Présentation
Plan
Haut de pageTexte intégral
Avant-propos
1Le treizième Colloque international d’ISKO-France sur l’Épistémologie sociale dans l’organisation des connaissances, - qui a inspiré les textes réunis dans ce dossier-, a été l’occasion de réinterroger le concept d’“Épistémologie sociale“ avec une réflexion critique à la fois savante et pragmatique. L’idée qui a motivé ce colloque ISKO’23 est le rassemblement de chercheurs travaillant sur les théories et les applications liées à l’organisation des connaissances.
2L’épistémologie sociale, définie par certains théoriciens, -comme une étude de la « dimension sociale de la connaissance » -, se retrouve dans divers articles issus des sciences de l’information et de la documentation. De plus, des interrogations sont soulevées concernant les postures épistémiques dans les processus d’organisation des connaissances liés à l’épistémologie sociale et aux constructions communautaires, notamment à travers les environnements numériques. Cette discipline a évolué tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des sciences de l’information, jouant un rôle essentiel dans cette discipline. Les chercheurs ont souligné l’importance de l’usage social, en intégrant des perspectives interdisciplinaires de l’analyse épistémique, ainsi que des approches qualitatives et quantitatives.
3Les différents articles invitent à revisiter le thème de l’épistémologie sociale sous un angle multidisciplinaire, en l’examinant à travers ses multiples reproductions suivantes :
-
Le premier thème porte sur les "fondements historiques et épistémologiques de l’organisation des connaissances" en mettant en évidence des modélisations (modifications) des théories en lien avec l’organisation des connaissances.
-
Le deuxième, intitulé "processus et dynamique d’organisation des connaissances" aborde les caractéristiques des langages documentaires ainsi que les modèles et systèmes qui les sous-tendent.
-
Le troisième thème concerne les "mutations induites dans les pratiques professionnelles et non professionnelles” en montrant comment le terrain s’empare et transforme par la pratique les modèles et les processus d’organisation des connaissances ?
4Enfin, un article, - en hommage aux travaux de Jacques Maniez et à son implication dans la création du Chapitre français ISKO-, est proposé par les professeures Widad Mustafa El Hadi et Michèle Hudon.
5Afin de fournir des évaluations, un comité scientifique nous a aidés à sélectionner les articles. L’évaluation des 48 articles reçus par le comité scientifique, -avec une sélection de 21 propositions retenues-, montre l’intérêt et la diversité des thèmes de ce colloque, ce qui a donné lieu à un taux d’acceptation de 43%. Cette diversité scientifique a nécessité l’appel aux compétences des chercheurs du comité scientifique, -que nous remercions-, lors de l’arbitrage, ou chaque soumission a été examinée par au moins trois évaluateurs, en double aveugle.
6En plus des travaux évalués par des pairs, le colloque a accueilli un conférencier de renom, le professeur Bilger Hjorland, dont la communication est publiée dans ce numéro.
7A travers les articles retenus, ce dossier apparait comme une composante essentielle de la recherche actuelle sur l’organisation des connaissances traitant de l’épistémologie sociale.
Préface
8L’épistémologie sociale est définie comme étant « une analyse de la dimension sociale de la connaissance » (Conein, 2007). D’autres théoriciens, tels que Margaret Egan (Egan & Shera 1952), l’envisagent comme l’étude des moyens par lesquels une société parvient à une relation de compréhension avec son environnement. Cette perspective épistémique est présente dans différents domaines SHS par exemple les ethnosciences pour les savoirs et les classifications populaires dans les années 50 (Bromberger, 1986) ou encore la distance toute relative entre savoirs profanes et savoirs scientifiques à une période plus contemporaine (Barthélémy, 2005).
