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Activer un capital relationnel dans le milieu judiciaire : jeux d’influences au service d’intérêts particuliers

Réseaux familiaux et institutionnels des religieuses : des alliés en justice ? Le cas des Visitandines de Rennes (xviie-xviiie siècles)

Aude Loriaud

Résumés

Français English

La correspondance inédite échangée entre les Visitandines de Rennes, Bordeaux, Paris et Vannes (1641-1658 ; 1678-1683) constitue une source exceptionnelle pour mettre en lumière leurs stratégies judiciaires des religieuses. Ces lettres présentent l’intérêt, non seulement de montrer leur aptitude à mobiliser des ressources relationnelles dans des cours de parlements, mais aussi de révéler la capacité d’un couvent récemment installé d’activer un réseau judiciaire par l’intermédiaire d’autres couvents de son ordre. Ainsi, les Visitandines de Bordeaux purent gagner un procès au parlement de Bretagne grâce à leurs homologues de Rennes. Un complexe réseau composé de liens institutionnels, familiaux et amicaux a pu être esquissé. Des gratifications informelles données aux officiers de justice ont pu être dévoilées. Les procédures judiciaires des deux monastères de la Visitation de Rennes, au xviie et xviiie siècles, permettent de vérifier l’agency des religieuses et de mettre en avant une figure hors du commun : la supérieure Claude Agnès Barrin.

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Texte intégral

  • 1 Benoît Garnot, Histoire de la justice (France, xvie-xxie siècle), Paris, Gallimard, 2009, p. 174.
  • 2 Ibid.
  • 3 « Communautés religieuses, justice et sociétés », Xe colloque international du CERCOR organisé par (...)

1Étudier les pratiques judiciaires des femmes, à l’époque moderne, n’est pas une entreprise aisée car « ne pouvaient ester en justice que les personnes juridiquement capables », ce qui excluait « les femmes mariées, qui [étaient] représentées par leurs maris, les mineures qui [l’étaient] par leurs pères ou leurs tuteurs1 ». Seules les veuves, qui constituaient en général moins d’un dixième des effectifs totaux des plaideurs, pouvaient plaider en leur propre nom2. On peut donc se demander si les femmes étaient réellement passives dans les procédures judiciaires les impliquant, ou si elles élaboraient des stratégies en s’appuyant sur leurs relations sociales. Les études d’histoire judiciaire ont quasiment laissé de côté, jusqu’à présent, les communautés de religieuses3. Or, leurs pratiques judiciaires peuvent être instructives à plus d’un titre. En effet, les communautés de religieuses, de même que les élites, avaient des intérêts patrimoniaux et financiers à défendre, et disposaient d’un capital économique et social leur donnant la possibilité de plaider en justice. Bien que les communautés de religieuses de l’époque moderne puissent paraître isolées, du fait de la clôture à laquelle elles étaient soumises, elles se trouvaient au centre d’un réseau composé à la fois de liens institutionnels, de liens familiaux et amicaux. Dans certains cas, ce réseau s’avérait étroitement lié au monde judiciaire. Ainsi, le premier monastère de la Visitation de Rennes – dont une part importante des religieuses était issue du milieu des officiers de justice, et qui possédaient plusieurs « amis » parmi les membres du parlement de Bretagne – activa à plusieurs reprises ces ressources relationnelles pour obtenir justice.

2Les principales sources mettant en avant le réseau judiciaire des Visitandines de Rennes se trouvent, paradoxalement, dans le fonds des Visitandines de Bordeaux. Il s’agit des pièces d’un long procès ayant opposé ce couvent bordelais à celui des Ursulines de la même ville de 1641 à 1658, jugé en dernier recours par le parlement de Bretagne, et en particulier des lettres échangées entre les supérieures des Visitandines de Bordeaux et de Rennes. L’examen des fonds des deux monastères de Visitandines de Rennes aux xviie et xviiie siècles ont permis de mettre en perspective cette affaire et vérifier les premières hypothèses. Que nous enseignent les pratiques judiciaires des Visitandines de Rennes sur les possibles stratégies de mobilisation d’un capital relationnel pour défendre des intérêts en justice à l’époque moderne ?

Une affaire peu ordinaire : l’intercession du réseau des Visitandines de Rennes au profit des Visitandines de Bordeaux

3Les Visitandines de Rennes prêtèrent main forte à leurs homologues de Bordeaux lors du dernier jugement d’un long procès de dix-sept ans (1641-1658) entre les Ursulines et les Visitandines de Bordeaux, qui se tint dans quatre villes différentes : au parlement de Toulouse, à la sénéchaussée et au parlement de Bordeaux, devant le Grand Conseil et le Conseil privé du Roi à Paris, et au parlement de Rennes.

  • 4 France, Bordeaux, Archives départementales [désormais AD] Gironde, H 3049, Ursulines de Bordeaux, r (...)
  • 5 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers (...)
  • 6 Ibid.
  • 7 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… (...)

4Le 1er mars 1640, les religieuses de la Visitation du monastère de Lyon-Bellecour achetèrent les bâtiments où logeaient les Ursulines à Bordeaux, afin d’y établir un couvent de la Visitation4. Elles payèrent comptant 16 000 livres en s’engageant à payer les 12 000 livres restantes, avec les intérêts, un an après la prise de possession des bâtiments qui eut lieu le 1er juillet 1640 5. Les Ursulines s’étaient déplacées dans le nouveau couvent qu’elles avaient fait construire à l’angle des rues Ségur et Sainte‑Eulalie. Cependant, leur situation financière s’avérait si mauvaise qu’elles ne pouvaient honorer leurs dettes. Les créanciers des Ursulines se retournèrent alors contre les Visitandines, puisqu’elles étaient leurs débitrices. Le premier fut Bernard Chevallier, maître des consignations au parlement de Bordeaux, qui fit acte d’opposition dès le 3 juillet 1640 et les assigna au parlement de Toulouse le 26 suivant. Ayant des fonctions au parlement de Bordeaux, il ne pouvait certainement pas faire juger sa propre cause dans cette même cour ; c’est pourquoi il fit porter l’affaire au parlement de Toulouse. Le 7 décembre de la même année, la mère Catherine Charlotte de Crémeaux, supérieure de la Visitation, protesta contre cette assignation et demanda sa « relaxance » au titre que cette affaire ne concernait que le sieur Chevallier et Françoise de Cazères, dite mère de la croix, supérieure des Ursulines6. Les actes d’opposition des divers créanciers se multiplièrent de 1640 à 1648. Menacées de voir une partie des biens acquis aux Ursulines saisis par les créanciers de ces dernières, les Visitandines déposèrent une requête au parlement de Bordeaux, le 9 juillet 1641, demandant à consigner les 12 000 lt, puis assignèrent les Ursulines en la cour le 7 août7. Dès lors, deux procès se déroulèrent en parallèle : celui pendant au parlement de Bordeaux aboutit à l’arrêt du 15 juillet 1644 ; quant au parlement de Toulouse, il rendit un arrêt le 2 septembre 1644.

5Françoise de Cazères ayant été déchargée de l’office de supérieure, en 1643, pour sa mauvaise gestion, la mère de Fayard, une fois devenue supérieure des Ursulines bordelaises, voulut reprendre les poursuites contre les Visitandines en les assignant à la sénéchaussée de Guyenne en 1647. Elle prétendait à ce que les Visitandines leur délaissât ce que Françoise de Cazères leur avait pourtant vendu. En dépit de certaines aberrations, le sénéchal de Guyenne donna raison aux Ursulines par une sentence signifiée le 26 septembre 1648. La mère Anne Élisabeth Perrin, supérieure du couvent de la Visitation à Bordeaux, fit alors appel de cette sentence au parlement de Bordeaux le 8 octobre 1648, puis assigna les Ursulines le 7 novembre suivant. Néanmoins, les Visitandines comprirent rapidement que les magistrats risquaient de prendre parti pour les Ursulines en raison des liens de parenté qui les unissaient.

  • 8 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : let (...)
  • 9 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : deu (...)
  • 10 Ibid. Il en coûte 42 lt aux Visitandines de Bordeaux « pour une consulte de 4 avocats des principau (...)

6L’avocat R. Dallon garantit aux Visitandines, dans un courrier du 1er avril 1654, qu’il entendait bien que leur cause fût évoquée dans une autre cour de justice, en démontrant que certains magistrats du parlement de Guyenne se trouvaient intéressés dans cette affaire en qualité de parents des Ursulines ou comme créanciers. Pour défendre leurs intérêts, les Visitandines bordelaises trouvèrent aussi de l’aide auprès de leurs sœurs du faubourg Saint‑Jacques à Paris. Celles-ci jouèrent le rôle de relais entre les appelantes et l’avocat Dallon, puisque ce dernier demanda à la supérieure de Bordeaux d’adresser les courriers qui lui étaient destinés au monastère de la Visitation de Paris8. En outre, les sœurs de la capitale étaient dépositaires des fonds envoyés par les religieuses bordelaises pour couvrir les frais du procès à Paris9. Pour que leur requête fût jugée recevable auprès du Grand Conseil du roi, afin d’obtenir que le parlement de Bordeaux ne puisse juger l’affaire, l’avocat Dallon consulta quatre des principaux avocats du parlement de Paris10 et décida de ne pas fonder uniquement la demande sur la mise en évidence des parentés et alliances des Ursulines avec les magistrats – ce motif s’avérant insuffisant en tant que tel – mais sur le fait que :

  • 11 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : « M (...)

« la plupart des présidents et conseillers du parlement de Bordeaux sont créanciers des Dames de sainte Ursule ou en qualité des pères et proches parents sont contraints de nourrir et constituer pension à la plus grande partie des religieuses, de sorte s’ils jugeraient [sic] le dit procès, par l’événement duquel ils s’imaginent liquider et rétablir le monastère de Sainte Ursule, ils seraient juges en leur propre cause11 ».

