1La présente somme résulte du travail exemplaire de collaboration scientifique initié en 2016 par Evelyne Toussaint autour du département d’histoire de l’art de l’Université de Toulouse avec les Abattoirs et l’INHA. Construit en trois parties qui abordent la fonction critique de l’art, l’importance de la pensée décoloniale comme épistémologie du Sud et la catégorie du primitif, l’ouvrage expose une diversité d’approches qui renvoie à la construction du programme en différentes journées d’études thématiques. La multiplicité et la polyphonie, si importantes dans la pensée décoloniale pour réparer les blessures relatives aux héritages modernistes, se voient ici mobilisées en acte pour dépasser les traditionnelles catégories spatiales qui ont constitué la discipline histoire de l’art. En effet, les géographies se rencontrent de même que les thématiques là où les ouvrages collectifs publiés procèdent parfois en séparant les différentes facettes de la question (exposition, théorie, archives, problème du primitivisme, etc.). Des plus innovantes est aussi la compréhension fluide et intersectionnelle des notions décoloniales/postcoloniales. Comme le rappelle Zahia Rahmani dans sa postface, les arts « ont très tôt intégré une critique de la condition coloniale » (p. 176). Or l’ouvrage parvient incidemment à restituer cette dimension, quand certains essais relisent l’art du XX^e siècle à l’aune de ce champ critique, quitte à produire de nouvelles chronologies pour penser le postcolonial. Par exemple, il apparaît que deux ans avant la publication d’Orientalisme d’Edward Saïd, Sarkis réalisa Kriegsschatz (1976), un projet qui portait sur les spoliations des collections ethnographiques du Museum für Völkerkunde de Berlin. Cet aspect, abordé dans l’essai de Fabien Faure, nous montre combien le projet semble préfigurateur des pratiques de décolonisation des collections, dont celle, fameuse, de Fred Wilson, Sarkis augurant, comme l’écrit l’auteur, « fût-ce clandestinement le temps du postcolonialisme en art » (p. 41).