9En fait, l’épistémologie sociale s’est développée à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de la discipline des sciences de l’information (Dick, 2002), elle est fondamentale pour une théorie des sciences de l’information et des bibliothèques. Ainsi, pour renforcer la base théorique de la discipline, il peut être pertinent d’identifier un certain nombre de courants ou de domaines d’intérêt thématiques pour l’épistémologie sociale. Le point de vue de Shera est représenté par toute une famille d’approches, notamment l’analyse des domaines (Domain Analysis), la philosophie postmoderne, la théorie des paradigmes, l’herméneutique ou encore la théorie critique et l’épistémologie féministe. L’approche du Domain Analysis (Hjørland et Albretchen, 1995), constitue l’un des exemples éclairants de l’épistémologie sociale dans l’organisation des connaissances. Il implique que la description du sujet d’un document prenne en compte l’usage social des documents. En effet, selon cette approche, la pertinence de la description par sujet doit être dirigée par la connaissance approfondie du domaine, des méthodes de recherche, ainsi que des besoins des utilisateurs cibles.
10Cette approche repose par ailleurs sur la production sociale des catégories et des domaines de connaissances. Elle rassemble un réseau de chercheurs dans le monde tels que Hjørland, Albrechtsen, Smiraglia, Tennis, Ritzer, Thellefsen, Guimarães, Martinez-Avila, parmi d’autres, qui remettent l’organisation disciplinaire des connaissances telle qu’elle a été pensée dans les théories de la connaissance. Cette approche constitue un apport fondamental dans le champ des sciences de l’information et des bibliothèques. Elle s’intéresse davantage à l’environnement qu’à l’utilisateur, et aux changements possibles que génère celui-ci dans la vie des individus, en tant que membres de cultures, domaines et de systèmes documentaires distincts. L’approche théorique de Shera (1951, 1961), peut, avec le recul - et avec une méthodologie plus développée - s’avérer être un cadre théorique fructueux pour la théorie de la classification, l’organisation des connaissances et la gestion des connaissances, à l’instar de la réflexion de Conein (2007) sur les TIC et l’épistémologie sociale, pour qui, il s’agit de préciser ce que recouvre le « social ». S’agit-t-il de la collaboration, d’une mise en commun ou plutôt d’une dimension interactive ? Ainsi, se pose la question pour lui des modes d’acquisition des connaissances et la façon dont les artefacts divers (documents écrits, système d’information, etc.) contribuent différemment à l’échange de connaissances et à leur conservation et dissémination.
11Bien que l’épistémologie sociale doive avoir son propre corpus de références théoriques, elle doit être également interdisciplinaire dans sa forte dépendance à l’égard de nombreux domaines - sociologie, anthropologie, linguistique, psychologie, mathématiques et théorie de l’information, pour ne citer que quelques-uns des domaines les plus visibles. Dans leurs efforts pour construire les fondements théoriques des études des Sciences de l’information et des bibliothèques, les chercheurs se sont inspirés de diverses conceptions de l’épistémologie sociale, de la justice sociale et de la justice épistémique (Furner, 2018) et de l’organisation des connaissances autochtones (Nakashima, 1993 ; Grenier, 1998) entre autres. La description de la théorie de la classification qu’on attribue à Shera (1951) plaide explicitement pour une compréhension pragmatique et contre l’idée d’un « ordre fondamental de la nature » et la croyance qu’il existe une classification unique, universelle et logiquement divisée de la connaissance.
12Bien des phénomènes nous sont connus souvent par l’intermédiaire des autres et donc l’accès à la connaissance passe ainsi par une multiplicité de canaux directs et indirects médiatisés ou non. Alvin Goldman (2021) souligne qu’historiquement, les individus ont souvent été encouragés à rechercher la connaissance en partant de leur propre esprit et en procédant dans un esprit hautement individualiste. En revanche, précise-t-il, la période contemporaine révèle un mouvement vers l’épistémologie sociale incitant les individus à chercher des connaissances à partir du savoir des autres. Ce point vient interroger les notions d’autorité, de légitimité dans la production, la circulation et la validation des connaissances au regard des utopies documentaires (Rayward, 1994). Il invite également à interroger les relations entre imaginaires et technologies (circularité, intersection, recoupement, etc.) et leurs influences sur le social et plus particulièrement sur l’évolution des conduites et activités humaines.
