1La belle monographie (par son format, sa maquette, sa richesse iconographique) consacrée par les éditions Mousse à Cathy Josefowitz rend soudainement accessible un travail resté jusqu’alors largement confidentiel pour ses contemporain·e·s. Montré quelques fois seulement en galerie lors d’expositions personnelles, et de ce fait sujet de bien peu de littérature, le corpus réalisé de 1973 jusqu’au décès de l’artiste en 2014 compte pourtant près de 3 000 pièces, entièrement conservées et maintenant soigneusement ordonnées par l’association promouvant son travail, Les Amis de Cathy Josefowitz (créée en 2016 à l’initiative de son fils, Pierre Sebaste Josefowitz). En cela, si l’œuvre est achevé, la publication témoigne utilement du fait qu’il est loin d’être clos : une importante entreprise de commentaire rétrospectif reste à l’horizon, pris dans une temporalité fortement discontinue caractérisant la réception de nombreuses femmes artistes. La dimension expérimentale de cette production sur papier, carton et toile rappelle à cet endroit que les marges de l’histoire de l’art constituent également des interstices paradoxaux de liberté, pour penser le corps en l’occurrence. La figure reste en effet le point focal de Cathy Josefowitz, de ses débuts jusque très tard dans l’œuvre (où seulement elle s’absente, les dernières années, au profit de paysages méditatifs, de ciels obscurs ou pastels au contraire, mais qui n’en sont pas moins des « autoportraits », comme le titre de la dernière planche le signale). Disposé de manière chronologique, l’ensemble des images reproduites contribue à mettre en relief l’évolution du vocabulaire expressionniste (et au départ volontiers fauve) de Josefowitz, tout en laissant apparaître l’organisation du travail par séries, d’un médium et d’un motif à l’autre. L’intelligence de la publication tient à la mise en relation de la pratique graphique de l’artiste avec les bribes d’archives écrites que celle-ci a laissées, mais surtout avec les archives visuelles de son propre corps en mouvement – s’échauffant par exemple – et de ses créations chorégraphiques, à partir de son apprentissage du Primal Theatre à Boston en 1977 et de la Dance Contact Improvisation au Dartington College of Arts l’année suivante, dans le sillage de la New Dance impulsée par le Judson Dance Theater à New York. Si la découverte du dessin se fait plus tôt que celle du théâtre et de la danse, ces pratiques ne sont pas hiérarchisées par Cathy Josefowitz, qui crée sa propre compagnie en 1983, nommée Research and Navigation. En parallèle, l’engagement (et la production plastique) de l’artiste en faveur des droits gays et lesbiens et sur les fronts féministes et altermondialistes à partir de 1980 en Grande-Bretagne, souligné en passant par plusieurs des auteurs·trices mais relativement absent des illustrations, gagnerait à être documenté proprement et confronté aux œuvres qui procèdent d’une même expérience historique et d’un élan partagé pour émanciper le corps.