1La récente monographie consacrée à Farah Atassi nous invite à un « voyage dans le temps » (p. 8) et dans l’espace richement illustré. Nous remontons l’évolution du travail de l’artiste à travers sept expositions, des plus récentes aux plus anciennes, et visitons les musées de Cambrai, Dijon, les galeries de François Ghebaly à Los Angeles, Almine Rech à New York ou Xippas à Genève et Paris. Deux essais accompagnent cette traversée, signés Guillaume Désanges et Maxime Rovère, aux côtés d’une introduction et d’un entretien recueilli par Eric Troncy, commissaire de l’exposition Farah Atassi au Consortium Museum de Dijon. L’œuvre peinte de Farah Atassi explore la notion d’espace et l’ouvrage s’applique à identifier les « trajectoires » (p. 23) que se fraye le regard au sein des vues architecturales d’intérieurs faites d’un système de formes en deux dimensions. Avec Farah Atassi, il n’y a plus d’arrière-plan ou de premier plan, les sujets (natures mortes, modèles féminins) se confondent avec la théâtralité du décor. Les toiles abritent des « espaces multiples » (p. 13), où le regard pourra néanmoins s’arrêter sur des formes familières : femmes à la Picasso, abondance et désordre façon Léger, couleurs matissiennes, motifs faisant écho à l’alphabet d’Herbin… L’exposition de Cambrai met en valeur le dialogue des œuvres de Farah Atassi avec celles de l’art moderne en les présentant aux côtés de celles de Sonia Delaunay, Victor Vasarely, Aurélie Nemours ou encore Geneviève Claisse. Le travail de Farah Atassi puise dans une histoire des formes pour en proposer une synthèse volontairement anachronique qui réconcilie les traditionnelles oppositions de l’art moderne. Mais si clins d’œil il y a, l’artiste rappelle dans l’entretien que son langage se veut avant tout universel et compréhensible au-delà des références historiennes. Le voyage illustré auquel nous convie le catalogue gagnerait à nous conduire jusqu’aux origines de la peinture de Farah Atassi, plutôt que de se limiter à un corpus d’œuvres comprises entre 2015 et 2020, afin de mieux saisir la cohérence de l’œuvre et ses ressorts secrets. Des toiles architecturales débordantes de motifs et de couleurs vives, nous serions remontés jusqu’aux grands intérieurs froids et vides des ruines de bâtiments soviétiques, premiers intérieurs dont l’artiste plasticienne dit s’être inspirée à compter de l’année 2008.