  • 12 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : arr (...)
  • 13 AD Gironde, H 3055, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… (...)

7L’enquête menée par Charlot, avocat des Visitandines bordelaises devant le Conseil royal, mit en exergue l’étendue et l’influence du réseau des Ursulines au parlement de Bordeaux, et révéla de surcroît les liens des créanciers des Ursulines avec le parlement12. À l’inverse, le couvent de la Visitation établi à Bordeaux, bien qu’il fût fondé par Jeanne Galatheau, épouse de Charles de Guérin baron de Saucats, conseiller au parlement, ne pouvait pas compter sur de tels appuis dans cette cour de justice. Quatorze ans après l’implantation de cette maison religieuse dans la capitale de la Guyenne, la part du recrutement local demeurait minoritaire, a fortiori dans le milieu des parlementaires. En outre, les supérieures qui se succédèrent à Bordeaux, au moins jusqu’à la fin du xviie siècle, provenaient d’autres monastères de l’ordre de la Visitation, ce qui les privait du soutien des élites locales13.

  • 14 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… (...)
  • 15 Ibid. ; AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-165 (...)

8Le Grand Conseil du roi réserva un bon accueil à cette requête, puisqu’il dessaisit le parlement de Guyenne de l’affaire en juin 1654. Le Conseil privé du roi convint, par un arrêt du 17 septembre 165514, de la nécessité de renvoyer l’affaire au parlement de Bretagne pour deux raisons : le fait que les arrêts des parlements de Toulouse et de Bordeaux avaient été rendus de manière contradictoire, et à cause des collusions d’intérêts des magistrats bordelais avec les Ursulines ou leurs créanciers. Les avocats des Ursulines de Bordeaux et de leurs créanciers n’ayant rien communiqué au bout de six mois, délai légal prescrit, les Visitandines obtinrent, le 10 octobre 1656, un arrêt de forclusion ôtant aux parties adverses le droit de contester l’arrêt du Conseil du 17 septembre 165515.

9La supérieure du couvent de la Visitation du faubourg Saint‑Jacques à Paris, Marie Augustine Bouvard, accueillit avec beaucoup de joie la nouvelle du renvoi du procès à Rennes, en raison de la solide implantation de l’ordre dans cette ville, qui y jouissait de deux monastères. Elle voulut, de nouveau, apporter son aide aux sœurs de Bordeaux en leur recommandant des personnes qui pourraient les aider. Une fois de plus, la solidarité entre les maisons de l’ordre ne se démentait pas.

« […] Je suis ravie que ce soit au parlement de Rennes parce que sans doute elles y auront beaucoup d’appuis y ayant deux monastères de notre ordre fort remplis de filles dont la plupart des parents sont du parlement ».

  • 16 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)

« […] je leur donnerai des connaissances à Rennes, des personnes que je sais qui seront bien aises de les obliger en notre recommandation outre celle qu’elles y auront de la part de nos sœurs de ce lieu-là16 ».

  • 17 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… (...)
  • 18 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)

10Le procès s’ouvrit à Rennes, le 21 octobre 1656, par l’assignation donnée à toutes les parties. Pierre Charlot, qui avait été l’« avocat et conseiller syndic des religieuses de la Visitation de la ville de Bordeaux » durant le procès à Paris, dut restituer toutes les pièces du dossier17 qui furent ensuite remises entre les mains de M. Guibert. Ce dernier les défendit devant le parlement de Rennes. En effet, comme le sieur Pommeret, précédent procureur des Visitandines de Bordeaux, ne s’était pas présenté sur l’assignation donnée au parlement de Bretagne suivant l’arrêt de renvoi, la supérieure de la Visitation de Rennes pria son homologue du couvent de Bordeaux d’envoyer « une procure » pour révoquer Pommeret, et instituer leur propre procureur, M. Guibert, à sa place18.

11Le parlement de Rennes rendit un arrêt le 24 novembre 1657 pour interroger les Ursulines sur les titres de leur ancien monastère et l’emploi des 16 000 lt payées à Françoise de Cazères. En conséquence, la mère Anne Françoise de Pra, supérieure de la Visitation de Bordeaux, présenta une requête à l’archevêque pour lui demander l’exécution de l’arrêt. Cependant, la mère de Moras, à la tête de la communauté des Ursulines, s’y opposa jusqu’en juin 1658, malgré de nouvelles requêtes de la part des Visitandines et de nouvelles ordonnances de la part de l’archevêque. Néanmoins, un vicaire général, M. de Fonteneil, put interroger la mère Marie de Laroque, religieuse ursuline, qui avait assisté la mère de la Croix lorsqu’elle fit les paiements en question. Elle communiqua un mémoire sur l’emploi de la somme résultant de la vente de l’ancien monastère, et avoua comment ses sœurs n’avaient consenti qu’avec de grandes difficultés à cette vente. Considérant ces nouveaux éléments, le parlement de Rennes débouta les Ursulines de toutes leurs demandes le 4 décembre 1658, et les condamna en outre à payer 500 lt de dépens aux Visitandines de Bordeaux.

  • 19 Rennes comptait deux monastères de la Visitation. Il s’agit de la première communauté de Visitandin (...)
  • 20 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)

12Tout au long du procès qui se déroula en Bretagne, la mère Anne Françoise de Pra, supérieure de la Visitation de Bordeaux, entretint une correspondance régulière avec Claude Agnès Barrin, supérieure du premier monastère de la Visitation fondé à Rennes19. Leurs échanges épistolaires confirment la solidarité entre les monastères de l’ordre de la Visitation, déjà attestée par le soutien des sœurs du faubourg Saint‑Jacques à Paris en 1654-1655. Il est certain, en outre, qu’un enjeu plus grand dépassait ce procès entre deux couvents bordelais au milieu du xviie siècle : celui de l’implantation durable de l’ordre de la Visitation et de son expansion dans d’autres villes. En effet, si les Ursulines parvenaient à reprendre le couvent qu’elles avaient vendu aux Visitandines de Lyon-Bellecour venues à Bordeaux, l’implantation de ces dernières en Guyenne risquait d’être totalement remise en cause. Pour éviter une telle issue, les Visitandines de Rennes jouèrent un rôle important dans ce procès. Elles obtinrent, pour les Visitandines de Bordeaux, deux arrêts, les 13 et 18 novembre 1656, par lesquels le parlement de Rennes acceptait de retenir leur cause et d’ouvrir le procès20. Puis, en août 1657, elles parvinrent à se procurer un placet de Marbeuf, président à mortier, afin que la cause fût plaidée en pleine audience. Elles œuvrèrent encore afin d’obtenir l’arrêt du 24 novembre 1657, pour interroger les religieuses ursulines sur les titres de leur ancien monastère, et sur l’emploi des 16 000 lt qui furent payées. Les lettres de Claude Agnès Barrin mettent en exergue l’engagement de sa communauté sous différentes formes : prise de conseil auprès des « amis » de la maison, consultation et sollicitation de plusieurs parlementaires, rôle d’intermédiaire entre le procureur, les avocats et les sœurs bordelaises.

  • 21 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 14 août 1657.

« Nous avons tâché d’obtenir un placet de Monsieur le président de Marbeuf afin de faire en sorte que la cause ne soit point apointée mais bien plaidée en pleine audience. Voilà encore une lettre de Mr Guibert qui vous dira comme s’il y a moyen [que] vous nous donniez quelque obligation ou quittance comme les créanciers ont reçu des paiements sur les seize mille [livres] que [vous] leur avez baillées car ce ne sera que sur cet article qu’il y aura de la difficulté. Nos amis à qui nous avons parlé de votre affaire la trouvent bonne. Nous le ferons encore à des messieurs du parlement mais ils ne veulent point dire leurs sentiments sur les causes qu’ils croient devoir être plaidées devant eux. Notre procureur vous envoie la liste de messieurs du parlement. Vos juges sont ceux de la grande chambre. Votre charité n’aura pas besoin d’envoyer un solliciteur. Nous ferons solliciter par notre prêtre comme pour nous. Cela vous coûterait beaucoup et la chose n’en irait pas mieux21 ».

  • 22 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 3 décembre 1657.

« Je vous enverrai au prochain voyage un arrêt que nous avons fait avoir pour interroger les religieuses que [vous] jugerez à propos. Nos amis et avocats ont convenu ensemble que cela servirait extrêmement pour affermir votre affaire. Au prochain voyage notre procureur vous fera savoir de la manière que vous devez exécuter le dit arrêt que l’on m’a conseillé de faire passer au sceau pour être plus fort. Voilà pourquoi vous ne l’avez pas dès ce voyage. Vous vous servirez de votre côté de cet arrêt pour faire signifier vos parties et nous ne laisserons de poursuivre les choses toutes prêtes pour faire donner l’arrêt de forclusion puisque les parties n’ont rien répondu à tout ce que l’on leur a signifié22 ».

13Cette longue série de procès met en lumière les jeux de pouvoir qui s’exerçaient dans les cours de parlement. Face aux collusions entre les Ursulines et les parlementaires bordelais, la supérieure de la Visitation de Bordeaux mobilisa le réseau interne à son ordre religieux. La stratégie mise en place par la supérieure des Visitandines du faubourg Saint‑Jacques à Paris consista, alors, à faire examiner l’affaire par le Conseil du roi. Lorsque le procès fut renvoyé vers une autre cour d’appel, en l’occurrence le parlement de Bretagne, elle continua à soutenir son homologue à Bordeaux en faisant appel au couvent du même ordre à Rennes. Ce fut véritablement le réseau du premier monastère de la Visitation de Rennes qui permit aux Visitandines bordelaises de gagner ce procès, et tout particulièrement l’engagement de Claude Agnès Barrin.

