• 1 Joann Élart et Sophie Victorien, « Musique et justice : variations sur un thème donné », Criminocor (...)
• 2 Eliana Patrícia Branco, « Justice et Architecture : la relation entre accès au droit et architectur (...)
• 3 Michelle Lecolle, « Audience (lexique) », in Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critiq (...)

1En 2013, Sophie Victorien et Joann Élart dirigeaient pour la revue Criminocorpus un dossier consacré au rapport entre musique et justice1. Le présent dossier, s’il s’attache lui-aussi aux sons et aux voix, ne traitera que très peu de musique pour appréhender les enjeux acoustiques de l’espace judiciaire. Il trouve son origine dans une expérience fortuite, si ce n’est anecdotique : il a fallu qu’un jour de juin 2021, un spécialiste d’histoire culturelle de la musique assiste à un procès et en ressorte frappé par les lacunes auditives de son expérience. À la proclamation du verdict, la voix mate et basse de la présidente s’était perdue dans un prétoire à l’acoustique incertaine. Justice avait été rendue mais en toute inintelligibilité, à tel titre que les familles des victimes et des accusés avaient dû s’en faire expliquer le contenu par leurs conseils respectifs… dans un couloir. Les limites concrètes et techniques du lieu ôtaient ainsi à la justice une partie de sa fonction démocratique, déniaient à l’auditoire le droit de percevoir le verdict, à défaut de pouvoir l’écouter et le comprendre tout à fait. Le son non-maîtrisé, insuffisamment pensé, constituait alors un obstacle à l’accès des citoyens à la justice2. Pourtant, dans sa dimension publique comme dans son vocabulaire-même, la justice est intrinsèquement marquée par le sonore : le silence exigé avant l’entrée de la Cour ; l’audience au cours de laquelle les magistrats écoutent les experts et les témoins, les plaignants, les accusés et leurs conseils ; l’auditoire, cette partie de la salle où s’installe un public silencieux (et parfois sourd). L’étymologie appuie ce constat initial. Comme « l’audience », dont la racine latine audire signifie « entendre », « écouter » et même, par extension, « comprendre », toute une série de termes dérivés se rapportent aux actions et aux espaces de la justice : audition, auditeur, auditoire3…

• 4 Juliette Volcler, Le son comme arme. Les usages policiers et militaires du son, Paris, La Découvert (...)
• 5 Les condamnations à mort ont excédé les 1500 entre 1954 et 1962, dont 222 ont été suivies d’exécuti (...)
• 6 Robert Badinter, L’exécution, Paris, Les Bibliophiles du Palais, 2020, p. 134.

2Pour autant, si le moment des audiences est crucial au regard de la dimension sonore de l’activité de la justice, s’interroger sur toute la chaîne du travail judiciaire fait sens, en amont comme en aval des procès. L’appel à contribution lancé pour ce dossier invitait à prendre en compte l’ensemble des étapes des procédures, depuis l’arrestation jusqu’à l’application des peines le cas échéant, tour à tour dans le fourgon de police, les locaux de la garde à vue ou encore les cellules des prisons. Il s’agissait de tenter de saisir, dans ces contextes et lieux variés, les environnements sonores, sources potentielles de traces qui peuvent elles aussi être restituées – il en est ainsi de certaines pratiques de torture4 ou des exécutions des peines capitales quand elles ont lieu dans les cours des prisons et non en place publique. Dans le cas bien documenté de la guerre d’indépendance algérienne, par exemple, les exécutions se déroulaient à l’abri du regard des détenus et plus particulièrement des condamnés à mort qui dans la pénombre de leur cellule en guettaient les bruits annonciateurs5. La mémoire des exécutions en ce cas est d’abord une mémoire auditive. Les avocats, convoqués pour accompagner leur client, les perçoivent également parfois ainsi. Robert Badinter rend compte des seules exécutions auxquelles il a assisté, celles de Buffet et Bontems, en 1972, par « le claquement sec de la lame sur le butoir6 ». Il s’était détourné.

• 7 Trevor Pinch et Karin Bijsterveld (ed.), The Oxford handbook of sound studies, New York, Oxford Uni (...)
• 8 Michael Bull et Les Back (éd), The Auditory Culture Reader. Oxford, Berg Publishers, 2003.
• 9 Christian Delage, « L'image comme preuve. L'expérience du procès de Nuremberg », Vingtième Siècle. (...)

