1En déplaise à Maurice Nadeau et à son Histoire du Surréalisme (1945), aux Lettres françaises de Louis Aragon et aux Temps Modernes de Jean-Paul Sartre, ou aux turbulences des Lettristes en soif de la tête des pères spirituels, non le Surréalisme n’est pas mort en 1939. Il est d’ailleurs bien vivant, et continue, malgré son invisibilisation publique, à poursuivre avec dynamisme ses expérimentations plastiques, littéraires et intellectuelles, tout au long de la seconde partie du XXe siècle. Un important chapitre de son histoire, d’une vingtaine d’années, fut pourtant déconsidéré, autant par le champ universitaire que par les institutions culturelles, qui lui préféraient largement la période d’un Surréalisme glorieux de l’entre-deux-guerres, dit « historique ». En opposition à cette thèse répandue de « l’échec » du mouvement et afin de réparer cette omission, l’historien de la littérature Olivier Penot-Lacassagne a récemment conduit la direction d’un important volume collectif : (In)actualité du surréalisme (1940-2020). Cette « "réévaluation" que l’on voudrait "sauvage" de son (in)actualité » cherche « à restituer l’âpreté, la virulence, parfois même la violence des débats à laquelle ce surréalisme […] a été mêlé ; il examine les interpellations dont il a été la cible, interroge les discours et les récits dont il a été l’objet depuis les années 1940 » (p. 18). De manière totalement inédite et avec succès, les différentes analyses, dont celles de Léa Nicolas, Anne Foucault, Fabrice Flahutez et Dominique Drouet-Biot, repositionnent le(s) surréalisme(s) dans la cartographie culturelle et les croisements d’une histoire qui se mondialisent à grands pas. Le pluriel est de mise, tant le Surréalisme d’après-guerre est vivace, autant dans les productions éditoriales officielles des revues comme Néon, Médium et le surréalisme, même, qu’à la marge du groupe parisien – toujours dirigé d’une main autoritaire par André Breton – à travers les expérimentations collectives de divers groupes dissidents, telles que La Main à plume et le Surréalisme Révolutionnaire, ou les entreprises poétiques solidaires de Georges Bataille et d’Antonin Artaud.