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Communications

« Ce fut a heure illicite ». Se venger de nuit dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge

« Ce fut a heure illicite ». Feuding at night in France at the end of the Middle Ages
Jean-Philippe Juchs

Résumés

L’étude de la vengeance effectuée de nuit par l’aristocratie dans les campagnes de la fin du Moyen Âge montre que cette pratique reste marginale pour des raisons d’abord symboliques (les représentations négatives associées à la nuit) mais aussi techniques (l’absence d’éclairage). De plus, le processus vindicatoire repose sur son caractère public, ce qui est tout à fait incompatible avec l’obscurité totale du milieu de la nuit, moins avec l’obscurité relative de l’aurore et du crépuscule. La nuit, que les différents pouvoirs cherchent à contrôler dans les villes des xive et xve siècles et dans celles des siècles postérieurs, apparaît alors largement négligée par le pouvoir royal qui s’inquiète peu des violences commises par l’aristocratie dans les campagnes du royaume de France à ce moment de la journée.

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Texte intégral

  • 1 Sur la faide à la fin du Moyen Age, je me permets de renvoyer à ma thèse : Jean-Philippe Juchs, Ven (...)
  • 2 Jacques Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Flammarion, coll. Champs, 1982 [196 (...)
  • 3 Jean Delumeau, La peur en Occident (xive-xviiie siècles). Une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978, p (...)
  • 4 Sur l’éclairage à la campagne, voir Pierre Charbonnier, « Des nuits tumultueuses : la vie nocturne (...)

1À la fin du Moyen Âge, la violence seigneuriale peut s’exercer sous la forme de la vengeance. Cette dernière, que je désigne volontiers par le vocable faide, est alors une pratique bien vivante et en pleine évolution, en rapport avec l’appropriation, par la monarchie, des pouvoirs de régulation sociale1. Particulièrement bien documentée dans les actes du Parlement de Paris, la faide de l’aristocratie apparaît comme une pratique faite d’actions multiples visant à préserver ou à accroître la position sociale des adversaires que, spontanément, sans en être tout à fait conscient, je me suis imaginées entreprises en plein jour, à quoi j’ajouterais par temps sec, par une température proche de 20°C, sans doute par projection sur la période étudiée de représentations actuelles communes (et, peut-être aussi, occidentales) du moment idéal pour « faire quelque chose » (en extérieur). Pourtant, des mentions du moment de la journée (au sens large) au cours duquel les différentes opérations de la faide ont pu se dérouler sont repérables dans les interventions des parties qui s’opposent devant le Parlement. Sans y avoir été totalement insensible – puisque j’ai enregistré la nuit, lorsqu’elle était mentionnée par les avocats et le procureur du roi, dans une base de données constituée à l’occasion d’une étude sur la faide à la fin du Moyen Âge –, je n’y ai cependant prêté que peu d’attention jusque-là. Or mes propres représentations rencontraient les représentations médiévales, se conjuguaient pour négliger un moment particulier de la journée, la nuit, et rendre la faide nocturne invisible. Car la nuit médiévale est redoutable. Elle s’insère dans un système d’oppositions qui la lie au froid et la mort2. Elle suscite une peur ancienne, profondément enracinée, réactualisée à travers le récit du Nouveau Testament, où le Christ triomphe des ténèbres après la nuit de la Passion3. Aussi, pour des raisons tant idéelles que techniques (l’absence presque totale d’éclairage, tout particulièrement à la campagne4), la pratique de la faide pendant la nuit par l’aristocratie laïque suscite-t-elle nombre d’interrogations. Se pose, en effet, la question du degré d’appropriation sociale de la nuit au tournant des xive et xve siècles par cette partie de la population et, par conséquent, du rapport entretenu par l’aristocratie avec la nuit. Parce qu’il est fait mention de la nuit devant une institution judiciaire, la plus haute du royaume, une étude des interventions des différentes parties s’impose afin de les comparer et de tenter de comprendre dans quelle mesure le rapport à la nuit est un enjeu de luttes entre les divers acteurs, les avocats et le procureur du roi et, au-delà, entre l’aristocratie et le pouvoir royal.

L’aristocratie, la nuit et la norme

  • 5 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X2a 12, fol. 310-311 (11/08/1396).
  • 6 Voir Jean-Philippe Juchs, Vengeance…, op. cit., p. 408 et suiv.
  • 7 AnF, X2a 14, fol. 8v-9v (17/01/1401) – les deux citations concernent la même affaire.
  • 8 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).
  • 9  Voir, par exemple, respectivement AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403) et AnF, X2a 17, fol. 139 (...)

2La pratique vindicatoire nocturne est constituée d’actions variées, assez semblables, à première vue, à celles qui se déroulent en plein jour. On peut toutefois remarquer la mention régulière, dans les actes du Parlement de Paris, de l’intrusion de nuit dans le domicile de l’adversaire. Ainsi, Jean de Belloy et plusieurs autres personnes qui l’accompagnent « alerent de nuit rompre l’ostel dudit Haloy [leur adversaire] et convint qu’il s’enfuist tout nuz une lieue loing de sa demeure5 ». Que l’hostel de l’adversaire soit une cible privilégiée la nuit, la raison m’en paraît simple : parce que la faide est largement dirigée contre la personne des membres du groupe adverse6 et que les chances sont élevées de trouver l’adversaire à son domicile la nuit tombée. Et peut-être aussi parce qu’il est relativement simple d’éclairer un espace circonscrit par des murs ou des palissades. C’est ainsi que les adversaires d’un dénommé Malin, menés par Jean de Tanquette, « alerent a l’ostel [de Malin] de nuit et chercherent [une fillette] partout emportant en leurs mains torches de feurre alumees ». Ailleurs, ce sont des chevaliers qui « alerent es chambres [d’une maison appartenant aux religieux d’Arras] et alumerent les chandeilles de cieu et de cire que prinrent en la chappelle »7. Ou encore, alors que les adversaires de Gaucher de Sarny viennent de pénétrer dans son hostel, parce qu’ils « ne veoient pas cler mirent du feurre en la place et y mirent le feu »8. La difficulté d’y voir, pour agir mais également pour se déplacer – ce sur quoi ne renseignent pas les plaidoiries du Parlement de Paris –, explique sans doute en partie pourquoi les acteurs préfèrent parfois pratiquer la faide aux extrémités de la nuit, au « point du jour » ou « environ solleil couchant »9.

  • 10 Le tiers environ des actions vindicatoires réalisées de nuit sont des dommages portés à l’adversair (...)
  • 11 Sur le faible nombre de crimes perpétrés de nuit, voir également les remarques de Claude Gauvard, « (...)
  • 12 Seul le dixième environ des actions réalisées de nuit sont définies comme des crimes, contre 30.0% (...)

3L’impression est donc la suivante : une large indifférenciation des actions menées par les acteurs de la faide en regard du moment de la journée (au sens large), malgré le constat d’une fréquente intrusion nocturne dans l’hostel de la partie adverse. Ce premier résultat peut toutefois être nuancé grâce au recours à la statistique. Certes, il semblerait bien que les actions de la faide les plus fréquentes, prendre des hommes, des biens, des animaux ou l’hostel de l’adversaire ou, encore, lui occasionner des dommages, soient effectuées tant de jour que de nuit. Il reste que ces actions paraissent réalisées dans des proportions plus importantes la nuit10. Mais la différence la plus marquante entre les actions menées de jour et les actions menées de nuit réside dans la faible proportion de celles que l’État naissant définit ou tend à définir comme des crimes et qui sont perpétrées de nuit11. En effet, à peine est-il fait mention de quelques cas de port d’armes ou d’un homicide au cours de la faide pratiquée la nuit dans les campagnes du royaume de France, alors que le vocabulaire du crime arrive en première position pour définir les actions du processus vindicatoire quelle que soit l’heure à laquelle celles-là ont lieu12. Faut-il alors en conclure que les opérations effectuées de nuit par les adversaires au cours du processus vindicatoire ainsi que la pratique nocturne de la faide elle-même sont communément admises ?