3Le passage par l’exemple et la perception sensible soutient l’argument de cette proposition heuristique – au moins dans un premiers temps, afin que chacun imagine les délinaisons possibles de l’idée et en mesure la portée. Scientifiquement, « écouter la justice » implique de croiser l’histoire du droit et de la justice avec les sound studies7 et l’histoire aurale ou auditive8. S’attacher, en effet, à une histoire de la justice par l’écoute implique de circonscrire des corpus, d’en déterminer la spécificité et d’en préciser les méthodes d’analyse. Les chercheuses et chercheurs doivent interroger les caractéristiques propres des enregistrements sonores (contexte et conditions techniques d’enregistrement, processus de conservation, de diffusion, de médiatisation, etc.). Il en va de l’autonomisation du son comme objet de recherche, dans un contexte où l’historiographie de la justice s’est d’abord emparée de l’audiovisuel. Les acquis en la matière sont d’autant plus précieux qu’ils forment une épistémologie à réinvestir. Aussi cette introduction propose-t-elle d’adapter au son la notion de « prérogative herméneutique9 », élaborée pour l’image par Christian Delage. Dans cette perspective, outre qu’elle reviendra sur le dossier et ses contenus, elle développera les méthodologies et notions propres aux études sonores qu’il semble pertinent de mobiliser dans le cas des activités judiciaires.

• 10 Mark M. Smith (éd.), Hearing history: a reader, Athens, University of Georgia Press, 2004.
• 11 Daniel Morat, « Zur Geschichte des Hörens. Ein Forschungsbericht », in Archiv für Sozialgeschichte, (...)
• 12 Michel Chion, Le promeneur écoutant. Essais d’acoulogie, Paris, Éditions Plume, coll.« Collection E (...)
• 13 Pascale Goetschel et Christophe Granger, « Saisir la dimension sonore des sociétés », Sociétés & Re (...)
• 14 Martin Kaltenecker (dir.), L’écoute : de l’Antiquité au XIXe siècle : une anthologie, Paris, Philha (...)

4En 2004, l’historien américain Mark M. Smith10 circonscrivait le périmètre d’une histoire du son et de l’écoute aux dénominations jusque-là variables : « histoire aurale » si l’on accepte la traduction littérale de l’anglais aural history ou « histoire de l’audition » (Geschichte des Hörens dans l’historiographie germanophone11). Avant lui, Michel Chion avait emprunté au compositeur et ingénieur Pierre Schaeffer le néologisme d’« acoulogie » pour désigner « la discipline qui s’occupe en mots rigoureux des sons ». Le terme marquait une distanciation critique vis-à-vis de l’acoustique (qui s’attache moins à l’écoute qu’au phénomène ondulatoire lui-même) et de la « mal-nommée psycho-acoustique (où il est moins question du psychisme que d’étudier certaines corrélations entre des stimulus physiques et des sensations sonores isolées, sans s’interroger sur le bien-fondé de ce qu’on appelle “son” au niveau auditif) ». Rompant avec les causalités par trop évidentes « entre stimulus et sensation, cause et effet, objet et sujet12 », Michel Chion invitait à appréhender les phénomènes acoustiques comme des construits complexes et à dénaturaliser l’écoute. Son positionnement répond aux exigences d’une analyse historique des phénomènes acoustiques et de leur compréhension sociale. L’approche historienne revient en effet à affirmer, avec Pascale Goetschel et Christophe Granger, que « les manifestations sonores et les conduites auditives qui les constituent comme telles ne font qu’un13 ». La musicologie partage ce souci d’historicisation. La somme récemment parue sous la direction de Martin Kaltenecker, brossant un impressionnant panorama diachronique courant de l’Antiquité gréco-latine au XIX^e siècle occidental, établit notamment une « typologie des cadres et attitudes de l’écoute » (Vasco Zara)14. Dans une dimension beaucoup plus modeste, la proposition d’ « écouter la justice » s’inscrit dans cette nécessaire méthodologie critique.

• 15 James E. K. Parker, Acoustic jurisprudence: listening to the trial of Simon Bikindi, Oxford, Oxford (...)

5La proposition n’intervient pas cependant en terrain vierge. Depuis les années 1990, le champ interdisciplinaire des études sonores a appréhendé les phénomènes acoustiques dans les procédures judiciaires en croisant les dimensions sociales, culturelles et politique des procès avec les aspects techniques (architecture et design sonore, dispositifs de sonorisation) et juridiques (normes, réglementations). Le juriste australien James Parker, dont les travaux ont constitué un jalon important, a ainsi forgé l’expression de « jurisprudence acoustique15 ». Parker analyse en effet la grande complexité des pratiques et des représentations judiciaires liées aux phénomènes acoustiques tout en postulant que l’étude acoustique d’un fait judiciaire impose une contextualisation stricte, les généralisations abusives renforçant les effets d’essentialisation :

• 17 Arlette Farge, Essai pour une histoire des voix au dix-huitième siècle, Paris, Bayard, coll. « Hist (...)
• 18 Romain Telliez, « À cor et à cri. Le paysage sonore de la justice, en France à la fin du Moyen Âge  (...)

