial », crime état et société en France à la fin de Moyen Âge, Paris (...)

28Pour reprendre les mots de Claude Gauvard : « Sans assimiler la civilisation médiévale à une civilisation tribale, on peut affirmer que les réseaux de solidarités s’impliquent dans les résolutions de conflit et que […] l’individu isolé n’existe pas70. ». Néanmoins, le réseau n’est pas que « générateur de « solidarité ». Le réseau peut être la source, la racine, l’origine même du conflit. L’utilisation du réseau en justice est autant le fait du « justiciable » que celui de l’autorité politique. Cette dernière nourrit des ambitions plus larges, dépassant le seul intérêt des individus, utilise les différents réseaux existant au profit de la reconquête et de la mise sous contrôle d’un territoire. L’utilisation des réseaux par le roi, lors de l’exercice de la justice lui permet, à terme, de s’assurer un ensemble de fidélités qui sert ses objectifs de pacification.