1Les mots lumineux « départ » et « arrivée » sur la couverture et quatrième de couverture annoncent ce que constitue cet ouvrage, un moment avec Christian Boltanski (1944-2021) et son interlocutrice, Laure Adler (née en 1950). Sobrement intitulé Christian Boltanski : récits, ce livre est l’ultime entretien avant la disparition de l’artiste, « quinze jours avant », précise Laure Adler. Cette longue conversation a été composée à partir de plusieurs appels téléphoniques entre les deux protagonistes, la contrainte du contexte sanitaire devenant un rituel presque digne de l’artiste lui-même. A l’instar de Christian Boltanski à propos de son œuvre et de sa vie, cet ouvrage est généreux et bavard, nous laissant entrer dans l’échange au gré des événements personnels et professionnels. Les allers-retours entre la réalité et la fiction, l’histoire et l’œuvre sont incessants, l’artiste parlant de lui avec une facilité et une fluidité déconcertantes. Christian Boltanski raconte sa propre histoire, précisant que « chaque personne a sa propre mythologie, j’ai ma propre mythologie, tout en faisant partie de l’humanité » (p. 36). Les anecdotes et les souvenirs exhumés dans cette série d’entretiens sont jalonnés par les références aux œuvres avec lesquelles l’artiste entretien un rapport direct. Quand Laure Adler lui demande si celles-ci sont uniques, il répond : « Mes œuvres sont toutes uniques mais on les rejoue. Pour le moment, je les rejoue, mais plus tard, j’espère que ce seront d’autres personnes qui les rejoueront » (p. 44). Cette vision de l’héritage laissé par les œuvres et la manière dont ceux qui leur succèdent se les approprient se mêle à la lecture de cette longue conversation chapitrée avec des thèmes chers à l’artiste, tels que les « archives », le « noir » ou encore le fait de « ne rien faire ». Ces éléments qui faisaient et font toujours Christian Boltanski, Laure Adler les met en lumière dans l’introduction, en rappelant qu’il est « un scaphandrier de la mémoire. Là où personne ne s’aventure, là où tout est noir, lui, il plonge » (p. 7).