  • 13 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).
  • 14 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390). Sur le mot « clair », voir Jacques Le Goff, La civilisation… (...)
  • 15 Cité par Jean Delumeau, La peur…, op. cit., p. 93.
  • 16 Respectivement : AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390) et AnF, X2a 12, fol. 163v-166v (19/12/1392).
  • 17 Voir en particulier AnF, X2a 12, fol. 149-150 (11/07/1392).
  • 18 AnF, X2a 12, fol. 310-311 (11/08/1396).

4La pratique nocturne de la faide doit cependant être envisagée en lien avec les représentations partagées de la nuit à la période médiévale. Les parties insistent ainsi sur l’obscurité qui règne au moment des opérations dont elles sont les victimes. Les faits dont Gaucher de Sarny est la cible, par exemple, ont lieu « au point du jour que l’en ne veoit encores comme point du jour », alors que les agents « ne veoient pas cler »13. Et, si l’on en croit Jacques Le Goff, qui rappelle combien le mot « clair » est un mot clé de la littérature et de l’esthétique médiévales, cette insistance sur l’absence de « clarté » au moment des faits renforce nettement le caractère négatif de ces derniers14. Ailleurs, c’est la référence au soleil qui est mobilisée, dont on rappellera que l’absence est identifiée à l’enfer chez Dante15. Les actions de la faide peuvent donc se dérouler « grant piece avant soleil levant » ou « apres solail couché »16. La répétition du mot nuyt au cours d’une même plaidoirie17, de même que les mentions du type : « et ont fait les choses dessus dictes tout de nuit »18 soulignent toutes l’idée selon laquelle la faide s’est déroulée en un temps inapproprié.

  • 19 Sur l’existence de tels systèmes d’oppositions, voir Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Édit (...)
  • 20 AnF, X2a 14, fol. 380v-382 (25/05/1407).
  • 21 AnF, X2a 17, fol. 181v-183 (16/04/1415).
  • 22 Par exemple AnF, X2a 12, fol. 163v-166v (19/12/1392) ou AnF, X2a 14, fol. 105v-106v (22/02/1403).
  • 23 AnF, X2a 17, fol. 139v-140 : Guillaume Malengue « estoit tout deschaux pour soy aller couchier ».
  • 24 AnF, X2a 12, fol. 113 (21/11/1390).
  • 25 AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403).

5Comme la nuit elle-même, la faide pratiquée de nuit s’inscrit dans un système d’oppositions dans lequel elle prend une connotation fortement négative19. La faide nocturne, du côté de la mort, de la damnation, s’oppose non seulement aux valeurs positives liées au jour, au soleil, mais elle s’oppose aussi à la justice, comme le montrent deux affaires traitées par le Parlement de Paris au début du xve siècle. C’est ainsi qu’après le décès de Mahaut de Kais, Nicolas de Bruneval « print de fait ses biens rompit asserva de nuit les ferrures les coffres etc. sans inventoire et a ce que maintient partie que ce fut par auctorité de justice appert du contraire car ce fut a heure illicite »20. Quant à Étienne Le Peleux, il meurt du coup porté par ses adversaires menés par Barat de Forges, lesquels disent avoir voulu le prendre, lui et son frère, pour « les amener a justice » ; mais il est répondu aux adversaires d’Étienne Le Peleux et de son frère que « se il les eussent pris par justice il n’estoit pas necessite de le mener a l’ostel de [l]a suer [de Barat de Forges] par nuit »21. Quelques rares fois, la faide pratiquée de nuit s’insère dans un contexte sémantique particulier, celui de l’excès, du crime ou du crime en devenir. Lorsque la faide se développe autour d’un rapt suivi d’un mariage, l’évocation de la nuit ou de ses limites vient redoubler le caractère transgressif de l’acte22. De même lorsque la possession d’armes, que l’État naissant tend à ériger en crime de port d’armes, est évoquée23, ce « crime » est aggravé par le moment auquel il se déroule, ce que montre très bien la faide entre Jean Carbonnel et Jean Gissart, lequel « vint a certain jour acompaigne de pluseurs gens armez de diverses armes et par nuyt prindrent les beufs, vaches, chevaux, brebiz et autres bestais » des dépendants de son adversaire24. Il arrive aussi que le caractère nocturne ou, tout au moins, non clairement diurne des faits, soit le premier élément de l’argumentation de la partie lésée, comme lorsque le procureur du roi, contestant l’octroi d’une lettre de rémission accordée aux adversaires de Mathelin de Gascognole, déclare que « le cas est irremissible car il fut fait au point du jour et d’aguet appense »25.

  • 26 AnF, X2a 17, fol. 139v-140 (22/05/1414).
  • 27 AnF, X2a 14, fol. 276-280v (28/05/1405).
  • 28 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).

6Or le caractère problématique de la faide nocturne se déduit aussi à la lecture d’un ensemble de mentions relatives aux activités quotidiennes de l’existence ordinaire des gens paisibles. La faide pratiquée de nuit trouve fréquemment l’adversaire sur le point de se mettre au lit26 ou déjà couché, comme c’est le cas de Bernard de Castelbajac, alors que Bertrand de Terride et ses complices entrent de nuit dans son hostel. À son adversaire, qui lui demande s’il a bien menacé sa concubine, Bernard de Castelbajac « répondi que le lendemain matin il parleroit audit Terride », soulignant ainsi l’excès que constitue l’intrusion nocturne, tout en actualisant et en réaffirmant l’existence d’une division de la journée entre le temps du repos et celui de l’activité27. Ailleurs, les faits ont lieu tôt le matin, alors que les activités humaines n’ont pas encore repris ou reprennent à peine. Jean de Noyelles, à la tête d’une centaine de personnes, hommes d’armes, arbalétriers et archers, vient de pénétrer dans l’hostel de Gaucher de Sarny, chevalier, « et pour la noise et tumulte qu’il faisoient, la femme dudi chevalier qui estoit couchie avec lui qui oy [un] cry eveilla son seigneur, […] et escouvint que lui et sa femme se levassent touz nuz et se bouta le chevalier en une chambre coiee et sa dicte femme entre deux chevrons28 ».

  • 29 Raymond Verdier, « Le système vindicatoire, esquisse théorique », La vengeance, études d’ethnologie (...)
  • 30 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).
  • 31  AnF, X2a 12, fol. 6v-8v (19/01/1388). Acte publié par Louis de Carbonnières, La procédure devant l (...)