13Il importe donc dans ce numéro d’intégrer des questionnements sur les postures épistémiques dans les processus d’organisation des connaissances de l’épistémologie sociale et les constructions communautaires (possibilité d’intégration du contenu favorisée jadis par l’environnement web 2.0 par exemple). En effet, cette approche doit être révisée à partir de la théorie de représentation des données textuelles appliquée à cette nouvelle organisation des connaissances par rapport aux organisations classiques utilisées en bibliothéconomie (Dewey, CDU, BLISS, etc.). En effet, le problème fondamental à qutestionner, lié à l’épistémologie sociale, concerne la certification des contenus numériques et la crédibilité des informations données par cette indexation dite « folksonomique ». Il s’agit dès lors de s’interroger sur cette nouvelle forme de l’organisation des contenus développée sur les réseaux sociaux par les internautes, par exemple les usagers de la bibliothèque lors de la qualification d’un livre. Ce dernier point est une mise en tension importante car la crédibilité à accorder au savoir par « tagging » issu d’une démarche sociale génère des jugements réfutables selon l’épistémologie logique (inductive ou déductive). Quels sont les modèles d’organisation des connaissances aujourd’hui depuis l’émergence de Wikipédia, Wikimédia ?
Objectifs, portée et thèmes principaux du numéro
14Ce numéro a pour objectif de revoir et repenser l’« épistémologie sociale de l’organisation des connaissances », à l’aune de la généralisation numérique. Il s’agit donc de s’intéresser aux concepts, aux paradigmes et aux imaginaires en lien avec les modalités et conditions contemporaines de la production, de la circulation, de la transmission et de l’organisation des connaissances. Ce dossier est structuré en trois grands thèmes soulignant la manière dont la question de l’épistémologie sociale des connaissances peut être appréhendée. Le premier thème porte sur les “fondements historiques et épistémologiques de l’organisation des connaissances”. Il a pour objectif de mettre en lumière les possibles déplacements, ajustements, réagencements des théories en lien avec l’organisation des connaissances. Le deuxième, intitulé "processus et dynamique d’organisation des connaissances", tente de qualifier la nature et les caractéristiques des langages documentaires ainsi que les modèles et les systèmes qui les supportent. Et enfin le troisième thème concerne les “mutations induites dans les pratiques professionnelles et non professionnelles” et vient révéler la manière dont le terrain questionne, s’approprie et renouvelle par la pratique les modèles et les processus d’organisation des connaissances.
15Ainsi, les propositions reçues sont en lien avec des études de terrain mais englobent, également des réflexions plus larges sur les enjeux de la production, de la circulation, de la transmission et validation des connaissances.
Épistémologie sociale dans l’organisation des connaissances
16Le premier thème intitulé “Fondements historiques et épistémologiques de l’organisation des connaissances" est constitué de plusieurs textes qui mettent en perspective cette notion et ce dans une dimension internationale, dont le premier texte est celui de Birger Hjørland, intitulé ‘’The Theoretical Relevance of Social Epistemology in Library and Information Science and Knowledge Organization’’.
-
Le deuxième texte présenté par Daniel Martinez Avila - Tarcisio Zandonade - M.P. Satija, intitulé “Bibliographic Organization and the Origins of Social Epistemology at the Graduate Library School of the University of Chicago”, examine les origines intellectuelles du projet d’épistémologie sociale d’Egan et Shera à la Graduate Library School de l’Université de Chicago et l’importance de l’organisation bibliographique pour son développement. Cette contribution peut être considérée comme un travail de recherche historique qui repose principalement sur la recherche des sources, et l’interprétation de publications clés de certains des principaux acteurs et commentateurs de l’épistémologie sociale du siècle dernier dont certaines sont peu connues. Les auteurs présentent et discutent de l’évolution du concept d’organisation bibliographique, de ses principaux aspects et caractéristiques dans le contexte de l’épistémologie sociale. Dans leur analyse, ils se sont focalisés sur sa relation avec d’autres concepts clés de l’organisation des connaissances et de l’épistémologie sociale tels que la bibliographie, la classification, le catalogage et l’indexation.
