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AccueilActes de colloques et de journées...27Renouveler les méthodes de recher...Éradiquer l’homosexualité en prison

Renouveler les méthodes de recherche grâce aux concepts issus des études de genre

Éradiquer l’homosexualité en prison

Le fondement hétéronormatif de l’encellulement individuel
Quentin Markarian

Résumés

Le principe d’encellulement individuel a été introduit en droit français par la loi du 5 juin 1875. Indissociable de la réforme du système pénitentiaire en cours au xixe siècle, ce modèle d’emprisonnement vise à remplacer les dortoirs collectifs par des cellules individuelles. De la Restauration à la IIIe République, ce changement de régime est plébiscité pour sa faculté à éradiquer l’homosexualité carcérale. L’obsession et la panique sexuelle suscitées par le « vice capital des dortoirs en commun » ressortent notamment des écrits de la science pénitentiaire, des enquêtes gouvernementales ainsi que des travaux et débats parlementaires relatifs à la genèse de la loi du 5 juin 1875. Construit historiquement sur un discours hétéronormatif, la cellule demeure un pilier juridique et architectural de la prison pénale contemporaine.

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Texte intégral

  • 1 Lucien Barban et Dominique Calvo, Traité pratique de l’administration & du service des prisons, Par (...)

« C’est dans les prisons communes […] que règne cette horrible promiscuité, lèpre profonde et invétérée qui s’attaque à tous les détenus, corrompt à jamais leur cœur, détruit leur santé et les rejette gangrenés au milieu de la société. Cette promiscuité, qu’il faut avoir vue de près pour y croire, car la raison s’y refuserait, c’est là surtout l’argument irréfutable contre la détention en commun1 ».

  • 2 Loi du 5 juin 1875 sur le régime des prisons départementales, in Code des prisons, t. 6, Paris, Dup (...)

1La loi du 5 juin 18752 prévoit que « les inculpés, prévenus et accusés » ainsi que « les condamnés à un emprisonnement d’un an et un jour et au-dessous » soient à l’avenir « soumis à l’emprisonnement individuel » (art. 1 et 2). Les condamnés à un emprisonnement supérieur à un an et un jour y seront soumis sur demande (art. 3). La norme d’encellulement individuel est rédigée au masculin générique, en termes complètement neutres a priori du point de vue du genre. Abstraction faite des discussions classiques sur l’emploi du masculin générique à prétention universaliste, la terminologie utilisée n’est ni sexo-spécifique, ni hétéronormative. Elle redéfinit l’organisation spatiale interne des prisons puisque ce modèle doit être appliqué aux projets de planifications pénitentiaires en cours et futurs (art. 6 à 8). Une lecture de la loi, décontextualisée, anachronique avec le cadre de pensée d’aujourd’hui, pourrait laisser supposer l’ouverture d’un droit aux personnes détenues par l’octroi d’un espace individuel et personnel respectueux de l’intimité. Là n’est toutefois pas la finalité de la norme à sa conception. Pour en déceler les biais et les enjeux normatifs, il est nécessaire de s’intéresser à ses origines.

  • 3 Pour un historique plus complet qu’ici, voir notamment Gaston Liégeois, Le régime cellulaire en Fra (...)
  • 4 Martine Kaluszynski, « La science pénitentiaire comme science de gouvernement : Espaces juridiques, (...)
  • 5 Mélodie Renvoisé, Du “mélange des sexes” à la “mixité” : une analyse sociohistorique et ethnographi (...)
  • 6 Formulation empruntée à Jean-Sébastien Blanc, « L’homosexualité “situationnelle” en prison : une ca (...)
  • 7 Patricia O’Brien, Correction ou châtiment. Histoire des prisons en France au xixe siècle, Paris, PU (...)
  • 8 Dans cette étude, le terme « homosexualité » désigne les rapports affectifs et/ou sexuels entre per (...)
  • 9 Charles Lucas, De la réforme des prisons, ou de la théorie de l’emprisonnement, de ses principes, d (...)
  • 10 Eugène-François Vidocq, Les voleurs, physiologie de leurs mœurs et de leur langage, t. 1, Paris, Be (...)

2L’histoire du régime cellulaire français est sinueuse3. L’adoption législative de ce régime a nécessité plusieurs décennies d’enquêtes, de débats et de projets de loi. L’idée de l’emprisonnement cellulaire est proposée lors de la Restauration mais ne trouve un écho dans la sphère parlementaire qu’à partir de la monarchie de Juillet. Bien qu’adoptée, elle est abandonnée pour être à nouveau discutée et votée après la chute du Second Empire. Juristes, médecins et hommes politiques, lesquels incarnent la morale bourgeoise, sont les acteurs principaux de ce débat. Le cellulaire fait l’objet de nombreux échanges entre ces philanthropes car « les élites au xixe siècle voient dans la réforme pénitentiaire un moyen de résoudre la question sociale4 ». La question de la séparation cellulaire s’inscrit dans l’entreprise de redressement des mœurs poursuivie par les réformateurs du système carcéral (séparation entre hommes et femmes, entre enfants et adultes…). Si la non-mixité des sexes s’impose progressivement à tous les espaces pénitentiaires au xixe siècle5, son corollaire est fatalement la détention monosexuée. Assortie d’une grande promiscuité, elle favoriserait la déviance à la norme hétérosexuelle et empêcherait donc l’amendement moral de la population carcérale. Face à cette « présomption d’homosexualité »6, la réunion, a minima nocturne, de personnes détenues du même sexe doit être proscrite. De la Restauration à la IIIe République, le système cellulaire est plébiscité avec pour « argument décisif »7 sa faculté à éradiquer l’homosexualité8, taxée de « vice capital des dortoirs en commun »9 ou de « lèpre des prisons »10.

  • 11 À l’origine, « le terme de sodomie englobait toutes les pratiques n’aboutissant pas à la génération (...)
  • 12 Marc Boninchi, Vichy et l’ordre moral, Paris, PUF, 2005, p. 143-193.
  • 13 Hélène Duffuler-Vialle, « Représentations proustiennes de l’homosexualité et réalités juridiques », (...)
  • 14 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, Paris, Bureau de la revue pén (...)

3Par l’adoption de l’encellulement individuel, le droit pénitentiaire pourra mettre un terme aux pratiques homosexuelles en prison, même à défaut de l’absence symbolique d’un cadre légal condamnant l’homosexualité au xixe siècle. En effet, la Constituante de 1791 décriminalise le crime de sodomie11, qui ne constitue plus une infraction pénale en tant que telle jusqu’en 1942, lorsque le régime de Vichy rétablit la pénalisation de certaines relations homosexuelles12. Malgré cette « apparente neutralité du droit vis-à-vis de l’homosexualité »13, le tandem police-justice organise sa répression notamment via l’art. 330 du Code pénal de 1810 qui incrimine l’outrage public à la pudeur. Si le contrôle policier ne peut investir le territoire carcéral, il n’empêche que des détenus ont été déférés devant les tribunaux correctionnels par les directeurs d’établissements et condamnés pour leurs relations homosexuelles au titre de cette disposition. Comme les « atteintes à la décence et aux bonnes mœurs » sont punies du cachot et de la tonte des cheveux par les règlements intérieurs des prisons, des détenus ont également écopés de ces sanctions disciplinaires pour des faits de « pédérastie ». Afin de poursuivre ces faits et idéalement les prévenir, tous les moyens de surveillance doivent être employés. La police des dortoirs est assurée par le personnel carcéral et – sous la menace de sanction et de déclassement – par les personnes détenues contraintes à la délation des relations. Néanmoins, la punition, si sévère soit-elle, ne serait que peu dissuasive à l’égard d’une population indigente et criminelle déjà privée de liberté ; et la surveillance, aussi étroite soit-elle, présenterait des failles et ne parviendrait pas à endiguer ce supposé fléau qui gangrène le corps carcéral. Face à ce constat, le système cellulaire fait alors figure de solution miracle contre le vice : « si la promiscuité des détenus est une sorte d’attentat à la moralité publique, un scandale vraiment monstrueux auquel il est urgent de mettre un terme, pourquoi donc ne pas user de suite du seul remède qui puisse radicalement guérir le mal14 ? ».

  • 15 Charles Bertheau, De la transportation des récidivistes incorrigibles, Paris, Marescq Ainé, 1882, p (...)
  • 16 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 503.
  • 17 À Melun, Clairvaux, Fontevrault, et Gaillon selon le Rapport au roi sur les prisons du 4 mai 1819, (...)
  • 18 Alphonse Cerfberr de Medelsheim, La vérité sur les prisons. Lettres à M. de Lamartine, Paris, Mansu (...)

4Héritée du régime des prisons anciennes, la détention en commun reste la norme aux prémices de la prison pénale moderne, ce qui pousse la doctrine à considérer que « les auteurs du Code pénal de 1810 […] ont négligé de régler le mode d’exécution de ces peines15 ». Les personnes détenues sont entassées dans les dortoirs (jusqu’à 180 lits dans certains) et y partagent souvent la même couche (lit de camp ou hamac, quand ce n’est pas la paille à même le carreau au début du xixe siècle). À l’extérieur, « les pauvres dorment à plusieurs dans le même lit. Pourquoi, dans les prisons, auraient-ils un autre genre de vie ? », souligne à juste titre l’historien Jacques-Guy Petit16. Mais dans les dortoirs de quelques maisons centrales, on commence à y remplacer les lits où les détenus couchent deux à deux par des lits individuels, une mesure « désirable pour la santé comme pour les mœurs des détenus17 ». Dans une prison où le « crime de sodomie » y était soi-disant largement répandu, on est même allé jusqu’à grillager les lits du dortoir afin d’encager individuellement les détenus durant la nuit18. Cet espace clos, propice aux rapprochements, préoccupe la doctrine pénitentiaire tout au long du xixe siècle. Dès la Restauration, le cellulaire est plébiscité par la Société royale pour l’amélioration des prisons afin d’empêcher l’immoralité des dortoirs (I). Ce discours hétéronormatif s’intensifie à la monarchie de Juillet, porté par les réformateurs du système carcéral, puis par le gouvernement, jusqu’à pénétrer l’enceinte du Parlement (II). Il revient en force sous la IIIe République à chaque étape du processus législatif de la loi du 5 juin 1875 sur l’encellulement individuel, et même après son adoption (III).