7Dans tous les cas, la victime est en position de vulnérabilité et n’est pas capable d’opposer de véritable résistance à l’attaque de son adversaire. Aussi, la faide pratiquée de nuit me semble-t-elle remettre en question l’égalité et la réciprocité qui, comme l’ont montré les anthropologues, lient les partenaires de l’échange vindicatoire29. C’est d’autant plus le cas lorsque l’on « ne povoit cognoistre » les adversaires, « pour cause qu’il avoient leurs bassinez et visieres sur les testes »30, ou lorsque ceux-là dissimulent leur véritable identité, comme dans l’exemple de la faide opposant Guy Raslet et Pierre Ménart. Ce dernier, en effet, fait appel à six compaignons, lesquels « environ XI heures de nuyt Menart mena lesdiz compaignons en l’ostel Raslet, lesquelz lui present et faisant faire batirent Raslet et lui donnerent pluseurs coups d’espee sur la teste disans en substance ces mos, et faignans qu’il fussent engleiz he vilan cuide tu que les engleiz de Passavant soient tous partis dudit lieu31 ». Et justement, l’obscurité ne favorise guère la reconnaissance visuelle de l’adversaire pas plus que la publicité du geste. La conjonction de raisons symboliques (la remise en question de la relation d’adversité) et de raisons techniques (le problème de l’éclairage et de la visibilité) inclineraient à voir en la faide nocturne une pratique marginale, un ensemble d’actions qui jouent avec les limites.

  • 32 Claude Gauvard, « De Grace especial »…, op. cit., p. 482.
  • 33 Pierre Bourdieu, Le sens pratique, op. cit., p. 349.
  • 34 Ibid., p. 416-418.
  • 35 AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403). Acte cité supra.
  • 36 Pierre Bourdieu, Le sens pratique, op. cit., p. 416.
  • 37 Cité par Claude Gauvard, Violence et ordre public au Moyen Age, Paris, Picard, coll. Les médiéviste (...)
  • 38 AnF, X2a 12, fol. 163v-166v (19/12/1392).
  • 39 Françoise Héritier et Valérie Nahoum-Grappe, « Les “butoirs de la pensée”. Entretien avec Françoise (...)

8Car les acteurs de la faide jouent bien avec les limites, celles du jour et de la nuit, pour agir en un moment indéterminé qui n’est ni tout à fait le jour ni tout à fait la nuit. Les exemples donnés précédemment le montrent bien, la charnière du jour et de la nuit est un moment propice pour agir, que ce soit dans le cadre de la faide ou, plus nettement encore, dans celui du crime analysé par Claude Gauvard, qui montre bien que les crimes sont davantage commis à ces heures indécises que durant la nuit noire32. Là encore, la question de la lumière naturelle peut expliquer pourquoi ces deux moments de la journée ont la faveur des acteurs de la faide. Mais le choix d’agir à l’aube ou au crépuscule doit d’abord être mis en relation avec la possibilité d’agir de jour, c'est-à-dire à un moment de la journée où la question de voir suffisamment clair ne se pose pas. Or les limites du jour et de la nuit sont bien ces limites dont la transgression menace l’ordre du monde33. Pierre Bourdieu a pu montrer, en effet, à partir de l’exemple kabyle, combien le matin est un moment de rupture où le jour l’emporte dans son combat contre la nuit, celui de la vie contre la mort34, et l’on comprendrait donc pourquoi l’heure à laquelle est tué Mathelin de Gascognole, le point du jour, qui remettrait en question l’issue de cette lutte, puisse apparaître à ce point scandaleuse au procureur du roi que le moment de l’homicide soit la première circonstance retenue (avant l’aguet)35. Quant au soir, il n’est pas moins redoutable et s’adonner à des pratiques prohibées à ce moment de la journée aurait « pour effet de redoubler en quelque sorte la charge maléfique de l’obscurité nocturne36 ». C’est, à mon avis, en ce sens qu’il faut envisager les reproches adressés en 1405 à Guillaume de Tignonville, prévôt de Paris, d’avoir fait procéder à l’exécution de deux clercs alors qu’il faisait déjà sombre37. Et probablement aussi, dans le contexte de la faide qui se développe autour du rapt de Marguerite de Léglantiers38, la réaction du procureur du roi pour lequel l’heure du souper « n’estoit pas heure a dames ne a damoiselles de chevaucher en tel temps qu’il fasoit car il pleuvoit et estoit nuit » (d’autant plus que la femme et l’humidité sont liées à la nuit dans les représentations de nombre de sociétés39).

  • 40 Respectivement AnF, X2a 17, fol. 253v-255v (8/02/1417) et AnF, X2a 14, fol. 379-380v (24/05/1407).

9Au contraire, on remarquera à plusieurs reprises l’empressement des parties à souligner le fait que les actions entreprises l’ont été « tout de haut jour » ou, encore, alors que leurs adversaires étaient « tous levez et estoit haulte heure40 ». Circonscrites au cycle de la journée (au sens large), les normes de la faide se dessinent très clairement : la pratique vindicatoire communément admise se déroule lorsqu’il fait jour, indubitablement, et elle s’y restreint. Cela ne signifie pas, bien sûr, que la faide nocturne n’existe pas, les exemples développés ci-dessus suffisent à le prouver, mais elle fait l’objet d’une forte réprobation sociale. Pourtant, parce que la faide nocturne est l’objet de discours, qui plus est, devant une institution particulière, le Parlement de Paris, cette pratique se trouve au cœur d’enjeux qui interdisent de penser que les mentions d’actions réalisées de nuit dans le cadre du processus vindicatoire ne sont que l’expression et l’actualisation d’une norme – ce qu’elles sont cependant aussi. Il faudra y revenir.

  • 41 Onze heures : AnF, X2a 12, fol. 6v-8v (19/01/1388) ; minuit : AnF, X2a 12, fol. 230-231 (24/111394) (...)
  • 42 Alain Cabantous, Histoire de la nuit…, op. cit., p. 17-52 (p. 34 pour la citation).
  • 43 Sur l’existence d’activités spécifiques la nuit, voir Pierre Charbonnier pour la période médiévale, (...)

10L’existence de normes de la faide relatives au temps court, celui de la journée, permet, en fin de compte, de mieux cerner la nuit. L’annotation une nuit ou de nuyt, fréquemment relevée, ne laisse aucun doute sur l’obscurité régnant au moment des faits. Très rarement, à quatre reprises seulement, l’heure est mentionnée de manière précise, preuve qu’elle importe assez peu et que seule compte véritablement l’obscurité41. Plus problématiques sont les évocations des états intermédiaires, qui posent la question du seuil, du passage du jour à la nuit (et inversement), et qui maintiennent la nuit « dans des frontières nécessairement mal définies, toujours fluctuantes, et la confirment comme un espace-temps de la confusion et du malentendu42 ». Mais il me semble qu’une définition de la nuit est pourtant envisageable. La nuit, en effet, ne coïncide pas seulement avec les ténèbres ou avec une activité humaine réduite ou différente43 mais elle est bien plutôt cette fraction du nycthémère avec laquelle la société entretient un rapport spécifique, à propos de laquelle existe tout un ensemble de représentations majoritairement négatives. En ce sens, la nuit est bien l’envers du jour, chargé intrinsèquement de valeurs positives, que la logique pratique reconnaît immédiatement comme le jour, parce que c’est l’évidence, si bien que la faible mention du moment du jour dans l’ensemble du corpus étudié peut aisément se comprendre comme l’expression de la faible importance que revêt cette information, qui n’est pas nécessaire.

  • 44 Sur la division de la nuit par Isidore de Séville, voir J. VERDON, La nuit…, op.cit., p. 9.
  • 45  Frank Rexroth, Das Milieu der Nacht. Obrigkeit und Randgruppen im spätmittelalterlichen London, Gö (...)