-
Un trio de chercheurs brésiliens, José Augusto Chaves Guimarães, Natalia Bolfarini Tognoli et Ana Célia Rodrigues, propose une “Etude comparative sur les méthodes en analyse diplomatique et analyse documentaire, de tradition française”. Cet article explore, en effet, les liens entre l’Analyse Diplomatique et l’Analyse Documentaire en matière d’organisation des connaissances dans les archives et les bibliothèques, soulignant leur complémentarité pour une meilleure contextualisation, et nécessitant un traitement relativiste pour prendre en compte les caractéristiques spécifiques de chaque domaine. L’organisation des connaissances doit refléter le contexte et le contenu des documents dans une perspective complémentaire.
-
Le texte suivant de Laura Ridenour et Heather Moulaison-Sandy intitulé “The Social Epistemology of Data-as-Documents in Knowledge Organization” étudie l’épistémologie sociale des données, et plus particulièrement des données de recherche, en tant qu’entité devant être intégrée aux cadres théoriques et aux principes offerts par l’organisation des connaissances. En s’appuyant sur les travaux de Margaret Egan et Jesse Shera, il propose une conceptualisation des données en tant que documents, et soutiennent qu’elles doivent être soumises aux normes du contrôle bibliographique.
17Le deuxième thème, ayant pour titre "Processus et dynamique d’organisation des connaissances", vient interroger l’évolution des langages documentaires et des systèmes, ainsi que les modes d’organisation au XXIe siècle, et est constitué de trois textes.
-
Le premier texte de ce thème, intitulé “The organic nature of film indexing : an investigative experience from the filmmakers’ works of the Brazilian movement Cinema Novo”, proposé par Rosa Cordeiro et José Augusto C. Guimaraes, aborde l’épistémologie sociale dans son opposition à une approche individualiste de la théorie de la connaissance. Les deux chercheurs partent du postulat que la connaissance est un produit social dans lequel différents sujets agissent dans des relations de dépendance épistémique entre individus, entre groupes ou entre institutions. Dans le contexte de l’indexation des films, l’un des défis les plus complexes est l’existence d’éléments visuels et sonores dynamiques, de contenus thématiques et de nombreuses structures narratives, descriptives et argumentatives à forte nature sémiotique, et cela s’applique à tous les types de collections de films, y compris celles des cinémathèques, des archives personnelles et des bibliothèques. D’après les auteurs, les facettes de représentation de ces connaissances qui se matérialisent en tant que produit social, s’avèrent fondamentales car elles reflètent non seulement les dépendances épistémiques établies entre les sujets tout au long de ce processus, mais aussi le fait d’avoir été documentées de différentes manières et à des moments différents.
-
Dans le deuxième texte, Evelyne Broudoux propose d’interroger les systèmes d’organisation des savoirs dans une perspective de dévoilement des désaccords et des controverses dans la construction des connaissances. L’auteure se penche sur les tensions sociales traduites par certains termes tels que « race » ou bien les expressions spécifiques comme « woke » ou encore « cancel culture ». Le travail présenté a consisté en une comparaison de l’usage de ces termes, dans l’espace francophone, entre Wikipédia et les vedettes-matières Rameau. L’auteure examine d’abord le fonctionnement opérationnel du langage d’indexation de Rameau pour les bibliothèques, puis celui du système de catégorisation par la Wikipédia francophone, et explore enfin leurs différences et similitudes dans l’emploi des termes présentés.