  • 19 Selon le comte Alexandre de Laborde, membre honoraire de la Société royale pour l’amélioration des (...)
  • 20 Martine Kaluszynski, op. cit., p. 88.
  • 21 Je remercie les membres de cet ANR pour les riches discussions que nous avons eu lors des séminaire (...)

5Cette contribution, à mi-chemin entre l’histoire de l’institution pénitentiaire et l’histoire de la répression de l’homosexualité, revient sur le fondement hétéronormatif de l’encellulement individuel. La trajectoire du régime cellulaire est analysée à l’aune de la perception dominante et institutionnelle de l’homosexualité carcérale. Dans ce cadre, sont mobilisés les discours qui entourent le passage législatif de l’emprisonnement en commun à l’emprisonnement cellulaire au xixe siècle. Cette recherche s’appuie principalement sur les travaux préparatoires de la réforme législative des prisons, mis en perspective avec les écrits de la science pénitentiaire. À ses origines, la science pénitentiaire était définie comme « l’étude des moyens d’améliorations physiques et morales des détenus, en un mot, la répression du vice19 ». Au service de la réforme pénitentiaire, elle participe au xixe siècle à la production législative et à l’élaboration de la politique pénale. Elle est en effet une « science juridique [qui] devient un savoir de gouvernement » selon la socio-historienne Martine Kaluszynski20. Les écrits de la science pénitentiaire – en ce qu’ils permettent de diffuser connaissances et idées – sont une source pertinente pour mesurer l’influence de l’hétéronormativité dans la conception du système cellulaire. Plus encore, lorsque les philanthropes derrière ces écrits sont investis d’une mission gouvernementale et/ou législative, à la manière d’Alexis de Tocqueville (1805-1859) par exemple. L’étude des écrits de la science pénitentiaire vient compléter l’analyse des projets de lois et des débats parlementaires sur le cellulaire. Son analyse permet de faciliter l’identification d’un discours hétéronormatif au sein de la sphère parlementaire, où la pudeur est d’autant plus de rigueur. Je mobilise à cet égard la grille de lecture développée dans le cadre de l’ANR HLJPGenre qui propose une analyse genrée du discours juridique21.

Les prémices du cellulaire à la Restauration

  • 22 Catherine Duprat, op. cit., p. 64.
  • 23 Statuts de la Société royale pour l’amélioration des prisons, 15 mai 1819, in Société royale pour l (...)
  • 24 Rapport fait au Conseil général des prisons dans ses séances des 25 mai et 8 juin 1819 (M. Pariset, (...)
  • 25 Rapport fait au Conseil général des prisons (M. le comte Bigot de Préameneu, rapporteur), ibidem, 1 (...)
  • 26 Rapport fait au Conseil général des prisons dans ses séances des 25 mai et 8 juin 1819 (M. Pariset, (...)
  • 27 Pour un résumé de la vision médicale cauchemardesque de la « déperdition onaniste », voir Gabrielle (...)
  • 28 Rapport fait au Conseil général des prisons dans ses séances des 25 mai et 8 juin 1819 (M. Pariset, (...)
  • 29 Christophe Aubanel, Mémoire sur le système pénitentiaire, Genève, Bonnant, 1837, p. 60.

6La Société royale pour l’amélioration des prisons (1819-1830) est précurseuse de la réforme pénitentiaire22. Cette œuvre philanthropique d’initiative gouvernementale était destinée à « concourir, avec l’administration publique, à apporter dans les prisons du Royaume, toutes les améliorations que réclament la religion, la morale, la justice et l’humanité23 ». Un mois seulement après sa fondation, elle prêche le cellulaire pour empêcher – sans jamais la nommer – l’homosexualité d’abord, les complots ensuite24. Selon la Société royale, « l’isolement de nuit est le seul moyen de prévenir les vices horribles dont les prisonniers se souillent dans leurs dortoirs. C’est là que, par habitude, par l’exemple, par une coupable émulation, se propage cette espèce de fureur honteuse et contagieuse qu’aucune surveillance ne peut prévenir25 ». La détention cellulaire est envisagée comme punitive car réservée en priorité aux « prisonniers vicieux, mal notés, dangereux pour les autres, ou simplement incommodes à leurs camarades » lorsque les dortoirs, permettant « quelques petits privilèges, quelques adoucissements » doivent être perçus par les détenus comme « un objet de récompense »26. Les philanthropes ont bien conscience que la cellule peut encourager la masturbation, tout aussi condamnable moralement27, mais « ces vices du moins seront purement personnels ; ils ne seront point contagieux28 ». En effet, contrairement au vice solitaire, l’homosexualité exige « deux coupables » ce qui « diminue par cela même la honte de chacun d’eux en la faisant partager »29.

  • 30 Louis-René Villermé, op. cit., p. 96-97.

7L’emprisonnement individuel n’est pas pensé seulement au masculin. En 1820, le médecin Louis-René Villermé (1782-1863), membre de la Société royale pour l’amélioration des prisons, sollicite à demi-mot le cellulaire pour les femmes après avoir décrit les « mariages » auxquelles elles se livrent : « il est facile de se convaincre, en réfléchissant sur les causes d’une semblable coutume, qu’on ne la déracinera jamais, au moins tant que les prisonnières coucheront, je ne dirai pas seulement plusieurs dans un lit, mais encore dans la même chambre30 ».

L’essor cellulariste avec la monarchie de Juillet

  • 31 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 504-505.
  • 32 Gaston Liégeois, op. cit., p. 39-42.

8Dans le contexte de moralisation de la monarchie de Juillet, la dénonciation de l’homosexualité carcérale s’intensifie31 à mesure que le mouvement cellulaire progresse32. Obsédés par la sexualité des personnes détenues, les réformateurs du système carcéral plébiscitent le cellulaire dans le prolongement de la proposition formulée par la Société royale des prisons (A). La panique sexuelle ne tarde pas à gagner le gouvernement qui enquête sur la solution cellulaire avant d’y souscrire (B). Au Parlement, le réformateur Alexis de Tocqueville poursuit sa croisade morale cellulaire contre le vice de l’homosexualité dans le cadre de la réforme législative des prisons (C).

L’obsession sexuelle des réformateurs

  • 33 Alexis de Tocqueville, Œuvres complètes. Écrits sur le système pénitentiaire en France et à l’étran (...)
  • 34 Jen Manion, Liberty’s Prisoners. Carceral Culture in Early America, Philadelphie, University of Pen (...)
  • 35 Michelle Perrot, « Criminalité et système pénitentiaire au xixe siècle : une histoire en développem (...)
  • 36 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 508. Michelle Perrot ajoute que « cette “monstrueuse pédérastie” ha (...)

9Dès le début de la monarchie de Juillet, le vice est distinctement nommé par les réformateurs et l’approche se veut frontale. Chargé par le ministre de l’Intérieur d’enquêter sur le régime cellulaire aux États-Unis en 1831, Alexis de Tocqueville en revient en vantant les mérites de cette « “prison dans la prison” qui cumule tous les avantages », dont la fin de la promiscuité des corps33. Il exporte non seulement la théorie cellulaire étudiée sur le sol américain mais également ses justifications. La « panique sexuelle » autour de la sodomie des détenus a joué un rôle déterminant lors de la construction du pénitencier d’Eastern State dans les années 1820 à Philadelphie34. Tocqueville passa huit jours dans cette prison modèle fondée sur l’encellulement individuel permanent et considérée comme le premier vrai pénitencier du monde. Nulle surprise donc que le « chef de file du “parti cellulaire” » français35 fasse entendre que « la sodomie est devenue la plaie des maisons centrales [avec le régime de vie commune] » à son retour36.

  • 37 Ibidem, p. 508.
  • 38 Charles Lucas, op. cit., p. 136.
  • 39 Ibidem, p. 142, notes de bas de page 2 et 3.

10Davantage opposé à l’onanisme que favoriserait la cellule37, le juriste Charles Lucas (1803-1889), ne manque toutefois pas de présenter systématiquement le système cellulaire de nuit « comme le seul moyen de remédier en France à l’immoralité des dortoirs en commun38 ». Plus précisément, l’inspecteur général des prisons identifie la sodomie comme un « vice, inhérent aux dortoirs en commun, que le système cellulaire détruit radicalement […]. Voilà pourquoi la moralité du système cellulaire est incontestable et incontestée39 ».

  • 40 Alphonse Bérenger, Des moyens propres à généraliser en France le système pénitentiaire, 3e éd., Par (...)
  • 41 Ibidem, p. 32.
  • 42 Ibidem, p. 57.

11Alphonse Bérenger (1785-1866) estime aussi que « la séparation complète des détenus pendant la nuit, si nécessaire pour préserver les mœurs [doit] désormais former la base de tout système de réforme40 ». Le magistrat et député se place en digne héritier de la Société royale pour l’amélioration des prisons, dont il chante les louanges de ces « rapports fort remarquables, et empreints de la philanthropie la plus éclairée », puisqu’elle a permis de « déchir[er] le voile qui couvrait la plus hideuse de nos plaies ; elle a porté la lumière de ses investigations sur de nombreux abus dont le gouvernement ignorait lui-même une grande partie, et, en les lui signalant, elle lui a souvent indiqué les moyens d’y mettre un terme41 ». Dans un mémoire lu en 1836 à l’Académie des sciences morales et politiques dont il est membre, Alphonse Bérenger dépeint les conséquences mortelles de la pédérastie pour le corps et l’esprit pour mieux inviter l’assistance au changement de système : « ne souffrons donc plus que les condamnés prennent leur sommeil en commun ; supprimons les dortoirs, et par là nous aurons détruit dans leur source une partie des causes de désordre et d’immoralité qui existent dans nos prisons42 ».

  • 43 Christophe Aubanel, op. cit., p. 61. Cité également in Alexis de Tocqueville, op. cit., p. 532.
  • 44 Eugène-François Vidocq, op. cit., t. 2, p. 248.

12En 1837, le directeur de la prison pénitentiaire de Genève leur emboîte le pas, en adressant au ministre de l’Intérieur français un manifeste pro-cellulaire, qui insiste sur « [l’]avantage immense à extirper jusqu’aux moindres vestiges de la pédérastie ; et le système cellulaire, joint à une bonne surveillance pendant le jour, atteint complétement ce résultat43 ». Eugène-François Vidocq (1775-1857), ancien forçat devenu chef du Service de la Sûreté parisienne, partage la même conclusion : « il faudrait que les condamnés fussent isolés pendant la nuit, ce serait le moyen le plus efficace d’extirper des prisons le vice infâme44 ».