Les alliés en justice des Visitandines de Rennes : parentèle, réseau égocentré ou multipolaire ?

  • 23 AD Gironde, H 3055, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… (...)

14À l’époque des procès contre les Ursulines de Bordeaux, les supérieures qui se succédèrent au couvent de la Visitation de cette ville paraissaient isolées et sans appuis au parlement de Guyenne, du fait de leur provenance lointaine. Anne Françoise de Pra, supérieure de 1656 à 1662, venait du monastère d’Annecy23. Cependant, elle parvint à solliciter indirectement des membres du parlement de Rennes, ce qui lui permit de gagner le procès en appel. Pour cela, elle mobilisa le réseau interne à l’ordre de la Visitation, en sollicitant les sœurs du faubourg Saint‑Jacques à Paris, puis les sœurs du premier monastère de Rennes. Ces dernières activèrent à leur tour leurs propres solidarités, comprenant les parents des religieuses ainsi que les « amis » du couvent. Les Visitandines d’Angers prêtèrent également main forte aux sœurs bordelaises, en parlant de cette affaire aux membres de leur parenté siégeant au parlement de Bretagne.

  • 24 Claire Lemercier, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. (...)

15Peut-on parler de réseau ou seulement de parentèle ? C’est le recoupement de la sphère conventuelle et des sphères familiales des différentes religieuses qui fait naître un réseau d’influence au parlement. Cela vaut pour les Visitandines à Rennes, comme pour les Ursulines à Bordeaux. Intégrée dans une communauté de moniales, et à plus grande échelle dans un ordre religieux, une supérieure s’insère, de fait, dans différents réseaux imbriqués, à condition d’entretenir ces contacts, au moins par correspondance. Ainsi, la supérieure de la Visitation de Bordeaux put compter sur des soutiens au parlement de Rennes en raison de son appartenance à l’ordre de la Visitation, donc indirectement aux réseaux des couvents de l’ordre, lesquels se chargèrent de mobiliser leurs parents et amis dans le monde des officiers de la judicature. Le concept de réseau permet de comprendre les stratégies mises en œuvre par les Visitandines de Bordeaux pour gagner leur procès en appel contre les Ursulines, en s’appuyant sur des relations à la fois institutionnelles et personnelles. Néanmoins, les religieuses ne pouvant s’affranchir des catégories d’appartenance que sont leur communauté et leur ordre religieux, l’étude du réseau d’une supérieure d’un couvent doit s’inscrire dans le courant historiographique qui privilégie la combinaison de l’analyse catégorielle et de l’analyse relationnelle24.

  • 25 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)

16Claude Agnès Barrin scandait ses lettres de formules assurant à Anne Françoise de Pra qu’elle mettait tout en œuvre pour les voir gagner le procès contre les Ursulines. D’après ses propres mots, son engagement devait être à l’image de l’union entre les monastères de la Visitation Sainte‑Marie25. Les lettres de Claude Agnès Barrin témoignent d’une participation active à cette entreprise de sauvetage. Elle ne se contenta pas de mettre en contact la supérieure de la Visitation de Bordeaux avec le procureur de sa communauté, M. Guibert. Elle réfléchit sur les moyens de gagner le procès en sollicitant, de manière répétée, des magistrats de son entourage, en prenant connaissance elle-même des pièces du dossier et en recourant au procureur. À maintes reprises, elle pria la supérieure de Bordeaux de lui faire parvenir des documents essentiels pour plaider sa cause.

  • 26 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 14 août 1657.

« J’ai encore aujourd’hui consulté votre affaire. Il faut avoir le contenu du mémoire de Mr Guibert ou autrement la somme des seize mille lt sera fort balancée. Je vous assure que cette affaire me touche plus que si elle était mienne26 ».

  • 27 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 4 septembre 1657.

« J’ai moi-même tout lu les papiers afin d’en parler plus pertinemment aux juges. Il nous est égal de 2 séances. Nous avons autant compté de nos amis en l’une comme en l’autre. L’on ne parle point du tout de vos parties en cette ville. Il n’y a point de maison religieuse où il y ait tant de filles de messieurs du parlement comme dans les deux monastères qui ne sont qu’un cœur et une âme27 ».

  • 28 Voir les notices généalogiques des familles Barrin et de Bourgneuf reconstituées par Dominique Barb (...)
  • 29 « Liste chronologique des Premiers Présidents du Parlement de Bretagne » in Frédéric Saulnier, Le P (...)

17Les lettres de Claude Agnès Barrin semblent indiquer qu’elle possédait une culture juridique supérieure à celle de la plupart des religieuses. L’avait-elle acquise avant d’entrer au couvent ou dans l’exercice de la charge de supérieure ? Son éducation lui avait peut-être offert cette culture juridique car elle était la fille de Renée de Bourgneuf et André Barrin, marquis de Boisgeffroy, vicomte de Tréguil, conseiller au parlement de Bretagne. Or, ces deux familles ont constitué, pour ainsi dire, des dynasties parlementaires à Rennes28. Le grand-père maternel de cette religieuse, René de Bourgneuf, avait été promu premier président au parlement de Bretagne en 1570, tandis que son grand-père paternel, Jacques Barrin, était devenu président à mortier de la même cour en 1577. Un des frères de Claude Agnès, nommé Jean Barrin, accéda également au corps des conseillers du parlement de Bretagne, en 1633. Il était devenu conseiller d’État à l’époque du procès dont il est question ici. Du côté des Bourgneuf, l’oncle et le cousin germain de Claude Agnès, prénommés Jean et Henri, furent l’un après l’autre premiers présidents au parlement de Bretagne29.

  • 30 James B. Collins, « Le système de reproduction des magistrats du parlement de Bretagne : question s (...)
  • 31 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)
  • 32 « COËTLOGON (Louis de), vte de Méjussaume », notice n° 304 in Frédéric Saulnier, op. cit., t. I, p. (...)

18Enfin et surtout, Claude Agnès Barrin sollicita les magistrats de sa parenté, et elle incita les religieuses des deux couvents de Rennes à en faire autant. En effet, les Visitandines de Rennes disposaient d’un très bon réseau de relations parmi les présidents et conseillers du parlement de leur ville. Leur influence était particulièrement forte à Rennes, parce que le parlement de Bretagne se trouvait dominé, à l’époque moderne, par quelques clans qui parvenaient à garder entre leurs mains les principaux offices par la cooptation, la vente et l’échange d’offices, ainsi que par les alliances matrimoniales. Les familles Barrin, de Bourgneuf et de Marbeuf faisaient partie d’un système de clientélisme au sein de la grande robe bretonne30. Claude Agnès Barrin savait pouvoir compter sur l’intransigeance de son cousin, Henri de Bourgneuf, premier président. Son frère, Jean Barrin, favorisa leurs démarches et prit part à l’obtention de l’arrêt de rétention de la cause des Visitandines de Bordeaux au parlement de Bretagne31. En revanche, elles perdirent, au cours de l’année 1657, un de leurs appuis : Louis de Coëtlogon, seigneur de Méjusseaume, qui était conseiller au parlement32.

  • 33 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)

« Nous [ne] vous envoyons point vos papiers puisque vos parties vous menacent encore. L’avocat nous a dit qu’elles ne pouvaient les relever mais si cela était elles courraient grande fortune de perdre encore une fois le premier président de ce semestre-là est mon cousin germain qui hait la fourberie comme la mort elles feraient double dépense et ne gagneront rien. Dieu les veuille dégoûter de cette chicane car ce n’est point son esprit qui leur [suscite] ce sentiment33 ».

  • 34 France, Rennes, Archives départementales [AD] Ille-et-Vilaine, 39 H 5, Premier monastère de la Visi (...)
  • 35 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)

« Nous avons perdu un de nos meilleurs amis au parlement, père d’une de nos sœurs34. Il est décédé de ces jours passés. Il s’appelait Monsieur de Méjusseaume. Plusieurs de votre ville le connaissent. Je vous assure que nous ne doutions de rien quand il était de séance. À présent nous avons moins de force. Il était presque tout le premier dans le parlement [sic]35 ».

  • 36 La correspondance de Claude Agnès Barrin avec Anne Françoise de Pra ne révèle qu’une partie des aff (...)

19La supérieure du premier monastère de la Visitation de Rennes, Claude Agnès Barrin, endossa véritablement un rôle de chef d’orchestre dans cette affaire. Par sa double appartenance à l’ordre de la Visitation et à une famille comptant des parlementaires puissants, et en tant que supérieure d’un couvent dont les religieuses étaient étroitement liées aux magistrats du parlement de Bretagne, elle se trouvait au centre du réseau mobilisé pour aider les Visitandines de Bordeaux à gagner ce procès en appel (figure 1)36. La correspondance entre les supérieures de Bordeaux et de Rennes témoigne de la capacité des religieuses à mobiliser un réseau d’influence dans une cour de parlement par l’entremise d’un autre monastère de leur ordre.

20La solidarité entre les monastères de la Visitation opéra encore par l’intervention de quelques religieuses d’Angers qui firent appel à leurs frères et leurs oncles siégeant au parlement de Rennes. De plus, les Visitandines d’Angers établirent un mémoire pouvant étayer la défense de la communauté bordelaise.

  • 37 Ibid., correspondance : lettre de sœur de Mongeny du monastère de la Visitation d’Angers le 3 septe (...)

