Références
Site officiel du Musée : https://www.museedubarreaudeparis.com/
Site Mémoire des Avocats parisiens : https://memoire.avocatparis.org/
Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines
Il n’existe aujourd’hui aucun musée relatif à l’avocature en France, pas plus que de Musée de la Justice. Le Musée du Barreau qui appartient à l’Ordre des Avocats à la Cour d’appel de Paris est, à ce titre, une institution unique. Il a pour mission la transmission et la valorisation de l’histoire des avocats. Héritiers des avocats du Parlement de Paris, les avocats parisiens ont constitué un patrimoine important, constitué de livres, d’objets d’art, de peintures, sculptures, gravures, médailles, manuscrits…, enrichi au fil des siècles. Ses collections privées, comportant plus de 12 000 œuvres et livres, concernent l’histoire des avocats et, plus généralement celle de la Justice. Voici un aperçu du Musée du Barreau de Paris, de ses origines à nos jours.
1Il n’existe aujourd’hui aucun musée relatif à l’avocature en France, pas plus que de Musée de la Justice. Quelques ordres ont récemment créé des musées de taille modeste tels le Musée de l’Ordre des avocats de Strasbourg ou le musée de Pontoise retraçant l’histoire des avocats du Val-d’Oise. Du côté international, nous avons connaissance de quelques musées, parfois inspirés par le Musée du Barreau de Paris (Musée des avocats à Syracuse depuis 2015 ; Musée des avocats d’Haïti, projet de 2019). Dans les pays anglosaxons, plusieurs structures muséales présentent également des pièces relatives à l’histoire des lawyers et de la justice en général (The Old Court House Law Museum en Australie ou the ABA Museum of Law à Chicago, créée par l’American Bar Association en novembre 1996). Le Musée du Barreau a ainsi une place quasi unique dans la transmission et la valorisation de l’histoire des avocats.
2Le Musée du Barreau est une institution appartenant à l’Ordre des Avocats à la Cour d’Appel de Paris. Un ordre d’avocat est une structure possédant la nature juridique des établissements d’utilité publique. Il constitue donc une personne morale pouvant recevoir des legs, un patrimoine, organiser une prestation d’assistance, etc. Il est dirigé par un Conseil de l’ordre et présidé par un bâtonnier, et depuis plus de dix ans un Vice-Bâtonnier. Le Barreau de Paris est le 1er barreau de France avec plus de 32 000 avocats. Les avocats au Barreau de Paris sont les héritiers des avocats au Parlement de Paris. Ces derniers possédaient leur propre patrimoine constitué notamment d’une importante bibliothèque, devenue à leur suppression en 1790, propriété nationale.
3N’ayant pu prendre possession de ce qui subsistait du patrimoine de son prédécesseur, l’Ordre des Avocats de Paris a constitué son propre patrimoine. Cette faculté de posséder collectivement des biens lui a été accordé par Napoléon lors de son acceptation du legs de l’avocat Ferey, et ce bien avant le rétablissement officiel des Ordres en 1810. En effet, en 1806, Ferey lègue sa bibliothèque de droit et une importante somme d’argent afin de pourvoir à son entretien, « sous quelque nom que Sa Majesté l’Empereur et Roy jugera à propos de le rétablir ». Un décret du 3 octobre 1811 confirme la capacité de l’Ordre des avocats de Paris de disposer de ressources collectives.
4Dès lors, l’Ordre des Avocats à la Cour d’Appel de Paris s’est enrichi d’objets d’art, de peintures, de sculptures, de gravures, de médailles, de manuscrits et de livres rares et précieux.
5Ce patrimoine a fortement été affecté lors des événements de 1871 : l’incendie du Palais, de la Bibliothèque et de la Salle du Conseil de l’Ordre a endommagé les deux tiers des collections ! Mais les dons affluèrent ensuite pour réparer les effets du sinistre, et les collections ne cessèrent de s’enrichir.