6Il existe par conséquent une littérature scientifique consacrée au rapport entre justice et acoustique mais elle est surtout anglo-saxonne et l’œuvre de juristes ou d’anthropologues ; et quand l’historiographie de la justice s’est approprié ces enjeux, l’histoire contemporaine reste en retrait. L’enquête plonge dans le temps long avec Arlette Farge17 qui interroge la place de la voix dans l’acte de justice à l’époque moderne ou avec Romain Telliez, qui analyse le panel acoustique (cris, proclamation, sonnerie de trompe, murmures et rumeurs) de la justice du bas Moyen Âge d’Europe occidentale18. De ce point de vue, l’ancrage de ce dossier dans le contemporain, s’il peut être perçu comme un déséquilibre dans la mesure où l’appel n’était pas limité chronologiquement, marque peut-être un mouvement.

• 19 Emily Thompson, The Soundscape of Modernity. Architectural Acoustics and the Culture of Listening i (...)
• 20 Francesca Gaiba, The Origins of Simultaneous Interpretation. The Nuremberg Trial, Ottawa, Universit (...)
• 21 Fabien Gelinas, Clément Camion, Karine Bates, « Forme et légitimité de la justice – Regard sur le r (...)
• 22 Aurore Juvenelle, « Le microphone dans la balance : espaces et enjeux sonores des procès historique (...)

7Enfin, ce dossier se réclame d’une histoire des techniques et de leurs appropriations. En effet, l’historienne américaine Emily Thomson, étudiant la modernité sonore des métropoles américaines dans les années 1920, a mis en évidence l’émergence croisée d’un savoir technique sur la conception d’architecture sonorisée et de nouvelles cultures de l’écoute liées à l’émergence de la radiophonie, au développement de l’enregistrement industrialisé et d’innovations tel que le microphone par exemple19. Les pratiques d’écoute ont également retenu l’attention du musicologue canadien Jonathan Stern qui invite, pour le tournant des XIX^e et XX^e siècles, à analyser de manière synergique l’auditeur et son environnement acoustique. De fait, l’évolution des cultures de l’écoute et des rapports qu’une société entretien avec son environnement acoustique est facteur de l’évolution des techniques de production et de diffusion du son. Dans le contexte judiciaire, cette attention aux techniques a conduit Francesca Gaiba à s’intéresser au développement de systèmes de traduction simultanée dans les années 1920-1930 (le BM Hushaphone Filene-Finley breveté en 1926 par IBM ou un système comparable mis au point par la firme Siemens & Halske au début des années 1930). Ces systèmes ont eu une incidence significative sur le déroulement des procès de Nuremberg entre novembre 1945 et octobre 194620. Leur usage s’inscrit dans le contexte d’une mutation profonde des régimes acoustiques, avec le développement d'une écoute domestique voire individualisée par le truchement du gramophone puis du poste radiophonique. L’espace acoustique du prétoire, espace collectif, doit ainsi être appréhendé comme accueillant un ensemble de dispositif de diffusion de la parole des différents acteurs par le truchement des dispositifs d'enregistrement mais surtout par l’usage des casques individualisant une écoute spécifique et adaptée à la langue des parties. L’intervention de la technique et des câblages au sein du prétoire, opérant une intrusion des dispositifs de traduction ou d’enregistrement des séances, redéfinissent en profondeur les pratiques oratoires comme les rituels propres ou les rendus de la justice. Doit-on y voir une désacralisation du prétoire, une bureaucratisation, une technicisation de la justice21 ? Cela induit quoi qu’il en soit de nouvelles pratiques rhétoriques, de nouvelles manières de placer sa voix, de nouvelles pratiques d’écoute et de concentration. Appliqué au champ judiciaire cette méthodologie conduit à analyser les influences réciproques entre des innovations techniques et des besoins exprimés par les institutions judiciaires confrontées à des problèmes spécifiques et conjoncturel. Dans ce dossier, l’article d’Aurore Juvenelle22 en offre une excellente démonstration.

• 23 L’article de Gaïd Andro et Fanny Le Bonhomme traite d’une émission de radio vouée aux relations ent (...)
• 24 Le procès de Rivonia, dont Henri Chamoux et Quentin Geffroy ont restauré les enregistrements, s’est (...)

8Alors que l’appel à contribution était ouvert a priori à toute la chaîne de l’activité judiciaire, le dossier s’est recentré sur la phase du procès, à une exception près23. La théâtralité, la publicité et l’oralité des audiences l’expliquent. Ces traits marquants caractérisent les procès, quelle que soit la procédure suivie : accusatoire en pays de common law comme en Afrique du sud ou inquisitoire dans le cas français24. Ces traits sont en outre renforcés en matière criminelle et plus encore quand les affaires sont politiques, en raison de la dramaturgie intrinsèque que revêtent alors les débats et le jugement – de ce fait et de façon ordinaire en histoire de la justice, ce dossier surinvestit le procès pénal et/ou politique. Si le procès se prête mieux que toute autre phase de la procédure à une histoire de la justice contemporaine prenant les sons pour objet, la rareté d’une telle approche dans l’historiographie apparaît d’autant plus comme une curieuse anomalie.