« […] si nous vous pouvons servir dans votre affaire que nous avons fait consulter en cette ville, l’on nous assure qu’elle est très bonne et que vous ne la pouvez perdre à moins d’une grande injustice. Nous vous envoyons un mémoire que notre conseil trouve que vous devez ajouter à celui que vous nous avez envoyé, nous y emploierons tous nos amis, nos sœurs de céans [d’ici] ont des frères et des oncles au parlement de Rennes et [nous] ne manquerons de leur en écrire. Je l’ai fait aujourd’hui à nos deux monastères de Rennes et leur envoie votre mémoire en suppliant les chères mères de vous servir et d’y employer leurs amis, nous leur demandons qu’elles nous mandent si l’on leur conseille que vous deviez solliciter votre affaire pendant ce semestre ou bien attendre l’autre, et leur nommons nos amis pour savoir lequel (côté) il y ait lieu d’espérer bonne (issue), nous vous le ferons savoir le plus tôt que nous pourrons […]37 ».

  • 38 Ibid., « Mémoire pour les Dames religieuses de la Visitation » (s.d.). Il s’agit certainement d’une (...)
  • 39 Ibid., correspondance : lettre de R. Dallon à Madame de Sauzion supérieure de la Visitation de Bord (...)
  • 40 AD Gironde, H 3055, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… (...)
  • 41 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : deu (...)
  • 42 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Corr (...)
  • 43 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra non datée (octobre ou novembre 1657).

21Les Visitandines du faubourg Saint-Jacques à Paris se chargèrent d’effectuer les paiements pour les Visitandines de Bordeaux, et avancèrent même de l’argent dans le cadre de leur procès contre les Ursulines. Ainsi, le 28 novembre 1654, les Visitandines du faubourg Saint‑Jacques à Paris remirent 71 lt entre les mains de M. Charlot, avocat au conseil ; somme que les Visitandines de Bordeaux leur remboursèrent le 13 avril 1655 par les mains de M. Kelly, prêtre irlandais demeurant à Paris38. Le Père Scanlan, qui était le supérieur du séminaire des prêtres irlandais à Bordeaux et le confesseur des Visitandines de cette ville, remit au moins une lettre à l’avocat R. Dallon à Paris le 1er avril 1654 39 et, de manière générale, prit « un grand soin des affaires temporelles de ce monastère40 ». Les religieuses préférèrent leur faire confiance pour le port de leurs courriers, lettres de change, sommes d’argent et présents41, plutôt qu’aux maîtres de poste. De même, la supérieure du couvent de Rennes conseilla à son homologue à Bordeaux de ne pas lui adresser personnellement son courrier, mais plutôt à M. Corbiniau, maître architecte du Palais Neuf à Rennes, car elle s’était rendu compte que leurs lettres avaient été ouvertes42. Cette stratégie fit ses preuves, puisqu’elle affirma un peu plus tard : « Vos chères lettres nous sont à présent fidèlement rendues. Je vois que les nôtres vous vont aussi fidèlement43 ».

  • 44 Claude Agnès Barrin, professe du 1er monastère de la Visitation de Rennes, fit d’abord l’expérience (...)

22Il se dégage de l’analyse de cette affaire un réseau multipolaire, reposant sur une combinaison de liens institutionnels, familiaux et amicaux : ensemble des couvents de l’ordre de la Visitation, parentés des religieuses, ecclésiastiques liés à ces couvents, professionnels de la justice à leur service… Cependant, les archives des procédures impliquant les Visitandines de Rennes, que ce soit devant le présidial ou le Parlement de Rennes, laissent penser que le rôle décisif joué par Claude Agnès Barrin fut assez exceptionnel. Cela tient sûrement à la longue durée de son gouvernement : elle dirigea cette communauté dix-huit ans44. Cette supérieure engagea plus de procédures judiciaires que celles qui la précédèrent, ou qui lui succédèrent. Cette propension s’explique par la culture juridique de cette fille de parlementaire. Sans pour autant réduire le réseau de ce couvent au réseau égocentré de Claude Agnès Barrin, on comprend ainsi que le réseau multipolaire d’une communauté religieuse ne pouvait trouver son efficacité que dans la mesure où une supérieure, disposant elle-même d’un capital social et d’une bonne culture juridique, était apte à activer des ressources relationnelles.

Figure 1. Réseau de l’Ordre de la Visitation mobilisé pour la défense des Visitandines de Bordeaux contre les Ursulines de la même ville (1654-1658)

Figure 1. Réseau de l’Ordre de la Visitation mobilisé pour la défense des Visitandines de Bordeaux contre les Ursulines de la même ville (1654-1658)
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Un réseau de parlementaires : des alliés en justice en toutes occasions ?

  • 45 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : « M (...)

23Après avoir dépouillé les liasses de pièces de procédures conservées dans les archives des deux monastères de la Visitation de Rennes, il ressort que la correspondance de Claude Agnès Barrin et Anne Françoise de Pra constitue une source tout à fait exceptionnelle pour comprendre comment les religieuses pouvaient mobiliser un réseau en justice. Il faut dire que le procès opposant les Ursulines et les Visitandines de Bordeaux au parlement de Bretagne autorisa les Visitandines de Rennes à intervenir plus librement qu’elles n’auraient pu le faire dans un procès les impliquant directement, sous peine d’être accusées de vouloir corrompre des juges. En effet, les Visitandines de Bordeaux, outre le paiement des frais du procès à Paris puis à Rennes, gratifièrent les personnes qui les avaient défendues de plusieurs présents. Pour leurs soutiens à Paris, elles offrirent une croix d’argent, un livre des œuvres de François de Sales et un autre de ses sermons, un livre d’heures, les Règles de l’ordre et d’autres livres45. Pour les amis des Visitandines de Rennes, qui avaient tout fait pour modérer les frais du procès, Claude Agnès Barrin et Anne Françoise de Pra s’entendirent sur d’autres modes de gratification en nature – en grande partie du vin.

  • 46 Ibid., correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin, supérieure du 1er monastère de la Visitation (...)

« Nous avons écrit à Rhedon pour le vin, à Monsieur Menard qui [est] le correspondant de celui qui les a chargées, Monsieur Guibert n’a jamais voulu prendre un sol de toutes les peines, nous lui donnerons 2 barriques de vin, 2 à Mr de Montalembert, une à un conseiller qui vous [a] fort servi, l’autre à Monsieur notre confesseur qui n’a jamais voulu prendre d’habit, pour les raisins nous les départirons aux Messieurs, pour nous ma toute chère sœur nous n’avons rien à faire que de votre chère amitié et de vos saintes prières […]. Pour mon frère vous lui faites trop de grâce de le considérer. Il ne voudrait pour rien du monde prendre quoi que ce soit. Nos amis ont tout à fait épargné votre bourse c’est pourquoi la somme n’est point si grande que vous croyez dont je suis bien aise plus que si c’était pour nous. J’ai fait un petit présent de 30 lt à un Monsieur de cette ville qui nous fit avoir vos papiers de chez l’avocat et le papier de son plaidé [sic] qu’il nous était impossible de retirer46 ».

  • 47 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 3 décembre 1657.

« Un de nos amis nous a fait avoir le placet du premier président pour rien qui eût couté tout seul vingt-cinq écus47 ».

  • 48 Ariane Boltanski, « Du réseau à l’individu. Quelques réflexions épistémologiques, à partir de trois (...)
  • 49 Olivier Chaline, Godart de Belbeuf. Le Parlement, le Roi et les Normands, Luneray, Editions Bertout (...)

24Les pots-de-vin, au sens littéral du terme, révèlent-ils une forme de corruption ? Pas exactement, puisque les intermédiaires et les intercesseurs n’influent pas directement sur le déroulement du procès, qui suit son cours normal. Ils se contentent de conseiller au mieux la partie qu’ils ont accepté de soutenir. Ils s’efforcent de limiter les coûts ou rendent service gratuitement, tout en sachant qu’ils recevront en échange un don en nature, comme il est d’usage. Afin que leur intégration dans un réseau d’« amis » se pérennise, les communautés religieuses doivent se prêter au système de don et contre-don. Ainsi, Ariane Boltanski affirme que l’amitié correspond, à l’époque moderne, à « une forme d’alliance sociale » qui « suppose une réciprocité des échanges », et qui « n’exclut en rien la prise en charge de prestations intéressées pour la mutuelle satisfaction des parties48 ». Elle se distingue du clientélisme dans lequel l’échange de services est généralement inégal entre une personne qui détient un pouvoir et une autre qui lui est subordonnée. Cela dit, dans les relations de clientélisme, lorsqu’une personne détenant un quelconque pouvoir est sollicitée pour faire avancer une affaire judiciaire, elle rend service, appuie une demande, mais ne peut contourner le droit. C’est ce qu’Olivier Chaline souligne à propos de Godart de Belbeuf : quand le procureur général du parlement de Normandie accepte d’étudier une affaire, en réponse à la requête d’un particulier, il peut éventuellement écrire au juge. En revanche, il ne peut faire fi des procédures légales : il ne peut pas surseoir une information, ni orienter un jugement49.

25L’examen des procédures judiciaires des Visitandines de Rennes aux xviie et xviiie siècles ne permet pas de se prononcer facilement sur l’efficacité de leur réseau judiciaire en toutes occasions, d’autant plus que l’époque du gouvernement de Claude Agnès Barrin se distingue. Cette supérieure joua un rôle particulièrement prépondérant sur la scène judiciaire par rapport aux autres supérieures.

  • 50 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 17, Premier monastère de la Visitation de Rennes, Procédures, requête non (...)
  • 51 Ibid., assignation du procureur fiscal de l’abbé de Sainte‑Melaine du 6 janvier 1672.
  • 52 Ibid., consultations d’avocat et copie manuscrite du « Factum du différend qui est entre Monsieur l (...)
  • 53 Ibid., extrait des registres de Parlement de Rennes du 4 janvier 1673.

