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Présentation

Interroger le droit et son historiographie au prisme du genre

Prune Decoux et Hélène Duffuler-Vialle
Traduction(s) :
The Study of Law And Its Historiography From A Gender Perspective [en]

Résumés

Exceptées de rares initiatives, la rencontre entre l’histoire du droit et les études de genre est restée encore marginale. C’est pour combler le vide historiographique et fédérer chercheurs et chercheuses que le projet ANR-HLJPGenre a été conçu : destiné à analyser le droit par le prisme du genre, le projet s’est particulièrement attaché à l’étude de la loi formelle et du discours juridique. Les enjeux épistémologiques y tiennent une grande place et permettent de remettre en cause le mythe de la « neutralité axiologique », encore prégnant dans notre discipline. Parallèlement, l’étude de diverses approches méthodologiques ouvre des perspectives pour le renouvellement de l’histoire du droit. C’est dans ce contexte que s’est tenu, à Douai en 2023, le colloque international Discours juridique, genre et histoire. Grâce à l'interdisciplinarité et au décloisonnement des disciplines inhérents aux études de genre, des contributions issues du droit, de l'histoire, de la sociologie, de la science politique, de la linguistique et de la philosophie ont enrichi les réflexions. Certaines de ses interventions, remaniées et enrichies, figurent dans ce numéro aux côtés d’articles autonomes explorant le même thème. 

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Texte intégral

  • 1 Michael Stolleis, « Écrire l’histoire du droit : reconstruction, narration, fiction », Conférence a (...)
  • 2 Pour un aperçu beaucoup plus complet de la bibliographie sur le sujet, voir l’article de Florence R (...)
  • 3 Voir notamment Michèle Bordeaux, « La Grille du Temps : approche lexicale du temps des lois (Code c (...)
  • 4 Jacques Poumarède et Jean-Pierre Royer, Droit, Histoire & Sexualité, Toulouse, Distique, 1987.
  • 5 À noter également les travaux de Claude Alzon, agrégé en histoire du droit, mais devenu professeur (...)
  • 6 https://regine.parisnanterre.fr/archives_site_2015/

1Depuis quelques années, des voix s’élèvent au sein de l’histoire du droit pour demander un renouveau de la méthode et des paradigmes de la discipline1 et pour l’inviter à se rapprocher des études critiques. En effet, celles-ci permettent de renouveler les démarches épistémologiques et réflexives, l’étude des rapports de pouvoir, de remettre en cause la naturalité de certaines normes ou encore la manière de remettre en cause l’universalité et la neutralité du droit. Dans ce cadre, les études de genre avaient vocation à trouver leur place. Cependant, ce n’est que de manière marginale que des historien·nes du droit se sont intéressé·es aux questions féministes, de genre et de sexualité2. Tel·les furent le cas de Michèle Bordeaux3 et dans une moindre mesure de Jacques Poumarède4, tous deux proches du mouvement critique du droit né dans les années 19705. Quelques historien·nes de la Justice, dans le sillon de Michelle Perrot, se sont saisi·es de la question du genre dans les années 2000. En parallèle et un peu plus tard, la recherche juridique française ouvre officiellement ce champ de recherche avec le projet ANR Régine dans les années 2010, fédérant des chercheur·euses en droit positif6.

  • 7 Notre équipe de recherche n’a pas, pour l’instant, identifié de travaux français en histoire du dro (...)
  • 8 Le premier colloque organisé en France, en histoire du droit, dans une perspective d’études de genr (...)
  • 9 Les actes du colloque du 7 mai 2015 ont été publiés dans un ouvrage : Joël Hautebert, Le droit à l’ (...)

2Jusqu’en 2020, l’histoire du droit est restée un bastion globalement fermé aux études de genre, à l’exception de quelques travaux très marginaux7. Il est même possible de parler de « rendez-vous manqué » avec le genre : les chercheur·euses du mouvement critique du droit ont surtout étudié les rapports de pouvoir de classe et repensé la question des enseignements du droit pour s’extraire de la domination de la dogmatique juridique ; les chercheur·euses de l’histoire du droit colonial ont défriché un grand nombre de champs (les questions postcoloniales, les discriminations croisées voire articulées, le pluralisme juridique, les rapports juridiques de sexe, les réflexions sur la marginalité et les savoirs non-juridiques), mais sans aller sur le terrain du genre et de l’intersectionnalité, jusqu’à récemment. Un seul colloque, avant celui dont les actes font l’objet de la présente publication8, a traité du genre en histoire du droit, dans une perspective à charge et conservatrice pour dénoncer la prétendue « idéologie du genre » et le « lobby LGBT »9.

3C’est donc pour combler ce vide historiographique et scientifique qu’en 2021, le projet ANR HLJPGenre10 a fédéré une quinzaine de chercheur·euses – venu·es de l’histoire du droit ou d’autres sections – afin de lancer officiellement ce champ de recherche au sein de la discipline. En parallèle, Clio@Themis, l’une des principales revues en histoire du droit, a consacré un dossier au genre en 202311. L’appel à contribution diffusé pour l’occasion a suscité un nombre important de propositions de jeunes chercheur·euses, ce qui démontre que le conservatisme de la discipline se heurte à un clivage générationnel. Le même phénomène a été constaté au printemps 2023 lors de l’organisation du colloque international « Discours juridiques, genre et histoire »12. Cette manifestation, portée par l’ANR HLJPGenre, a réuni plus d’une trentaine de communicant·es ; elle s’adosse au futur ouvrage de l’ANR HLJPGenre13 et a été complétée par un colloque qui a eu lieu du 1er au 3 avril 2025, sur le droit appliqué et ses pratiques14.