• 25 L’évolution, que retrace une historiographie foisonnante, est résumée en ces termes par Jacques Com (...)
• 26 La nouvelle architecture judiciaire : des palais de justice modernes pour une nouvelle image de la (...)

9La théâtralité de la justice tient d’abord en ses lieux mais l’historiographie de l’architecture judiciaire n’a pas particulièrement pris en charge la dimension acoustique des salles d’audience. Elle s’intéresse aux Palais de justice d’abord pour ce qu’ils représentent symboliquement, tant par leur monumentalité que par leur insertion dans le tissu urbain. Dans le cas français, le mouvement décrit passe d’une « justice de majesté », avec des Palais sur le modèle du temple à colonnes représentant une fonction d’autorité, à une « justice de proximité » définie par sa fonction de régulation sociale25 ; le tout sans abandonner la solennité qui sied à l’institution ni rompre avec la notion de Palais quoique de nouveaux genres. Le programme de construction et de rénovation lancé par le ministère dans les années 1990 aboutit ainsi en 2002 à un premier bilan insistant sur la fonctionnalité des bâtiments notamment du point de vue de l’accueil des publics (y compris à mobilité réduite) et des conditions de travail des professionnels du droit. La recherche de la lumière, dont témoigne l’usage du verre, traduirait quant à elle un souci de transparence. Bien que figurant dans la liste des caractéristiques techniques énumérées par le ministère, l’acoustique paraît secondaire si ce n’est marginalisée dans le bilan publié en 2002. Tout au plus l’« acoustique remarquable26 » du Palais de Justice d’Aix-en-Provence est-elle mentionnée. Signe au contraire d’une minoration de cet enjeu, la sonorisation de la toute nouvelle cour d’assises de Caen, à la date du bilan, s’est avérée défaillante et a dû être repensée.

• 27 Antoine Garapon, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, Paris, Odile Jacob, 2010, chapitre 6.
• 28 Émeline Seignobos, La parole judiciaire. Mises en scène théoriques et représentations télévisuelles(...)
• 29 En référence au philosophe John Austin, Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil, 2010 (pour la premiè (...)

10La théâtralisation de la justice tient ensuite dans le rôle que jouent l’éloquence et la rhétorique au sein des débats. Antoine Garapon n’hésite pas à qualifier de « très profond voire consubstantiel » le lien entre justice et parole, auquel il voue un chapitre dans son Essai sur le rituel judiciaire. Il y relève en particulier l’importance des silences et de la tonalité des voix, le rôle du micro que maîtrise le président, la puissance des mots ou encore la ritualisation qu’assurent les formules consacrées scandant le déroulement des audiences. Très général, le chapitre ne mobilise pas d’exemples concrets. Il propose plutôt un récit standardisé de l’expérience d’audition d’un procès, telle que le co-auteur de ce dossier l’a vécue, d’ailleurs, en 202127. C’est que la « parole judiciaire », insiste Émeline Seignobos dans sa thèse, est « mort-née », « condamnée au silence, refoulée aux portes de la postérité »28. « Verba volant, scripta manent », rappelle-t-elle, pour justifier son lent et patient travail de reconstitution de la parole à l’aide de comptes rendus écrits et d’enregistrements audiovisuels, ainsi que de sources médiatiques (télévisuelles, en particulier). S’il lui a permis d’être tout particulièrement attentive aux contenus (et de conclure à une décadence de la rhétorique judiciaire), un tel corpus ne se prête pas à une analyse proprement acoustique de la parole judiciaire, tenant compte – par exemple – de ses tonalités, ses rythmes et ses résonnances ou interrogeant l’existence de stratégies spécifiquement orales des locuteurs. Cette limite est d’autant plus dommageable que la parole judiciaire est appréhendée de façon habituelle dans l’historiographie comme une « parole performative29 ». Toutes ses dimensions, y compris formelles relevant de l’acoustique, gagneraient à être connues.

• 30 Sur la figure de l’avocat militant, voir le numéro spécial du Mouvement Social dirigé par Liora Isr (...)
• 31 « Maître François Gibault : réflexions sur une expérience des procès politiques depuis 1962 », prop (...)
• 32 Liora Israël, À la gauche du droit. Mobilisations politiques du droit et de la justice en France (1 (...)
• 33 Marie Houllemare, « Un avocat parisien entre art oratoire et promotion de soi (fin XVI^e siècle) », (...)
• 34 Au sein d’une vaste littérature, voir la rapide mise au point de Denis Salas en postface de la rééd (...)
• 35 Frédéric Chauvaud et Pierre Prétou (dir.), Clameur publique et émotions judiciaires, Rennes, Presse (...)
• 36 Les Cahiers de la Justice en livrent un bon aperçu dans les deux dossiers relatifs à ces procès : L (...)
• 37 Christian Licoppe, Maud Verdier, Clair-Antoine Veyrier, « L’interprète au centre du prétoire ? Voix (...)
• 38 « "Écouter le procès de Rivonia". Entretien sur le travail de restauration des archives » : https:/ (...)