6En 1908, le Conseil de l’Ordre décida de confier la conservation et la mise en valeur de ses collections à la « commission des recherches historiques », créée le 8 janvier. Cette commission, présidée par un ancien Bâtonnier, était composée d’une dizaine d’avocats nommés par le Conseil. Son champ s’étendait à toutes les difficultés relatives au patrimoine culturel du barreau de Paris (conservation, accroissement des collections, mise en valeur, travaux de recherches). Elle envisagea rapidement l’exposition des collections et demanda un local dédié à cet effet. Une galerie située au 2e étage de la Bibliothèque des Avocats leur sera accordée : le Musée est né ! Il fut officiellement inauguré le 5 juillet 1909.
7Des peintures, dessins et gravures sont encadrés et accrochés aux murs, au-dessus de vitrines où sont présentés des livres et des manuscrits ; la majorité des pièces sélectionnées concerne l’histoire du Palais et de la profession d’avocat ; quelques œuvres et documents étrangers au monde judiciaire ont également été retenus en raison de leur valeur artistique, par exemple de belles reliures.
8Les conditions d’accès et le règlement furent rédigés et adoptés le 8 novembre 1909 : le musée du barreau n’était pas public, mais ouvert aux seuls avocats du barreau de Paris, inscrits ou stagiaires. La visite par des personnes étrangères restait une exception.
9De 1909 à 1952, excepté durant les périodes de conflit, la commission joua le rôle de Conservateur du Musée et des ressources lui furent allouées par l’Ordre et par les « Amis du Musée ». Les « Amis du Musée » avaient obtenu du Conseil l’autorisation d’ouvrir parmi les avocats une souscription destinée à financer des achats pour le Musée.
10En 1983, les collections ont été transférées dans les caves voûtées du 25 rue du Jour, immeuble du XVIIe siècle, inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Des visites commentées étaient organisées pour des groupes scolaires et des associations culturelles parisiennes et d’Île-de-France et quelques journées portes ouvertes durant l’année. Resté dans l’ombre du grand public jusqu’en 2015, il ouvrit progressivement à partir de 2016. Un véritable programme culturel fut mis en place :
- Visites : dans un premier temps, la visite du Musée ne fut possible qu’avec un conférencier ; durant 1h30, le conférencier retraçait l’histoire des avocats et des grands procès à travers les fonds exposés ; puis le public a pu se rendre librement au Musée. Les visiteurs ont majoritairement plébiscité les visites commentées, ce que nous avons pu constater lors des visites gratuites proposées dans le cadre d’événements culturels parisiens ou nationaux.
- Conférences : un cycle d’auditions a été créé en 2016 pour dynamiser le Musée. Le Conservateur du Musée reçoit lors d’un échange participatif sur un thème relatif à la justice des avocats, magistrats, journalistes et autres acteurs judiciaires ayant publié un ouvrage. Le Conservateur avait reçu pour la première audition l’auteur britannique Russell Edwards pour son ouvrage sur Jack l’éventreur. Il avait notamment présenté le célèbre châle ensanglanté de Jack. Parmi d’autres invités prestigieux, Thierry Lévy, Richard Malka, Dominique Simonnot, Georges Kiejman, Henri Leclerc, Michel Mary, Matthieu Delahousse, Jacques Pradel … Les auditions ont été captées en vidéo et sont actuellement disponible sur You tube et sur le site du Musée.
- expositions temporaires : la première exposition temporaire a eu lieu en 2016 et fut consacrée à Maurice Garçon, à l’occasion de la sortie du Journal 1939-1945 ; elle a été réalisée en partenariat avec la famille de Maurice Garçon, qui avait notamment prêté les cahiers de ce journal. Depuis, le Musée a conçu une exposition temporaire par an, exposant ainsi ses propres collections et celles d’autres institutions : les Grands procès ; Les Femmes et la Justice ; Pièces à Conviction ; les Avocats et la Grande Guerre ; L'Affaire : de Dreyfus à Zola. En l’absence temporaire de locaux d’expositions, le Musée a réalisé cette année une exposition itinérante sur panneaux sur les Clichés d’Audience.
- promenades thématiques : pour accompagner les visites de groupes, le Musée avec l’aide du conférencier a imaginé des parcours thématiques parisiens autour des avocats et de la Justice. Cinq promenades de deux heures étaient dans le programme (cimetières, quartiers centraux de la ville). Ces promenades faisaient écho à l’histoire du Barreau de Paris présentée au Musée.
