• 1 Szendy, Peter. Ecoute, une histoire de nos oreilles, Paris : Minuit, 2001, (Paradoxe)
• 2 Szendy, Peter. Membres fantômes : des corps musiciens, Paris : Minuit, 2002, (Paradoxe)
• 3 Szendy, Peter. Les Prophéties du texte – Léviathan : lire selon Melville, Paris : Minuit, 2004, (Pa (...)
• 4 Szendy, Peter. Sur écoute : esthétique de l’espionnage, Paris : Minuit, 2007, (Paradoxe)
• 5 Szendy, Peter. Tubes : la philosophie dans le juke-box, Paris : Minuit, 2008, (Paradoxe)
• 6 Szendy, Peter. Kant chez les extraterrestres : philosofictions cosmopolitiques, Paris : Minuit, 201 (...)
• 7 Szendy, Peter. L’Apocalypse-cinéma : 2012 et autres fins du monde, Paris : Capricci, 2012
• 8 Szendy, Peter. A coups de points : la ponctuation comme expérience, Paris : Minuit, 2013, (Paradoxe
• 9 Szendy, Peter. Le Supermarché du visible : essai d’iconomie, Paris : Minuit, 2017, (Paradoxe)

2Philosophe, enseignant à l’université Brown aux Etats-Unis, commissaire d’exposition, programmateur musical, Peter Szendy prend plaisir à se laisser fasciner. Ses expériences esthétiques, parce qu’elles trament l’ordinaire de la vie, lui donnent à penser. Elles instillent le doute. D’où lui viendraient ses oreilles (Ecoute, une histoire de nos oreilles1) ? Ne serait-ce pas l’instrument qui invente l’instrumentiste (Membres fantômes : des corps musiciens2) ? Comment se laisser engloutir par le roman Moby Dick (1851) de Herman Melville, dont la lecture est décrite en termes de pêche, de cartographie, de navigation, de fuite, de naufrage (Les Prophéties du texte – Léviathan : lire selon Melville3) ? Que nous dit la surenchère des scandales d’espionnage auditif (Sur écoute : esthétique de l’espionnage4) ? Pourquoi sommes-nous hantés par des chansons à succès qui, telles un ver d’oreille, deviennent la bande-son d’un moment de vie (Tubes : la philosophie dans le juke-box5) ? Que pensait Emmanuel Kant des extraterrestres qui pourrait nous aider à prendre soin de nos mondes sensibles et sociaux abîmés en enrichissant la conscience de nos points de vue (Kant chez les extraterrestres : philosofictions cosmopolitiques6) ? Dans les films apocalyptiques, la fin du monde n’est-elle pas aussi la fin du cinéma, comme invitent à le considérer les comptes à rebours, les fondus au blanc, les arrêts sur image qui les closent (L’Apocalypse-cinéma : 2012 et autres fins du monde7) ? Quels effets la ponctuation produit-elle, qui n’est pas qu’affaire de texte – nous ponctuons aussi les images, les sons, nos récits de vie (A coups de points : la ponctuation comme expérience8) ? Trois milliards d’images circulent chaque jour sur les réseaux sociaux : que faire de cette visibilité saturée (Le Supermarché du visible : essai d’iconomie9) ?

• 10 Le Supermarché des images, Paris : Ed. du Jeu de Paume : Gallimard, 2020. Sous la dir. d’Emmanuel A (...)
• 11 Szendy, Peter. Pour une écologie des images, Paris : Minuit, 2021, (Paradoxe)

3Au même titre que l’écriture, la programmation musicale et plus récemment le commissariat d’exposition sont pour Peter Szendy des pratiques de sélection et de juxtaposition. Elles ancrent, depuis nos présents, des temporalités hétérochrones. En 2020, Peter Szendy met au travail Le Supermarché du visible : essai d’iconomie en s’associant au théoricien des images Emmanuel Alloa et à l’historienne de l’art et curatrice Marta Ponsa. L’exposition qui en découle au Jeu de Paume à Paris, intitulée Le Supermarché des images, montre en quoi l’échange incessant d’images nous tient et engendre des dégâts sociaux et environnementaux10. Il faut alors envisager le stockage, la gestion et le transport que nécessitent les échanges d’images. Cette dimension économique de la vie des images, Peter Szendy la désigne comme « iconomie ». L’iconomie est une écologie, comme le précise le petit livre publié dans l’après-coup de l’exposition (Pour une écologie des images11). Face à l’échange incessant d’images, il serait nécessaire d’en réguler la circulation. Mais Peter Szendy en appelle surtout à une écologie entendue comme une attention aux temps dissonants qui œuvrent à même l’image. Nos pouces glissent sur les images, l’espace d’un instant, sur des écrans que les composants en terres rares ont mis des millions d’années à minéraliser. Si l’image est hétérochrone, il nous faut réapprendre à voir pour la doter d’une prise politique. Peter Szendy dilate le temps qui tend à se contracter. En explorant les hétérochronies qui travaillent les films, les sons, les dispositifs techniques, les textes et les concepts, il invite ses lecteurs et ses lectrices à retrouver le temps de sentir-penser.