4En 2025, l’acculturation des études de genre en histoire du droit est donc amorcée. Une toute nouvelle revue portée par de jeunes chercheur·euses en histoire du droit, Mélété, consacre son premier numéro au genre15. En parallèle, la revue Intersections, créée par les coordinateur·ices de l’ANR Régine, a décidé d’intégrer pleinement l’histoire du droit comme branches de la recherche en droit dans ses colonnes16.

  • 17 Joan Wallach Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Les cahiers du GRIF, n° 3 (...)

5Si les études de genre bénéficient de l’approche historique, l’histoire du droit doit, elle aussi, voir dans les études de genre une opportunité à saisir. La discipline est malmenée au sein des universités et chaque refonte de programme est l’occasion de transformer des matières auparavant obligatoires en matières optionnelles, quand il ne s’agit pas de les faire disparaître complètement. Or, si le genre est une « catégorie utile de l’analyse historique » comme l’a souligné Johan Wallach Scott17, la diachronie est une dimension fondamentale de l’analyse genrée. Aussi, l’histoire du droit, par le genre, peut revenir en force au sein de la recherche juridique du fait du décloisonnement et de l’interdisciplinarité auxquels conduit le maniement de ce concept.

  • 18 Le comité scientifique de la publication des actes du colloque était composé d’une partie des membr (...)

6La revue Criminocorpus, partenaire du projet ANR HLJPGenre, publie ici un dossier original qui regroupe les actes du colloque « Discours juridiques, genre et histoire » sélectionnés au terme d’un processus rigoureux18, actes complétés par des articles qui n’ont pas fait l’objet d’une communication lors du colloque, mais qui portent sur l’analyse genrée du discours juridique. Cet article introductif, écrit en binôme par nous, coordinatrices de l’ANR HLJPGenre [Prune Decoux et Hélène Duffuler-Vialle], s’attache lui tant à la présentation des différents thèmes du dossier qu’à l’étude de cette question : comment le genre permet-il de renouveler l’histoire du droit ?

7Mener un travail de recherche implique de suivre des règles, des codes formels et informels qui s’inscrivent dans une certaine continuité par rapport aux travaux antérieurs. La nouveauté d’une thèse ou d’une recherche réside, la plupart du temps, dans la constitution d’un nouvel objet et dans les connaissances inédites que son étude apporte. Ce ne sont donc pas les méthodes de recherche qui sont renouvelées, mais les objets. Or, de manière générale, les études critiques invitent à ne pas seulement penser de nouveaux objets de recherche, mais également à interroger la manière même de faire de la recherche. Elles invitent ainsi la ou le chercheur·euse à adopter une démarche réflexive sur les conditions de production de ses recherches. Les questions épistémologiques sont fondamentales dans cette approche et elles occupent, à ce titre, une grande place dans ce dossier, mettant à mal, le mythe de la « neutralité axiologique », encore trop présent dans notre discipline (I). La deuxième partie s’attache aux différentes méthodologiques en démontrant comment elles peuvent être renouvelées, au sein de l’histoire du droit, par les concepts issus des études de genre (II).

La place fondamentale des questions épistémologiques : déconstruire le mythe de la neutralité axiologique

  • 19 La neutralité axiologique est une posture épistémologique qui a été portée aux nues, notamment par (...)
  • 20 Julia Morel et Valérie Paquet, « Sur l’idéal de neutralité en recherche. Bachelard, Busino et Olivi (...)

8Qui sommes-nous en tant que chercheur·euses ? Comment faisons-nous de la science ? Quelle est notre place dans la recherche et de quelle place faisons-nous nos recherches ? Quelle est la différence entre la neutralité, l’objectivité, la subjectivité ? L’idéal de neutralité axiologique dans la production de connaissance est-il possible, est-il réaliste, est-il même souhaitable ? Pouvons-nous être objectif·ves ou sommes-nous intrinsèquement subjectif·ves ? Quel est notre rapport avec notre objet d’étude ? Quels sont nos éventuels biais ? Comment les prendre en compte pour éventuellement pouvoir s’en départir ou les intégrer à l’analyse ? Voici autant de questions éludées, évincées ou rejetées par beaucoup de chercheur·euses en histoire du droit, alors qu’elles constituent dans les autres sciences humaines et sociales un prérequis indispensable. En effet, de nombreuses disciplines ont mis à bas depuis longtemps la posture censément « scientifique » d’une recherche débarrassée de toutes contingences liées à celle ou celui qui la produit. Le mythe de la neutralité axiologique19 ne résiste pas à l’analyse des conditions de production de la science et les réflexions épistémologiques critiques ont établi que les chercheur·euses sont socialement et historiquement situé·es : nous sommes conditionné·es à penser selon un certain nombre de déterminants, à la fois externes et internes, qui relèvent des conditions sociales dans lesquelles nous nous trouvons20.

9Les apports des épistémologies féministes, appelées épistémologies du point de vue, soulignent, en outre, la prégnance de l’androcentrisme dans la recherche scientifique. Le sujet « femme » est envisagé comme « autre » alors que le sujet « homme » est pensé comme universel, dans une sorte de confusion avec la sémantique qui pose le masculin à la fois comme générique et comme inclusif du féminin. La recherche, majoritairement pratiquée par des hommes, se décline au masculin générique et les connaissances scientifiques, les pratiques de recherche et les institutions scientifiques ont historiquement été façonnées par des biais favorisant les perspectives masculines. Plusieurs facteurs historiques, sociaux et culturels expliquent cette situation.

