1Fiat Lux présente le travail tout simplement déconcertant de Pierre Seinturier. L’artiste contemporain modifie le regard et la perception en créant un espace qui lui est propre, en décalage, comme le suggère le titre du chapitre de Philippe Jaenada « Avant, après, autour » (p. 15-27). L’œuvre de Seinturier prend véritablement tout son sens, ou plutôt tout son non-sens dans cet écart. Emane de ses huiles sur toile une sorte d’absurdité existentielle, tant dans la dissonance comique entre leurs titres et leurs sujets, que dans la représentation ambiguë de la figure humaine. Toujours floue et anonyme mais pourtant centrale, la présence de celle-ci est souvent matérialisée par une architecture, une nature apprivoisée témoignant d’une intervention quelconque. D’ailleurs, la nature occupe toujours une place proportionnellement écrasante, au sens premier du terme. Il n’est pas rare que le ciel emplisse les trois quarts de la composition et mette paradoxalement en avant les personnages. Le ciel, tout comme la lumière, est un réel mode d’expression pour Seinturier dont l’œuvre est expressive dans sa matérialité. Les coups de pinceaux sont appuyés, comme les traces d’un chemin à suivre vers un ailleurs commun. On pourrait y trouver une sorte d’universalité : « Ce qui nous rapproche, c’est le décalage » (p. 24), « c’est […] l’endroit où on se place pour observer » (p. 26). Le pouvoir de Seinturier est de toujours nous faire sentir que nous sommes à un moment clé de l’action, sans que rien ne soit pour autant clairement explicité. Pour ce qui est de sa pratique photographique, la démarche est la même, le sens des images réside dans ce qu’elles ne montrent pas, car « l’essentiel est invisible pour les yeux », nous disait Antoine de Saint-Exupéry. Même si l’on ne voit apparemment bien qu’avec le cœur, l’artiste interroge l’espace du couple. Le thème est assez récurrent, et les supposés amoureux affichent souvent une sorte de distance froide et sourde. L’indétermination semble être finalement le sujet principal, lourd de sens dans son ambiguïté. La production de Pierre Seinturier demeure, somme toute, emplie de mystères. Elle semble relever d’une certaine quête, celle d’une individualité, d’un sens… dont la présence est justement signifiée par l’absence.