11Les perspectives ouvertes par la proposition d’une histoire sonore de la justice sont aussi vastes que les domaines dans lesquels elle serait susceptible d’être mise en œuvre. Ainsi, en dépit de l’importance de l’art oratoire dans l’exercice de la défense, la construction du modèle de l’avocat militant n’en a finalement que peu tenu compte30. Si Jacques Vergès incarne ce modèle, avec sa formalisation de la défense de rupture en 1968, il n’aurait pas été « un immense orateur31 », contrairement à Jacques Isorni ou Jean-Louis Tixier Vignancour, à en croire François Gibault, l’un de leurs confrères plaidant pour l’extension, à droite, des analyses s’intéressant à la défense politique ancrée à gauche32. La véracité de l’affirmation compte moins que ce qu’elle révèle de l’impensé de la dimension sonore des façons d’être un avocat militant. Au-delà de ces avocats, la notion d’art oratoire33 pourrait être revue. Dans le même esprit, qu’apprendrait une histoire sonore de l’émergence de la voix des victimes, repérée dans l’historiographie comme un phénomène majeur des audiences pénales depuis une trentaine d’années34 ? Qu’apprendrait-elle des émotions qui, après de premières explorations hors des enceintes judiciaires, y trouvent désormais toute leur place35 ? Voix des victimes et émotions ont ainsi fait partie intégrante des travaux les plus récents portant sur les procès des attentats de 201536. Enfin, l’analyse les interventions des interprètes pourrait être elle aussi renouvelée, alors que, dans ces procédures, le temps de la justice et les dispositifs (de traduction, de sonorisation, de diffusion de la parole des acteurs) sont spécifiquement adaptés37. Le recouvrement des voix des témoins par celles des interprètes a été l’un des constats de la restauration des enregistrements du procès de Rivonia que relatent Henri Chamoux et Quentin Geffroy38. On le voit, la question du son appliquée aux prétoires conduit à s’attacher aux usages de la voix au sein des procédures judiciaires. Plus encore, c’est le statut même de la voix qui se fait sujet d’étude, dans le temps et l’espace du procès.

• 39 Christian Delage, Filmer, juger. De la Seconde Guerre mondiale à l’invasion de l’Ukraine, Paris, Ga (...)
• 40 Nathalie Le Bouëdec, « « On ne devrait exiger de personne de parler dans un micro ». Les débats aut (...)
• 41 Martine Sin Blima-Barru, « Le son dans les procès filmés en France », Criminocorpus [En ligne], Éco (...)

12Le projet d’une histoire sonore de la justice est soumis à l’existence d’enregistrements se prêtant spécifiquement à une exploitation du point de vue du son, ce qui pose la question de la captation et de ses effets sur les contenus à disposition. Là encore, l’historiographie relative à l’audiovisuel offre un précédent précieux. Si filmer permet en effet de voir et de montrer, les choix opèrent simultanément une invisibilisation du hors champ de la ou des caméras. Comme l’explicite Christian Delage : « …ce que l’on peut voir personnellement dans le tribunal, grâce à la plasticité de l’œil et la liberté de poser son regard à sa convenance, [est] beaucoup plus ouvert que ce la caméra [fixe] de son objectif »39. De ce fait, l’historiographie de l’audiovisuel a dépassé l’objectif premier d’enregistrer à des fins de conservation pour se réorienter vers l’appréhension de l’acte de filmer en lui-même, ses enjeux, ses usages, ses contraintes, ses limites mais aussi bien sûr tout son potentiel d’analyses en propre. Il en va de même pour le son. La connaissance des dispositifs n’est pas qu’un préalable indispensable à l’analyse des contenus captés ; les dispositifs – y compris dans leur dimension réglementaire, tel que le proposent Nathalie Le Bouëdec40 et Martine Sin-Blima Barru41 - sont en eux-mêmes à investiguer.

• 42 Jean Danet en fait état dans son entretien avec Les Cahiers de la Justice : « Vers une nouvelle ora (...)
• 43 Laurence Dumoulin et Christian Licoppe, Justice et visioconférence : les audiences à distance. Genè (...)
• 44 Antoine Garapon et Jean Lassègue, Justice digitale : révolution graphique et rupture anthropologiqu (...)
• 45 Antoine Garapon et Jean Lassègue, Justice digitale, op. cit., p. 176.