11Ainsi définie, la nuit de la fin du Moyen Âge, qui intègre les sept parties de la nuit distinguées par Isidore de Séville, la nuit noire comme tous les temps indécis, est donc cet objet construit, pour le moins valable à un moment temps précis, le tournant des xive et xve siècles, pour un espace précis, les campagnes du royaume de France et, peut-être, pour une fraction particulière de la population, l’aristocratie seigneuriale laïque44. Car la définition de la nuit est susceptible de connaître des variations substantielles. Les exemples étudiés par Frank Rexroth et Élisabeth Crouzet-Pavan le montrent bien45. À Londres, la nuit, délimitée par le pouvoir urbain selon des logiques propres, s’apparente bien moins à une partie de la journée qu’elle ne définit une population aux contours flous et aux actions stéréotypées (le « milieu » de la nuit). À Venise, elle se définit d’abord comme une séquence temporelle sur laquelle s’exerce un contrôle particulier. Dans les deux cas, le pouvoir joue un rôle dans la définition de la nuit. Or les mentions de la nuit que j’ai étudiées jusque-là, parce qu’elles proviennent de plaidoiries prononcées devant une cour de justice, le Parlement de Paris, qui rend la justice au nom du roi, ne sont pas sans lien avec le pouvoir royal, son exercice et son affirmation. Aussi, la question du rapport entretenu par le pouvoir avec la nuit doit-elle être réintroduite dans l’analyse.

La nuit du roi ?

  • 46 On compte une vingtaine de plaidoiries dans lesquelles le demandeur mobilise cet argument au moins (...)
  • 47  Voir Claude Gauvard, « Les juges jugent-ils ? Les peines prononcées par le Parlement criminel vers (...)
  • 48 AnF, X2a 12, fol. 310-311 (11/08/1396).
  • 49 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390). Un exemple similaire : AnF, X2a 14, fol. 379-380v (24/05/140 (...)
  • 50 AnF, X2a 14, fol. 279-280v (18/08/1405).

12La pratique de la faide de manière nocturne est un argument d’abord mobilisé par le demandeur, dans les deux tiers des cas environ, afin de décrire les actions du groupe adverse. Le défendeur fait également allusion à la nuit mais dans une moindre mesure et à peu près autant que le procureur du roi46. Signaler que les opérations du processus vindicatoire ont eu lieu de nuit remplit une fonction bien précise, celle de soutenir l’argumentation du demandeur en vue d’obtenir réparation des préjudices qu’il estime lui avoir été faits et, par conséquent, de recouvrer (voire d’augmenter) son honneur47. Si bien que le caractère nocturne des faits peut être évoqué avec insistance devant la cour, jusqu’à six reprises, comme dans l’affaire mettant aux prises Henry de Beauval et Jean de Belloy, à propos duquel la partie adverse tente, par ailleurs, de renforcer son argumentation en prétendant qu’il « est coustumier de aler de nuit par la vile d’Amiens lui et ses gens et de eulx tenir sur les pons de la ville et faire saillir les gens en l’eaue »48. L’existence d’actions réalisées de nuit durant la faide peut aussi être discutée, contestée, voire démentie par la partie adverse. À l’avocat de Gaucher de Sarny, qui estime que les faits ont été perpétrés non seulement au point du jour mais alors que l’obscurité était encore grande, l’avocat de la partie adverse dit au contraire que Jean de Noyelles « alerent et pluseurs de ses parens et amis chez monsseigneur de Sarny environ heure de prime », c'est-à-dire à la première heure solaire du jour, un argument qui se veut à la fois vague et acceptable par la partie adverse et qui place résolument l’action de jour, par sa formulation même. Ce que ne peuvent accepter les demandeurs qui répliquent qu’« a venir qu’il dient qu’il estoit prime quant il y vindrent sauve leur grace il estoit grant piece avant soleil levant49 ». Quant à Bertrand de Terride, il prétend qu’il « ne scet point que Chastelbayac fut onques assaillit en son lit ne il n’y fut point », au contraire de ce qu’affirme la partie adverse50. Il s’agit bien sûr, selon le cas, de montrer que la norme a été transgressée par l’adversaire ou, au contraire, de tenter de prouver que la transgression n’a pas été aussi grande, voire d’apporter la preuve qu’elle est inexistante.

  • 51  AnF, X2a 12, fol. 6v-8v (19/01/1388).
  • 52 Voir Claude Gauvard, Mary et Richard Rouse et Alfred Soman, « Le Châtelet de Paris… », art. cit., p (...)
  • 53 Voir Yves Jeanclos, « La nuit pénale en France : éléments d’analyse historique », Le temps et le dr (...)
  • 54 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, A. Salmon éd., Paris, 1899, t. 1, chap. XXX, art. 8 (...)
  • 55 Jean Boutillier, Somme rural ou le Grand Coustumier général de practique civil et canon, composé pa (...)
  • 56 Robert Eder, Tignonvillana inedita, Romanische Forschungen, 33 (1915), p. 851-1022. Cité par Claude (...)

13Ainsi, le Parlement de Paris, institution monarchique, est un lieu où se discute la norme et la cour est, par conséquent, amenée à dire quelque chose de la nuit. Elle s’empare de la question du temps et de la définition de son usage légitime, ce qui s’accompagne peut-être d’une exigence accrue de précision des données temporelles, comme semble le montrer le différend entre Guy Raslet et Pierre Ménart. Ce dernier, accusé d’avoir pris douze bœufs aux religieux de l’abbaye Notre-Dame de Chambon, dit que : « [q]uant aus beufs prins en l’abbaye etc. […] puisque partie ne declaire l’eure et le jour et dit ce trop confusement il ne fait a recevoir51 ». Or cette attention particulière au temps de la faide n’est peut-être pas sans liens avec l’identité des acteurs de l’instance, car le personnel du Parlement de Paris – avocats et procureurs du roi –, est composé d’urbains, confrontés quotidiennement à la volonté des différents pouvoirs, à Paris, d’exercer une surveillance nocturne de la population52. Par ailleurs, il existe une réflexion relativement ancienne concernant les infractions réalisées de nuit, laquelle met en avant l’existence de circonstances aggravantes liées à l’obscurité53. À la fin du xiiie siècle, Philippe de Beaumanoir propose une définition du murtre, en précisant que « si est quant aucuns tue ou fet tuer autrui en aguet apensé puis soleil esconsant dusques a soleil levant54 ». Plus important peut-être, en raison de sa diffusion et des liens de son auteur avec le pouvoir royal, le coutumier de Jean Boutillier, à la fin du xive siècle, entend montrer que certaines actions, parfaitement autorisées de jour comme charier ou « porter gerbes », doivent être punies si elles ont lieu de nuit55. Et de même, Guillaume de Tignonville, prévôt de Paris de 1401 à 1408, considère que le voleur qui agit de nuit commet un acte particulièrement grave56.

  • 57 Voir Élisabeth Crouzet-Pavan, « Recherches sur la nuit vénitienne… », art. cit., p. 339-356.
  • 58 AnF, X2a 12, fol. 230-231 (24/11/1394). La lecture du nom Hamal est incertaine.
  • 59 AnF, X2a 17, fol. 132v-133 (26/01/1414).
  • 60 Sur l’heure de minuit, repère temporel à la fois précis et signifiant, voir Alain Cabantous, Histoi (...)