10Tout d’abord, les femmes ont historiquement été exclues des sphères éducatives et scientifiques. Puis, quand elles ont pu y accéder, elles y ont été invisibilisées et leur contribution à la science a été minimisée, ignorée, voire attribuée à des hommes, comme ce fut le cas pour Rosalind Franklin dans le processus de découverte de l’ADN. Les institutions scientifiques, marquées par des dynamiques de pouvoir, ont reproduit les systèmes patriarcaux des sociétés dans lesquelles elles sont insérées. Les femmes sont, en premier lieu, peu incitées si ce n’est découragées à embrasser des carrières scientifiques : les stéréotypes selon lesquels les hommes seraient « meilleurs en maths », plus aptes pour les sciences, la rationalité et la logique persistent encore de nos jours. Quand, malgré ces premiers obstacles, elles parviennent à entrer dans ces milieux, elles sont cantonnées à des postes subalternes ou exclues des processus décisionnels. Cela a contribué à un cercle vicieux où le manque de femmes dans la science renforce la perception androcentrée des connaissances.

  • 21 Pour une bonne synthèse des épistémologies féministes, voir Flores Espínola, « Subjectivité et conn (...)

11Ensuite, les priorités de recherche ont souvent été orientées par des intérêts masculins, laissant de côté des sujets qui concernaient spécifiquement les femmes ou qui nécessitaient une perspective genrée. En médecine, par exemple, les études cliniques ont longtemps été menées principalement sur des hommes, puisque le corps masculin était le corps « neutre » et universel. Cela a conduit à une sous-représentation des femmes, à des soins qui leur sont parfois inadaptés et à des sujets de recherche totalement occultés : en témoigne le peu d’intérêt qui a longtemps entouré l’endométriose. Non seulement les théories scientifiques invisibilisent les femmes et les sujets les concernant, mais elles intègrent également, parfois, des conceptions genrées biaisées. Par exemple, des présupposés biologiques ont été utilisés pour justifier des inégalités sociales21.

  • 22 Cette publication peut être mise en résonnance avec l’article de Sabrina Michel dans le dossier de (...)

12En contre-pied de ces constats, Maéva Caron-Thérage n’hésite pas à faire des menstruations un sujet juridique dans l’article « Le congé menstruel : entre avancée sociale et biais discriminatoire ». Elle y analyse de manière exhaustive la problématique des menstruations dans le droit du travail, les initiatives politiques récentes en la matière et les débats sur leurs risques potentiels de discrimination. L’autrice explique que le congé menstruel nécessite, pour sa mise en place une sensibilisation accrue et une organisation repensée pour lutter contre les discriminations systématiques ; néanmoins, s’il est conçu de manière concertée et inclusive, il pourrait représenter une avancée sociale majeure22.

13Ainsi, le renouvellement de la discipline par les études de genre permet à la fois de mettre en lumière l’androcentrisme du droit et de tenter de le contrebalancer en incitant la recherche à se saisir des sujets considérés comme subsidiaires, indignes d’être érigés en sujet juridique parce que spécifiquement féminin ou sortant du cadre hétéronormatif traditionnel. 

  • 23 La Femme, Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, Bruxelles (...)
  • 24 Véronique Demars-Sion, Femmes séduites et abandonnées au 18e siècle : l’exemple du Cambrésis, s. l. (...)

14De manière générale, l’histoire des femmes et des sexualités est absente de l’historiographie, à l’exception de quelques travaux qui se saisissent du sujet « femme » comme d’une altérité réifiée23. D’autres travaux évitent cet écueil, mais ne remettent néanmoins pas explicitement en question l’essentialisme de la différence femme/homme24. Or, les approches genrées permettent de renouveler l’historiographie de la discipline et de réinscrire dans l’histoire du droit les expériences de certains groupes marginalisés, en particulier celles des femmes et des minorités de genre. En outre, l’analyse des archives, des récits personnels ou des représentations culturelles met en lumière les contributions souvent occultées des femmes à la pratique et à l’évolution du droit.

15Ainsi, la place des femmes au sein et devant l’institution judiciaire, dans un contexte colonial, est étudiée par Hend Guirat et Florence Renucci dans « Avocates et accusées dans l’ombre virile du prétoire. Biais de genre, agentivité et colonialité sous le protectorat tunisien ». Elles mettent en évidence la marginalisation des femmes dans la justice pénale tunisienne durant le protectorat, tout en soulignant leur agentivité dans un environnement genré et colonial. En explorant les interactions et les biais présents dans le prétoire, elles apportent une perspective relationnelle et critique sur le rôle des femmes dans un système de justice marqué par des hiérarchies de pouvoir multiples.

16Mathilde Van Ackere, quant à elle, analyse dans « Femmes et magistrature non-professionnelle : la mobilisation ambivalente des stéréotypes de genre. Mise en parallèle des cas belge et français » le processus de féminisation des magistratures non-professionnelles en France et en Belgique, en étudiant les débats parlementaires et les résistances fondées sur des stéréotypes de la « nature féminine » et des « lois de la famille ». Elle met en lumière les représentations genrées qui ont influencé tant les opposants que les partisans et révèle les ambivalences des discours progressistes de l’époque, encore empreints de contraintes genrées.

17Claire Bouglé-Leroux explore la controverse sur la capacité des femmes à arbitrer sous l’Ancien Régime, révélant que ce débat dépasse la technique juridique pour refléter des rapports de pouvoir entre les sexes. « Parler pour ne rien dire ? Retour sur la controverse ancienne du sexe de l’arbitre (xve-xviiie siècle) » revient sur le cas fictif d’Austreberte de Jean Pontas et révèle l’inversion symbolique des rôles traditionnels et les tensions autour de la figure de la « femme arbitre », perçue à la fois comme autoritaire et contestée. En analysant les stéréotypes genrés qui sous-tendent les arguments doctrinaux, l’autrice inscrit cette querelle dans une histoire plus large des débats sur la place des femmes dans les sphères d’autorité. Son travail montre comment le genre, en tant qu’outil analytique, éclaire non seulement cette controverse, mais aussi les processus de féminisation des métiers juridiques.

  • 25 Donna Haraway, Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial P (...)
  • 26 Flores Espínola, op. cit.