13L’historiographie relative aux usages du numérique lors des audiences a également souligné avec force à quel point le procès est une expérience corporelle et sensorielle totale, que la technique est impuissante à rendre. Comme l’audiovisuel, la visio-conférence a en effet été réglementée par une loi de 2001 plusieurs fois amendée42. Dès 2009 – et donc bien avant la pandémie qui généralisé le recours à la visio-conférence – un rapport commandé par la mission de recherche du ministère de la Justice a proposé un bilan des usages de cette technique et de ses conséquences pour les audiences43. Si le caractère pratique de la visio-conférence n’est pas nié et explique son succès, l’appauvrissement de l’expérience du procès est consensuellement dénoncé. Antoine Garapon et Jean Lassègue ont ainsi longuement analysé la principale rupture que crée la visio-conférence : la dissociation de l’espace-temps, l’espace de la visio se situant hors du tribunal, l’écran perturbant en outre l’ordonnancement de la scène judiciaire – le témoin en visio n’est pas à la barre alors que celle-ci, en position centrale, à équidistance des parties en présence, face aux juges, structure spatialement les audiences. En outre, écrivent-ils, et renforçant en cela la remarque de Christian Delage sur l’incommensurabilité d’une captation par l’œil d’un procès, la visio-conférence interdit « la corporéité partagée44 ». « Un juge ne réagit pas de la même façon à la lecture d’un rapport ou à l’audition d’une témoin qu’au visionnage d’une vidéo », expliquent-ils encore45.

• 46 R. Murray Schafer, The Tuning of the World. A pioneering exploration into the past history and pres (...)
• 47 Daniel Deshays, « Le paysage sonore, une congélation du vivant ? », in Jean Mottet (dir.), La forêt (...)
• 48 Alain Corbin, Les cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIX(...)

14Cette pluralité des réalités audibles (ou inaudibles) et cette complexité des phénomènes acoustiques, conduisent à interroger l’efficience de la notion pourtant très usitée de « soundscape » ou « paysage sonore ». À compter des années 1990, historiennes et historiens se la sont appropriée, tout en s’en distanciant toutefois. Popularisée par le compositeur et écologue canadien Raymond Murray Schafer à la fin des années 197046, la notion a été initialement forgée dans le cadre du World Soundscape Project, mené par Schafer à l’université Simon Fraser de Vancouver dans les années 1960, visant à la fois à initier les individus à une écoute critique et active de leur environnement acoustique et à collecter les sons dits « naturels » et anthropiques (ces derniers relevant, pour une large part selon l’auteur, d’un appauvrissement de la qualité du signal sonore voire de nuisances). La méthodologie de l’écoute élaborée par Schafer, si elle a constitué un jalon décisif dans la constitution des études sonores, a notamment été critiquée pour sa dimension fixiste (peu encline à analyser des phénomènes sociaux complexes et évolutifs – Daniel Deshays évoque ainsi une « congélation du vivant47 »). Aussi, dès les travaux d’Alain Corbin48, si l’on réemploie l’expression, l’étude historienne des « paysages sonores » s’inscrit bien dans une enquête s’attachant à restituer la complexité sociale, culturelle, politique de la production, des perceptions et des modalités d’appropriation des phénomènes acoustiques, cherchant à les documenter à partir d’archives muettes (c’est-à-dire, pour l’essentiel, scripturales, iconographiques ou d’archives-objets) avant l’invention et de développement de l’enregistrement sonore à partir des années 1880. Si elle « sonne » bien, l’expression de « paysage sonore » ne désigne donc que très imparfaitement les démarches scientifiques qui s’en réclament.

• 49 Bruce Bégout, Le concept d’ambiance, Paris, Seuil, 2020.
• 50 Adrien Pitor, « Une justice froide ? L’ambiance thermique dans le palais de justice de Paris au XVI (...)
• 51 Olivier Balaÿ, « L’ambiance comme objet historique », in Robert Beck, Ulrike Krampl et Emmanuelle R (...)

15En cela, la notion d’ « ambiance » peut s’avérer utile. Appréhendée par le philosophe Bruce Bégout comme une « tonalité affective » qui traduirait une « communion intense et provisoire » entre un individu et son environnement perçu et vécu49, la notion a été mobilisée par les historiens de la justice. Encore faut-il pouvoir, à des fins d’objectivation et d’historicisation, définir les critères qui permettraient de circonscrire et d’analyser l’ « ambiance ». Le son n’en est qu’un aspect. L’historien Adrien Pitor s’est ainsi attaché aux températures et à la sensation de froid en particulier dans le palais de justice de Paris au XVIII^e siècle. Croisant les apports de l’histoire des sensibilités, de l’histoire du climat et de l’évolution de l’architecture des bâtiments (soumise à des arbitrages relatifs aux hiérarchies et aux fonctions des différents espaces, à des enjeux de chauffage et de confort mais également de sécurité contre le risque d’incendies), il s’est employé à restituer « l’ambiance des lieux » envisageant « un paysage thermique fait non seulement de sons – le crépitement du bois, les embrasements – mais aussi d’impressions visuelles et olfactives telles que le spectacle du vacillement des flammes ou l’odeur de fumée50 ». L’architecte et urbaniste Olivier Balaÿ, qui s’est par ailleurs intéressé aux espaces sonores des villes françaises du XIX^e siècles51, souligne quant à lui la pertinence de la notion d’ambiance pour analyser les espaces des palais de justice contemporains, les indices acoustiques étant alors intégrés à d’autres paramètres :