- participation aux événements culturels parisiens et nationaux : Paris Polar, Paris Face Cachée, Avocat dans la cité, Journées du patrimoine, Nuit de la lecture, Nuit des musées, et destiné à un large public : scolaires, professionnels du droit et de justice, retraités, étudiants, curieux…. français et étranger. En 2019, il avait accueilli plus de 3000 visiteurs. Le public était ravi de découvrir ou redécouvrir l’histoire judiciaire française, à travers celle des avocats. Il était très enthousiaste de la richesse des collections présentées, et de la qualité des visites commentées truffées d’anecdotes.
11Le Barreau de Paris conserve le plus important fonds d’archives et de documents sur l’histoire des avocats français. En effet, plus de 2,5 km de documents sont conservés dans les collections, la plupart émanant de dons des avocats. Ce sont des collections privées concernant l’histoire des avocats et plus généralement celle de la Justice.
12Les collections de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris se composent :
- D’ouvrages allant des incunables (XVe) au XIXe siècle : plus de 12000 ouvrages imprimés, toute matières confondues (droit, arts, sciences naturelles, littérature etc.) dont 36 incunables ; nous conservons par exemple un exemplaire des Caprices de Goya du XVIIIe siècle, ou encore un livre d’heures à l’usage de Rouen avec des enluminures datant du XVe siècle.
- D’estampes, sculptures, dessins, peintures et objets mobiliers ; pour les peintures, le Musée a régulièrement exposé des tableaux originaux de Pierre de Belay, relatif à l’affaire Stavisky, ainsi que de nombreuses œuvres de Pierre Renouard, notamment sur l’affaire Dreyfus.
- D’un important fonds photographique (portrait d’avocats et procès ou affaires judiciaires) : procès de Dreyfus, Zola, Stavisky, Marie Besnard, Dominici, Pierrot-le-Fou...
- D’archives historiques (fonctionnement de l’Ordre, du Conseil, des services).
- De dossiers personnels de bâtonniers et d’avocats (plus de 17 000).
- D’un fonds d’archives d’avocats : dons des avocats à leur barreau de leurs archives concernant leurs activités, parmi lesquels Lucien Vidal Naquet, Philippe Lemaire, Jean Gallot.
13Environ 23 000 documents sont actuellement référencés, répartis en dessins, monnaies et médailles, périodiques, estampes, objets, sculptures, peintures et ouvrages anciens.
14De 1983 à 2020, une partie des collections étaient présentées de façon permanente au public. L’histoire des avocats et de la Justice était racontée sous forme d’accrochages et vitrines, à travers différents procès, et selon un plan chronologique : étaient ainsi exposés plusieurs documents sur les procès de Marie-Antoinette et Louis XVI ; le procès d’Alfred Dreyfus ; le procès d’Emile Zola ; le procès du Maréchal Ney ; Léon Gambetta ; les avocats de la République (Poincaré, Waldeck-Rousseau, Millerand, etc.) ; le procès Stavisky ; le procès du Maréchal Pétain ; le procès de Robert Brasillach ; le procès de Riom ; les avocats déportés durant la Seconde Guerre mondiale ; des robes de personnalités avocats au Barreau de Paris.
15Une exposition temporaire était organisée chaque année : Maurice Garçon, les femmes et la justice, Pièces à conviction, L’affaire Dreyfus, les avocats et la Grande Guerre…. réunissant des documents de nos collections ainsi que ceux d’institutions partenaires (Préfecture de Police, Bilipo, Bibliothèque Marguerite Durand…) et de collectionneurs privés.
16Un programme culturel était élaboré sous plusieurs formats : une audition mensuelle où étaient invités des auteurs sur une thématique judiciaire (débats + signature) ; des promenades sur la même thématique ainsi que des visites du Palais de justice complétaient la visite du Musée.
17En mars 2020, l’Ordre des Avocats de Paris a vendu l’immeuble de la rue du Jour qui abritait le Musée. Le Musée est depuis temporairement fermé et travaille activement à un projet de réinstallation de ses collections. Plusieurs lieux sont envisagés sur l’Ile de la Cité. Un projet de numérisation d’une partie des collections est également en cours de réalisation.
18Le Musée a aujourd’hui pour mission de conserver et de valoriser les collections patrimoniales de l’Ordre des Avocats de Paris, dans le but de perpétuer sa mémoire et son histoire.