18Déconstruire l’androcentrisme de la science ne signifie pas que les perspectives féminines ou marginalisées sont intrinsèquement plus valables. L’idée d’un tel « privilège épistémique », fondée sur des raisons essentialistes ou constructivistes, a été ponctuellement développée par des philosophes et sociologues des sciences ; elle est désormais abandonnée, notamment grâce aux apports des démarches intersectionnelles – quid des femmes noires au sein de la recherche ? – et des réflexions sur les points de vue situés25. Désormais, il semble que c’est bien la multiplicité des points de vue qui permet, de manière collective et non plus individuelle, d’aboutir à une pluralité de sujets et d’angle de regards et donc à une meilleure connaissance globale26.

19Ces réflexions peuvent conduire les historien·nes du droit et les chercheur·euses en droit à se poser les questions de leur rapport à leur objet d’étude : pourquoi ce choix de sujet ? Quelle est leur relation personnelle ou sociale avec leur sujet d’étude ? Qu’est-ce qui entre en résonnance avec leur propre histoire ? Comment leur est venue cette question de recherche, leur intérêt pour ces sources en particulier ? Leurs conclusions font-elles écho à leurs propres préoccupations sociales et politiques ? Loin de brider la recherche, cette démarche autoréflexive conduit la ou le chercheur·euse à prendre de la hauteur sur son sujet, ses questions de recherche, ses perspectives. L’enjeu réside dans la prise de conscience que la recherche ne mène pas de manière « neutre » à des résultats « objectifs », mais bien qu’elle est tributaire de nombreux biais. Pour autant, être au fait de sa propre subjectivité ne permet pas de s’en départir totalement, simplement de tendre vers plus d’objectivité. La posture du chercheur·euse ne nécessite pas d’être neutre, mais d’être honnête intellectuellement, de prendre en compte ses propres biais pour, au mieux, les dépasser mais à tout le moins les assumer et les exposer.

20Dans cette démarche, le choix d’un objet de recherche ne dispense pas de s’interroger sur les fondements idéologiques de son approche. Si être conscient de ses biais n’est pas une garantie d’objectivité, le choix d’un sujet en apparence « genré » n’est pas non plus, tant s’en faut, la garantie d’une démarche réflexive. Travailler sur « la » femme, ou sur la « portée féministe » du standard du « bon père de famille » peuvent être des choix de recherche très orientés, idéologiquement parlant, vers des projets de société bien éloignés de ceux portés par les études de genre. Loin de nous l’idée de pratiquer une censure de la pensée ni de vouloir créer des prés carrés : controverses et débats scientifiques sont les moteurs des sciences vivantes et plus la diffusion des études de genre sera large, plus la communauté universitaire aura à y gagner. Néanmoins, les étiquettes « femme » ou « genre » se retrouvent régulièrement au cœur de travaux qui n’ont pas vocation à repenser les rapports de domination, mais qui utilisent ces termes censément « progressistes » pour mieux avancer des idéologies qui, si elles étaient exposées sans fard, provoqueraient plus de controverses.

21Ces réflexions, à mener au prélude de la recherche et durant toute sa poursuite, sont bénéfiques aux travaux de toutes les disciplines et permettent aux chercheur·euses de gagner en recul et en précaution scientifique. Il nous semble que ces questionnements sont encore absents de l’histoire du droit. Pierre-Antoine Forcadet revient, par exemple, sur l’introduction des études de genre dans la discipline dans son écrit « Histoire du droit et “théorie du gender”. Les approches critiques du genre » ; il en profite pour dresser un état des lieux des réticences de la discipline à se saisir du genre.

Des méthodes de recherche renouvelées grâce aux concepts issus des études de genre

22Ces réflexions sur le rapport du ou de la chercheur·euse avec son sujet de recherche invitent, également, à se poser la question des méthodes employées. Puisqu’aucune neutralité axiologique n’est possible, c’est bien la rigueur méthodologique qui permet de mettre en place les conditions, les plus objectives possible, indispensables aux discours et raisonnement scientifiques. Or, là encore, les questions méthodologiques sont rarement débattues.

23La méthode de la science juridique, ou méthodologie juridique, est l’ensemble des approches, principes et techniques utilisés pour étudier et analyser le droit. Elle varie selon les approches théoriques du droit adoptées. Traditionnellement, elle repose sur l’exégèse juridique, à savoir l’étude des textes juridiques (lois, règlements, etc.) afin d’en comprendre le sens littéral, d’en interpréter les objectifs et de les systématiser – d’en identifier la logique interne — pour les intégrer dans un cadre cohérent. Dans une approche normativiste, elle revient également à examiner la compatibilité entre les normes en fonction de leur place dans la hiérarchie des sources du droit (constitution, lois, règlements). La méthode juridique repose donc principalement sur l’interprétation des sources, qui peut être littérale (analyser les mots et leur signification dans le texte), téléologique (considérer l’objectif ou la finalité de la norme) et éventuellement systémique (situer la norme dans l’ensemble du système juridique pour en dégager une cohérence globale).

  • 27 Véronique Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Paris, Dalloz, 2014, (...)

24Par ailleurs, certaines branches du droit ont des spécificités. Le droit comparé étudie les systèmes juridiques de différents pays pour comprendre leurs différences et similitudes ou pour suggérer des réformes. Les théoricien·nes proches du courant jusnaturaliste interrogent, pour leur part, les valeurs et principes sous-jacents des normes juridiques. Les approches critiques intègrent une analyse sociale en tenant compte des inégalités ou des rapports de pouvoir que le droit peut renforcer ou atténuer. L’analyse économique ou sociologique du droit évalue l’impact des règles juridiques sur la société et l’économie. Enfin, les approches factualistes se détachent des textes juridiques et analysent le droit en pratique, donc la manière dont il est mis en œuvre. De manière plus marginale, la méthode juridique a recours à d’autres disciplines (philosophie, sociologie, histoire, anthropologie, économie, etc.) pour étoffer l’analyse juridique et comprendre le droit dans son contexte27. En résumé, la méthode de la science juridique repose sur une combinaison d’analyse normative, d’interprétation des textes, d’étude critique et d’approches interdisciplinaires pour comprendre et appliquer le droit de manière rigoureuse. Elle peut être descriptive (observer et expliquer le droit tel qu’il est) et/ou normative (formuler des recommandations ou des critiques).

