1Directeur de la Whitechapel Gallery à Londres, de 1952 à 1969, Bryan Robertson apparaît comme une figure centrale de l’art contemporain britannique du second XXe siècle. Pour aborder cette « star », The Life of Bryan: A Celebration of Bryan Robertson prend le parti de proposer non pas « une biographie mais une célébration » (p. 7). Composé de reproductions d’entretiens, d’extraits de catalogues écrits par Robertson et de témoignages à son sujet, l’ouvrage en effet à tout point de vue romancé sur sa vie et privilégient une approche factuelle. Pour un lectorat rompu aux approches historiennes, la lecture de The Life of Bryan peut sembler déstabilisante au regard des effets créés par différentes juxtapositions liées à la polyphonie des voix, des sujets et des registres textuels mobilisés par la reproduction d’archives des plus hétéroclites (à commencer par le profil astrologique de l’intellectuel). La section The Whitechapel Years, consacrée à la réception de l’art abstrait américain et à l’émergence du Pop art anglais, alors qu’il organisa This Is Tomorrow et les exposition New Generation (1964, 1966,1968), reproduit assez peu de documents inédits sur le pop. Dans le même ordre d’idées, aucune reproduction d’archives ne permet d’étayer la contribution curatoriale de Robertson au white cube, pourtant associé à la Whitechapel Gallery. Ainsi, malgré les formules emphatiques d’Andrew Lambirth sur la façon dont Robertson « changea le visage de l’art britannique », l’ouvrage ne livre pas toujours les preuves de ces « révolutions » là où elles seraient le plus attendues. Qui plus est, avec le témoignage du peintre Frank Bowling, qui raconte comment Robertson renonça, malgré leurs liens, à l’exposer lors de New Generation en 1964, sont rendues apparentes les contradictions, d’un côté entre le portrait d’un intellectuel décrit au fil des pages comme féru d’une vision pluraliste, peu « classiste », bien que formé à Cambridge (p. 103), et cosmopolite ; et de l’autre, le constat de son peu d’engagement en faveur de la représentation des artistes noirs. L’artiste britannique né au Guyana revient sur les motivations informant ce choix, arguant que pour Robertson, « la Grande-Bretagne n’était pas prête pour un jeune artiste noir de talent » (p. 130-131). Il mentionne également la réaction violente de ce dernier, le menaçant de poursuites pénales, lorsque Bowling rendit ces propos publiques à l’occasion de l’exposition The Other Story. En somme, il apparaît que le projet de « célébration de la vie » se trouve parfois régulièrement mis à mal par le contenu de témoignages qui ternissent l’image de Robertson, ou font l’étalage d’aspect privés de son parcours.