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2023

Carlo A. Célius, Création plastique d'Haïti : art et culture visuelle en colonie et postcolonie

Emilie Goudal
Création plastique d'Haïti : art et culture visuelle en colonie et postcolonie
Carlo A. Célius, Création plastique d'Haïti : art et culture visuelle en colonie et postcolonie

Paris°: Maison des sciences de l’homme, 2023, 582p. 27 x 18cm, ill. en noir et en coul. (Amérique(s))

Bibliogr.

ISBN : 9782735128648. _ 33,00 €

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Texte intégral

1Fruit d’une recherche de plusieurs décennies, cet ouvrage somme et ambitieux, rédigé par l’historien et historien de l’art Carlo A. Célius, fera assurément référence. Ancrant son étude depuis le territoire haïtien, sur un temps long de plusieurs siècles, l’auteur dresse une histoire de l’art critique articulé autour de la problématique art-colonie-postcolonie. Célius établit ici une autopsie critique de la pluralité et de l’évolution des approches didactiques de la création plastique et de l’écriture même de l’histoire de la culture visuelle au sein d’une entité sociopolitique née officiellement le 1er janvier 1804 sous le nom de Haïti. Mêlant culture visuelle et théorie postcoloniale, Carlo A. Célius engage un travail d’écriture du passé au présent, au plus près d’une épistémologie renouvelée minutieusement, distinguant le terme d’art à celui de beaux-arts « qui n’est pas sans lien avec l’expansion européenne et la colonisation » (p. 17). C’est un renversement disciplinaire qui s’opère méthodiquement, à l’appui des œuvres et des écrits internationaux tout autant qu’une mise à distance critique des approches ethnographique et anthropologique du visuel, trop souvent convoquées pour dire et voir les arts produits par la « fille aînée de la décolonisation ». Depuis Haïti s’est donc un travail de réflexion méthodologique qui s’opère pour comprendre comment se défaire de certains réflexes disciplinaires qui conditionnent et occultent l’appréhension des arts et de la culture visuelle en dehors de l’espace de pensée européen. L’ouvrage compulse et destitue certains regards, intra et extra territoriaux, portés sur la création plastique haïtienne depuis 1492, et l’arrivée de Christophe Colomb dans les Caraïbes, jusqu’à aujourd’hui, pour faire finalement advenir d’autres manières de voir les œuvres d’un territoire aux nominations plurielles – de Tainos à Saint Domingue puis Haïti. Généreusement illustré et doté d’une bibliographie dense, cette nouvelle histoire de l’art de Saint Domingue/Haïti déplie les différentes strates historiques et socio-politiques à l’appui desquelles se forgent les discours artistiques et politiques pour mieux percer l’écran de fumée d’une lecture hégémonique de ce « qu’est ou devrait être "un art haïtien" » (p. 494). Il permet d’ouvrir les yeux sur une production connectée à l’espace caribéen, africain, aux Amériques et à l’Europe, et finalement plus largement à l’espace monde. La mise au point historique que propose l’auteur engage à défaire les nœuds et à révéler les complexités d’une production au carrefour d’enjeux politiques, mémorielles, esthétiques et historiques à résonnance globale. Elle oblige finalement à accepter qu’une diversité d’approches et d’ancrages soit nécessaire pour comprendre la densité de cette production. Certaines entrées de compréhension à l’exemple de la relation entre art et vodou sont opérantes à plus d’un titre, mais quand on les considère comme des clefs-outils qui n’impliquent pas l’entièreté des grilles d’analyse de la culture visuelle d’un territoire bien plus vaste qu’on ne saurait le voir. Célius rappelle que la société haïtienne est composée d’une multiplicité de présences humaines, au carrefour de plusieurs religions, histoires et enjeux de mémoires (de l’esclavage, de la colonisation, de l’indépendance ou de la décolonisation), pris entre des continents et narrativités à foyers multiples. Saisir la production haïtienne, en mettant à juste distance critique la notion de primitivisme notamment, sur ce temps long et au sein d’un périmètre diffracté, dès lors élargi et délesté de toute mystification, forge un nécessaire dépassement des approches catégorielles et disciplinaires hiérarchisantes.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Emilie Goudal, «  Carlo A. Célius, Création plastique d'Haïti : art et culture visuelle en colonie et postcolonie », Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 23 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/109837 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.109837

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