14Si le pouvoir monarchique tend à définir le bon usage du temps en réaffirmant le caractère grave des actions commises de nuit, cette définition s’accompagne-t-elle, en pleine période de construction de l’État, d’un contrôle accru de la nuit dans les campagnes afin de la soumettre, comme cela a pu être montré à propos de villes comme Venise57, voire d’une définition des usagers légitimes de la nuit ? La réponse à ces questions n’est pas simple. Les interventions nocturnes des officiers du roi au cours de la faide laisseraient penser que le pouvoir royal peut s’affranchir de la norme en s’appropriant la nuit. Dans l’affaire qui oppose Le Borgne d’Amerval à Robert de Hervilly, par exemple, l’intervention nocturne des officiers du roi paraît, en effet, aller de soi. Le défendeur, auquel il est reproché d’avoir fait, par l’intermédiaires des gardes du château qu’il refuse de rendre, « pluseurs et grans desobeissances aux gens du roy en traiant contre eulx d’arbalestes et de nuit gectant canons contre lesdiz officiers du roy sur les hostelz ou ilz estoient logiez », admet que « le presvost de Saint Quentin vint de nuit ou dit lieu de Serefontaine envoye de par le bailli de Vermendoys », sans en contester le moment. Et le procureur du roi ne semble pas chercher à justifier l’intervention tardive des officiers du roi lorsqu’il dit qu’ « un appele Hamal a heure de mienuit ala par devers le seigneur de Hervilly et lui dist que les gens du roys estoient devant ledit chastel de Serefontaine58 ». Dans une affaire de faide traitée par le Parlement au tournant des années 1413-1414, la qualité d’officier du roi de Jacques de Heilly, qui « vint a mynuit a Partenay et demanda audit sire de Partenay aucuns de ses gens et serviteurs pour lui aidier », est utilisée par l’avocat de Jean de Parthenay afin d’expliquer l’empressement de ce dernier à procéder à la prise de Guillaume Sanglier59. L’heure, minuit, qui a peut-être marqué la mémoire60, est bien mentionnée mais elle n’est l’objet d’aucun commentaire et apparaît dans un environnement lexical qui lui donne une connotation parfaitement neutre.

  • 61 AnF, X2a 17, fol. 253v-255v (8/02/1417).

15Dans le cas d’un officier du roi dénommé Paignon, commis à la garde de la ville de Laval au cours de la faide entre Jeanne de Châtillon et sa fille Anne de Laval, en revanche, il est bien précisé que celui-là « ne y [à Laval] vint que a XXX chevaulz sans estandart a IX heures et tout de hault jour61 ». Qu’en conclure ? Le roi et ses officiers ont-il un rapport distinctif à la nuit ou leurs interventions doivent-elles se dérouler aux heures habituelles de l’activité humaine ordinaire ? De fait, les exemples ci-dessus sont les seuls que j’ai pu trouver dans l’ensemble du corpus constitué par mes soins. Et de même, ces exemples, qui pourraient laisser croire à une tendance du pouvoir monarchique à s’emparer de la nuit dans les campagnes du royaume de France, quel poids pèsent-ils face à l’indifférence généralisée avec laquelle l’argument temporel est envisagé dans les plaidoiries du Parlement de Paris ?

  • 62  AnF, X2a 12, fol. 113 (21/11/1390) et AnF, X2a 12, fol. 113-114v (24/11/1390).
  • 63  Cette affaire est traitée dans cinq plaidoiries du corpus : AnF, X2a 14, fol. 379-380v (24/05/1407 (...)
  • 64  AnF, X2a 12, fol. 149-150 (11/07/1392).
  • 65  AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403).

16Car tout se passe comme s’il existait d’abord une forte indifférence des parties face à l’accusation d’avoir agi de nuit. À Jean Carbonnel dont on a vu qu’il accuse Jean Gissart, dans une plaidoirie du 21 novembre 1390, d’avoir pris les bêtes de ses dépendants par nuyt, ce dernier se contente de répondre trois jours plus tard, qu’ « il rendist certains biens que lesdiz habitans disoient avoir este prins ches eulx62 ». Dans cette seconde plaidoirie, les interventions des parties adverses se succèdent sans que l’argument relatif à une action nocturne ne soit à nouveau mobilisé. C’est également ce qu’il est possible de constater dans l’ensemble des plaidoiries relatives à l’affaire du rapt de Marie de Kais. La question de l’heure et de sa licéité, soulevées par le demandeur et le défendeur dans deux plaidoiries du mois de mai 1406, ne sont pas relevées par le procureur du roi puis disparaissent totalement des deux plaidoiries suivantes avant de réapparaître, seulement invoquées par le demandeur, dans une dernière plaidoirie de décembre 141363. Dans l’affaire qui oppose Barthélemy Duriane à L’Hermite de La Faye, le premier insiste sur le caractère nocturne des violences subies (le mot nuyt apparaît à trois reprises au cours de l’intervention du demandeur, dans le cas de deux actions distinctes du processus vindicatoire) mais son adversaire se contente de répondre qu’il « n’a aucunement fait questionner Duriane ne fait aucune autre chose desraisonnable64 ». Ou encore, dans le cas de l’homicide de Mathelin de Gascognole déjà évoqué, à propos duquel le moment de la journée, le point du jour, est un argument central pour le procureur du roi, il est simplement répondu à ce dernier « que le fait n’est pas d’aguet apense »65. Et l’on pourrait ainsi multiplier les exemples.

  • 66 Élisabeth Crouzet-Pavan, « Recherches sur la nuit vénitienne… », art. cit., p. 355.
  • 67  Voir Alain Cabantous, Histoire de la nuit…, op. cit., p. 140-145.
  • 68 Il s’agit spécifiquement des cas d’homicide. Voir Ibid., p. 159-161.
  • 69 Il est cependant possible que l’augmentation de la mention de l’heure ne soit pas linéaire, comme l (...)

17Tout porte alors à croire que l’argument qui consiste à jouer sur les circonstances temporelles n’est, en réalité, pas de première importance devant le Parlement. Aussi n’est-il pas sûr que le contrôle grandissant de l’État en gestation s’étende de manière décisive sur la nuit. L’appropriation de la nuit par le pouvoir royal et la volonté de soumettre cette séquence temporelle me semble donc nettement incomplète et la nuit apparaîtrait ainsi, dans les campagnes du royaume de France tout au moins, au tournant des xive et xve siècle, comme cet espace de liberté décrit par Élisabeth Crouzet-Pavan pour Venise dans la période précédant le milieu du xiiie siècle66. Et il est bien possible, comme le pense Alain Cabantous, que le rapport entretenu par le pouvoir monarchique avec la nuit ne change véritablement qu’à partir du xviie siècle seulement. Cette dernière période, durant laquelle s’observe un regain d’intérêt pour la nuit de la part des juristes – de culture italienne ou germanique principalement, moins de la part des juristes français cependant –, se caractérise par une appropriation sociale croissante de la nuit et, dans le même temps, par un contrôle accru, variable selon les lieux et le caractère négatif plus ou moins affirmé des discours qui s’emparent de la nuit67. Par conséquent, la mention de l’heure des faits apparaît globalement élevée dans les documents liés à la répression des crimes aux xviie et xviiie siècles68, bien plus qu’autour de l’année 140069.

  • 70  Résultat obtenu en rapportant les différents moments du processus vindicatoire (lesquels peuvent ê (...)
  • 71  Voir Claude Gauvard, « De grace especial »…, op. cit., p. 482. Ces données concernent tous les cri (...)
  • 72 Sur le guet-apens, voir Pierre Prétou, « Le guet-apens à la fin du Moyen Âge : notoriété et infamie (...)
  • 73  Voir Claude Gauvard, « De grace especial »…, op. cit., p. 479 et suiv., ainsi qu’Alain Cabantous, (...)
  • 74 Voir l’exemple gascon analysé par Pierre Prétou, Crime et justice en Gascogne à la fin du Moyen Age (...)