La panique sexuelle gagne le gouvernement

  • 45 Analyse des réponses des directeurs à une circulaire ministérielle du 10 mars 1834 sur les effets d (...)

13Les réformateurs se montrent tellement insistants que dans une enquête réalisée en 1834 auprès des directions des 19 maisons centrales par le ministre du Commerce et des travaux publics, sur les effets du régime de ces maisons, un chapitre est dédié spécifiquement aux dortoirs : « quoique chaque condamné ait son lit particulier, on reproche aux dortoirs communs de favoriser des relations immorales et vicieuses, de les rendre en quelque sorte inévitables. Jusqu’à quel point ce reproche est-il fondé ? […] Pensez-vous que l’établissement de cellules pour le coucher rendît la corruption moins grande, et fût une amélioration réelle, importante, alors que les réunions dans les ateliers, les réfectoires et les préaux seraient maintenues ? […] Ne m’épargnez non plus aucun détail sur cet objet important45 ». La question cellulaire est traitée exclusivement au regard de l’homosexualité dans cette enquête.

  • 46 Ibidem, p. 29-31. Dans le même sens, voir Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 510.
  • 47 Ibidem, p. 35-37. Les directeurs de Clairvaux, Embrun, Ensisheim, Fontevrault, Limoges, Melun, Nîme (...)
  • 48 Ibidem, p. 35-37. Voir notamment les réponses des directeurs de Beaulieu, Cadillac, Eysses, Gaillon (...)

14Les réponses des directeurs apparaissent plus nuancées que les récits scandalisés des philanthropes, pour certains le procès fait aux dortoirs « n’est que trop fondé » alors que pour d’autres ce reproche « est souvent exagéré » ou « ne paraît pas fondé »46. À une courte majorité, les directeurs considèrent que l’établissement de cellules serait une « amélioration importante » pour lutter contre l’homosexualité des dortoirs47. Ceux qui ne sont pas de cet avis mettent en avant l’efficacité des grands dortoirs contre le vice, les réunions qui pourraient toujours intervenir hors de la cellule, les dépenses considérables du système cellulaire, la propreté plus difficile à exiger de la part des personnes détenues en cellule, les difficultés à porter secours aux personnes détenues malades avec l’isolement cellulaire ou encore l’augmentation de la masturbation48.

  • 49 Rapport au roi sur les prisons départementales, Paris, Imprimerie royale, 1837, p. 24 et p. 26. Cet (...)
  • 50 Circulaire du 2 octobre 1836 sur l’appropriation des maisons d’arrêt au système cellulaire, in Code (...)

15Malgré ces réserves d’hommes de terrain, le gouvernement prend le virage cellulaire, par voie administrative d’abord, puis législative. Le ministre de l’Intérieur, Adrien de Gasparin (1783-1862), considère que des dangers moraux sont attachés au coucher en commun et que « le moment [est donc] venu de chercher dans le régime cellulaire le seul moyen praticable de rétablir l’ordre moral dans les prisons49 ». En 1836, il annonce par circulaire que les plans des maisons d’arrêt ne seront plus approuvés s’ils ne respectent pas le système cellulaire50.

Tocqueville en croisade morale au Parlement

  • 51 Selon le comte de Montalivet, successeur de Gasparin, « une Loi sera sans doute utile pour […] déte (...)
  • 52 1er projet de loi sur les prisons, précédé de l’exposé des motifs présenté par M. de Rémusat, minis (...)
  • 53 On note notamment l’usage des termes « contagion morale », « les plus grossiers désordres des mœurs (...)
  • 54 Rapport fait au nom de la Commission de la Chambre des députés chargée d’examiner le 2e projet de l (...)

16Les premiers débats sur la réforme législative des prisons, dont la question cellulaire est au cœur, s’ouvrent les années suivantes à l’initiative du gouvernement51. Si les réformateurs se sont employés à dénoncer avec acharnement la dépravation des mœurs dans les dortoirs et à renforcer dans l’esprit de l’opinion publique l’omniprésence de la menace homosexuelle derrière les barreaux, force est de constater que cet argument n’a qu’une place marginale dans les travaux préparatoires. Il ne fait l’objet d’aucune mention explicite dans l’exposé des motifs et des rapports aux projets de loi sur le système cellulaire de 1840 et de 184352. On peut trouver, tout au plus, de rares références à l’homosexualité entre les lignes par un lexique semblable à celui utilisé par les réformateurs53. La manifestation la plus évidente se trouve justement dans les termes employés par Alexis de Tocqueville, nommé rapporteur des deux projets de loi : « il n’y a pas un seul des documents dont il a déjà été parlé qui ne montre l’indispensable nécessité de créer des cellules de nuit dans nos maisons centrales. […] il en est plusieurs qui prouvent jusqu’à la dernière évidence que, malgré les progrès incontestables de la surveillance et de la sévérité de la discipline, il se passe dans les dortoirs des désordres dont la gravité ainsi que la fréquence doivent faire profondément gémir la morale et l’humanité54 ».

  • 55 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, op. cit., p. 463 (séance du 1 (...)
  • 56 15 ans plus tard, ce député critique du système cellulaire renouvellera son opposition à Tocquevill (...)
  • 57 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, op. cit., p. 463 (séance du 1 (...)

17Le rapporteur récidive lors des discussions sur le projet de loi devant la Chambre des députés en 1844 dans le but de faire taire les critiques qui attribuent au cellulaire le développement de la pratique masturbatoire : « messieurs, on vous a dit que le système cellulaire avait enfanté un vice honteux que je n’oserai pas nommer. Je pourrais dire qu’il y a un grand nombre de faits […] qui prouvent le contraire. Je pourrais dire cela ; mais je ne veux pas entrer dans ces honteux détails. Je me bornerai à vous dire : si vous craignez ce vice infâme, que diriez-vous donc de ce vice plus infâme encore qui s’engendre dans les prisons actuelles, que le régime actuel fait naître55 ». Cette intervention, un brin provocatrice, en serait peut-être restée là, si le député Frédéric Gaëtan de La Rochefoucauld-Liancourt (1779-1863) n’avait pas démenti son propos en objectant qu’« il n’y en a pas ! »56. Alexis de Tocqueville se sent alors obligé d’approfondir la mention qui figurait dans son rapport au sujet de l’homosexualité : « je ne voulais pas, la Chambre en est témoin, entrer dans les détails de cette espèce ; mais, puisqu’on m’y contraint, je dirai ce que les pièces qui ont passé sous les yeux de la Commission démontrent. Il est démontré par ces pièces que, dans le sein de nos maisons centrales réformées, dans celles même ou le régime paraît le plus coercitif et le plus dur, mais par la seule impossibilité de surveillance active que le régime lui-même présente, il est démontré, dis-je, constaté jusqu’à l’évidence, que des vices affreux, affreux pour l’âme, affreux pour le corps, sont en permanence. Je ne pourrais citer une seule de ces maisons centrales dans laquelle, à un moment donné, une vérification a démontré la présence de 150 individus atteints de cette affreuse maladie morale. Voilà ce que l’examen des faits à démontré, et ce que j’ai le droit de dire à la Chambre »57. Si l’échange à ce sujet se clôt sur des « mouvements divers » de l’assistance, ce n’est pas la seule incursion de l’homosexualité dans les débats.

  • 58 Ibidem, p. 654-655 (notes critiques de la séance du 10 mai 1844).
  • 59 « Chronique. Un assassinat à Melun », Revue pénitentiaire et des institutions préventives, n° 4, Pa (...)
  • 60 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, op. cit., p. 81 (séance du 22 (...)
  • 61 Gazette des tribunaux, 22 juin 1844 ; L’Aube, journal des intérêts de la Champagne, 27-28 juin 1844

18Les notes critiques ajoutées aux discours des deux orateurs apportent en effet des preuves supplémentaires « [de l’abomination profonde dans laquelle] est descendue l’immoralité des prisons communes58 ». Elles font notamment mention de l’affaire Defournel pour attester de « l’affreuse réalité »/« des mystères odieux de nos prisons communes » afin de contredire le député La Rochefoucauld-Liancourt. C’est dans les murs de la centrale de Melun qu’Henri-Frédéric Defournel, petit voleur de 21 ans, tue son rival de 32 ans, Jules-Charles Bernard, avec une lime de serrurier qu’il avait pris soin d’aiguiser, d’effiler et de recourber pour la rendre plus meurtrière. Defournel entretenait avec Jean Baptiste Auguste Marchand, âgé de 20 ans, des « relations dont la nature a horreur » et « des soupçons d’une infâme jalousie » à l’égard de Bernard, proche de Marchand, ont « allumé en lui une haine profonde » qui l’a poussé au crime59. Ce drame du huis clos carcéral s’est déroulé parallèlement à l’examen du projet de loi : l’assassinat a lieu le 28 mars, la condamnation à mort de Defournel par la Cour d’assises le 13 mai et son exécution publique le 21 juin. Des articles sont publiés dans la presse de Seine-et-Marne et nationale avec un délai de quelques jours à chacune de ces dates. La discussion du projet de loi à la Chambre des députés, du 22 avril au 18 mai, intervient lors de l’affaire. Il semble peu probable que les députés n’en aient pas eu connaissance. Le député Hyacinthe Corne (1802-1887) y avait d’ailleurs fait référence dès le premier jour des débats lorsqu’il dénonçait la vie en commun en prison : « c’est là que prennent naissance d’horribles rapports, c’est par là que se commettent des crimes tels que celui qui a ensanglanté dernièrement la maison de Melun60 ». Cela n’a pas échappé à la presse acquise à la cause cellulaire : « le supplice de Defournel a donné un argument de plus aux bons esprits qui ont soutenu dans la chambre des députés […] le projet salutaire d’isolement des détenus dans la maison de détention. Si cette loi eût existé, Defournel, quelle que fût la dépravation de son cœur, n’aurait pas commis le crime qu’il vient d’expier. […] Touché de ces tristes résultats d’un système dont les inconvénients graves et les dangers sont aujourd’hui bien constatés, nous appelons de tous nos vœux la loi qui doit y mettre un terme en prescrivant l’isolement des condamnés61 ».

  • 62 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 233-238 ; Gaston Liégeois, op. cit., p. 42 ; Michelle Perrot, « Dél (...)

