1Gaston Chaissac (1910-1964) est un artiste singulier, excentrique, qui a produit une œuvre abondante et déroutante autour d’une variété de moyens d’expression et de techniques. Eloigné du milieu culturel parisien, il construit son art à partir de sources folkloriques et de son propre quotidien, dans une recherche frénétique d’authenticité artistique, en refusant les dogmes et les concepts établis. La posture individuelle de l’artiste vendéen se rapproche d’un certain nombre de ses contemporains qui ont eux-mêmes cherché à renouveler en profondeur les langages de la création. Si l’on pense aux liens évidents entre son œuvre et le concept d’Art brut de Jean Dubuffet, le catalogue de l’exposition Chaissac & CoBrA : sous le signe du serpent cherche à établir des ponts entre le peintre et le groupe d’artistes nord-européens, tant leur proximité est grande. Ce dernier fondé à Paris en 1948, autour, entre autres, d’Asger Jorn, Karel Appel et Christian Dotremont, observe avec beaucoup d’intérêt l’artiste dont il publie les écrits dans sa revue éponyme. Nadia Raison-Chaissac parle d’ailleurs d’une profonde « filiation des idées » (p. 43). Gaston Chaissac et CoBrA décentrent la scène artistique mondiale dans le Nord de l’Europe ou dans la campagne vendéenne. Leurs affinités sont d’abord d’ordre stylistique ; ils partagent un univers figuratif qui frôle avec l’abstraction autour d’une iconographie de formes hybrides, zoomorphiques et humaines visuellement déconcertantes. Comme le suggère le sous-titre de l’exposition, le serpent est un motif récurent dans leurs œuvres, tel un emblème chargé d’une forte symbolique. Tous travaillent également à partir d’éléments hétéroclites issus du quotidien (bois, racines, céramiques, etc.). La contribution de Vanessa Noizet au catalogue met en avant la préconisation à l’expérimentation et à la notion de spontanéité comme un espace de proximité entre l’artiste et le groupe d’avant-garde (p. 28-34). En effet, ils partagent des préférences fortes pour les arts premiers, les dessins d’enfants, les productions de malades mentaux et les mythes populaires. Leurs œuvres présentent une dimension anthropologique qui vise à retrouver un état originel de la peinture. Enfin, à partir de l’abondante correspondance de Gaston Chaissac, Benoît Decron souligne les rapports étroits entre la pratique de l’écriture poétique et les arts plastiques durant une période propice au décloisonnement des disciplines (p. 190-195).