25L’histoire du droit utilise, elle aussi, ces différentes méthodes. La méthode exégétique est centrale car l’examen des sources primaires, lois, coutumes, archives, décisions de justice ou encore traités, constitue une étape-clé pour accéder aux intentions et pratiques des juristes du passé ; c’est parfois, d’ailleurs, la seule manière de les appréhender. C’est pour cela qu’une attention particulière est portée aux commentaires et annotations des juristes de l’époque, qui permettent de saisir la manière dont les normes étaient interprétées et appliquées. Cette méthode herméneutique vise à décrypter non seulement le sens explicite des textes, mais aussi leurs significations implicites.

  • 28 Jean-Louis Halpérin, « L'histoire du droit constituée en discipline : consécration ou repli identit (...)

26L’histoire du droit utilise aussi fréquemment le droit comparé pour mettre en perspective les systèmes juridiques de différentes régions ou époques, afin d’identifier les interrelations entre traditions juridiques, comme le rôle central du droit romain dans l’élaboration des systèmes européens. L’analyse des pratiques juridiques ou judiciaires permet de saisir les pratiques du droit et de comprendre comment les normes étaient effectivement appliquées, tout en révélant les interactions entre le droit et les réalités sociales. Pour mieux comprendre la logique interne des systèmes juridiques, les chercheur·euses en histoire du droit tentent d’organiser et classifier les concepts juridiques en catégories cohérentes. Cette méthode systématique met en évidence les grandes notions juridiques (propriété, souveraineté, contrat, etc.) et leurs trajectoires, tout en éclairant les principes fondamentaux qui sous-tendent les différentes traditions juridiques28.

  • 29 Jacques Krynen et Bernard d’Alteroche (dir.), L’histoire du droit en France, op. cit.

27De manière plus récente, l’approche critique de l’histoire du droit s’est attachée à déconstruire les discours juridiques pour révéler les idéologies, les préjugés ou les intérêts qui les sous-tendent. Cette méthode interroge également les récits historiographiques, en analysant la manière dont l’histoire du droit a été écrite et transmise. L’objectif est de mettre au jour les biais éventuels et de proposer une lecture plus nuancée des phénomènes juridiques. En outre, ces approches critiques insistent sur le fait que l’histoire du droit ne peut être comprise sans une approche contextuelle. Les chercheur·euses analysent les liens entre le droit et les grands événements historiques, comme les révolutions, les guerres ou les transformations économiques. Cette approche permet également d’explorer les représentations culturelles du droit, par exemple dans l’art ou la littérature, pour saisir comment il était perçu et utilisé à différentes époques29.

28Ces dernières méthodes, moins traditionnelles, intègrent pleinement l’anthropologie et la sociologie du droit à leurs analyses. La sociologie permet d’étudier le rôle du droit dans la structuration des relations sociales, tandis que l’anthropologie juridique s’intéresse aux pratiques juridiques en tant que phénomènes culturels, sociaux et symboliques. La linguistique aide à décrypter l’évolution des termes et concepts juridiques et l’économie historique éclaire les liens entre transformations économiques et changements dans le droit.

29Ainsi, Caroline Laske et Elena Mascarenhas montrent les apports de l’interdisciplinarité dans l’analyse genrée du droit, l’une par une approche croisée entre l’histoire du droit et la linguistique, l’autre par une approche croisée du droit et de la philosophie du langage. Caroline Laske utilise dans son article « Décrypter l’expression linguistique et la représentation textuelle dans les sources du droit » la notion de représentation textuelle comme outil de recherche pour analyser la capacité juridique des femmes dans trois textes de la fin du xiiie siècle. « Le rôle du langage ordinaire dans la subversion du droit, un défi pour l’épistémologie juridique : analyse de processus de renversement et de resignification du droit du mariage (1960-2013) », d’Elena Mascarenhas, montre que les changements dans les normes juridiques du mariage entre 1960 et 2013 relancent la réflexion sur les liens entre le langage juridique et le langage courant. En se concentrant sur le « mariage homosexuel », elle utilise des outils issus du droit, de la linguistique et de la philosophie pour souligner comment le langage ordinaire peut transformer le droit.

  • 30 Florence Renucci, « Le rôle des “anonymes” dans la réception et la production du droit. L’exemple d (...)

30L’histoire du droit a mis à profit un mouvement de déconstruction qui se traduit par un renouvellement des analyses du rôle des acteur·ices dans la fabrication et la contestation du droit, qui s’appuie sur l’étude des circulations spatiales et des relations aux autres savoirs. Il repose notamment sur l’usage de la prosopographie et/ou de biographies individuelles30. Cette approche met en lumière les réseaux, les formations et les idées qui ont contribué à façonner les systèmes juridiques.