-
Magali Anglès et Mélina Fournier proposent, dans le troisième texte de ce thème, une réflexion autour des communs de la connaissance reposant sur une approche collective de gestion des savoirs afin de favoriser une communauté participative. Dans le cadre d’une recherche-projet, les auteures conçoivent un commun numérique à partir d’un cas d’usage, intitulé Biblio 71. Celui-ci est dédié aux doctorants et chercheurs de la section CNU 71 (Sciences de l’Information et de la Communication). Le projet intègre des critères tels que la facilité d’accès, le partage et la contribution aux connaissances par l’outil numérique. L’apport de cette contribution concerne le concept d’exhaustivité coordonnée, qui repose sur une organisation de manière exhaustive et structurée les connaissances. Ce processus est en mode ouvert car il rend accessible et compréhensible ces connaissances grâce à une contribution collective. Ceci permet de veiller à une hiérarchisation cohérente des données. Les premiers résultats confortent l’idée du projet, à savoir renforcer la coopération académique tout en répondant aux enjeux socio-écologiques liés au numérique.
18Le troisième thème intitulé “Mutations induites dans les pratiques professionnelles et non-professionnelles” vient questionner l’appropriation par les acteurs sociaux des outils d’organisation des connaissances. Ce thème est particulièrement dense puisque pas moins de sept articles le constituent. Ceci montre la richesse et la diversité apportées par le terrain à travers les pratiques au regard de l’organisation sociale des connaissances.
-
Le premier texte porté par Amélie Coulbaut-Lazzarini, Emilie Inaudi et Emilie Kohlmann questionne la médiation scientifique comme forme de médiation sociale des connaissances dans le cadre d’un projet intitulé “LivMed”. En appui sur ce projet de recherche-action dont l’objectif est de « faire évoluer la place du livre dans la médiation scientifique », cet article montre la pertinence du livre en tant qu’objet de médiation des sciences, tout en restant utile aux professionnels pour garder trace de leurs pratiques et de leurs connaissances. Les résultats permettent de comprendre le besoin de ces médiateurs scientifiques (exploitation d’expertises concrètes, partage de connaissances stabilisées) tout en soulevant la question des pratiques d’évaluation de ces médiations scientifiques.
-
Dans la deuxième contribution, Marc Tanti et Fetta Belgacem proposent une grille d’évaluation d’un système de gestion des connaissances dans le domaine de la santé des armées françaises. Les auteurs décrivent ainsi un système de gestion des connaissances conçu par les armées françaises pour traiter l’information sanitaire et dont la mise en œuvre s’articule autour de trois systèmes d’information. Ils mettent en lumière la finalité de ce processus de traitement de l’information sanitaire (optimisation de la création, du stockage et intégration des connaissances). Cette grille d’évaluation a ainsi pu être testée sur ces systèmes lors de pandémies de grippe (A H1N1 et Covid-19).
-
Un troisième article proposé par Anne Lehmans, Vincent Liquète et Charles-Alexandre Delestage interroge le dispositif FabLab à travers les formes de médiation qu’il produit dans le cadre d’un projet de recherche (ANR SAPS) intitulé “FabLabMORE”. Les auteurs montrent que ces tiers-lieux sont aussi des espaces de création sociale bien ancrés dans les territoires et qui favorisent formation et apprentissage de compétences diverses (créativité, autonomie, travail en collaboration) à travers une multitude d’activités. Ce tiers-lieu permet les rencontres entre individus ou groupes avec des objets dans une « épistémologie du bricolage ». Les résultats de ce projet mettent en lumière l’organisation et la médiation des connaissances dans le FabLab. Ce dispositif de médiation des savoirs relève d’une logique sociale basée sur un espace commun de connaissances à travers les pratiques de production, de mobilisation et de mise en circulation de savoirs négociés.
-
Le texte suivant d’Aminata Kane, Mohamadou Seck et Mbemba Ndiaye porte une réflexion sur les savoirs endogènes des peuples autochtones du Sénégal. L’utilité des savoirs pour le développement des sociétés ne fait généralement pas l’objet de débat car ils permettent de saisir la signification du monde et d’en appréhender les multiples chemins de compréhension (Le Breton, 2011). Les questionnements permanents s’orientent en fait vers les tentatives de qualifications de ces savoirs dit endogènes. L’objectif de ce travail de recherche est d’interroger le cadre théorique des problématiques en lien avec le processus qui favorise l’existence de ces savoirs (production, dissémination, valorisation). En s’appuyant sur une méthodologie mixte (collecte des documents de référence, entretiens semi-directifs), les auteurs ont pu comprendre, à travers une analyse thématique, les données obtenues, les pratiques agricoles dans lesquelles les savoirs endogènes sont mobilisés. Ces résultats ont permis de révéler les difficultés des populations locales dans leur volonté de valoriser ces savoirs auprès des institutions qui les considèrent caducs.