19Cette valorisation se fait donc désormais au travers de publications historiques et scientifiques, de prêts à d’autres institutions, d’expositions physiques et virtuelles et de plusieurs manifestations culturelles.
20Depuis son ouverture, le Musée a mis en place une politique de partenariat et de prêts avec d’autres institutions culturelles et d’autres barreaux français, participant ainsi à plusieurs expositions ou manifestations culturelles : à titre d’exemple, fin 2016, le Musée a prêté les deux robes d’avocats de François Mitterrand et Raymond Poincaré au Barreau de Marseille pour l’exposition « La robe fait sa loi » (décembre 2016) ; en 2017, le Musée du barreau a prêté des œuvres à la Bilipo (Bibliothèque des littératures policières) pour l’exposition sur le magazine Détective fabrique de crimes (exposition présentée également dans les universités de Nîmes et de Montpellier) ainsi qu’au festival Paris Polar de la Mairie du 13e (tableaux de De Belay sur l’affaire Stavisky).
21Le Musée du Barreau a créé un site internet qui lui est propre www.museedubarreaudeparis.com, un site Mémoire des avocats www.memoire.avocatparis.org et est présent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram), donnant un aperçu de la richesse de ses collections.
22Le site du Musée est la vitrine de l’institution. Sa fonction est de présenter les richesses des collections muséales et d’informer le visiteur sur les offres proposées. Il est régulièrement mis à jour en fonction des événements organisés, des expositions temporaires et des projets. La fermeture des locaux a permis un développement plus approfondi de celui-ci, en proposant des contenus différents, dans l’objectif de faire découvrir et connaître le patrimoine de l’Ordre des Avocats.
23Initié en 2015, le site Mémoire a été créé lors des commémorations de la guerre de 1914-1918 pour rendre hommage aux 232 avocats parisiens morts pour la France. Il a été depuis étendu aux avocats ayant participé à ce conflit et aux procès historiques de la période : la valorisation des collections se fait par des articles illustrés de documents issus des archives et des fonds patrimoniaux. Un projet d’évolution de ce site vient d’être mis en ligne sur la période de la Seconde Guerre mondiale.
24Une réflexion sur la localisation du nouveau musée est actuellement menée, ainsi que sur la manière dont celui-ci pourra être agencé et scénographié. Ce musée aura pour objectif de présenter l’histoire des avocats parisiens, étroitement liée à l’Histoire de France, ainsi que l’histoire des institutions judiciaires à travers différents procès, médiatiques ou moins connus.
25Durant cette période transitoire, l’accent est mis sur une politique culturelle d’expositions itinérantes, de partenariat avec différentes institutions sur la thématique du monde judiciaire, et sur le virtuel. Pour 2023, le Musée reprend progressivement son cycle de conférences et propose notamment une exposition itinérante sur les clichés d’audience.
Références
Site officiel du Musée : https://www.museedubarreaudeparis.com/
Site Mémoire des Avocats parisiens : https://memoire.avocatparis.org/
![]() |
|
---|---|
Titre | Ancienne galerie du musée |
Crédits | © Ordre des avocats de Paris |
URL | http://journals.openedition.org/criminocorpus/docannexe/image/14694/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 68k |
![]() |
|
Titre | La variété des ressources du musée |
Crédits | © Ordre des avocats de Paris |
URL | http://journals.openedition.org/criminocorpus/docannexe/image/14694/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 227k |
![]() |
|
Titre | Le musée (2015) |
Crédits | © Ordre des avocats de Paris/Philippe Cluzeau |
URL | http://journals.openedition.org/criminocorpus/docannexe/image/14694/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 218k |
![]() |
|
Titre | Le site mémoire |
Crédits | © Ordre des avocats de Paris |
URL | http://journals.openedition.org/criminocorpus/docannexe/image/14694/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 213k |
Basile Ader et Cindy Geraci, « Le Musée du Barreau de Paris, histoire et avenir », Criminocorpus [En ligne], Sombre patrimoine, patrimoine sombre. Mémoires et histoires de justice, mis en ligne le 31 janvier 2024, consulté le 06 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/criminocorpus/14694 ; DOI : https://doi.org/10.4000/criminocorpus.14694
Haut de pageLe texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page