• 53 Neil Mackenzie, Yong-Keat Lee, Bill Dawson, Magaesh Naidu, “Acoustic design aspects of the Brisbane (...)
• 54 Kirsty Duncanson, Emma Henderson (ed.), Courthouse Architecture, Design and Social Justice, New Yor (...)
• 55 Le dossier « Territoires et lieux de justice » publié dans la revue Histoire de la justice en 2011 (...)

16On le constate, les approches pluridisciplinaires et la démultiplications des focales d’analyse s’imposent ici, permettant d’aborder par le biais d’études de cas53 ou d’approches plus globales54 la place du sonore – pour elle-même ou croisées aux autres modes de perception – dans l’architecture judiciaire55.

• 56 Juliette Volcler, Le son comme arme. Les usages policiers et militaires du son, op. cit. ; Juliette (...)
• 57 Victor A. Stoichita, « Musicopathies », Terrain, 68 | 2017, p. 4-25. [En ligne] URL : http://journa (...)
• 58 Suzanne G. Cusick, « « Vous êtes dans un lieu hors du monde... » : la musique dans les centres de d (...)
• 59 Katie Hemsworth, “ ‘Feeling the range’: Emotional geographies of sound in prisons”, In Emotion, Spa (...)
• 60 Tom Rice, “Sounds inside: Prison, Prisoners and Acoustical Agency”, in Sound Studies, 2 (1), 2016, (...)
• 61 Gaïd Andro et Fanny Le Bonhomme, « “94° à l'ombre” (Rennes - années 1990-2000). Le lien sonore par- (...)

17Enfin, la notion d’« ambiance » permet d’inclure le rapport à la nuisance acoustique, un rapport culturel (donc évolutif). De la sorte la recherche peut quitter les prétoires pour gagner les lieux de détention. Juliette Volcler56 s’est attaché à l’usage du son et de la musique à des fins de contrôle ou de répression en milieu carcéral. L’anthropologue Victor A. Stoichita57 a de son côté souligné le caractère variable, en fonction des contextes sociaux et culturels, de l’incidence de la musique sur les corps et sur la santé. Pour documenter son analyse des usages de la musique dans les centres de détention américains dans le contexte de la « Global War on Terror » menée par l’administration George W. Bush, l’historienne de la musique Suzanne G. Cusick58 s’est appuyée sur un corpus de sources croisant documents militaires déclassifiés et témoignages d’acteurs (agents responsables des interrogatoires comme anciens détenus) dans les prisons secrètes de la Central Intelligence Agency (également appelées black sites ou dark prisons) ainsi que dans plusieurs sites en Irak, en Afghanistan et à Cuba. Les travaux de la géographe canadienne Katie Hemsworth59 et de l’anthropologue britannique Tom Rice60, fondés sur des études de cas d’incarcération croisant récits de premières mains et analyse des infrastructures pénitentiaires, mettent eux-aussi en lumière la complexité et la polysémie de ces environnements acoustiques carcéraux. Tout en analysant les dispositifs de contrôle par le son ou les effets de désorientation, voire de désocialisation induits par les biais acoustiques des bâtiments (Hemsworth s’attache en particulier à la réverbération dans les espaces collectifs), tous deux étudient les pratiques acoustiques des détenus, l’usage de la musique comme consolation ou stimulation et le développement de type d’écoutes spécifiques (protection contre le bruit ambiant par le refuge dans des zones calmes, communication entre détenus « malgré » les systèmes de surveillance). En d’autres termes, pour reprendre l’expression de Tom Rice, les détenus déploient une « acoustic Agency » (ou capacité d’action acoustique) permettant d’envisager les univers carcéraux dans leurs dimensions acoustiques au-delà des seules logiques de contraintes. Dans ce dossier, la contribution que Gaïd Andro et Fanny Le Bonhomme61 consacrent à l’émission de radio locale animée par l’antenne rennaise de l’association GENEPI contribue à documenter l’expérience carcérale par le lien sonore qui relie les détenus à leurs familles.

• 62 Martine Sin Blima-Barru, « Le son dans les procès filmés en France », Criminocorpus [En ligne], Éco (...)
• 63 Aurore Juvenelle, « Le microphone dans la balance : espaces et enjeux sonores des procès historique (...)