19Ce qui pourrait être perçu, de prime abord, comme une quasi-invisibilité de l’argumentaire sur l’homosexualité dans le paratexte législatif ne l’est pas en réalité. Certes, la contagion criminelle et la récidive sont incontestablement les motifs les plus discutés mais il faut rappeler qu’une certaine pudeur est de rigueur dans la sphère parlementaire et empêche de partager explicitement des propos susceptibles de blesser la décence, et même, de nommer les vices invoqués comme le démontrent les précautions avec lesquelles le sujet est traité. De plus, l’occurrence d’un fait divers aux conséquences dramatiques, publicisé par un procès d’assises et une exécution publique dans une ville proche de Paris, relayé par la presse, renforce l’idée d’un climat social anxiogène autour de la nécessité du cellulaire pour combattre l’homosexualité carcérale et ses effets au moment du débat. Le discours hétéronormatif apparaît ainsi sous la forme de biais implicites et en creux en raison du caractère innommable de l’homosexualité. L’utilisation de termes évocateurs (le « vice infâme », la « maladie morale »…) et le recours à la référence culturelle (affaire Defournel) sont privilégiés. Malgré cette forme d’autocensure maîtrisée, Tocqueville sera sans doute parvenu à faire passer son message moral à l’assistance. Le projet de loi sera adopté à une large majorité par la Chambre mais la généralisation législative du système cellulaire sera finalement abandonnée, en raison de la révolution de Février 1848 notamment62.

Le retour du cellulaire sous la IIIe République

  • 63 Circulaire du 17 août 1853 relative à la construction et à l’appropriation des prisons départementa (...)
  • 64 Gaston Liégeois, op. cit., p. 42 ss.
  • 65 Sandrine Lambin, Prisons et prisonniers dans le département du Nord sous la Troisième République, T (...)

20Après la chute de la monarchie de Juillet, la question cellulaire revient progressivement à l’ordre du jour. Même si aucune mesure législative n’est prise jusqu’en 1875, la transformation et la construction progressive de prisons cellulaires débute jusqu’à la circulaire Persigny en 185363, qui met fin aux tentatives de mise en œuvre du système cellulaire, jugé trop onéreux64. Le « retour du cellulaire »65 sous la IIIe République est marqué par une enquête parlementaire conduite par la commission d’Haussonville. Elle permet de raviver le discours hétéronormatif au service du système cellulaire (A). En découle la loi du 5 juin 1875 sur l’encellulement individuel qui est adoptée dans ce cadre de pensée (B). Le discours hétéronormatif sur l’emprisonnement en commun persiste après 1875 à défaut d’application de la loi (C).

Le vice exhumé par la commission d’Haussonville

  • 66 La Cour d’appel de Riom se refuse par exemple à partager les détails de la vie commune carcérale : (...)
  • 67 Ibidem, t. 1, Versailles, Cerf et fils, 1873, p. 38 et p. 300 ; Ibidem, t. 2, Paris, Imprimerie nat (...)

21En 1872, une grande enquête est lancée sur le régime des établissements pénitentiaires à l’initiative du député le Vicomte d’Haussonville (1843-1924). La volumineuse et laborieuse enquête multiplie les références nombreuses, plus ou moins explicites66, à l’homosexualité carcérale qui ne pourra disparaître qu’avec l’abolition des dortoirs67. On y retrouve toutes les affres des réformateurs de la monarchie de Juillet, en particulier l’inefficacité de la surveillance et l’architecture vicieuse du régime en commun.

  • 68 Ibidem, t. 2, p. 413-426. Même si cela était prévu, le mémoire ne sera a priori jamais discuté par (...)
  • 69 Le mémoire est également cité in Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 509 ; Daniel Welzer-Lang, Lilian M (...)
  • 70 Frédéric N., « Observations d’un condamné sur le régime des prisons en France », Le contemporain. R (...)
  • 71 Maxime du Camp, « Les prisons de Paris », Revue des deux mondes, t. 83, 1869, p. 598-634, p. 618.
  • 72 Assemblée nationale, Enquête parlementaire sur le régime des établissements pénitentiaires, t. 2, o (...)
  • 73 Ibidem, t. 2, p. 418 et p. 424. Dans le même sens, voir p. 415 : « tous mes soins, tout mon zèle so (...)
  • 74 Ibidem, t. 2, p. 414 et p. 424.
  • 75 Ibidem, t. 2, p. 423.
  • 76 Ibidem, t. 2, p. 422.

22Pour ne prendre que l’exemple le plus parlant, un mémoire envoyé au Vicomte par l’Abbé Victor Bluteau, aumônier du pénitencier de Tours, intitulé Réflexions sur la réforme pénitentiaire sera lu par la commission parlementaire et intégré à ses travaux68. Il fait figure de réquisitoire pro-cellulaire fondé essentiellement sur la hantise de l’homosexualité carcérale69. L’Abbé s’appuie sur le témoignage du détenu Frédéric N. qu’il avait fait publier70, sur les réflexions de l’écrivain Maxime du Camp (1822-1894) sur l’homosexualité carcérale71, ainsi que sur « les aveux les plus tristes sur la dépravation contagieuse qui coule à pleins bords dans les maisons centrales, [qu’il a] recueilli, depuis vingt-neuf ans, de la bouche d’une multitude de condamnés et de repris de justice72 ». Selon l’Abbé, le régime en commun est une « prime d’encouragement pour les natures vicieuses », « [l’]un des plus grands périls qui menacent aujourd’hui la société » et « [le] foyer putréfiant, où se fait un travail de décomposition morale, contre lequel l’action même de la religion ne peut presque rien73 ». L’ecclésiastique voit en la monstrueuse promiscuité « un obstacle invincible au bien des détenus, parce qu’elle est une cause permanente de surexcitation pour les passions » et ne fait « aucune distinction entre les maisons centrales d’hommes et celles de femmes » en la matière74. Il se demande « pourquoi, lorsqu’on a […] sous les yeux les ravages effrayants de la promiscuité, mépriser ainsi l’intérêt moral des détenus aussi bien que celui de la société ? N’est-ce pas un abus de pouvoir et même un crime social75 ? ». Il réclame donc « que l’on interroge les hommes éclairés, que l’on mette en présence, sous leurs yeux, [...] les effets engendrés par la promiscuité des détenus, [car] tous seront unanimes à repousser le régime en commun pour adopter en principe la détention cellulaire76 ».

  • 77 Ibidem, t. 6, p. 179.
  • 78 Ibidem, t. 6, p. 178. Selon l’Abbé Victor Bluteau : « et les dortoirs, de quels désordres, de quels (...)
  • 79 Ibidem, t. 6, p. 178. L’ensemble de ces considérations issues du rapport final sont recopiées mot p (...)

23Tout porte à croire que le Vicomte souscrit pleinement aux thèses de l’Abbé sur « ces actes immoraux auxquels nous sommes malheureusement obligés si souvent de faire allusion77 ». En effet, il va jusqu’à en reprendre les termes sur les dortoirs dans son rapport final : « quelles honteuses débauches deviennent le théâtre ces vastes salles où sont agglomérés des hommes dans toute la force de l’âge et des passions, dont beaucoup sont familiarisés de longue date avec les vices les plus honteux78 ». Devant « un état de choses aussi déplorable », le Vicomte s’étonne que rien ne soit fait pour isoler les personnes détenues durant la nuit. Cette mesure, pourtant justifiée par un « intérêt impérieux de moralité » devrait mettre tout le monde d’accord « quelque opinion qu’on ait sur les différents systèmes pénitentiaires »79.

Le triomphe législatif du bien sur le mal

  • 80 Sandrine Lambin, op. cit., vol. 1, p. 50.
  • 81 Assemblée nationale, Enquête parlementaire sur le régime des établissements pénitentiaires, t. 7, 1 (...)
  • 82 Ibidem, t. 7, p. 68.

24Le projet de loi est rédigé dans la foulée et le député René Bérenger (1830-1915), fils du réformateur Alphonse Bérenger, est nommé rapporteur. L’argumentaire de René Bérenger en faveur du cellulaire est proche de celui de son père : « l’isolement n’est pas néfaste pour la santé dès lors qu’est prévu un exercice quotidien au grand air ; les statistiques ne font pas apparaître plus de suicides qu’auparavant ; la cellule est plus dure pour le délinquant habituel, le paresseux ; les relations homosexuelles sont ainsi empêchées80 ». Le rapporteur met en avant que « l’inconvénient principal » de l’espace carcéral est la promiscuité absolue des dortoirs « et ce défaut n’y est atténué par aucun des sages correctifs qu’on y rencontre »81. Il ajoute que dans l’échelle des vices, la promiscuité doit être davantage redoutée que la masturbation82.

  • 83 Journal officiel de la République française, vol. 7, n° 136, 20 mai 1875, p. 3540-3548 ; Ibidem, n° (...)
  • 84 Voir par exemple Ibidem, 20 mai 1875, p. 3543 et p. 3548 ; Ibidem, 21 mai 1875, p. 3573-3576 ; Ibid (...)
  • 85 Ibidem, 3 juin 1875, p. 3948.
  • 86 Ibidem, 3 juin 1875, p. 3945 ; Ibidem, 4 juin 1875, p. 3979.
  • 87 Ibidem, 3 juin 1875, p. 3947.
  • 88 René Garraud, « Loi des 5-16 Juin 1875 sur le régime des prisons départementales », Revue critique (...)

25Dans la lignée des travaux préparatoires de la commission d’Haussonville, les délibérations ont lieu à l’Assemblée nationale en 187583. La sexualité n’a qu’une place limitée dans les discussions des députés qui s’attardent davantage sur le chiffre des récidives, la mortalité induite par le cellulaire et la question budgétaire. La promiscuité homosexuelle se loge, à nouveau, dans un sous-texte empreint d’allusions84. Le rapporteur du projet de loi s’autorise tout de même à dévoiler de vive voix que « dans la cellule, […] le détenu n’est pas en contact avec les passions hideuses, épouvantables, ignobles qui se rencontrent dans la vie en commun85 ». Ce dernier régime est dépeint comme l’école du crime et du vice où les personnes détenues les plus méchantes et abjectes (les femmes de mauvaises mœurs en première ligne) y recrutent les plus jeunes et innocentes dans la criminalité, la débauche et l’immoralité86. L’assemblée sera convaincue par les interventions remarquées d’Haussonville et de Bérenger qui écraseront toute objection grâce à leur « pensée du système cellulaire [qui substitue] l’influence du bien à l’influence du mal87 ». La loi sur le régime des prisons départementales, qui fera entrer dans le droit français le principe de l’encellulement individuel, sera adoptée à une large majorité le 5 juin 187588.