18L’analyse de la pratique nocturne de la faide au tournant des xive et xve siècles se heurte, en effet, à un problème récurrent, celui de la faible quantité d’informations relatives à la nuit, tout à fait manifeste dans les plaidoiries du Parlement de Paris. Or ce manque d’informations fait sens. Certes, on l’a bien vu, des mentions relatives à la nuit (au sens large) existent. Mais elles sont rares. Le choix d’étudier la pratique nocturne de la faide ne doit pas faire oublier que les actions dont on sait qu’elles ont été effectuées de nuit ne concernent que 1,7% de l’ensemble. Et surtout, il s’agit de remarquer que, dans l’écrasante majorité des cas (97,8%), le moment de la journée au cours duquel ont lieu les différentes actions du processus vindicatoire n’est pas mentionné70. Les avocats, les notaires, les rapporteurs ou les greffiers auraient-ils pu négliger ou oublier cette information ? Les représentations négatives associées à la nuit et l’intérêt qu’il y aurait à proposer cet argument devant la cour par la partie lésée ne plaident pas véritablement en ce sens. De plus, il paraît assez peu probable que le manque d’informations relatif au moment des faits doive d’abord être imputé à la source étudiée : si les lettres de rémissions sont moins avares de ce type de précisions, sans doute en lien avec la logique propre à ce genre de documents, il n’en reste pas moins que dans les deux tiers des cas environ celles-ci sont totalement absentes71. Aussi, l’ensemble des observations effectuées ici me poussent-elles à réaffirmer le caractère marginal de la pratique nocturne de la faide. Parfaitement admise et reconnue par l’ensemble du corps social – alors même que le rapport entretenu par l’État monarchique naissant à cette pratique est en pleine évolution – la faide et ses multiples actions n’ont pas besoin d’être cachées ou, plutôt, ne doivent pas l’être ; tout au plus, les actions de nuit, dont on a vu qu’un certain nombre d’entre elles ont lieu aux limites de la lumière et de l’obscurité, font-elles partie de ces actions limites qui, comme le guet-apens par exemple, jouent davantage de la surprise que de la dissimulation72. Plus généralement, l’analyse de la faide nocturne que je propose rejoint les observations qui, toutes, soulignent qu’à la fin du Moyen Âge, pas plus d’ailleurs qu’aux xviie et xviiie siècles, la nuit n’est ce temps privilégié du crime73. Certes, le caractère essentiellement diurne de la faide ne signifie en aucun cas l’absence de violences nocturnes à la ville comme à la campagne au cours d’un long Moyen Âge : au contraire, la fin de la journée, le soir, alors que cessent les travaux des champs, avant le souper ou, plus globalement dans l’intervalle qui va de 18 heures à minuit, apparaît comme une période particulièrement chargée en crimes, en lien avec le rassemblement de la population et la fréquentation de la taverne74. Mais la faide de l’aristocratie n’est pas celle des populations ordinaires et ne répond pas aux mêmes logiques, tout comme la sociabilité de l’aristocratie n’est pas tout à fait celle du commun. C’est pourquoi il me semble tout à fait concevable que cette violence spécifique, la faide, pratiquée par cette population particulière, l’aristocratie laïque, se distingue de l’ensemble des pratiques que l’on pourrait qualifier de violentes qui sont le fait des populations ordinaires, par son inscription dans une temporalité différente.

19Se venger de nuit n’est pas une pratique inconnue de l’aristocratie seigneuriale laïque à la fin du Moyen Âge. Les opérations nocturnes du processus vindicatoire ne diffèrent guère des opérations qui ont lieu de jour, bien que les acteurs recourent plus volontiers à certaines d’entre elles dès lors que la luminosité est faible. L’hostel de l’adversaire serait alors le lieu privilégié de l’action. Néanmoins, les plaidoiries du Parlement de Paris relatives à la faide montrent d’abord une faible appropriation de la nuit dans les campagnes par cette partie de la population car la violence est principalement exercée de manière diurne. La faide se pratique donc surtout le jour, parce que les actions par lesquelles elle se réalise et qui font sens au tournant des xive et xve siècles doivent à la fois se faire au grand jour et lorsqu’il fait jour. Parallèlement, tout se passe comme s’il existait une appropriation de la nuit par le pouvoir royal, mais incomplète – pour l’espace étudié (les campagnes) tout au moins. La nuit ne serait que très partiellement soumise par l’État naissant car il importerait surtout de soumettre le jour et l’on observe, au xive siècle, comme au xve siècle, et même au xviiie siècle, que les faits dont s’empare la justice du roi ont surtout lieu de jour.

20A la fin du Moyen Âge, la nuit apparaîtrait comme un temps de liberté ou, peut-être, plus justement, comme un temps sur lequel s’exercerait une contrainte n’apparaissant pas comme telle aux différents acteurs car ressortissant d’abord de l’évidence, d’un rapport pratique à la nuit partagé par l’ensemble de la société, expression et actualisation (et entretien) d’une profonde défiance face à cette séquence temporelle, dont j’ai pu rappeler qu’elle n’a pas grand chose de « naturel ».

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Bibliographie

Bibliographie indicative

Bourdieu Pierre, Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, coll. Le sens commun, 1980.

Cabantous Alain, Histoire de la nuit, xviie-xviiie siècles, Paris, Fayard, 2009.

Candela, « Pour une sociologie politique de la nuit. Introduction », Cultures & Conflits, 105-106 (printemps/été 2017), p. 7-27.

Charbonnier Pierre, « Des Nuits tumultueuses : la vie nocturne en France à la Renaissance d’après les lettres de rémission », Ombres et lumières de la Renaissance, Colloque du Puy-en-Velay, 8 et 9 septembre 1997, s. a., Le Puy-en-Velay, 1998, p. 131-142.

Crouzet-Pavan Élisabeth, « Recherches sur la nuit vénitienne à la fin du Moyen Age », Journal of Medieval History, 7 (1981), p. 339-356.

Delumeau Jean, La peur en Occident (xive-xviiie siècles). Une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978.

Gauvard Claude, « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 1991.

Jeanclos Yves, « La nuit pénale en France : éléments d’analyse historique », Le temps et le droit, Anne Guineret-Brobbel Dorsman (éd.), Besançon, Presses universitaires Franc-Comtoises, 2003, p. 63-84.

Juchs Jean-Philippe, Vengeance et guerre seigneuriale au xive siècle (royaume de France-principauté de Liège), thèse dactylographiée, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, 2012.

Nuit (La), Valérie Nahoum-Grappe et Myriam Tsikounas (dir.), Sociétés et représentations, 4 (1997).

Rexroth Frank, Das Milieu der Nacht. Obrigkeit und Randgruppen im spätmittelalterlichen London, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht Verlag, 1999.

Verdier Raymond, « Le système vindicatoire, esquisse théorique », La vengeance, études d’ethnologie, d’histoire et de philosophie, 4 vol., Gérard Courtois et Raymond Verdier (dir.), Paris, Éditions Cujas, 1980-1986, p. 11-42.

Verdon Jean, La nuit au Moyen Âge, Paris, Perrin, 2009.

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Notes

1 Sur la faide à la fin du Moyen Age, je me permets de renvoyer à ma thèse : Jean-Philippe Juchs, Vengeance et guerre seigneuriale au xive siècle (royaume de France – principauté de Liège), thèse dactylographiée, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, 2012. Pour une discussion sur les concepts (vengeance, faide, mais aussi guerre seigneuriale et guerre privée), voir Ibid., chap. 1 et conclusion, p. 479 et suiv.