26Les contestations de l’abbé de Saint-Melaine, à cause de l’extension de l’enclos des religieuses par de nouvelles acquisitions situées sur son fief, se multiplièrent à partir de 1646. Les Visitandines adressèrent une requête à l’abbé pour leur permettre de délaisser les anciens bâtiments qu’elles avaient acquis autour de leur maison, dans le but d’en bâtir de nouveaux dans l’espace des cinq journaux qui leur avaient été concédés en 1631 par cette abbaye, afin d’en tirer des loyers pour leur subsistance50. Lorsqu’un nouvel abbé prit la direction de Saint-Melaine, il fit signifier aux Visitandines, le 6 janvier 1672, qu’il les assignait devant le présidial de Rennes pour qu’elles lui rendent les terres et maisons qui se trouvaient sur son fief, faute de quoi il leur ferait payer des rentes et indemnités51. Mais la supérieure, Marie Thérèse Le Cornulier, avec l’aide, sans doute, de Claude Agnès Barrin qui était son assistante, mit sur pied une solide défense, grâce à plusieurs consultations d’avocats de MM. de La Meslée Monneraye, du Fresne, et Mottais, ainsi que par la rédaction d’un factum52. Puis elles communiquèrent leurs titres et contrats à la Cour du Parlement, afin qu’elle se prononçât sur la légitimité des prétentions de l’abbé de Saint‑Melaine. La Cour reconnut que les suppliantes n’avaient rien entrepris au préjudice des droits. Par conséquent, l’abbé et les religieuses convinrent des rentes et autres droits qui se trouvaient légitimement dus à l’abbaye de Saint‑Melaine par un traité, en forme de transaction, du 22 avril 1672. Elles demandèrent que la transaction fût homologuée et enregistrée par le greffe de la Cour du Parlement, ce qui leur fut accordé le 4 janvier 167353.

  • 54 Avant l’instauration de la Ferme générale, en 1680, il existait déjà un système d’affermage des imp (...)

27Dans une autre affaire, en 1678, Claude Agnès Barrin prit conseil auprès de son amie Anne Louise Glüé, visitandine du monastère de la rue Saint‑Antoine à Paris, pour contester auprès de l’administration royale le recouvrement du huitième denier, exigé par la déclaration du roi du mois d’octobre 1675, visant les biens d’Église aliénés. Tandis que l’arrêt du conseil d’État du roi, du 7 mars 1676, qui ordonnait à ceux qui prétendaient en être déchargés, de se pourvoir par requêtes par-devant les commissaires députés à cette fonction, Claude Agnès Barrin s’en remit à un membre du réseau de ce couvent parisien. Celui-ci négocia avec les sous-traitants54 de Bretagne afin d’obtenir une modération de la taxe, à défaut d’une exemption.

  • 55 Louis xiv ayant engagé la guerre de Hollande (1672-1679), la monarchie avait besoin de ressources f (...)
  • 56 La sœur qui avait en charge les « commissions » et « affaires » de la communauté était nommée par l (...)
  • 57 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, lettre de la mère Anne Lo (...)

« Ma très honorée mère, Nous aurions bien souhaité dire des nouvelles à votre charité de votre affaire mais l’on ne vient pas à bout des gens comme l’on voudrait, cependant depuis deux jours un de nos amis est venu […] il a promis à notre unique mère et à nous qu’il verra les sous-traitants de la Bretagne qu’il dit être d’honnêtes gens et de ses amis dont il espère quelque faveur, il a lu les raisons par écrit que l’on allègue pour votre exemption mais vu le temps55 il ne croit pas qu’elles soient considérées. Nous vous manderons ma chère mère quel effet aura sa négociation […]. Supposé qu’il y eut autre chose à faire remarquer vous nous obligerez de nous le faire écrire à nous parce que les négociations qu’il y aura à faire c’est nous qui en prendrons soin si tôt nous aurons de vos nouvelles car de ceci il n’en faut rien communiquer ou peu c’est un secret quand nous ne pourrons pas voir nous-mêmes nous emploierons quelqu’un de fidèle par qui nous déclarerons vos intentions en faisant donner une quittance de finance en attendant un temps plus favorable où l’on puisse espérer exemption. Je ne sortirai point des commissions56 que nous ne mettions en écrit nos pensées pour laisser de l’ouvrage à celle qui nous succédera. L’on verra selon l’avantage que vous trouverez à ce qu’il y aurait à faire vers ce négociateur dont l’on a déjà reçu des marques effectives de son affection pour la Visitation. […] Nous écrirons à la chère mère de Vannes si tôt que nous aurons encore eu une réponse57 ».

  • 58 La paix mettant fin à la guerre de Hollande fut ratifiée par les trois traités de Nimègue, signés l (...)
  • 59 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, lettre de la mère Anne Lo (...)

« Ma très honorée mère, Nous n’avons pas manqué de conférer de votre affaire si tôt que nous l’avons fait nous mettons la main à la plume pour vous dire que la volonté est toute entière de vous servir mais il n’est pas au pouvoir du traitant de faire diminution parce qu’il en doit rendre compte. La personne dit donc que si vous voulez présentement donner la moitié de votre taxe, il se fera fort par ses amis de vous exempter de payer le reste jusqu’à la fin de cette recherche si la paix se faisait58 il y aurait possible quelque chose à espérer […]59 ».

  • 60 En réalité, elles n’eurent pas cette quittance financée mais un simple reçu de la somme payée. AD I (...)

28Les Visitandines de Rennes payèrent effectivement 1050 lt. aux traitants, en 1678, par les mains de la mère Anne Louise Glüé, qui promit d’obtenir pour elles une quittance60.

  • 61 Il s’agit du fils de Louis de Coëtlogon de Méjusseaume (cité supra). Il succéda à son père comme co (...)
  • 62 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, lettre de la mère Anne Lo (...)

« Ma très chère et honorée mère, […] Vous savez que nous ne sommes plus aux commissions et affaires depuis un an et demi […]. Notre chère sœur des commissions est bien plus éclairée que nous, je me suis informée d’elle si elle avait tiré sa quittance de finance dont nous l’avions priée lui rendant sa charge elle nous a dit qu’un de nos amis s’était chargé de lui faire avoir, ce même ami à qui nous écrivîmes hier nous a mandé devoir nous donner de son temps dans la semaine il eut été à souhaiter d’entendre auparavant Monsieur de Méjusseaume61 pour savoir ce qu’il prétend faire rendre à nos sœurs de Vannes si cela tombe sous le même chef que votre affaire […]62 ».

  • 63 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, note laissée pour mémoire (...)

29Ces lettres montrent encore comment les différents couvents de l’ordre entretenaient des liens étroits, au moyen d’une correspondance régulière qui permettait aux supérieures les mieux averties de gérer leur temporel avec discernement. Les Visitandines de Rennes envoyèrent une liasse d’actes, le 17 janvier 1683, à la demande d’Anne Louise Glüé qui espérait pouvoir, désormais, les faire rembourser. Elle leur retourna leurs documents le 29 avril 1683. Ces démarches aboutirent effectivement à une modération de la taxe63, peut être obtenue grâce à Joseph Jean-Baptiste Fleuriau d’Armenonville, qui était le frère de Marie Françoise Angélique Fleuriau d’Armenonville, religieuse au couvent de la Visitation Sainte-Marie situé rue Saint‑Antoine à Paris, et le demi-frère de Marguerite Fleuriau, épouse de Claude Le Peletier, contrôleur général des finances. Celui-ci l’engagea justement, à partir de 1683, et jusqu’en 1689, comme premier commis au sein du secrétariat aux finances. Son poste consistait à contrôler les traitants et leur distribuer les fermes.

  • 64 Claude de Marbeuf et ses fidèles avaient pris parti, au début du xviie siècle, contre Jean de Bourg (...)

30Appartenir à un réseau de parlementaires permettait aux religieuses d’avoir des alliés en justice, mais signifiait aussi qu’elles pouvaient se trouver dans une impasse face aux ennemis de leurs amis. Petite-fille du président de Bourgneuf, Claude Agnès Barrin pâtit peut-être de l’hostilité ancienne qui existait entre son grand-père et le président de Marbeuf64, dans le cadre d’un conflit de mitoyenneté avec Claude de Marbeuf, seigneur de Chemilliers, qui avait entrepris des élévations à ses maisons, lesquelles offriraient alors des vues sur l’enclos du premier monastère de la Visitation de Rennes. La supérieure, Claude Agnès Barrin, introduisit l’affaire le 18 mai 1656 à la chambre des requêtes du parlement de Bretagne. L’assignation à comparaître à l’audience des requêtes du palais fut signifiée à Claude de Marbeuf le 27 mai suivant. Néanmoins, les Visitandines abandonnèrent leur instance. Or, le 13 novembre 1659, elles tentèrent une reprise d’instance pour s’opposer à la construction de deux nouveaux pavillons au bout de la maison du magistrat. Elles insistèrent par une nouvelle opposition, en date du 13 novembre 1659. Cependant, une délibération du conseil, datée du 2 avril 1663 débouta les religieuses de leurs prétentions contre le conseiller Marbeuf :

« Le conseil qui a vu la requête […] estime que les dites dames religieuses seraient mal fondées à vouloir reprendre les errements des dites oppositions ; premièrement parce que les instances en sont périmées, la première ayant été abandonnées durant plus de trois [ans] avant l’exploit de prétendue reprise ou répétition d’icelle ; et s’étant encore passé plus de trois autres années depuis cette répétition et nouvelle opposition sans qu’il paraisse aucune suite, en sorte que les bâtiments de Monsieur le Président de Marbeuf se trouvant à présent achevés il y a plus d’un [an] & jour, les dites dames religieuses n’en peuvent plus opposer la construction ni même demander la démolition quand elles en recevraient préjudice & feraient offre d’en payer la dépense, sauf à elles à demander à en être dédommagées suivant l’article 392 de la coutume dans les six ans de l’achèvement & perfection des dits bâtiments si elles en recevaient quelque dommage.

