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Portraits

Michel Thévoz

Baptiste Brun
p. 100-103
Traduction(s) :
Michel Thévoz
Pathologie du cadre : quand l’Art Brut s’éclate
Michel Thévoz, Pathologie du cadre : quand l’Art Brut s’éclate

Paris : Ed. de Minuit, 2020, 157p. 22 x 14cm, (Paradoxe)

Bibliogr.

ISBN : 9782707346391. _ 18,00 €

Préf. de Sarah Lombardi

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Texte intégral

Michel Thévoz, 2020 © Katia Furter, avec l’aimable autorisation de l’auteur

  • 1 Thévoz, Michel. « L’Art Brut n’existe pas », L’Art Brut existe-t-il ?, Paris : Lienart, 2019. Sous (...)
  • 2 Thévoz, Michel. Louis Soutter, Lausanne : La Rencontre, 1970
  • 3 Voir, parmi d’autres, l’anthologie Ecrits bruts, textes choisis et présentés par M. Thévoz, Paris : (...)
  • 4 Thévoz, Michel. « Fin de partie ? », postface à la réédition de L’Art Brut [1975], Paris : La Diffé (...)
  • 5 Thévoz, Michel. Pathologie du cadre : quand l’Art Brut s’éclate, Paris : Ed. de Minuit, 2020, (Para (...)

1Il est des pensées qui troublent et parfois agacent tout autant qu’elles stimulent. Celle de l’historien de l’art, conservateur de musée, commissaire d’expositions et essayiste Michel Thévoz est de celles-ci, en ce qu’elle fait de l’indiscipline et du contre-pied des principes moteurs, une méthode. A la question « L’Art Brut existe-t-il ? » que lui pose Laurent Gervereau en 2018, il répond dans un esprit de provocation espiègle par la négative1. Et pourtant… Né en 1936 à Lausanne (Suisse), Michel Thévoz fourbit ses armes d’historien et critique en s’attelant à une recherche de doctorat portant sur Louis Soutter, le peintre le plus singulier qui soit dans le pays de Vaud, canton dont l’écrivain Charles Ferdinand Ramuz disait tout le mal qu’il pensait de son conformisme2. Par ce choix datant des années 1960 – agréé par le très conservateur Bernard Dorival dans le cadre d’un mémoire de fin de cycle de l’Ecole du Louvre ! – se dessine déjà comme en creux la trajectoire de l’homme : un goût pour les réprouvés, et tout ce qu’il se plaira ensuite à désigner comme relevant de phénomènes borderline (folie, médiumnité, esthétique du suicide et fantasmes de l’académisme, parmi d’autres). Ce travail séminal facilite la relation avec Jean Dubuffet. Le grand zélateur de l’Art Brut lui passe la main, en effectuant la donation de la collection éponyme à la Ville de Lausanne, dont Michel Thévoz devient le premier directeur en 1976. L’année précédente, il avait publié la première monographie consacrée au sujet chez Skira, actant un transfert d’autorité sur la question : le jeune homme renouvèle une approche jusqu’alors farouchement défendue par le peintre. Les ferments de l’antipsychiatrie marquent dès lors la pensée de l’Art Brut. Enseignant à l’université de Lausanne, lecteur assidu de Michel Foucault et Jacques Lacan, Michel Thévoz œuvre avec l’outil psychanalytique – que Jean Dubuffet tenait jusqu’alors à distance – sur des formes d’art qualifiées de marginales. Il s’intéresse plus particulièrement à celles qui entremêlent écriture et graphisme jusqu’à l’indistinction, décrivant à partir d’une réflexion sur le langage une généalogie de la déviance et de ses corollaires, le conditionnement et le conformisme3. L’enjeu consiste notamment à envisager le travail de la culture, et en particulier de son refoulé, dans la constitution des valeurs qui la fondent. On pourrait reprocher à sa pensée des schèmes parfois réducteurs, comme lorsqu’il passe alternativement du terme de régression à celui d’archaïsme, sans prendre garde à tomber dans l’ornière du primitivisme constitutif de l’histoire de l’art au XXe siècle. Mais le mérite de Michel Thévoz réside justement dans cette forme d’excès qui constitue à tout point de vue un risque épistémologique fort nécessaire. D’où sa prédilection pour les aberrations et leur pouvoir heuristique : en travaillant tour à tour sur la perruque d’Andy Warhol, les griffonnages de Jules Doudin, les nus « pompiers » de Charles Gleyre ou les « Suisses morts » de Christian Boltanski, Michel Thévoz aime à irriter. En prônant le retournement, il déterritorialise les concepts et les notions jusqu’à les faire craquer, en montrant le caractère arbitraire de ce qui les structure et, ce faisant, leur dimension politique : « Le pathologique éclaire le normal, diraient les psychiatres – assertion qu’il faut aussitôt inverser : l’anomalie éclaire notre pathologie consensuelle.4 » Prolongement d’une exposition qu’il a mise en œuvre à la Collection de l’Art Brut à l’hiver 2021, le titre du dernier livre de Michel Thévoz enfonce le clou : Pathologie du cadre.5

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Notes

1 Thévoz, Michel. « L’Art Brut n’existe pas », L’Art Brut existe-t-il ?, Paris : Lienart, 2019. Sous la dir. de Laurence Bertrand Dorléac, Laurent Gervereau, p. 120-125

2 Thévoz, Michel. Louis Soutter, Lausanne : La Rencontre, 1970

3 Voir, parmi d’autres, l’anthologie Ecrits bruts, textes choisis et présentés par M. Thévoz, Paris : Presses universitaires de France, 1979 ; Thévoz, Michel. Détournement d’écriture, Paris : Ed. de Minuit, 1989, (Critique) ; plus récemment une contribution stimulante dans Ecrire en dessinant : quand la langue cherche son autre, Milan : Skira ; Lausanne : Collection de l’Art Brut ; Genève : Centre d’art contemporain Genève, 2020.

4 Thévoz, Michel. « Fin de partie ? », postface à la réédition de L’Art Brut [1975], Paris : La Différence, 2016, p. 228

5 Thévoz, Michel. Pathologie du cadre : quand l’Art Brut s’éclate, Paris : Ed. de Minuit, 2020, (Paradoxe)

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Table des illustrations

Légende Michel Thévoz, 2020 © Katia Furter, avec l’aimable autorisation de l’auteur
URL http://journals.openedition.org/critiquedart/docannexe/image/76258/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 797k
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Pour citer cet article

Référence papier

Baptiste Brun, « Michel Thévoz », Critique d’art, 56 | 2021, 100-103.

Référence électronique

Baptiste Brun, « Michel Thévoz », Critique d’art [En ligne], 56 | Printemps/été, mis en ligne le 04 juin 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/76258 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.76258

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