31Les études de genre, en tant que discipline interdisciplinaire, interrogent la construction sociale des rôles de genre et les rapports de pouvoir entre les sexes. Elles offrent une perspective critique particulièrement utile pour analyser le droit et son histoire, en révélant des dimensions souvent invisibilisées par les approches traditionnelles. Ces méthodes permettent d’enrichir les disciplines juridiques et historiques en s’interrogeant sur la neutralité apparente du droit, en éclairant les rapports de pouvoir qu’il véhicule et en valorisant des expériences oubliées. En outre, certains concepts des études de genre comme celui de performativité/agentivité ? L’agentivité désigne la capacité d’un individu ou d’un groupe à agir de manière autonome, intentionnelle et à influencer son environnement ou les événements qui l’entourent. Elle implique la faculté de prendre des décisions, de faire des choix et d’exercer un contrôle sur sa vie, malgré les contraintes sociales, culturelles ou institutionnelles. Les chercheur·euses mobilisent cette notion pour analyser les rapports entre les structures sociales (règles, normes, institutions) et les individus ou groupes qui les subissent, les contournent ou les transforment. Dans le contexte des études de genre, l’agentivité est souvent mobilisée pour explorer comment les personnes, notamment celles appartenant à des groupes marginalisés, résistent aux normes oppressives ou les reconfigurent en agissant dans des cadres qui semblent a priori limitants. L’article d’Ophélie Colomb, « Une approche juridique et féministe de la maternité : étude au prisme du genre de De la condition légale de la mère (1890) par Sarmiza Bilcescu » éclaire la contribution de Samirza Bilcescu, première docteure en droit française. Il dépasse l’idée d’un parcours isolé pour inscrire son œuvre dans une dynamique historique plus large, révélant une stratégie d’adaptation aux contraintes sociales et juridiques de l’époque de la juriste.

32L’un des principaux apports des études de genre est de remettre en question l’idée selon laquelle le droit serait neutre ou universel. Les analyses montrent que les textes juridiques sont souvent imprégnés de normes genrées et de présupposés qui reproduisent des inégalités entre les sexes. Par exemple, les lois relatives au travail, à la famille ou à la propriété reposent fréquemment sur des constructions historiques et sociales du masculin et du féminin. En étudiant les discours différenciés, les méthodes des études de genre révèlent les biais implicites dans la production du droit. Tanguy Le Marc’Hadour dans « Genre et discours pénal : la bigamie dans la doctrine juridique européenne de l’époque moderne (xvie-xviiie siècle) » retrace l’évolution du discours doctrinal entre le xvie et le xviiie siècle, en analysant la manière dont les juristes perçoivent la bigamie et ses implications genrées. Le principe monogamique, fondement identitaire des sociétés chrétiennes, conduit à des distinctions dans la qualification du crime et la responsabilité pénale selon le genre. Cependant, sous l’influence de la pratique, la doctrine tend à unifier ces crimes tout en maintenant des différences implicites, particulièrement dans l’appréciation de la responsabilité des hommes et des femmes.

33Dans « De maîtresse à domestique. La circonstance aggravante de vol dans une auberge au prisme du genre (1799-1815) », qui étudie un texte de loi formelle et ses débats parlementaires, je [Prune Decoux] décrypte sous l’angle du genre la circonstance aggravante de « vol dans une auberge » dans la période révolutionnaire (1799-1815). Mêler analyse historique et genre révèle comment la sémantique juridique influe sur les représentations des juges et les pousse à rendre des décisions imprégnées de stéréotypes.

34Ambre Jarassier, dans « Le divorce de Napoléon par sénatus-consulte, les droits d’une épouse sacrifiés sur l’autel de la nécessité » démontre que le divorce de Napoléon, régi par un sénatus-consulte contraire au Code civil comme à la Constitution, répond à des impératifs privés et dynastiques genrés.

35Le droit est aussi un instrument de pouvoir, souvent utilisé pour réguler les corps et les comportements en fonction des normes genrées. Les études de genre permettent d’explorer comment les lois ont historiquement servi à contrôler les femmes, par exemple à travers les réglementations sur l’avortement, la contraception ou la moralité sexuelle. Elles analysent également comment les normes juridiques ont contribué à la construction des masculinités dominantes et à la marginalisation des identités de genre non conformes. Amélie Imbert et Anne Jennequin se sont penchées sur la surveillance des femmes incarcérées au xixe siècle, montrant comment une différenciation genrée s’est imposée dans les pratiques pénitentiaires. Leur article, « Surveiller les femmes incarcérées en maison centrale. La construction d’une différenciation de la surveillance pénitentiaire au xixe siècle » explore la spécificité des politiques carcérales de la Monarchie de Juillet, qui introduisent une séparation stricte des sexes et instaurent une surveillance des détenues par des religieuses. Contrairement aux établissements masculins, les maisons centrales pour femmes reposent sur un modèle fondé sur des bases religieuses jugées adaptées aux femmes.

36L’analyse genrée des textes juridiques met en évidence leur rôle dans la construction et la reproduction des rôles de genre. Les lois sur le mariage, par exemple, ont longtemps consacré la domination masculine dans la structure familiale, en établissant le mari comme « chef de famille ». De manière plus subtile, parfois implicite, d’autres textes juridiques, même récents, continuent de refléter des normes genrées. Les études de genre permettent de décortiquer ces textes pour en révéler les ambiguïtés et les résistances aux évolutions sociales.

37Par ailleurs, les méthodes des études de genre invitent à une analyse intersectionnelle, qui prend en compte les interactions entre le genre, la classe, la race, la sexualité et d’autres facteurs dans la construction des inégalités juridiques. Par exemple, les lois coloniales sur la famille ou le travail montrent comment la régulation juridique combinait des normes genrées et raciales pour contrôler les populations colonisées. Cette perspective enrichit l’analyse du droit en tenant compte de la complexité des rapports de pouvoir. Marc Thérage propose une « Esquisse d’une approche intersectionnelle de la loi du 15 mars 2004 sur le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics » pour mettre en lumière ses implications genrées et sociales. Bien que formulée dans un langage neutre, la loi cible implicitement le port du foulard islamique, reproduisant des discriminations systémiques envers des femmes racisées issues de communautés marginalisées. Cette critique appelle à repenser les principes d’universalité et de neutralité pour combattre les discriminations systémiques dans les politiques publiques.