  • 65 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 17, Premier monastère de la Visitation de Rennes, Procédures, délibération (...)

Mais on ne voit pas même qu’elles puissent dire en souffrir pour raison des dits bâtiments ni qu’elles eussent pu soutenir leurs oppositions sur le dit acte capitulaire de l’an 1632 [des religieux de Saint‑Melaine portant leur consentement à l’établissement des Visitandines] dont elles se voudraient servir pour cela ; parce qu’outre que la servitude négatoire qu’elles prétendent de pouvoir empêcher les (constructions) du côté de ladite rue de la quintaine de faire des vues vers leur clôture, n’y est pas fort bien établie à leur avantage ; on ne voit pas encore qu’il y ait été contrevenu par Monsieur le Président de Marbeuf ni qu’elles aient aucune raison au fonds de lui empêcher les vues & ouvertures de sa maison vers leur enclos vue la grande distance qu’il y a et la muraille qui leur sert même de défense, si bien que l’on croit qu’elles eussent toujours été déboutées de leurs oppositions quand elles les auraient suivies dans le temps qu’elles le pouvaient faire. C’est pourquoi elles feront mieux de n’en plus parler65 ».

  • 66 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Procédures, Premier monastère de la Visitation de Rennes.
  • 67 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 17, Procédures, Premier monastère de la Visitation de Rennes.

31Les autres pièces de procédures conservées aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine, impliquant le premier monastère de Rennes, ne sont pas aussi pertinentes pour observer les réseaux judiciaires en action. Elles rédigèrent plusieurs requêtes au début du xviiie siècle pour demander à être exemptées du paiement du sixième denier, ce qu’elles obtinrent en 171066. En 1756, une sœur tourière qui avait été congédiée leur intenta un procès pour réclamer une pension : la Grand Chambre du Parlement de Bretagne donna raison aux religieuses. Le présidial rendit une sentence en leur faveur dans le cadre d’un conflit de mitoyenneté en 1766. En 1782, 1783 et 1787, elles tentèrent de défendre leurs droits de propriété, avec l’aide d’un avocat au parlement, contre les projets d’aménagement du conseil municipal de Rennes, mais elles n’eurent pas gain de cause67.

  • 68 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 25-39 H 30, Procédures du 2nd couvent de la Visitation de Rennes, dit du C (...)

32Quant aux religieuses du second monastère, dit du Colombier, leurs pratiques judiciaires ne montrent pas spécialement d’appuis au Parlement de Bretagne. Dans la plupart des affaires68, les Visitandines du Colombier étaient « défenderesses » et non « demanderesses », ce qui signifie qu’elles étaient appelées en justice mais n’avaient pas l’initiative de l’assignation, bien que la majorité des affaires portât sur des rentes qui leur étaient dues. Ces procès furent jugés par le présidial de Rennes. De même, en appel (soit deux cas de recours à la chambre des requêtes du Palais, et un procès en appel au parlement de Bretagne), elles se trouvaient toujours intimées devant les juges sans être à l’origine de la demande de recours. La seule trace de l’investissement personnel d’une des supérieures de cette communauté a été trouvée au détour d’une lettre du 4 juillet 1680, en lien avec un procès devant le présidial, au sujet d’un contrat de fondation. Il s’agit d’une lettre de la main de l’assistante de la supérieure du monastère du Colombier, adressée au procureur de la maison :

  • 69 Certainement communauté de mariage.
  • 70 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 30, Procédures du 2nd monastère de la Visitation de Rennes, dit du Colombi (...)

« Voilà une signification de Monsieur Dorvaux à laquelle notre très honorée Mère vous supplie de vous préparer de répondre de la bonne sorte pour la conservation de nos intérêts. Les gens ecclésiastiques et séculiers les plus entendus trouvent notre cause bonne sans nul doute du contraire. Notre très honorée Mère vous prie de plus de la faire avertir fidèlement du jour que la cause sera plaidée afin qu’elle ait le loisir d’écrire à nos amis d’entre les conseillers du présidial pour leur faire entendre qu’il n’y avait point de communauté69 entre Monsieur et Madame de St Simon, et qu’elle était par conséquent en pouvoir de fonder deux messes par semaine au lieu de sa sépulture, pour les 1 000 lt qu’elle nous a léguées pour être enterrée dans notre sépulture et pour avoir part aux messes, communions et prières de tout l’ordre en qualité de bienfaitrice du même ordre […]70 ».

  • 71 Dans notre thèse, nous avons dénombré, parmi les religieuses entrées en religion entre 1680 à 1789, (...)
  • 72 Ibid. Dans notre thèse, nous avons dénombré, parmi les religieuses entrées en religion entre 1680 à (...)
  • 73 Pierre Bourdieu, « Le capital social : notes provisoires », Actes de la Recherche en sciences socia (...)
  • 74 Une piste de recherche pourrait consister à cibler la présence de livres de droit dans les inventai (...)
  • 75 Olivier Chaline, « Familles parlementaires, familles dévotes, Rennes au xviiie siècle », Annales de (...)
  • 76 Dominique Dinet, Vocation et fidélité. Le recrutement des réguliers dans les diocèses d’Auxerre, La (...)

33Au-delà du caractère exceptionnel du supériorat de Claude Agnès Barrin, le réseau d’une communauté religieuse était forcément fluctuant au cours du temps. D’abord, parce que son existence dépassait les existences particulières des religieuses. Les liens familiaux de celles-ci se nouaient et se dénouaient au gré des entrées en religion et des décès. En second lieu, dans les communautés où les supérieures étaient élues tous les trois ans, le réseau de la communauté était d’autant plus amené à se transformer que certaines relations personnelles d’une supérieure pouvaient s’intensifier durant l’exercice de sa charge. Les religieuses dont le père possédait un office de judicature71, et celles dont le père était avocat72, apportaient à leur communauté un « capital social » ou « capital relationnel73 » ; peut-être, aussi, une culture juridique, mais celle-ci est difficile à vérifier74. Même si la place des filles de la noblesse de robe dans les couvents féminins a reculé au xviiie siècle, on peut conclure que, dans les villes de parlement telles que Rouen et Bordeaux, mais aussi Rennes75 et Dijon76, et sans doute Toulouse et Aix, certaines communautés religieuses bénéficiaient d’influences auprès de ces cours souveraines.

34Les recherches menées sur les procédures judiciaires des Visitandines rennaises aux xviie et xviiie siècles permettent de tirer quelques conclusions, qui mériteraient d’être comparées aux cas d’autres communautés féminines. Tout d’abord, leur stratégie de mobilisation d’un réseau en justice apparaît, non pas directement dans les archives judiciaires, mais grâce à des archives épistolaires parallèles aux procès. L’efficacité de l’intervention de leurs appuis au parlement de Bretagne se démontra, paradoxalement, dans une affaire qui ne les concernait pas directement, mais dans laquelle elles prirent part au nom de la défense de leur ordre religieux, puisqu’il s’agissait d’assurer la sauvegarde du couvent de la Visitation établi à Bordeaux. Ce qui est remarquable dans cette affaire, c’est de disposer de correspondances révélant les stratégies des religieuses à l’échelle de l’ordre de la Visitation, pour mobiliser des réseaux judiciaires dans différentes cours de justice par l’intermédiaire d’autres couvents. Néanmoins, la capacité d’une communauté religieuse à mobiliser un réseau complexe pour obtenir justice dépendait, en grande partie, du capital social de la supérieure placée à la tête de celle-ci, et de sa culture juridique lui permettant d’activer de manière judicieuse des ressources relationnelles. Enfin, le fait que les couvents de la Visitation de Rennes aient de fidèles alliés parmi les officiers de justice ne leur garantissait pas de gagner tous leurs procès, et cela put, au contraire, les desservir, parfois, dans des affaires les opposant aux ennemis de leurs amis.

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Bibliographie

Bibliographie indicative

Boltanski Ariane, « Du réseau à l’individu. Quelques réflexions épistémologiques, à partir de trois exemples de réseaux égocentrés dans la seconde moitié du xvie siècle », in Jean Duma (dir.), Histoire de nobles et de bourgeois. Individus, groupes, réseaux (France, xvie-xviiie siècles), Paris, Presses de l’Université Paris Ouest, 2011, p. 35-60.

Collins James B., « Le système de reproduction des magistrats du parlement de Bretagne : question sociale ou question politique ? », in Jacques Poumarède et Jack Thomas (dir.), Les Parlements de province : Pouvoir, justice et société du xve au xviiie siècle, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 1996.

Garnot Benoît, Histoire de la justice (France, xvie-xxie siècle), Paris, Gallimard, 2009.

Lemercier Claire, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 52, n° 2, 2005, p. 88-112.

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Notes

1 Benoît Garnot, Histoire de la justice (France, xvie-xxie siècle), Paris, Gallimard, 2009, p. 174.

2 Ibid.

3 « Communautés religieuses, justice et sociétés », Xe colloque international du CERCOR organisé par Philippe Castagnetti, Sylvain Excoffon, Sébastien Fray, 16-19 juin 2020.

4 France, Bordeaux, Archives départementales [désormais AD] Gironde, H 3049, Ursulines de Bordeaux, registre, « Inventaire des religieuses de Sainte-Ursule » (21 décembre 1790), f°11 v : mention du « contrat de vente consenti par les dites religieuses en faveur des religieuses du monastère de la Visitation Ste Marie établi à Lyon, du 1er mars 1640, devant Lafite notaire. Savoir est, tout le bâtiment, enclos audit couvent appartenant, situé sur les fossés de la maison de ville autrement des Carmes et au devant la croix et place appelée l’échafaud neuf paroisse Ste Eulalie, consistant en l’église, maisons, jardin et bassecour ». Le registre ne comporte aucune note relative au procès ayant opposé les Ursulines aux Visitandines de 1640 à 1658. Le fonds des Ursulines ne comporte aucune des pièces de procédures liées à cette affaire.