2 Jacques Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Flammarion, coll. Champs, 1982 [1964], p. 152-153.

3 Jean Delumeau, La peur en Occident (xive-xviiie siècles). Une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978, p. 87-88.

4 Sur l’éclairage à la campagne, voir Pierre Charbonnier, « Des nuits tumultueuses : la vie nocturne en France à la Renaissance d’après les lettres de rémission », Ombres et lumières de la Renaissance, Colloque du Puy-en-Velay, 8 et 9 septembre 1997, s. a., Le Puy-en-Velay, 1998, p. 135.

5 France, Paris, Archives nationales de France (AnF), X2a 12, fol. 310-311 (11/08/1396).

6 Voir Jean-Philippe Juchs, Vengeance…, op. cit., p. 408 et suiv.

7 AnF, X2a 14, fol. 8v-9v (17/01/1401) – les deux citations concernent la même affaire.

8 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).

9  Voir, par exemple, respectivement AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403) et AnF, X2a 17, fol. 139v-140.

10 Le tiers environ des actions vindicatoires réalisées de nuit sont des dommages portés à l’adversaire et le quart de celles-là consistent à lui prendre quelque chose, contre respectivement 17.7% et 14.8% de jour. Ces résultats doivent toutefois être appréhendés avec prudence en raison du faible nombre d’individus statistiques disponibles (90 actions nocturnes répertoriées). La discussion sur l’existence de crimes spécifiquement perpétrés de nuit a été particulièrement débattue par les juristes de culture germanique ou italienne vers 1600 (sur ce point, voir Alain Cabantous, Histoire de la nuit, xviie-xviiie siècles, Paris, Fayard, 2009, p. 140 et suiv.).

11 Sur le faible nombre de crimes perpétrés de nuit, voir également les remarques de Claude Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Age, Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, p. 480-491.

12 Seul le dixième environ des actions réalisées de nuit sont définies comme des crimes, contre 30.0% de jour. Le contrôle de la circulation des armes de nuit semble d’abord une préoccupation urbaine, comme le montre l’exemple de Paris au début du xve siècle : voir Claude Gauvard, Mary et Richard Rouse et Alfred Soman, « Le Châtelet de Paris au début du xve siècle d’après les fragments d’un registre d’écrous de 1412 », Bibliothèque de l’École des Chartes, 157/2 (1999), p. 565-606 (je remercie Claude Gauvard de m’avoir fait remarquer l’intérêt de cet article dans le cadre de mon étude sur la vengeance de nuit).

13 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).

14 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390). Sur le mot « clair », voir Jacques Le Goff, La civilisation…, op. cit., p. 152-153.

15 Cité par Jean Delumeau, La peur…, op. cit., p. 93.

16 Respectivement : AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390) et AnF, X2a 12, fol. 163v-166v (19/12/1392).

17 Voir en particulier AnF, X2a 12, fol. 149-150 (11/07/1392).

18 AnF, X2a 12, fol. 310-311 (11/08/1396).

19 Sur l’existence de tels systèmes d’oppositions, voir Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, coll. Le sens commun, 1980, p. 366 et suiv.

20 AnF, X2a 14, fol. 380v-382 (25/05/1407).

21 AnF, X2a 17, fol. 181v-183 (16/04/1415).

22 Par exemple AnF, X2a 12, fol. 163v-166v (19/12/1392) ou AnF, X2a 14, fol. 105v-106v (22/02/1403).

23 AnF, X2a 17, fol. 139v-140 : Guillaume Malengue « estoit tout deschaux pour soy aller couchier ».

24 AnF, X2a 12, fol. 113 (21/11/1390).

25 AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403).

26 AnF, X2a 17, fol. 139v-140 (22/05/1414).

27 AnF, X2a 14, fol. 276-280v (28/05/1405).

28 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).

29 Raymond Verdier, « Le système vindicatoire, esquisse théorique », La vengeance, études d’ethnologie, d’histoire et de philosophie, 4 vol., Gérard Courtois et Raymond Verdier (dir.), Paris, Éditions Cujas, 1980-1986, p. 11-42.

30 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390).

31  AnF, X2a 12, fol. 6v-8v (19/01/1388). Acte publié par Louis de Carbonnières, La procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au xive siècle, Paris, Champion, 2004, p. 758-763.

32 Claude Gauvard, « De Grace especial »…, op. cit., p. 482.

33 Pierre Bourdieu, Le sens pratique, op. cit., p. 349.

34 Ibid., p. 416-418.

35 AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403). Acte cité supra.

36 Pierre Bourdieu, Le sens pratique, op. cit., p. 416.

37 Cité par Claude Gauvard, Violence et ordre public au Moyen Age, Paris, Picard, coll. Les médiévistes français n° 5, 2005, p. 71-72. Je remercie Claude Gauvard de m’avoir signalé cette affaire.

38 AnF, X2a 12, fol. 163v-166v (19/12/1392).

39 Françoise Héritier et Valérie Nahoum-Grappe, « Les “butoirs de la pensée”. Entretien avec Françoise Héritier », La nuit, Valérie Nahoum-Grappe et Myriam Tsikounas dir., Sociétés et représentations, 4 (1997), p. 39-45. A noter que chevaucher de nuit, pour un homme, suscite la méfiance ou l’interrogation des contemporains : voir les exemples de Bernard de Castelbajac ou de Jean Le Bon (respectivement AnF, X2a 14, fol. 276-280v (18/08/1405) et chez Georges Chastellain, cité par Jean Verdon, La nuit au Moyen Âge, Paris, Perrin, 2009, p. 15-17).

40 Respectivement AnF, X2a 17, fol. 253v-255v (8/02/1417) et AnF, X2a 14, fol. 379-380v (24/05/1407).

41 Onze heures : AnF, X2a 12, fol. 6v-8v (19/01/1388) ; minuit : AnF, X2a 12, fol. 230-231 (24/111394) et AnF, X2a 17, fol. 132v-133 (26/01/1414) ; neuf heures (vraisemblablement du matin) : AnF, X2a 17, fol. 253v-255v (8/02/1417). Sur la manière de compter les heures au Moyen Âge, voir Marc Bloch, La société féodale, Paris, Albin Michel, 1968 et 1984 [1939], p. 117 et Pierre Charbonnier, « Des nuits tumultueuses… », art. cit., p. 133-134. Peut-être le lieu de l’action, la campagne très majoritairement, joue-t-il également un rôle dans cette imprécision, comme a pu le penser Claude Gauvard, « De Grace especial »…, op. cit., p. 483. L’heure semble davantage précisée à la ville, voir Claude Gauvard, Mary et Richard Rouse et Alfred Soman, « Le Châtelet de Paris… », art. cit., spécialement p. 593-606.

42 Alain Cabantous, Histoire de la nuit…, op. cit., p. 17-52 (p. 34 pour la citation).

43 Sur l’existence d’activités spécifiques la nuit, voir Pierre Charbonnier pour la période médiévale, « Des nuits tumultueuses… », art. cit., p. 134 et, plus généralement, Valérie Nahoum-Grappe et Myriam Tsikounas, « Présentation », La nuit, Valérie Nahoum-Grappe et Myriam Tsikounas (dir.), art. cit., p. 5-8, ainsi que Candela, « Pour une sociologie politique de la nuit. Introduction », Cultures & Conflits, 105-106 (printemps/été 2017), p. 7-27.