38Les études de genre permettent, également, d’explorer les mouvements féministes et LGBTQIA+ qui ont, parfois, utilisé le droit comme outil de revendication. Les luttes pour la dépénalisation de l’homosexualité, l’accès à la contraception ou le mariage pour tous montrent comment des mobilisations sociales ont contribué à transformer le droit. En étudiant ces résistances, les chercheur·euses peuvent mieux comprendre les limites et les paradoxes des réformes juridiques face aux inégalités de genre. Enfin, l’apport des théories féministes peut enrichir la production doctrinale, comme le démontre l’article « Discours écoféministes et droit de l’environnement : chassez le naturel ? » de Romain Gosse. L’auteur expose les perspectives alternatives qu’offre l’écoféminisme et qui sont encore souvent négligées par le droit de l’environnement ; il invite à repenser les relations entre humains, droit et nature à travers une sensibilité écoféministe.

39Sanae Bouyayachen analyse « L’influence éparse de l’approche féministe sur la réforme du droit international des investissements » en soulignant la nécessité d’adopter des normes et clauses sensibles au genre pour garantir plus d’équité et de justice sociale. Il s’agit de l’opportunité de repenser les fondements du système, en articulant principes féministes, pratiques innovantes et culture juridique renouvelée pour répondre aux inégalités structurelles et promouvoir une justice économique et sociale.

  • 31 Ce colloque international a eu lieu du 1er au 3 avril 2025 à Douai. « Analyse genrée des pratiques (...)

40Les chantiers et perspectives ouverts par le genre sont tels que nous avons souhaité organiser une réflexion en deux temps, d’abord sur le droit saisi en tant que discours, qui fait donc l’objet de la présente publication ; puis dans un second temps, sur le droit concret, le droit en pratique31. Les articles rassemblés ici explorent des périodes et thématiques variées, en montrant comment les normes et institutions juridiques ont façonné, et ont été façonnées par, les rapports de genre.

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Notes

1 Michael Stolleis, « Écrire l’histoire du droit : reconstruction, narration, fiction », Conférence au Collège de France, 2008, [en ligne] ; Jacques Krynen et Bernard d’Alteroche (dir.), L’histoire du droit en France. Nouvelles tendances, nouveaux territoires, Paris, Classiques Garnier, Histoire du droit, 2014 ; Frédéric Audren, Anne-Sophie Chambost et Jean-Louis Halpérin, Histoires contemporaines du droit, Paris, Dalloz, 2020.

2 Pour un aperçu beaucoup plus complet de la bibliographie sur le sujet, voir l’article de Florence Renucci, « N’en fais pas toute une histoire ! Les études féministes, de genre et LGBTQIA+ dans les facultés de droit (des années 1970 aux années 2020) », Revue d'histoire des facultés de droit, à paraître.

3 Voir notamment Michèle Bordeaux, « La Grille du Temps : approche lexicale du temps des lois (Code civil, 1804) », Langages, 12ᵉ année, n° 53, 1979, p. 103-116 ; « Droit et femmes seules. Les pièges de la discrimination », in Arlette Farge et Christiane Klapisch-Zubern (dir.), Madame ou Mademoiselle. Itinéraire de la solitude féminine, Paris, Montalba, 1984, p. 19-50 ;  « Femmes hors d’État français 1940-1944 », in Rita Thalmann (dir.), Femmes et fascismes, Paris, Tierce, 1986, p. 135-155 ; « L’universalisme juridique et l’impasse de l’égalité », in Marie-France Brive (dir.), Les femmes et la Révolution française, Toulouse, Presses du Mirail, vol. 1, 1989, p. 427-440 ; Qualifié viol, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1990 ; « Nouvelle et périmée : la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des filles mineures employés dans l’industrie », in Jean-Pierre Le Crom (dir.), Deux siècles de droit du travail : l’histoire par les lois, Paris, l’Atelier, 1998, p. 45-60 (elle utilise dans cet article le terme « genre ») ; La Victoire de la famille dans la France défaite : Vichy 1940-1944, Paris, Flammarion, 2002.

4 Jacques Poumarède et Jean-Pierre Royer, Droit, Histoire & Sexualité, Toulouse, Distique, 1987.

5 À noter également les travaux de Claude Alzon, agrégé en histoire du droit, mais devenu professeur de sciences politiques, à la fois marxiste et féministe, qui dénonce le féminisme différentialiste. Claude Alzon, La Femme potiche et la femme bonniche : Pouvoir bourgeois et pouvoir mâle, Paris, La Découverte, 1977 ; Femme mythifiée, femme mystifiée, Paris, Presses Universitaires de France, 1978.

6 https://regine.parisnanterre.fr/archives_site_2015/

7 Notre équipe de recherche n’a pas, pour l’instant, identifié de travaux français en histoire du droit portant sur le genre avant 2008. Les seules exceptions sont ceux de Michèle Bordeaux – qui se trouvent d’ailleurs davantage inscrits dans les études féministes que dans les études de genre – et certains de Jacques Poumarède qui pourraient s’y rattacher. Nous pouvons également citer les travaux de Yan Thomas sur la différenciation sexuelle sous l’Antiquité : Yan Thomas, « La division des sexes en droit romain », in Georges Duby et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, tome 1, Pauline Schmitt-Pantel (dir.), L’antiquité, Paris, Plon, 1991, p. 103-168. Les premiers travaux sont donc les miens [Hélène Duffuler-Vialle] du fait de l’inscription de mes recherches en histoire du droit dans le courant des études de genre en 2008. Alain Wijfels, Arnaud Paturet et Florence Renucci ont également mené des travaux sur le genre en amont du lancement du projet ANR en 2021.