Le triomphe du vice à défaut d’application de la loi

  • 89 Antoine Chastel, Avantages du régime d’Auburn, Paris, Rousseau, 1900, p. 77 ss.
  • 90 Geôlard, « Le détenu dans ses relations intra et extra-muros », Archives d’anthropologie criminelle (...)

26Ce changement de paradigme législatif sur le régime des prisons peine à trouver application en pratique. L’état des finances départementales ne permettra pas une transformation profonde du parc pénitentiaire et la surpopulation carcérale empêchera le respect du principe de l’encellulement individuel89. C’est la raison pour laquelle, la production d’un discours hétéronormatif sur la prison ne disparaîtra pas avec la promulgation de la loi. Après avoir sollicité l’adoption du système cellulaire, ses défenseurs en demanderont son application stricte pour lutter contre l’homosexualité carcérale qui sévit toujours90.

  • 91 Sandrine Lambin, op. cit., vol. 2, p. 455.
  • 92 Aline Martinet, Enfermer et Punir. Histoire des prisons et des prisonniers des Alpes-Maritimes (179 (...)
  • 93 Charles Perrier, Les criminels. Étude concernant 859 condamnés, t. 2, Lyon, Storck et Cie, 1905, p. (...)

27Le discours institutionnel demeure également profondément ancré dans cette conception. Une lettre ministérielle de 1876 recommande que deux détenus ne soient jamais placés dans la même cellule en cas de surpopulation, « il est préférable qu’ils soient trois ou de refaire un dortoir ». On peut voir dans ces consignes, le témoignage « de la crainte omniprésente de la pédérastie » qui perdure après le vote de 187591. « L’immoralité la plus obscène règne dans les prisons où se trouvent les dortoirs en commun » écrit aussi le préfet des Alpes-Maritimes dans un rapport destiné au Congrès pénitentiaire international de Rome de 1885 alors que se construit, à la même époque, la tant attendue prison cellulaire de Nice92. De manière plus évidente encore, l’homosexualité constitue un motif, semble-t-il, recevable pour obtenir des subventions de l’État afin d’aider à la transformation des dortoirs en cellules (art. 7 in extenso de la loi du 5 juin 1875). En 1896, le directeur de la centrale de Nîmes « sollicite du ministre de l’Intérieur l’ouverture d’un crédit de 10.000 francs pour la création immédiate de 200 cellules, et dans l’exposé des motifs en faveur de ce projet, il arguait avec raison que sous les verrous, la pédérastie [était] en honneur […]. Aussitôt l’adhésion du ministre donnée, les travaux commencèrent. On en parlait à tout propos. C’était un enthousiasme93 ! ».

  • 94  Chambre des députés, Compte rendu in extenso, 2e séance du 13 juillet 1906, Journal officiel de la (...)
  • 95 Chambre des députés, Documents parlementaires : annexes aux procès-verbaux des séances de 1906, Ann (...)
  • 96 Ibidem.

28Sur la scène parlementaire, en 1906, la « nécessité absolue » du cellulaire est rappelée face à la perpétuelle « école du vice » du régime en commun. C’est ce que glisse le député et futur célèbre ministre, Henry Chéron (1867-1936), dans un rapport rédigé au nom de la commission des finances sur le budget du service pénitentiaire à l’occasion de l’examen du projet de loi portant fixation du budget général de l’État pour l’année à venir94. Le politicien proclame qu’il détient « un dossier de lettres écrites par des détenus dans des prisons de régime commun, et qui prouve que la pédérastie y est élevée à la hauteur d’une institution. Ces lettres sont ignobles ; elles ne peuvent être citées95 ». Profitant de sa mission budgétaire pour contrôler le fonctionnement de l’administration pénitentiaire, Henry Chéron défend alors que « seul le régime cellulaire peut porter remède [à ces] faits épouvantables96 ».

Conclusion

29L’hétéronormativité ne peut être dissociée de l’histoire de la cellularité. L’homosexualité carcérale, associée à la promiscuité des pauvres dans les dortoirs d’hommes ou de femmes, a été sans cesse mobilisée au xixe siècle par les élites comme l’épouvantail de l’immoralité, nécessitant la réforme du système pénitentiaire par l’adoption du cellulaire face à l’inefficacité d’autres moyens de répression. En France, la Société royale pour l’amélioration des prisons pose les jalons de ce discours hétéronormatif lors de la Restauration, lequel perdure tout au long de la réforme législative des prisons à la monarchie de Juillet et sous la IIIe République, jusqu’à l’adoption de la loi du 5 juin 1875 sur l’encellulement individuel et même postérieurement. L’analyse de ce discours, sur le temps long, démontre qu’il circule et transcende toutes les sphères, des écrits de la science pénitentiaire à l’échelle parlementaire.

  • 97 Conseil d’État du Canton de Vaud, Compte rendu sur l’administration pendant l’année 1862, Lausanne, (...)
  • 98 Ministère de la justice (Édouard Ducpétiaux), op. cit., p. 52 ss ; Édouard Ducpétiaux, Des progrès (...)
  • 99 Hippolyte Mireur, La prostitution à Marseille, Paris et Marseille, Dentu et librairie marseillaise, (...)
  • 100 René Jude, Les dégénérés dans les bataillons d’Afrique, Vannes, Le Beau, 1907, p. 37, voir aussi p. (...)

30Le recours argumentatif au système cellulaire afin de juguler l’homosexualité carcérale est loin de constituer une particularité française. Avec l’internationalisation des débats autour de la question pénitentiaire au xixe siècle, le discours carcéral hétéronormatif s’immisce dans l’enceinte des parlements européens. En Suisse, le « vice grave » de la promiscuité homosexuelle nocturne engendrée par la surpopulation est dénoncé par le Conseil d’État du Canton de Vaud97. En Belgique, l’adoption législative du cellulaire peut notamment être attribuée à la menace de l’homosexualité sans cesse brandie par l’inspecteur général des prisons, Édouard Ducpétiaux (1804-1868), inspiré par les travaux de ses confrères réformateurs français (Alphonse Bérenger et Alexis de Tocqueville en particulier)98. Si le discours s’exporte, il présente également des ramifications en France, en se transposant organiquement à d’autres lieux d’enfermements entre la fin du xixe et le début du xxe siècle. En 1882 par exemple, le docteur Hippolyte Mireur (1841-1914), horrifié par l’homosexualité des filles publiques qui contamine les autres femmes au violon de la police de Marseille, désire qu’il soit reconstitué de fond en comble sur la base du système cellulaire99. Vers 1905, le ministre de la Guerre en personne rédige une circulaire prescrivant l’emploi du régime cellulaire dans les prisons militaires des bataillons d’Afrique pour étouffer la pédérastie des mauvais soldats100.

  • 101 Gwenola Ricordeau et Olivier Milhaud, op. cit., § 3 et § 20 ss.
  • 102 « La loi du 5 juin 1875 supprime donc pour les prévenus et les individus condamnés à de courtes pei (...)
  • 103 Jacques-Guy Petit, « Aspects de l’espace carcéral en France au xixe siècle », in Jacques-Guy Petit (...)
  • 104 « Sans doute le dortoir cellulaire ne saurait [...] interdire à l’un d’aimer l’autre, aux forts et (...)
  • 105 En témoignent les nombreux billets d’amours clandestins (« biftons ») échangés entre les personnes (...)

31L’étude du discours sur l’homosexualité carcérale et son entrelacement dans le processus législatif sur le cellulaire met en lumière que l’une des fonctions de l’encellulement individuel au xixe siècle est de préserver les mœurs et la tranquillité publique intra comme extra-muros. L’encellulement individuel est l’expression de l’instrumentalisation de l’espace carcéral par les élites à des fins de contrôle et de répression d’une sexualité jugée déviante101. Ce modèle d’enfermement vise à restituer à la société une personne que la prison a amendée moralement, idéalement hétérosexuelle. Avec le système cellulaire, l’État ne peut plus être tenu pour responsable du péril des mœurs et des scandales en prison. La cellule est ainsi conçue comme un dispositif légal et architectural, profondément moralisateur102, au service de l’ordre hétérosexuel. Pour faire nôtre l’expression de Jacques-Guy Petit, la cellule – à laquelle se greffe l’instruction, la religion et le travail – est une « machine à moraliser »103, ou plutôt une machine à hétérosexualiser. Si elle restreint certes les opportunités sexuelles des personnes détenues de même sexe, ses limites sont toutefois manifestes dans son impossibilité à annihiler les unions homosexuelles sentimentales et platoniques104. La sexualité est empêchée mais les attirances charnelles et/ou les sentiments amoureux subsistent parmi la population carcérale105. Ces formes de conjugalités en dehors des normes dominantes durent parfois seulement le temps de la détention, d’autres fleurissent à l’extérieur, elles seront néanmoins toujours soumises à l’œil réprobateur et voyeuriste de l’État qui tente de gouverner, à tout prix, la sexualité et l’amour au xixe siècle.

  • 106 Art. L213-1 à L213-6 du Code pénitentiaire ; art. 716 du Code de procédure pénale.
  • 107 Elsa Besson, « Quand la cellule devint la norme. Théories de l’architecture carcérale au xixe siècl (...)
  • 108 Notons toutefois que la Direction de l’Administration Pénitentiaire utilisait encore, dans la secon (...)
  • 109 Défenseur des Droits, Avis 21-13 du 30 septembre 2021 relatif à l’identification des dysfonctionnem (...)
  • 110 Assemblée nationale, L’encellulement individuel dans les prisons : sortir de l’impasse des moratoir (...)
  • 111 Selon le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti : Assemblée nationale, Compte rendu intégral, 2e séa (...)
  • 112 Art. 8 de l’Ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire (...)