44 Sur la division de la nuit par Isidore de Séville, voir J. VERDON, La nuit…, op.cit., p. 9.

45  Frank Rexroth, Das Milieu der Nacht. Obrigkeit und Randgruppen im spätmittelalterlichen London, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht Verlag, 1999 (je remercie Pierre Monnet de m’avoir signalé cet ouvrage), et Élisabeth Crouzet-Pavan, « Recherches sur la nuit vénitienne à la fin du Moyen Âge », Journal of Medieval History, 7 (1981), p. 339-356.

46 On compte une vingtaine de plaidoiries dans lesquelles le demandeur mobilise cet argument au moins une fois contre une petite dizaine pour le défendeur. Le procureur évoque la nuit légèrement moins que le défendeur.

47  Voir Claude Gauvard, « Les juges jugent-ils ? Les peines prononcées par le Parlement criminel vers 1380 - vers 1455 », Penser le pouvoir au Moyen Âge (viiie-xve siècles). Études d’histoire et de littérature offertes à Françoise Autrand, Dominique Boutet et Jacques Verger (dir.), Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2000, p. 69-87 (tout particulièrement p. 73 et p. 84-85).

48 AnF, X2a 12, fol. 310-311 (11/08/1396).

49 AnF, X2a 12, fol. 89-90v (26/04/1390). Un exemple similaire : AnF, X2a 14, fol. 379-380v (24/05/1407).

50 AnF, X2a 14, fol. 279-280v (18/08/1405).

51  AnF, X2a 12, fol. 6v-8v (19/01/1388).

52 Voir Claude Gauvard, Mary et Richard Rouse et Alfred Soman, « Le Châtelet de Paris… », art. cit., p. 590.

53 Voir Yves Jeanclos, « La nuit pénale en France : éléments d’analyse historique », Le temps et le droit, Anne Guineret-Brobbel Dorsman éd., Besançon, Presses universitaires Franc-Comtoises, 2003, p. 63-84.

54 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, A. Salmon éd., Paris, 1899, t. 1, chap. XXX, art. 825 ; d’autres passages relatifs à des infractions commises de nuit relevés par Yves Jeanclos, « La nuit pénale en France… », art. cit., p. 69-70 et 81-82.

55 Jean Boutillier, Somme rural ou le Grand Coustumier général de practique civil et canon, composé par M. Jean Boutillier, conseiller du roy en sa Cour de parlement, eveu, corrigé sur l’exemplaire manuscript, illustré de commentaires et annotations, enrichies de plusieurs ordonnances royaux, arrests des cours souveraines, singulières antiquitez et notables décisions du droict romain, et autres observations, Louis Charondas Le Caron éd., Paris, 1603, p. 858. Voir aussi les références relevées par Yves Jeanclos, « La nuit pénale en France… », art. cit., p. 66-67.

56 Robert Eder, Tignonvillana inedita, Romanische Forschungen, 33 (1915), p. 851-1022. Cité par Claude Gauvard, Mary et Richard Rouse et Alfred Soman, « Le Châtelet de Paris… », art. cit., p. 589.

57 Voir Élisabeth Crouzet-Pavan, « Recherches sur la nuit vénitienne… », art. cit., p. 339-356.

58 AnF, X2a 12, fol. 230-231 (24/11/1394). La lecture du nom Hamal est incertaine.

59 AnF, X2a 17, fol. 132v-133 (26/01/1414).

60 Sur l’heure de minuit, repère temporel à la fois précis et signifiant, voir Alain Cabantous, Histoire de la nuit…, op. cit., p. 33.

61 AnF, X2a 17, fol. 253v-255v (8/02/1417).

62  AnF, X2a 12, fol. 113 (21/11/1390) et AnF, X2a 12, fol. 113-114v (24/11/1390).

63  Cette affaire est traitée dans cinq plaidoiries du corpus : AnF, X2a 14, fol. 379-380v (24/05/1407) ; AnF, X2a 14, fol. 380v-382 (25/05/1407) ; AnF, X2a 17, fol. 72v-73v (5/12/1412) ; AnF, X2a 17, fol. 103-103v (14/08/1412) et AnF, X2a 17, fol. 113-116 (4/12/1413).

64  AnF, X2a 12, fol. 149-150 (11/07/1392).

65  AnF, X2a 14, fol. 125v-126v (3/07/1403).

66 Élisabeth Crouzet-Pavan, « Recherches sur la nuit vénitienne… », art. cit., p. 355.

67  Voir Alain Cabantous, Histoire de la nuit…, op. cit., p. 140-145.

68 Il s’agit spécifiquement des cas d’homicide. Voir Ibid., p. 159-161.

69 Il est cependant possible que l’augmentation de la mention de l’heure ne soit pas linéaire, comme le laissent suggérer les taux très élevés relevés par Pierre Charbonnier, « Des nuits tumultueuses… », art. cit., p. 141, dans les lettres de rémission du règne de Louis XI, bien plus élevés parfois qu’aux xviie et xviiie siècles.

70  Résultat obtenu en rapportant les différents moments du processus vindicatoire (lesquels peuvent être composés de plusieurs actions différentes) au moment de la journée auxquels ils se sont produits (croisement des champs « étape » et « moment_journée » de la base de donnée).

71  Voir Claude Gauvard, « De grace especial »…, op. cit., p. 482. Ces données concernent tous les crimes et pas seulement la faide.

72 Sur le guet-apens, voir Pierre Prétou, « Le guet-apens à la fin du Moyen Âge : notoriété et infamie des vindictes secrètes », Faire justice soi-même, études sur la vengeance, Jean-Claude Boudin, Frédéric Chauvaud, Ludovic Gaussot et Pascal Henri Keller, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 123-141.

73  Voir Claude Gauvard, « De grace especial »…, op. cit., p. 479 et suiv., ainsi qu’Alain Cabantous, Histoire de la nuit…, op. cit., p. 160-168.

74 Voir l’exemple gascon analysé par Pierre Prétou, Crime et justice en Gascogne à la fin du Moyen Age (1360-1526), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 46-47, ainsi que les études de Pierre Charbonnier, « Des nuits tumultueuses… », art. cité, p. 134 et d’Alain Cabantous, Histoire de la nuit…, op. cit., p. 160-168.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Philippe Juchs, « « Ce fut a heure illicite ». Se venger de nuit dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge »Criminocorpus [En ligne], 18 | 2021, mis en ligne le 15 avril 2021, consulté le 23 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/criminocorpus/9262 ; DOI : https://doi.org/10.4000/criminocorpus.9262

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Auteur

Jean-Philippe Juchs

Jean-Philippe Juchs est agrégé d’histoire, docteur de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a enseigné l’histoire médiévale aux Universités de Cergy-Pontoise, Paris 1 et Montpellier 3. Il mène des activités scientifiques au sein du Centre d’Études Médiévales de Montpellier en s’intéressant tout particulièrement à la vengeance, à la justice et à la question de l’enregistrement des affaires judiciaires. Ses dernières publications sont : « Jacques de Hemricourt et la faide. Contribution à l’analyse des représentations de l’aristocratie à la fin du Moyen Âge », Faire jeunesses, rendre justice. À Claude Gauvard. Antoine Destemberg, Émilie Rosenblieh et Yann Potin dir., Paris, 2015, p. 209-220, et « Die ‚Nahme‘ als wesentliche Beziehung in der Fehde. Das Beispiel des Königreichs Frankreich um die Wende vom 14. zum 15. Jahrhundert », Fehdehandeln und Fehdegruppen im spätmittelalterlichen und frühneuzeitlichen Europa, Mathis Prange et Christine Reinle dir., Göttingen, 2014, p. 143-161.

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