1Publié à l’occasion de la célébration des vingt ans du Jardin aux habitant·es, conçu par Robert Milin lors de l’ouverture du Palais de Tokyo en 2002, cet ouvrage resitue en mots et en images deux décennies de travail collectif. Le projet témoigne d’une démarche participative chère à l’artiste, qui avait déjà collaboré avec des communautés, notamment dans le village breton de Saint-Carré en 1991. Le jardin occupe une parcelle de 800 m² longeant la rue de la Manutention, sur le flanc du Palais, tout en appartenant aux collections du Centre national des arts plastiques (Cnap) et en étant géré par quinze jardinier·ère·s associé·e·s. Par son statut particulier, il détourne les lois du marché de l’art et affirme son caractère impérissable. L’œuvre de Robert Milin, « politique mais sans injonction » (p. 153), semble ainsi représenter un acte de rébellion discret mais éloquent. Parsemé de renvois aux expériences individuelles des jardinier·ère·s qui (se) racontent à cœur ouvert, l’ouvrage reparcourt également l’histoire du Palais de Tokyo et donne un aperçu intéressant sur les pratiques artistiques participatives. Si ses statuts explicitent l’absence de « volonté ostentatoire » (p. 24), le Jardin s’identifie néanmoins comme une œuvre d’art, ou mieux, comme ce qu’Estelle Zhong Mengual nomme « art en commun » (p. 156). Dans l’ouvrage, un ensemble de photographies donne à voir les portraits des jardinier·ère·s et l’évolution du lieu au cours de ces vingt dernières années à travers une riche chronologie visuelle. Un petit mot laissé pour demander l’arrosage d’une parcelle pendant les vacances, un ticket de caisse rendant compte du matériel acheté, une photographie du tournoi de pétanque ou d’un artichaut immortalisent le passage des saisons à travers des moments de la vie du Jardin partagés par les habitant·e·s. Chez Robert Milin, l’art devient une forme d’attention « particulièrement manifeste dans l’oreille et le regard qu’il accorde aux personnes rencontrées, photographiées et filmées » (p. 179). L’idée de soin, intrinsèque à la pratique agricole et horticole, confirme ici sa double dimension (au sens de soigner et prendre soin). Elle acquiert une valeur thérapeutique tantôt pour ce petit écosystème, tantôt pour ses habitant·e·s.