32L’encellulement individuel dispose encore aujourd’hui d’un fort ancrage en droit français106. Cependant, si « le rôle prééminent accordé par les théoriciens du xixe siècle à la cellule tenait au fait qu’elle constituait un lieu d’isolement [,] ces dispositions ont [depuis] perdu le[ur] sens correctif et moral107 ». La cellule n’aurait désormais plus pour fonction d’ériger des murs contre les relations homosexuelles108 et sa fondation conceptuelle hétéronormative a d’ailleurs été ensevelie par les silences de l’histoire. Au sens contemporain, l’encellulement individuel est identifié comme un droit des personnes détenues lié au respect de la dignité humaine et à la préservation de la personnalité109. En pratique, le rêve cellulaire des réformateurs ne s’est pas encore pleinement réalisé. Les maisons d’arrêt, en état de surpopulation, sont loin de se conformer à ce régime. Moratoire après moratoire110, le Parlement ne cesse de repousser l’entrée en application de cette mesure afin d’éviter de « […] placer le ministère de la justice en situation d’illégalité au regard du droit à l’encellulement individuel111 ». Le dernier amendement en date en permet la dérogation jusqu’au 31 décembre 2027112.

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Bibliographie

Bibliographie sélective

Aubanel Christophe, Mémoire sur le système pénitentiaire, Genève, Bonnant, 1837.

Barban Lucien et Calvo Dominique, Traité pratique de l’administration & du service des prisons, Paris, Dentu et Dupont, 1866.

Bérenger Alphonse, Des moyens propres à généraliser en France le système pénitentiaire, 3e éd., Paris, Imprimerie royale, 1837.

De Sémant Paul et Gramaccini Camille, Au Bagne des Femmes (Clermont), Paris, Flammarion, 1903.

De Tocqueville Alexis, Œuvres complètes. Écrits sur le système pénitentiaire en France et à l’étranger, t. 4, Paris, Gallimard, 1985.

Geôlard, « Le détenu dans ses relations intra et extra-muros », Archives d’anthropologie criminelle de criminologie et de psychologie normale et pathologique, t. 14, 1899, p. 367-398 et p. 517-545.

Kaluszynski Martine, « La science pénitentiaire comme science de gouvernement : Espaces juridiques, réseaux réformateurs et savoirs experts en France à la fin du XIXe siècle », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 7, 2013, p. 87-111.

Lambin Sandrine, Prisons et prisonniers dans le département du Nord sous la Troisième République, Thèse de doctorat d’histoire contemporaine, Lille, Université Lille-III, 2013.

Liégeois Gaston, Le régime cellulaire en France et à l’étranger, Thèse de doctorat en droit, Nancy, Kreis, 1900.

Lucas Charles, De la réforme des prisons, ou de la théorie de l’emprisonnement, de ses principes, de ses moyens, et de ses conditions pratiques, t. 1, Paris, Legrand et Bergounioux, 1836.

O’Brien Patricia, Correction ou châtiment. Histoire des prisons en France au XIXe siècle, Paris, PUF, 1988.

Perrot Michelle, L’impossible prison. Recherches sur le système pénitentiaire au XIXe siècle, Paris, Seuil, 1980.

Petit Jacques-Guy, Ces peines obscures. La prison pénale en France (1780-1875), Paris, Fayard, 1990.

Ricordeau Gwenola et Milhaud Olivier, « Prisons. Espaces du sexe et sexualisation des espaces », Géographie et cultures, n° 83, 2012, p. 69-85.

Vidocq Eugène-François, Les voleurs, physiologie de leurs mœurs et de leur langage, t. 1-2, Paris, Beaulé et Jubin, 1837.

Villermé Louis-René, Des prisons telles qu’elles sont, et telles qu’elles devraient être, Paris, Méquignon-Marvis, 1820.

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Notes

1 Lucien Barban et Dominique Calvo, Traité pratique de l’administration & du service des prisons, Paris, Dentu et Dupont, 1866, p. 187 (extrait tiré du chapitre intitulé « Nécessité d’appliquer le système cellulaire »).

2 Loi du 5 juin 1875 sur le régime des prisons départementales, in Code des prisons, t. 6, Paris, Dupont, 1875, p. 251-253.

3 Pour un historique plus complet qu’ici, voir notamment Gaston Liégeois, Le régime cellulaire en France et à l’étranger, Thèse de doctorat en droit, Nancy, Kreis, 1900 ; Jacques-Guy Petit, Ces peines obscures. La prison pénale en France (1780-1875), Paris, Fayard, 1990, p. 219 ss ; Elsa Besson, « L’architecture carcérale française à l’aune de la cellule. Origines, mythes et constances de la prison individuelle », Champ pénal, n° 20, 2020.

4 Martine Kaluszynski, « La science pénitentiaire comme science de gouvernement : Espaces juridiques, réseaux réformateurs et savoirs experts en France à la fin du xixe siècle », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 7, 2013, p. 87-111, p. 92.

5 Mélodie Renvoisé, Du “mélange des sexes” à la “mixité” : une analyse sociohistorique et ethnographique de la coprésence des hommes et des femmes en prison, Thèse de doctorat en sociologie, Nantes, Nantes Université, 2023, p. 85-184.

6 Formulation empruntée à Jean-Sébastien Blanc, « L’homosexualité “situationnelle” en prison : une catégorie au service de l’ordre hétérosexuel ? », Déviance et Société, vol. 47, n° 2, 2023, p. 183-210.

7 Patricia O’Brien, Correction ou châtiment. Histoire des prisons en France au xixe siècle, Paris, PUF, 1988, p. 105. Dans le même sens, voir Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 503.

8 Dans cette étude, le terme « homosexualité » désigne les rapports affectifs et/ou sexuels entre personnes de même sexe. Ce terme n’a vu le jour qu’en 1869 si bien que la désignation de « pédérastie » et ses variantes sont à replacer dans le contexte historique étudié. Sur les origines, l’utilisation et la conceptualisation du terme d’homosexualité, voir Régis Revenin, Homosexualité et prostitution masculine à Paris (1870-1918), Paris, L’Harmattan, 2005, p. 7 ss ; Éric Bordas, « Introduction. Comment en parlait-on ? », Romantisme. Revue du dix-neuvième siècle, n° 159, 2013, p. 3-17.

9 Charles Lucas, De la réforme des prisons, ou de la théorie de l’emprisonnement, de ses principes, de ses moyens, et de ses conditions pratiques, t. 1, Paris, Legrand et Bergounioux, 1836, p. 143.

10 Eugène-François Vidocq, Les voleurs, physiologie de leurs mœurs et de leur langage, t. 1, Paris, Beaulé et Jubin, 1837, p. 162.

11 À l’origine, « le terme de sodomie englobait toutes les pratiques n’aboutissant pas à la génération » rappelle Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n°s 112-113, 2010, p. 197-208.

12 Marc Boninchi, Vichy et l’ordre moral, Paris, PUF, 2005, p. 143-193.

13 Hélène Duffuler-Vialle, « Représentations proustiennes de l’homosexualité et réalités juridiques », Revue Droit & Littérature, n° 5, 2021, p. 93-108.

14 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, Paris, Bureau de la revue pénitentiaire, 1844, p. 635 (notes critiques de la séance du 6 mai 1844).

15 Charles Bertheau, De la transportation des récidivistes incorrigibles, Paris, Marescq Ainé, 1882, p. 25. Dans le même sens, voir Gaston Liégeois, op. cit., p. 37.

16 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 503.

17 À Melun, Clairvaux, Fontevrault, et Gaillon selon le Rapport au roi sur les prisons du 4 mai 1819, par le ministre de l’Intérieur le comte Decazes, p. 34. Dans le même sens, voir Louis-René Villermé, Des prisons telles qu’elles sont, et telles qu’elles devraient être, Paris, Méquignon-Marvis, 1820, p. 30-31 : « en France, la plupart des prisonniers qui ont des lits [...] sont couchés au nombre de deux dans chacun. En mettant ainsi les soldats deux à deux, on s’oppose à l’habitude de la mastupration ; mais que l’on considère la différence des circonstances, et l’on verra que cet usage, loin d’avoir un résultat aussi avantageux, contribue même à faire naître chez le prisonnier un vice contre-nature. Chacun devrait donc avoir toujours son lit pour lui seul ».

18 Alphonse Cerfberr de Medelsheim, La vérité sur les prisons. Lettres à M. de Lamartine, Paris, Mansut, 1844, p. 29. Selon ce haut fonctionnaire de l’administration pénitentiaire, ce mode de coucher a rempli avec succès sa mission. Il estime que cette réussite « dispense le système d’Auburn des absurdes cellules de nuit que ses partisans prônent comme une panacée ».

19 Selon le comte Alexandre de Laborde, membre honoraire de la Société royale pour l’amélioration des prisons, cité in Catherine Duprat, « Punir et guérir. En 1819, la prison des philanthropes », in Michelle Perrot (éd.), L’impossible prison. Recherches sur le système pénitentiaire au xixe siècle, Paris, Seuil, 1980, p. 64-122, p. 65-66.

20 Martine Kaluszynski, op. cit., p. 88.

21 Je remercie les membres de cet ANR pour les riches discussions que nous avons eu lors des séminaires d’écriture et, en particulier, Hélène Duffuler-Vialle pour ses précieux commentaires sur la première version de ce texte.

22 Catherine Duprat, op. cit., p. 64.

23 Statuts de la Société royale pour l’amélioration des prisons, 15 mai 1819, in Société royale pour l’amélioration des prisons (recueil de 22 textes), 4e pièce, 1819, p. 15, art. 1.

24 Rapport fait au Conseil général des prisons dans ses séances des 25 mai et 8 juin 1819 (M. Pariset, rapporteur), ibidem, 10e pièce, 1819, p. 52-53.

25 Rapport fait au Conseil général des prisons (M. le comte Bigot de Préameneu, rapporteur), ibidem, 16e pièce, 1819, p. 57.

26 Rapport fait au Conseil général des prisons dans ses séances des 25 mai et 8 juin 1819 (M. Pariset, rapporteur), op. cit., p. 53.

27 Pour un résumé de la vision médicale cauchemardesque de la « déperdition onaniste », voir Gabrielle Houbre, « Le xixe siècle », in Sylvie Steinberg (dir.), Une histoire des sexualités, Paris, PUF, 2018, p. 265-345, p. 296-298.

28 Rapport fait au Conseil général des prisons dans ses séances des 25 mai et 8 juin 1819 (M. Pariset, rapporteur), op. cit., p. 53 ; Rapport fait au Conseil général des prisons (M. le comte Bigot de Préameneu, rapporteur), op. cit., p. 57.

29 Christophe Aubanel, Mémoire sur le système pénitentiaire, Genève, Bonnant, 1837, p. 60.

30 Louis-René Villermé, op. cit., p. 96-97.

31 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 504-505.

