1The Other Modern Movement: Architecture, 1920-1970 de Kenneth Frampton est, en quelque sorte, une invitation à gravir – par étapes et en toute quiétude – la face nord de l’Everest. L’auteur, dont on connaît l’importance des travaux sur l’histoire de l’architecture du XXe siècle, propose en effet de saisir le Mouvement moderne dans toute son amplitude géographique et chronologique – un Everest donc – au travers d’une série de carnets monographiques, articulant la mise en regard d’un·e architecte incontournable et de l’une de ses œuvres emblématiques. Si les hérauts du Mouvement moderne – Le Corbusier, Walter Gropius, Mies van der Rohe ou Alvar Aalto – ne sont pas totalement absents des dix-huit essais qui composent The Other Modern Movement, Kenneth Frampton s’attache volontairement à mettre en lumière des personnalités moins systématiquement célébrées par l’historiographie, mais ayant pourtant joué un rôle essentiel dans l’élaboration, le développement et la diffusion des préceptes modernes. L’intérêt réside tout autant dans les choix opérés par Kenneth Frampton (en ce qui concerne les architectes comme les édifices), que dans la manière dont l’auteur fait fructifier l’approche monographique pour, en réalité, présenter de manière à la fois précise et englobante les différents foyers du Mouvement moderne. Au travers d’une série de dix-huit « portraits-panoramiques », le lecteur voyage ainsi de la Californie au Japon, en passant par une « vaste » Europe dont Kenneth Frampton n’oublie aucun confins. Si des architectes étaient attendus (Rudolf Schindler, Eileen Gray, Willem Marinus Dudok, Pierre Chareau, Erich Mendelsohn, Arne Jacobsen, Richard Neutra et Max Bill), d’autres – d’ores et déjà reconnus comme des représentants majeurs du Mouvement moderne mais moins souvent mis en avant du fait du caractère un peu plus « périphérique » du territoire de leur œuvre – gagnent une notoriété nouvelle (Johannes Duiker, Louis Herman De Koninck, Sigurd Lewerentz, Berthold Lubetkin, Jaromír Krejcar, Vilhelm Lauritzen, Werner Moser, Max Ernst Haefeli et Alejandro de la Sota). En connectant ainsi micro et macro-histoire, Kenneth Frampton propose un nouveau genre historiographique, très didactique (le livre est d’ailleurs tiré d’un cours donné à l’Accademia di architettura de Mendrisio), servi par une remarquable clarté d’expression et une très belle acuité d’analyse. Last but not least : cette histoire architecturale prend véritablement corps dans l’iconographie, riche et en grande partie inédite, mise en valeur par l’élégante maquette de Yale University Press.