5 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers de ce monastère de la Visitation Sainte Marie de Bordeaux depuis son établissement qui fut le premier jour du mois de juillet de l’année 1640 », f°137 r ; AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : acte en relaxance ou protestation de la supérieure de la Visitation de Bordeaux, la mère de Cremeaux, contre l’assignation à comparaître au parlement de Toulouse demandée par Bernard Chevallier, receveur des consignations du parlement de Bordeaux et créancier des Ursulines (acte retenu par Laplasse notaire, 7 décembre 1640).

6 Ibid.

7 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… », f°137 v. ; AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : pièces de procédure.

8 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : lettre de R. Dallon à Madame de Sauzion supérieure de la Visitation de Bordeaux (Paris, 1er avril 1654).

9 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : deux mémoires des dépenses faites pour le procès à Paris (1654-1655).

10 Ibid. Il en coûte 42 lt aux Visitandines de Bordeaux « pour une consulte de 4 avocats des principaux du parlement de Paris » en septembre 1654.

11 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : « Mémoire pour les Dames religieuses de la Visitation » (s.d.). Il s’agit certainement d’une consulte aux avocats du parlement de Paris demandée par R. Dallon.

12 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : arrêt du conseil du roi sur la requête des Visitandines de Bordeaux, rendu le 20 novembre 1654 à Paris, autorisant leur avocat, Pierre Charlot, à informer par addition des parentés et alliances que les Ursulines de Bordeaux ont au parlement de la même ville.

13 AD Gironde, H 3055, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… », f°36 r-v et 37 r : liste des supérieures du couvent de Bordeaux jusqu’en 1726.

14 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… », f°139 r.

15 Ibid. ; AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : arrêt du conseil du roi, rendu le 10 octobre 1656, sur la requête présentée par le syndic des religieuses de la Visitation de Bordeaux, ordonnant la restitution par l’avocat aux religieuses de la production sur laquelle l’arrêt du 17 septembre 1655 était intervenu.

16 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : billets de Marie Augustine Bouvard de la Visitation Sainte‑Marie du faubourg Saint‑Jacques de Paris datés du 18 et du 19 septembre. L’on sait que ces billets datent de 1655 et qu’ils étaient adressés à M. Durand puisque le mémoire des frais du procès à Paris confirme la remise de 100 lt, somme évoquée dans ces lettres, par les sœurs de Paris à M. Durand. La première citation est extraite du billet du 18 septembre, la seconde du billet du 19.

17 AD Gironde, H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… », f°139 r. ; H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : arrêt du conseil du roi, rendu le 10 octobre 1656, sur la requête présentée par le syndic des religieuses de la Visitation de Bordeaux, ordonnant la restitution par l’avocat aux religieuses de la production sur laquelle l’arrêt du 17 septembre 1655 était intervenu.

18 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : lettre de Guibert, procureur au parlement de Bretagne, adressée à la supérieure de la Visitation de Bordeaux (Rennes, 17 juillet 1656) ; H 3056, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… », f°139 r. : acte de constitution de M. Guibert procureur au parlement de Rennes le 13 novembre 1656.

19 Rennes comptait deux monastères de la Visitation. Il s’agit de la première communauté de Visitandines, venues d’Orléans, qui s’installa à Rennes en 1628. Les religieuses acquirent, en 1631, un terrain situé au nord de la ville, près de la porte aux Foulons. La construction du premier monastère ne débuta qu’en 1645. On ne doit pas le confondre avec le deuxième monastère, construit au lieu-dit du Colombier, fondé en 1641, au sud de la ville. Laurent Lecomte, Religieuses dans la ville : l’architecture des Visitandines en France, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Éditions du Patrimoine, 2013, notices « Rennes I » et « Rennes II », p. 280.

20 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin, supérieure du 1er monastère de la Visitation à Rennes, à Anne Françoise de Pra, supérieure du monastère du même ordre à Bordeaux, datée du 20 janvier 1657.

21 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 14 août 1657.

22 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 3 décembre 1657.

23 AD Gironde, H 3055, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… », f°36 r-v et 37 r : liste des supérieures du couvent de Bordeaux jusqu’en 1726.

24 Claire Lemercier, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 52, n° 2, 2005, p. 88-112, ici p. 89.

25 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 6 novembre 1657.

26 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 14 août 1657.

27 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 4 septembre 1657.

28 Voir les notices généalogiques des familles Barrin et de Bourgneuf reconstituées par Dominique Barbier sur www.geneanet.org.

29 « Liste chronologique des Premiers Présidents du Parlement de Bretagne » in Frédéric Saulnier, Le Parlement de Bretagne. 1554-1790, t. I, 2nde éd. : Mayenne, Impr. de la manutention, 1991, p. 1.

30 James B. Collins, « Le système de reproduction des magistrats du parlement de Bretagne : question sociale ou question politique ? », in Jacques Poumarède et Jack Thomas (dir.), Les Parlements de province : Pouvoir, justice et société du xve au xviiie siècle, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 1996, p. 601-619, URL : https://books.openedition.org/pumi/27581.

31 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin, supérieure du 1er monastère de la Visitation à Rennes, à Anne Françoise de Pra, supérieure du monastère du même ordre à Bordeaux, datée du 20 janvier 1657.

32 « COËTLOGON (Louis de), vte de Méjussaume », notice n° 304 in Frédéric Saulnier, op. cit., t. I, p. 244-245.

33 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin, supérieure du 1er monastère de la Visitation à Rennes, à Anne Françoise de Pra, supérieure du monastère du même ordre à Bordeaux, datée du 20 janvier 1657.

34 France, Rennes, Archives départementales [AD] Ille-et-Vilaine, 39 H 5, Premier monastère de la Visitation de Rennes, Registre des vêtures du 1er monastère de la Visitation (1628-1661). Françoise Marie, Marie Louise et Louise Emmanuelle de Coëtlogon prirent l’habit dans ce monastère. Françoise Marie fut élue supérieure le 17 mai 1646 (pour trois ans jusqu’au mois de mai 1649).

35 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra non datée du 28 juillet 1657.

36 La correspondance de Claude Agnès Barrin avec Anne Françoise de Pra ne révèle qu’une partie des affinités des Visitandines de Rennes, d’abord parce que Claude Agnès Barrin ne nomme pas tous les acteurs ayant été sollicités pour gagner le procès, ensuite parce que les relations mobilisées dans ce cadre ne représentent pas l’intégralité des personnes avec qui les Visitandines étaient potentiellement en contact.

37 Ibid., correspondance : lettre de sœur de Mongeny du monastère de la Visitation d’Angers le 3 septembre 1657 à Anne Françoise de Pra, supérieure de la Visitation de Bordeaux.

38 Ibid., « Mémoire pour les Dames religieuses de la Visitation » (s.d.). Il s’agit certainement d’une consulte aux avocats du parlement de Paris demandée par R. Dallon.

39 Ibid., correspondance : lettre de R. Dallon à Madame de Sauzion supérieure de la Visitation de Bordeaux (Paris, 1er avril 1654).

40 AD Gironde, H 3055, Visitation de Bordeaux, registre, « L’inventaire général des titres et papiers… », f° 35 r-v : liste des confesseurs du couvent de Bordeaux jusqu’en 1723.

41 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : deux mémoires des dépenses faites pour le procès à Paris (1654-1655).

42 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658), Correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin, supérieure du 1er monastère de la Visitation à Rennes, à Anne Françoise de Pra, supérieure du monastère du même ordre à Bordeaux, datée du 4 septembre 1657.

43 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra non datée (octobre ou novembre 1657).

44 Claude Agnès Barrin, professe du 1er monastère de la Visitation de Rennes, fit d’abord l’expérience de gouverner une maison religieuse dans le 2nd monastère de la Visitation de Rennes, dit du Colombier, de 1645 à 1651. Après ces deux triennats, elle en exerça six autres à la tête du 1er monastère de la Visitation de Rennes : de 1655 à 1661, de 1673 à 1679, de 1685 à 1691. Elle prit part également au gouvernement de la communauté, en tant que conseillère, au cours de la période où Marie Isabelle de La Bintinaye fut supérieure (1661-1667), et comme assistante de Marie Thérèse Le Cornulier, qui fut supérieure de 1670 à 1673. Claude Agnès Barrin décéda le 3 juillet 1698. « Abrégé de la vie et des vertus de notre vénérable sœur Claude-Agnès Barrin », Année sainte des religieuses de la Visitation Sainte-Marie, tome VII : juillet, Annecy, Burdet, 1869, p. 51-65. AD Ille-et-Vilaine, 39 H 5, Premier monastère de la Visitation de Rennes, Registre des vêtures (1628-1661), liste des supérieures de cette communauté de 1628 à 1661. AD Ille-et-Vilaine, 39 H 17, Premier monastère de la Visitation de Rennes, Procédures, requête signée de la main de Marie Isabelle de La Bintinaye, supérieure, de son assistante, Françoise Marie de Coëtlogon, et de ses trois conseillères, dont Claude Agnès Barrin.

45 AD Gironde, H 2114, Visitation de Bordeaux, Procès avec les Ursulines de Bordeaux (1641-1658) : « Mémoire de l’argent que nous avons envoyé à nos chères sœurs de Paris, et de l’emploi qu’elles en font pour notre procès avec les Ursulines » (1654).