32 Gaston Liégeois, op. cit., p. 39-42.

33 Alexis de Tocqueville, Œuvres complètes. Écrits sur le système pénitentiaire en France et à l’étranger, t. 4, Paris, Gallimard, 1985, p. 40.

34 Jen Manion, Liberty’s Prisoners. Carceral Culture in Early America, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2015, p. 169 ss ; Ben Bethell, « Defining “Unnatural Crime”: Sex and the English Convict System (1850-1900) », in Sean Brady et Mark Seymour (éd.), From Sodomy Laws to Same-Sex Marriage, Londres, Bloomsbury Academic, 2021, p. 57-69, p. 59-60 ; Regina Kunzel, Criminal Intimacy. Prison and the Uneven History of Modern American Sexuality, Chicago, University of Chicago Press, 2008, p. 21-22.

35 Michelle Perrot, « Criminalité et système pénitentiaire au xixe siècle : une histoire en développement », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 1988.

36 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 508. Michelle Perrot ajoute que « cette “monstrueuse pédérastie” hante Tocqueville beaucoup plus que le “vice solitaire” », Alexis de Tocqueville, op. cit., p. 40.

37 Ibidem, p. 508.

38 Charles Lucas, op. cit., p. 136.

39 Ibidem, p. 142, notes de bas de page 2 et 3.

40 Alphonse Bérenger, Des moyens propres à généraliser en France le système pénitentiaire, 3e éd., Paris, Imprimerie royale, 1837, p. 15.

41 Ibidem, p. 32.

42 Ibidem, p. 57.

43 Christophe Aubanel, op. cit., p. 61. Cité également in Alexis de Tocqueville, op. cit., p. 532.

44 Eugène-François Vidocq, op. cit., t. 2, p. 248.

45 Analyse des réponses des directeurs à une circulaire ministérielle du 10 mars 1834 sur les effets du régime de ces maisons, Paris, Imprimerie royale, 1836, p. II-III.

46 Ibidem, p. 29-31. Dans le même sens, voir Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 510.

47 Ibidem, p. 35-37. Les directeurs de Clairvaux, Embrun, Ensisheim, Fontevrault, Limoges, Melun, Nîmes, Poissy, Rennes et Riom y sont favorables.

48 Ibidem, p. 35-37. Voir notamment les réponses des directeurs de Beaulieu, Cadillac, Eysses, Gaillon, Haguenau, Montpellier et Mont-Saint-Michel. Alphonse Bérenger, op. cit., p. 55, s’oppose fermement à ces réponses.

49 Rapport au roi sur les prisons départementales, Paris, Imprimerie royale, 1837, p. 24 et p. 26. Cette citation est également reprise par Gwenola Ricordeau et Olivier Milhaud, « Prisons. Espaces du sexe et sexualisation des espaces », Géographie et cultures, n° 83, 2012, p. 69-85, § 24, qui jugent que les termes du ministre « sont révélateurs de l’usage de l’architecture pour combattre des activités sexuelles jugées contre-nature ».

50 Circulaire du 2 octobre 1836 sur l’appropriation des maisons d’arrêt au système cellulaire, in Code des prisons, t. 1, Paris, Dupont, 1845, p. 188 (reproduite intégralement in Rapport au roi sur les prisons départementales, op. cit., p. 60-61). D’autres circulaires viendront confirmer la règle cellulaire, voir notamment Circulaire du 9 août 1841 contenant l’envoi d’un programme et d’un atlas de plans pour la construction de maisons d’arrêt cellulaires, in Code des prisons, t. 1, op. cit., p. 318 ss.

51 Selon le comte de Montalivet, successeur de Gasparin, « une Loi sera sans doute utile pour […] déterminer le mode de construction ou d’appropriation de nos maisons d’arrêt, de justice et de correction départementales, et diriger vers le même but le régime des maisons centrales. Cette loi fait l’objet de mes plus sérieuses méditations, et je ne négligerai rien pour que les chambres puissent être appelées à délibérer sur ce projet », Circulaire du 18 août 1837 contenant diverses questions à soumettre aux Conseils généraux en vue de l’introduction d’un nouveau système dans le régime intérieur des prisons, in Code des prisons, t. 1, op. cit., p. 214.

52 1er projet de loi sur les prisons, précédé de l’exposé des motifs présenté par M. de Rémusat, ministre de l’Intérieur, à la Chambre des députés dans sa séance du 9 mai 1840 ; 1er rapport fait au nom de la Commission de la Chambre des députés chargée d’examiner le 1er projet de loi sur les prisons, par M. Alexis de Tocqueville dans sa séance du 20 juin 1840 ; 2e projet de loi sur la réforme générale du régime des prisons, précédé de l’exposé des motifs, présenté par M. le comte Duchâtel, ministre de l’Intérieur, à la Chambre des députés dans sa séance du 17 avril 1843 ; Rapport fait au nom de la Commission de la Chambre des députés chargée d’examiner le 2e projet de loi sur la réforme des prisons, par M. Alexis de Tocqueville dans sa séance du 4 juillet 1843.

53 On note notamment l’usage des termes « contagion morale », « les plus grossiers désordres des mœurs », « la tyrannie des pervers », « la plus funeste école du vice » et « des plus mauvaises passions ».

54 Rapport fait au nom de la Commission de la Chambre des députés chargée d’examiner le 2e projet de loi sur la réforme des prisons, op. cit., p. 244. On précisera encore que l’enquête ministérielle conduite en 1834-1836 est convoquée à de multiples reprises par Tocqueville mais sa partie consacrée aux dortoirs n’est jamais mobilisée explicitement par le rapporteur. Inversement, le député Jean Vatout fera une brève lecture d’extraits de cette partie lors des débats afin de souligner qu’une bonne surveillance nocturne arrive au même résultat, sur le plan de la morale, que l’encellulement individuel, Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, op. cit., p. 395-398 (séance du 8 mai 1844).

55 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, op. cit., p. 463 (séance du 10 mai 1844). Tocqueville réagit aux observations du député Guillaume de Maleville sur le vice solitaire, Ibidem, p. 444.

56 15 ans plus tard, ce député critique du système cellulaire renouvellera son opposition à Tocqueville sur ce point. Il considérera que les propos tenus par le rapporteur sur l’immoralité des dortoirs sont une « calomnie » en s’appuyant notamment sur les réponses des directeurs des centrales à l’enquête ministérielle conduite en 1834-1836. Frédéric Gaëtan de La Rochefoucauld-Liancourt, Histoire des tortures au xixe siècle, Paris, De Morris et Cie, 1859, p. 435 ss.

57 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, op. cit., p. 463 (séance du 10 mai 1844). Extrait également cité in Ministère de la justice (Édouard Ducpétiaux), Mémoire à l’appui du projet de loi sur les prisons, présenté à la Chambre des Représentants de Belgique, dans la séance du 3 décembre 1844, Bruxelles, Weissenbruch, 1845, p. 53, note de bas de page 1.

58 Ibidem, p. 654-655 (notes critiques de la séance du 10 mai 1844).

59 « Chronique. Un assassinat à Melun », Revue pénitentiaire et des institutions préventives, n° 4, Paris, Bureau de la revue pénitentiaire, 1844, p. 585 ; Le Droit, bulletin des tribunaux, 31 mars 1844 ; La France, journal de la monarchie au dix-neuvième siècle, 1er avril 1844.

60 Discussion du projet de loi sur les prisons à la Chambre des députés, op. cit., p. 81 (séance du 22 avril 1844).

61 Gazette des tribunaux, 22 juin 1844 ; L’Aube, journal des intérêts de la Champagne, 27-28 juin 1844.

62 Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 233-238 ; Gaston Liégeois, op. cit., p. 42 ; Michelle Perrot, « Délinquance et système pénitentiaire en France au xixe siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 30, 1975, p. 67-91, p. 82.

63 Circulaire du 17 août 1853 relative à la construction et à l’appropriation des prisons départementales, in Code des prisons, t. 2, Paris, Dupont, 1856, p. 285-286.

64 Gaston Liégeois, op. cit., p. 42 ss.

65 Sandrine Lambin, Prisons et prisonniers dans le département du Nord sous la Troisième République, Thèse de doctorat d’histoire contemporaine, vol. 1, Lille, Université Lille-III, 2013, p. 48.

66 La Cour d’appel de Riom se refuse par exemple à partager les détails de la vie commune carcérale : « tel est l’affligeant spectacle que nous avons sous les yeux et dont nous ne vous présentons que des aspects incomplets, car il est de telles corruptions, que, par respect pour la dignité humaine, il faut renoncer à en sonder les horribles profondeurs », Assemblée nationale, Enquête parlementaire sur le régime des établissements pénitentiaires, t. 5, Paris, Imprimerie nationale, 1873, p. 81.

67 Ibidem, t. 1, Versailles, Cerf et fils, 1873, p. 38 et p. 300 ; Ibidem, t. 2, Paris, Imprimerie nationale, 1874, p. 230, p. 243 et p. 414 ss ; Ibidem, t. 3, 1875, p. 242-243, p. 314, p. 352 et p. 585-586 ; Ibidem, t. 4, 1873, p. 101, p. 112, p. 192-193 et p. 448 ; Ibidem, t. 5, 1873, p. 14, p. 54-56, p. 81, p. 257, p. 501, p. 588, p. 592 et p. 635 ; Ibidem, t. 6, 1874, p. 95, p. 177-178 et p. 334-335.

68 Ibidem, t. 2, p. 413-426. Même si cela était prévu, le mémoire ne sera a priori jamais discuté par la commission, ou alors cette discussion n’a pas été restituée par écrit.

69 Le mémoire est également cité in Jacques-Guy Petit, op. cit., p. 509 ; Daniel Welzer-Lang, Lilian Mathieu et Michaël Faure, Sexualités et violences en prison. Ces abus qu’on dit sexuels…, 2e éd., Lyon, OIP et Aléas, 1996, p. 30-31.

70 Frédéric N., « Observations d’un condamné sur le régime des prisons en France », Le contemporain. Revue d’économie chrétienne, t. 18, 1870, p. 425-447, p. 601-620 et p. 782-802.