8 Le premier colloque organisé en France, en histoire du droit, dans une perspective d’études de genre est celui dont les actes font l’objet de la présente publication, à savoir le colloque international « Discours juridiques, genre et histoire » qui s’est tenu à Douai, du 6 au 8 décembre 2023. À noter néanmoins une journée d’étude « Femmes, genres et droit au Moyen Âge. Statut, capacité et agentivité » organisée à l’Université d’Orléans le 16 décembre 2021. Si le terme « genres » au pluriel interpelle les spécialistes, le sous-titre marque l’inscription de la journée dans le sillon des études de genre. Signalons également un colloque international organisé dans la même université sur ce même thème en 2024.

9 Les actes du colloque du 7 mai 2015 ont été publiés dans un ouvrage : Joël Hautebert, Le droit à l’épreuve du genre : actes du colloque du 7 mai 2015, Limoges, PULIM, 2016.

10 https://hljpgenre.hypotheses.org/

11 « Genre, histoire et droit », Clio@Themis, n° 25, 2023, [En ligne], mis en ligne le 23 octobre 2023, URL : https://journals.openedition.org/cliothemis/3600 ; DOI : https://doi.org/10.4000/

cliothemis.3600

12 https://hdgenre.sciencesconf.org/

13 Prune Decoux et Hélène Duffuler-Vialle (dir.), Sous l’Universel, le Genre, Le discours juridique genré, Paris, Classiques Garnier, à paraître.

14  https://hljpgenre.hypotheses.org/3484

15 https://chad.hypotheses.org/2673 . Nous y signons un article intitulé « Déceler le genre dans les textes juridiques. Outils méthodologiques ».

16 Intersections : https://revue-intersections.parisnanterre.fr/index.php/accueil/about/editorialTeam

17 Joan Wallach Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Les cahiers du GRIF, n° 37-38, 1988, p. 125-153 ; « Le genre : une catégorie d'analyse toujours utile ? », Diogène, n° 225 (1), p. 5-14.

18 Le comité scientifique de la publication des actes du colloque était composé d’une partie des membres de l’équipe de l’ANR HLJPGenre : Véronique Blanchard, Prune Decoux, Hélène Duffuler-Vialle, Marie Houllemare, Amélie Imbert, Anne Jennequin, Arnaud Paturet, Florence Renucci, Régis Révenin et Anne Ulrich-Girollet. En outre, des relecteur·ices extérieur·es ont expertisé les articles anonymement.

19 La neutralité axiologique est une posture épistémologique qui a été portée aux nues, notamment par le positivisme formaliste au sein de la doctrine juridique, à partir d’une lecture tronquée et erronée de Bernard Weber. Louis Pinto « “Neutralité axiologique”, science et engagement. Une lettre de Pierre Bourdieu », Savoir/Agir, n° 16 (2), 2011, p. 109-113.

20 Julia Morel et Valérie Paquet, « Sur l’idéal de neutralité en recherche. Bachelard, Busino et Olivier de Sardan mis en dialogue », in Laurence Brière, Mélissa Lieutenant-Gosselin et Florence Piron (dir.), Et si la recherche scientifique ne pouvait pas être neutre ? Québec, Éditions science et bien commun, 2019, p. 55-66.

21 Pour une bonne synthèse des épistémologies féministes, voir Flores Espínola, « Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies du “point de vue” », Cahiers du Genre, n° 53 (2), 2012, p. 99-120.

22 Cette publication peut être mise en résonnance avec l’article de Sabrina Michel dans le dossier de la revue Clio@Themis « Genre, histoire et droit », article qui traite des menstruations à la fin de l’Ancien Régime.

23 La Femme, Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, Bruxelles, Éditions de la Librairie Encyclopédique, 2 vol., 1959 et 1962.

24 Véronique Demars-Sion, Femmes séduites et abandonnées au 18e siècle : l’exemple du Cambrésis, s. l., Ester, 1991.

25 Donna Haraway, Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective”, Feminist Studies, vol. 14, n° 3, 1988, p. 575-599.

26 Flores Espínola, op. cit.

27 Véronique Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Paris, Dalloz, 2014, 2022.

28 Jean-Louis Halpérin, « L'histoire du droit constituée en discipline : consécration ou repli identitaire ? », Revue d'Histoire des Sciences Humaines, n° 4 (1), 2001, p. 9-32.

29 Jacques Krynen et Bernard d’Alteroche (dir.), L’histoire du droit en France, op. cit.

30 Florence Renucci, « Le rôle des “anonymes” dans la réception et la production du droit. L’exemple de l’inspection du travail Outre-mer (1948-1952) », in Anne-Sophie Chambost (dir.), La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels (XIXe-XXe s.), Paris, Lextenso, 2017, p. 127-146.

31 Ce colloque international a eu lieu du 1er au 3 avril 2025 à Douai. « Analyse genrée des pratiques juridiques et judiciaires » : https://hljpgenre.hypotheses.org/3290

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Pour citer cet article

Référence électronique

Prune Decoux et Hélène Duffuler-Vialle, « Interroger le droit et son historiographie au prisme du genre »Criminocorpus [En ligne], 27 | 2025, mis en ligne le 27 mai 2025, consulté le 21 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/criminocorpus/16667 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14075

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Auteurs

Prune Decoux

Prune Decoux est docteure en histoire du droit, qualifiée aux fonctions de maîtresse de conférences (2020). Elle est actuellement chercheuse post-doctorante au sein de l’ANR HLJPGenre (CDEP, Université d’Artois) et membre associée de l’IRM (Université de Bordeaux). Ses travaux mêlent pensée juridique, étude de genre, analyse de discours et Humanités numériques.

Articles du même auteur

Hélène Duffuler-Vialle

Hélène Duffuler-Vialle est maîtresse de conférences en histoire du droit à l’Université d’Artois. Elle est membre du CDEP (EA 2471) et membre associée du CHJ (UMR 8025), ainsi que du comité scientifique des revues Criminocorpus, Intersections et du portail scientifique Enfants en Justice. Elle coordonne avec Prune Decoux l’ANR HLJPGenre.

Articles du même auteur

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