46 Ibid., correspondance : lettre de Claude Agnès Barrin, supérieure du 1er monastère de la Visitation à Rennes, à Anne Françoise de Pra, supérieure du monastère du même ordre à Bordeaux, datée du 20 janvier 1657. Cet accord porte sur la prochaine récolte de septembre 1657 puisque dans une autre lettre, du 22 août 1657, Claude Agnès Barrin précise : « quand l’on ira quérir du vin vers vos quartiers il se trouvera quelqu’un qui vous pourra voir et se charger de quelque somme ». Au sujet de la consommation du vin d’Aquitaine en Bretagne, se référer à : Hiroyasu Kimizuka, Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle : Les routes du vin, Rennes, PUR, 2015.

47 Ibid., lettre de Claude Agnès Barrin à Anne Françoise de Pra datée du 3 décembre 1657.

48 Ariane Boltanski, « Du réseau à l’individu. Quelques réflexions épistémologiques, à partir de trois exemples de réseaux égocentrés dans la seconde moitié du xvie siècle », in Jean Duma (dir.), Histoire de nobles et de bourgeois. Individus, groupes, réseaux (France, xvie-xviiie siècles), Paris, Presses de l’Université Paris Ouest, 2011, p. 35-60.

49 Olivier Chaline, Godart de Belbeuf. Le Parlement, le Roi et les Normands, Luneray, Editions Bertout, 1996, p. 174-175.

50 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 17, Premier monastère de la Visitation de Rennes, Procédures, requête non datée, signée de la main de Marie Isabelle de La Bintinaye, supérieure (de 1661 à 1667), de son assistante, Françoise Marie de Coëtlogon, et de ses trois conseillères, dont Claude Agnès Barrin.

51 Ibid., assignation du procureur fiscal de l’abbé de Sainte‑Melaine du 6 janvier 1672.

52 Ibid., consultations d’avocat et copie manuscrite du « Factum du différend qui est entre Monsieur l’abbé de Saint‑Melaine et les religieuses du premier monastère de la Visitation Sainte‑Marie de Rennes » (1672).

53 Ibid., extrait des registres de Parlement de Rennes du 4 janvier 1673.

54 Avant l’instauration de la Ferme générale, en 1680, il existait déjà un système d’affermage des impôts indirects. En outre, la monarchie recourait à des traitants (financiers ayant signé un traité, c’est-à-dire un engagement contractuel, avec le roi) pour les affaires extraordinaires, comme les ventes d’offices et de gages, les aliénations ou exemptions de droits et de taxes nouvellement créés, et divers emprunts permettant de financer les guerres, en particulier au temps de Louis xiv. Joël Félix, « Profits, malversations, restitutions. Les bénéfices des financiers durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg et la taxe de Chamillart », Revue historique, 2015/4 (n° 676), p. 831-874. URL : https://www.cairn.info/revue-historique-2015-4-page-831.htm.

55 Louis xiv ayant engagé la guerre de Hollande (1672-1679), la monarchie avait besoin de ressources financières.

56 La sœur qui avait en charge les « commissions » et « affaires » de la communauté était nommée par la supérieure. Dans une lettre de 5 avril 1622, Jeanne-Marie Frémiot (Mère Jeanne de Chantal), recommanda à une supérieure ayant établi un monastère de l’Ordre, de « commettre une sœur, qui ait la charge des affaires et commissions de nos autres maisons, qui s’adressent à vous » (Lettres de sainte Chantal, rééd. Paris, Didot, 1823, 152e lettre, p. 298).

57 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, lettre de la mère Anne Louise Glüé, du monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine à Paris, le 6 avril 1678, adressée à la mère Claude Agnès Barrin.

58 La paix mettant fin à la guerre de Hollande fut ratifiée par les trois traités de Nimègue, signés le 10 août, le 17 septembre 1678 et le 5 février 1679.

59 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, lettre de la mère Anne Louise Glüé, du monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine à Paris, le 20 avril 1678, adressée à la mère Claude Agnès Barrin.

60 En réalité, elles n’eurent pas cette quittance financée mais un simple reçu de la somme payée. AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, note laissée pour mémoire au sujet de la demande de modération du rôle du 8e denier.

61 Il s’agit du fils de Louis de Coëtlogon de Méjusseaume (cité supra). Il succéda à son père comme conseiller au Parlement de Bretagne. « COËTLOGON (Guy de), s. de Méjussaume », notice n° 305 in Frédéric Saulnier, op. cit., t. I, p. 245-246.

62 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, lettre de la mère Anne Louise Glüé, du monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine à Paris, le 13 juin 1682, adressée à la mère Isabelle Marie Leguales supérieure du premier monastère de la Visitation de Rennes.

63 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Premier monastère de la Visitation de Rennes, note laissée pour mémoire au sujet de la demande de modération du rôle du 8e denier.

64 Claude de Marbeuf et ses fidèles avaient pris parti, au début du xviie siècle, contre Jean de Bourgneuf, premier président du Parlement de Bretagne, qui luttait pour empêcher la réception du procureur général Jean Le Febvre. Or, après avoir combattu pour faire admettre au Parlement ce dernier, M. de Marbeuf réussit à l’y introduire et plus tard à lui succéder. Claude de Marbeuf et Jean de Bourgneuf conservèrent une certaine haine l’un envers l’autre, d’autant plus que, d’après les registres secrets du parlement de Bretagne, le contradicteur habituel du premier président de Bougneuf était Claude de Marbeuf, président à mortier. Celui-ci ne perdait aucune occasion d’être désagréable au chef de la Cour et d’essayer de le mettre en échec. D’après la notice généalogique de Claude de Marbeuf rédigée par Dominique Barbier sur www.geneanet.org

65 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 17, Premier monastère de la Visitation de Rennes, Procédures, délibération du conseil du 2 avril 1663 sur les requêtes présentées par les religieuses de la Visitation à la chambre des requêtes du palais le 18 mai 1656 et le 13 novembre 1659.

66 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 6, Procédures, Premier monastère de la Visitation de Rennes.

67 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 17, Procédures, Premier monastère de la Visitation de Rennes.

68 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 25-39 H 30, Procédures du 2nd couvent de la Visitation de Rennes, dit du Colombier.

69 Certainement communauté de mariage.

70 AD Ille-et-Vilaine, 39 H 30, Procédures du 2nd monastère de la Visitation de Rennes, dit du Colombier, lettre du 4 juillet 1680.

71 Dans notre thèse, nous avons dénombré, parmi les religieuses entrées en religion entre 1680 à 1789, quarante-neuf filles d’officiers de justice dans les couvents bordelais et cinquante-cinq dans les couvents rouennais. Aude Loriaud, Les clefs du cloître : les communautés féminines à Bordeaux et à Rouen aux XVIIe et XVIIIe siècles, thèse de doctorat en Histoire moderne sous la direction d’Éric Suire, Université Bordeaux Montaigne, 2021, cf. chapitre 4.

72 Ibid. Dans notre thèse, nous avons dénombré, parmi les religieuses entrées en religion entre 1680 à 1789, vingt-et-une filles d’avocats dans les couvents de Bordeaux et onze dans les couvents de Rouen.

73 Pierre Bourdieu, « Le capital social : notes provisoires », Actes de la Recherche en sciences sociales, n° 31, 1980, p. 2-3 ; Ariane Boltanski, art. cit.

74 Une piste de recherche pourrait consister à cibler la présence de livres de droit dans les inventaires des bibliothèques monastiques.

75 Olivier Chaline, « Familles parlementaires, familles dévotes, Rennes au xviiie siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1, 2007, p. 89-130.

76 Dominique Dinet, Vocation et fidélité. Le recrutement des réguliers dans les diocèses d’Auxerre, Langres et Dijon (xviie-xviiie siècles), Paris, Economica, 1988.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Réseau de l’Ordre de la Visitation mobilisé pour la défense des Visitandines de Bordeaux contre les Ursulines de la même ville (1654-1658)
URL http://journals.openedition.org/criminocorpus/docannexe/image/14108/img-1.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Aude Loriaud, « Réseaux familiaux et institutionnels des religieuses : des alliés en justice ? Le cas des Visitandines de Rennes (xviie-xviiie siècles) », Criminocorpus [En ligne], 24 | 2023, mis en ligne le 15 décembre 2023, consulté le 13 septembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/criminocorpus/14108 ; DOI : https://doi.org/10.4000/criminocorpus.14108

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Auteur

Aude Loriaud

Aude Loriaud enseigne l’histoire et la géographie dans l’académie de Poitiers, elle est docteure en histoire moderne, chercheuse associée au CEMMC (UR 2958) et chargée de cours à l’Université Bordeaux Montaigne. Elle a soutenu en 2021 une thèse intitulée « Les clefs du cloître : les communautés féminines à Bordeaux et à Rouen aux xviie et xviiie siècles ». Ses recherches portent sur les couvents féminins de l’époque moderne, leur rôle dans les sociétés urbaines, leurs réseaux, les procédures judiciaires les impliquant. Elle s’intéresse au couvent comme objet d’étude dual, à la fois espace de promotion féminine et espace d’enfermement. Elle a participé à des ouvrages collectifs et publié plusieurs articles tels que : « De vastes propriétés au cœur des villes : le patrimoine urbain des communautés régulières à Bordeaux au milieu du xviiie siècle », Histoire, Économie & Société, n° 2019/2, 38e année, p. 23-46, URL : https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2019-2-page-23.htm ; « De la rupture familiale et sociale à la reconstruction d’une appartenance religieuse : les Nouvelles Catholiques de Rouen de 1685 à 1787 », Revue d’Histoire de l’Église de France, tome 104, n° 252, 2018, p. 57-76, URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03207586/document.

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