00s : collection Cranford : les années 2000 = Cranford Collection: the 2000s
Montpellier : MO.CO. ; Milan : Silvana, 2020, 184p. ill. en noir et en coul. 27 x 22cm, fre/eng
Chronol.
ISBN : 9788836645916. _ 35,00 €
Préf. de Nicolas Bourriaud. Textes d’Aurélien Bellanger, Vincent Honoré, Vincent Pécoil, Freddy Salem, Muriel Salem
Texte intégral
1Il serait sans doute imprudent de prétendre qu’une collection, fût-elle d’une qualité exceptionnelle, puisse résumer une époque. Dès l’introduction du catalogue de l’exposition 00s : Collection Cranford, les années 2000, Nicolas Bourriaud, son commissaire général, prend la précaution d’écrire que cette collection qu’il a invitée au MO.CO. vaut non seulement parce qu’elle est constituée de pièces d’artistes contemporains majeurs, mais aussi parce qu’elle ne prétend incarner aucun Zeitgeist. Commencée en l’an 2000 par un couple de Londoniens, Muriel et Freddy Salem, cette collection a pourtant d’abord regardé du côté des très tendances Young British Artists (Sarah Lucas, Damien Hirst, Glenn Brown, etc.), avant de s’ouvrir et gagner en diversité et en consistance. Ainsi, parmi les pièces reproduites dans le catalogue se trouvent aussi bien un vaste ensemble de tableaux abstraits (Gerhard Richter, Albert Oehlen, Christopher Wool, Josh Smith, etc.) que des pièces plus frontalement engagées, mais protéiformes (Mona Hatoum, Thomas Hirschhorn, Walid Raad, etc.). Cependant, les pièces étant reproduites suivant la stricte chronologie, trop rares sont les confrontations vraiment stimulantes pour le lecteur, hormis Maison (2000) de Louise Bourgeois et Fuck Destiny (2000) de Sarah Lucas d’où transpire le même intimisme carcéral, ou encore Untitled 439 (2004) de Cindy Sherman et aube.ouest.octobre (2004) d’Ugo Rondinone qui relèvent toutes deux d’une même inquiétante étrangeté carnavalesque. Si l’entretien avec le couple de collectionneurs (p. 11-26) peine à susciter l’intérêt, le lecteur se consolera avec « Les Années 2000 » (p. 29-40) du romancier Aurélien Bellanger, texte intempestif voire malicieusement déceptif (« Je n’ai pas de souvenirs précis des années 2000 » [sic]). L’auteur s’amuse à déjouer la commande qui lui a été passée (« De fait je traverserais la décennie quasiment sans images », p. 30), notamment en faisant, comme pour combler l’absence criante des nouveaux médias dans l’exposition, la liste de ses téléphones portables successifs… Il évoque enfin au centre de son texte l’existence une mystérieuse boîte rouge censée contenir tous ses souvenirs oubliés et toutes ses photographies jamais montrées des années 2000, à l’instar de la fantasmatique boîte bleue de Mulholland Drive (le film culte de David Lynch, sorti en 2001) dont l’ouverture faisait basculer le spectateur dans une autre temporalité. Le catalogue trouve in fine dans ce texte le grain de folie ou l’échappée belle que promettait en couverture du catalogue la pièce d’Iza Genzken : un orang-outan burlesque en costume de roi, multicolore et dérisoire.
Pour citer cet article
Référence électronique
Bertrand Dommergue, « 00s : collection Cranford : les années 2000 = Cranford Collection: the 2000s », Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 04 juin 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/76229 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.76229
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