71 Maxime du Camp, « Les prisons de Paris », Revue des deux mondes, t. 83, 1869, p. 598-634, p. 618.

72 Assemblée nationale, Enquête parlementaire sur le régime des établissements pénitentiaires, t. 2, op. cit., p. 414.

73 Ibidem, t. 2, p. 418 et p. 424. Dans le même sens, voir p. 415 : « tous mes soins, tout mon zèle sont toujours venus échouer et se briser contre les effets de la promiscuité, laquelle devient bientôt un mal sans remède, quand s’y joint une indiscipline absolue… ».

74 Ibidem, t. 2, p. 414 et p. 424.

75 Ibidem, t. 2, p. 423.

76 Ibidem, t. 2, p. 422.

77 Ibidem, t. 6, p. 179.

78 Ibidem, t. 6, p. 178. Selon l’Abbé Victor Bluteau : « et les dortoirs, de quels désordres, de quels excès de toute espèce ne sont-ils pas le théâtre hideux ? », ibidem, t. 2, p. 414.

79 Ibidem, t. 6, p. 178. L’ensemble de ces considérations issues du rapport final sont recopiées mot pour mot dans un ouvrage personnel qu’il fera publier l’année suivante, voir Vicomte d’Haussonville, Les établissements pénitentiaires en France et aux colonies, Paris, Lévy, 1875, p. 210-212.

80 Sandrine Lambin, op. cit., vol. 1, p. 50.

81 Assemblée nationale, Enquête parlementaire sur le régime des établissements pénitentiaires, t. 7, 1874, op. cit., p. 29, p. 35 et p. 37.

82 Ibidem, t. 7, p. 68.

83 Journal officiel de la République française, vol. 7, n° 136, 20 mai 1875, p. 3540-3548 ; Ibidem, n° 137, 21 mai 1875, p. 3572-3579 ; Ibidem, n° 150, 3 juin 1875, p. 3942-3950 ; Ibidem, n° 151, 4 juin 1875, p. 3974-3981 ; Ibidem, n° 152, 5 juin 1875, p. 4004-4018 ; Ibidem, n° 153, 6 juin 1875, p. 4036-4045.

84 Voir par exemple Ibidem, 20 mai 1875, p. 3543 et p. 3548 ; Ibidem, 21 mai 1875, p. 3573-3576 ; Ibidem, 3 juin 1875, p. 3943-3946 ; Ibidem, 4 juin 1875, p. 3975.

85 Ibidem, 3 juin 1875, p. 3948.

86 Ibidem, 3 juin 1875, p. 3945 ; Ibidem, 4 juin 1875, p. 3979.

87 Ibidem, 3 juin 1875, p. 3947.

88 René Garraud, « Loi des 5-16 Juin 1875 sur le régime des prisons départementales », Revue critique de législation et de jurisprudence, t. 6, 1877, p. 476-492.

89 Antoine Chastel, Avantages du régime d’Auburn, Paris, Rousseau, 1900, p. 77 ss.

90 Geôlard, « Le détenu dans ses relations intra et extra-muros », Archives d’anthropologie criminelle de criminologie et de psychologie normale et pathologique, t. 14, 1899, p. 367-398 et p. 517-545, p. 375-379 ; Charles Perrier, La pédérastie en prison, Lyon, Storck et Cie, 1900, p. 6 ; Paul de Sémant et Camille Gramaccini, Au Bagne des Femmes (Clermont), Paris, Flammarion, 1903, p. 66 ; Jules Davray, L’armée du vice, Paris, Fort, 1895, p. 206 ; Robert Boucard, Les dessous des prisons de femmes, Paris, Éditions de France, 1930, p. 190-198.

91 Sandrine Lambin, op. cit., vol. 2, p. 455.

92 Aline Martinet, Enfermer et Punir. Histoire des prisons et des prisonniers des Alpes-Maritimes (1792-1939), Paris, Classiques Garnier, 2024, p. 591.

93 Charles Perrier, Les criminels. Étude concernant 859 condamnés, t. 2, Lyon, Storck et Cie, 1905, p. 115.

94  Chambre des députés, Compte rendu in extenso, 2e séance du 13 juillet 1906, Journal officiel de la République française du 14 juillet 1906, p. 2371.

95 Chambre des députés, Documents parlementaires : annexes aux procès-verbaux des séances de 1906, Annexe n° 336 (2e séance du 13 juillet 1906), Rapport d’Henry Chéron fait au nom de la commission du budget chargée d’examiner le projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1907 (service pénitentiaire), p. 1298.

96 Ibidem.

97 Conseil d’État du Canton de Vaud, Compte rendu sur l’administration pendant l’année 1862, Lausanne, Blanchard, 1863, p. 55. Cité également in Henri Anselmier, Les prisons vaudoises (1798-1871), Lausanne, Bibliothèque historique vaudoise, 1983, p. 278.

98 Ministère de la justice (Édouard Ducpétiaux), op. cit., p. 52 ss ; Édouard Ducpétiaux, Des progrès et de l’état actuel de la réforme pénitentiaire, t. 3, Bruxelles, Société belge de librairie, 1838, p. 323 ss ; Bulletin de la Société générale des prisons, t. 11, Paris, Chaix, 1887, p. 764 ss ; Bert Vanhulle, « Dreaming about the prison: Édouard Ducpétiaux and Prison Reform in Belgium (1830-1848) », Crime, Histoire & Société, vol. 14, n° 2, 2010, p. 107-130, § 23-24. Voir aussi P. F. J. Brogniez, Réflexions sur l’état actuel des prisons en Belgique, Bruxelles, François, 1838, p. 9-10 ; Chambre des représentants, Séance du 3 mai 1865, in Recueil des lois, décrets, arrêtés, règlements et circulaires concernant les établissements de bienfaisance, t. 2, Bruxelles, Imprimeur du roi, 1873, p. 382.

99 Hippolyte Mireur, La prostitution à Marseille, Paris et Marseille, Dentu et librairie marseillaise, 1882, p. 207, voir aussi p. 126. Dans le même sens, voir Alain Corbin, Les filles de noce. Misère sexuelle et prostitution aux xixe et xxe siècles, Paris, Aubier Montaigne, 1978, p. 162.

100 René Jude, Les dégénérés dans les bataillons d’Afrique, Vannes, Le Beau, 1907, p. 37, voir aussi p. 38-39 et p. 49. Sur l’homosexualité dans les structures pénitentiaires et disciplinaires de l’armée française installées en Afrique du Nord, voir Dominique Kalifa, Biribi, 2e éd., Paris, Perrin, 2016, p. 265-288.

101 Gwenola Ricordeau et Olivier Milhaud, op. cit., § 3 et § 20 ss.

102 « La loi du 5 juin 1875 supprime donc pour les prévenus et les individus condamnés à de courtes peines la funeste contagion du mal. Le principe de la séparation individuelle qu’elle consacre est le principe fondamental de tout système pénitentiaire vraiment moralisateur », Charles Bertheau, op. cit., p. 37.

103 Jacques-Guy Petit, « Aspects de l’espace carcéral en France au xixe siècle », in Jacques-Guy Petit (dir.), La prison, le bagne et l’histoire, Genève, Médecine et Hygiène, 1984, p. 157-169, p. 161.

104 « Sans doute le dortoir cellulaire ne saurait [...] interdire à l’un d’aimer l’autre, aux forts et aux virils de protéger les jeunes et les débiles, de les entourer d’une sollicitude si tendre et si affectueuse qu’elle ne peut laisser place à aucun doute sur son caractère et ses tendances ; le dortoir cellulaire ne peut interdire aux “chattes” de se donner, au moins de “cœur”, de se plier aux caprices de leurs seigneurs et maîtres, de leur rester fidèles », Geôlard, op. cit., p. 377-378.

105 En témoignent les nombreux billets d’amours clandestins (« biftons ») échangés entre les personnes détenues et qui finissent entre les mains de l’administration. Ils sont toutefois plus rares dans les prisons cellulaires que communes, Geôlard, op. cit., p. 375. Voir par exemple Paul de Sémant et Camille Gramaccini, op. cit., p. 78 ; Arnould Galopin, Les enracinées, Paris, Fayard, 1903, p. 198 ss, qui reproduit un nombre considérable de lettres amoureuses échangées entre détenues et qui sont parfois expurgées par l’auteur en raison de « passages trop osés, [de] détails trop répugnants ».

106 Art. L213-1 à L213-6 du Code pénitentiaire ; art. 716 du Code de procédure pénale.

107 Elsa Besson, « Quand la cellule devint la norme. Théories de l’architecture carcérale au xixe siècle », Métropolitiques, 22 janvier 2018.

108 Notons toutefois que la Direction de l’Administration Pénitentiaire utilisait encore, dans la seconde moitié du xxe siècle, l’argument de la contagion homosexuelle pour justifier un nouveau projet de planification pénitentiaire et augmenter ainsi la capacité cellulaire de son parc immobilier. En 1962, l’administration soulignait à cet égard « la réalité pitoyable de l’encombrement des cellules qui sont dites "individuelles", des risques de la promiscuité et de l’oisiveté avec la déchéance physique et morale qu’elles entrainent. L’homosexualité grandissante dans la population pénale n’est est pas un des moindres aspects », Direction de l’Administration Pénitentiaire, Plan d’équipement et de rénovation (1ère partie), Melun, Imprimerie administrative, 1962, p. 28-29.

109 Défenseur des Droits, Avis 21-13 du 30 septembre 2021 relatif à l’identification des dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, p. 3-5 ; Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Avis du 24 mars 2014 relatif à l’encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires.

110 Assemblée nationale, L’encellulement individuel dans les prisons : sortir de l’impasse des moratoires, Rapport d’information n° 2388 présenté par Jean-Jacques Urvoas, 24 novembre 2014.

111 Selon le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti : Assemblée nationale, Compte rendu intégral, 2e séance du 27 octobre 2022, Journal officiel de la République française du 28 octobre 2022, p. 4772.

112 Art. 8 de l’Ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire. Voir aussi Ministère de la justice, Rapport au Parlement sur l’encellulement individuel, septembre 2022, p. 16.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Quentin Markarian, « Éradiquer l’homosexualité en prison »Criminocorpus [En ligne], 27 | 2025, mis en ligne le 27 mai 2025, consulté le 20 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/criminocorpus/17382 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1407j

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Auteur

Quentin Markarian

Quentin Markarian est doctorant au Département de droit public de l’Université de Genève et au Centre de recherches en droit pénal de l’Université libre de Bruxelles. Il est également membre du projet ANR HLJPGenre. Ses thèmes de recherche portent sur le genre et les sexualités en droit pénitentiaire.

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