1Stéphane Thidet : tant que les îles est un livre d’artiste où il fait bon se perdre comme en terra incognita. Tel le voyageur égaré en haute mer, accostant sur une île vierge et inconnue, s’accrochant à ce morceau de terre comme seul ancrage à sa dérive, le lecteur échoue là sur un rivage étrange. Faisant suite à l’exposition Orage de Stéphane Thidet (à la Maréchalerie, centre d’art contemporain de l’Ecole d’architecture de Versailles), le livre prend la forme d’une pochette de disque 33 tours, car il est accompagné d’un vinyle. Celui-ci, d’un blanc laiteux semi-transparent marqué d’une tache noire, fait écho aux images du livre, formées de taches représentant des cercles sur des feuilles d’un blanc nacré. Des îlots d’encre dans une mer laiteuse, répétés à perte de vue au sein d’un cercle sans fin. La souplesse, la rondeur et le calme émanant du livre se confrontent à l’enfermement, la claustration. Sur une île, le voyageur peut vite tourner en rond, tel le disque et son sillon tournant de manière hypnotique sur la platine. Le son est lui-même une île où se réfugie l’auditeur, qui aborde là des rivages inconnus de la musique : sons de l’environnement enregistrés, mais détournés de leur contexte. Un simple glissement se transforme alors en feulement de bête sauvage, l’orage semble gronder au loin, et nous voici emportés dans un univers fantasmagorique, image d’une autre réalité. Une île n’est en rien une promesse de calme, elle est également danger, inquiétude et aventure, autant refuge inespéré que possible calamité. Après l’Orage de l’exposition, bleu sombre et inquiétant où l’on perd la notion du temps, ainsi que le voyageur perdu sur une mer d’huile, le spectateur peut retrouver le ciel bleu clair et dégagé d’après la tempête, comme lavé par les éléments et (enfin ! délivrance !) accoster sur un îlot, un refuge. Un ancrage d’encre sur une surface laiteuse, n’ayant ni fin ni commencement. Tant que les îles, posées là…