18Un constat s’impose, pour finir : le dossier documente très largement la production d’archives et avec elle, la réglementation afférente et les conditions de conservation. C’est tout le sens des articles de Martine Sin Blima-Barru62, conservatrice du Patrimoine, et d’Aurore Juvenelle63, archiviste. Toutes deux interrogent et renseignent la production d’archives sonores au moment des procès des attentats terroristes en France entre 2021 et 2024, nourrissant cette réflexion sur l’histoire acoustique de la justice par les retours de terrain et les analyses de pratiques de celles et ceux qui en produisent les documents.

• 64 Martine Sin Blima-Barru, « Le son dans les procès filmés en France », Criminocorpus [En ligne], Éco (...)
• 65 Charles Jolibois, Rapport, Sénat, n° 385, séance du 19 juin 1985, p.15.
• 66 Nadège Ragaru, « Voir, écouter, lire les procès à l’Est de l’Europe. Un nouveau chantier historiogr (...)
• 67 Nathalie Le Bouëdec, « « On ne devrait exiger de personne de parler dans un micro ». Les débats aut (...)
• 68 Sylvia Nannyonga-Tamusuza, Andrew N. Weintraub, “The Audible Future: Reimagining the Role of Sound (...)

19En amont du processus, la réglementation fixe un cadre à connaître. En France, comme le rappelle Martine Sin Blima-Barru64, les archives audiovisuelles de la justice occupent une place à part dans le Code du patrimoine La période couvrant les débats précédant l’adoption de la loi du 3 janvier 1979 et ceux qui aboutissent à la loi du 11 juillet 1985 a permis – dans un contexte où les sources orales étaient réintégrées au corpus des historiens – de discuter des enjeux et les problèmes posés par la constitution d’archives audiovisuelles de la justice en France. La loi française ne prévoit d’enregistrements sonores (ou plus largement audiovisuels) que si l’intérêt historique du procès est établi et si ce dernier est appelé à « faire date », comme l’indique le rapport Jolibois65. Dans d’autres contextes, les législations encadrent différemment la production d’archives acoustiques de la justice. À titre d’exemple, dans un numéro récent des Cahiers du monde russe intitulé « Écritures visuelles, sonores et textuelles de la justice. Une autre histoire des procès à l’Est », l’historienne et politiste Nadège Ragaru propose une série d’études sur les usages des images et du son dans les États communistes, entre les années 1920 et 196066. Ce dossier – à travers le texte de Nathalie Le Bouëdec67 – contribue à cette approche comparée et diachronique des législations relatives au recours aux sources sonores dans les procès68.

• 69 “Archives of the Nuremberg International Military Tribunal”, United States Holocaust Memorial Museu (...)
• 70 « "Écouter le procès de Rivonia". Entretien sur le travail de restauration des archives » : https:/ (...)

20Du point de vue de l’archivage et de la conservation, l’heure est aux questions posées par la numérisation de documents sonores des grands procès. En 2021, les quelques 775 heures d’audience, gravées sur 1942 disques gramophones des procès de Nuremberg numérisées par une société privée, Gecko, dans le cadre d’un partenariat entre l’USHMM à Washington et le Mémorial de la Shoah à Paris ont été mis en ligne et sont désormais accessibles69. Quelques années auparavant, dans le cadre d’un accord de coopération (décembre 2013), l’expertise de l’INA a été mise au service de la sauvegarde de près de 250 heures enregistrées sur « dictabelts » lors du procès de Rivonia (1963-1964), traduisant des membres de l’ANC, dont Nelson Mandela, devant la Haute Cour du Transvaal à Prétoria. Le long entretien que Henri Chamoux et Quentin Geffroy70 ont accordé aux directeurs de ce dossier constitue, par lui-même, un document sur ce processus de conservation et d’archivage, en même temps qu’il permet à deux spécialistes du sonore d’analyser leurs propres pratiques et la portée de leur action sur le document-source mis à disposition de l’histoire.

• 71 Voir la liste des procès dressée par Martine Sin Blima-Barru : « Focus : Les archives audiovisuelle (...)

21La place qu’occupent ces questions dans le dossier s’explique. Réglementer, enregistrer, archiver sont en effet des conditions nécessaires à l’expansion d’un champ dans la discipline historique, soit au préalable, soit en parallèle, en accompagnement du développement de la recherche. Si les perspectives d’une histoire sonore de la justice semblent pouvoir être démultipliées, surtout qu’elles bénéficient de méthodologies et de notions éprouvées, à date, « écouter la justice » reste un champ scientifique en cours d’investigation. Puisse ce dossier n’être qu’un premier jalon et susciter, au moins dans un premier temps, un intérêt renouvelé pour les fonds d’ores et déjà conservés aux Archives Nationales71.