-
Le cinquième texte d’Arthur Perret traite d’une approche hypertextuelle pour documenter la dimension sociale du travail de la connaissance. Cet article tente ainsi de définir la dimension sociale dans le processus d’organisation des connaissances à travers l’élaboration d’une documentation personnelle. L’auteur s’appuie sur les approches basées sur la logique du graphe documentaire et sur des évolutions de systèmes hypertextes pour analyser ce processus de gestion personnelle des connaissances.
-
Le sixième article de Bérangère Stassin, Elodie Geas, et Emilie Lechenaut porte une réflexion autour des enjeux et des difficultés dans l’accès à l’information et à la promotion de l’égalité dans une prise en compte des pluralités de genres dans le cadre de la documentation scolaire. Le texte présente les résultats d’une étude qualitative conduite auprès de professeurs documentalistes pour analyser la manière dont ils ont développé des savoirs en lien avec les « questions de genre » ainsi que le rôle qu’ils jouent dans leur diffusion au sein de l’école. Les professeurs documentalistes jouent un rôle clé dans ces enseignements, contribuant à la formation à l’égalité, à la lutte contre les discriminations, et à l’orientation des élèves. Leur double mission de gestionnaire et d’enseignant les rend précieux pour aborder les questions sensibles à l’école, telles que l’accueil des élèves LGBT+ et la prévention des discriminations.
-
L’article de Amel Fraisse et Ismail Timimi analyse l’engagement social et communautaire comme moyen de décentrer l’autorité institutionnelle et d’élargir la diversité des connaissances. En effet, depuis les années 2000, de nombreux projets de crowdsourcing ont vu le jour, invitant des volontaires à transcrire, annoter ou valoriser des documents. Ces collaborations permettent de co-créer des connaissances, d’explorer autrement les collections et de questionner les dynamiques de pouvoir traditionnelles. Cet article met en avant l’importance d’impliquer les communautés dans ce processus et présente des exemples de projets collaboratifs réussis
19Une session terminale sur les “Fondements épistémologiques de l’organisation sociale et la formalisation des connaissances " est constituée de plusieurs articles qui mettent en perspective ces éléments.
-
Le texte intitulé “The Theoretical Relevance of Social Epistemology in Library and Information Science and Knowledge Organization” proposé par Daniel Martínez-Ávila, Zandonade, Andrés Fernández-Ramos, et Bianca Rodríguez-Bravo analyse l’influence de l’épistémologie sociale de Jesse Shera et Margaret Egan dans la littérature des sciences de l’information et de la bibliothèque et sur l’organisation des connaissances. L’étude comporte une analyse qualitative (Guimarães et al., 2018) et se concentre sur la littérature publiée après Zandonade (2004). Ils nous livrent une discussion critique des interprétations et de la pertinence de la théorie pour la littérature de notre domaine et soulignent son importance pour les développements récents en adoptant un positionnement plus sociologique. En ce sens, ils estiment que l’analyse de domaine de Hjørland peut être considérée comme une véritable suite de l’épistémologie sociale et un nouveau paradigme dans le domaine.
-
Le deuxième texte de Lucia Maria Velloso de Oliveira et Bianca Panisse traite de la représentation des connaissances de l’organisation archivistique en tenant compte de la provenance, du type de document et de l’accès. Cet article montre que l’organisation des connaissances en archives, via les processus d’arrangement, de compréhension et de diffusion, enrichit l’accès aux documents en établissant des liens avec les cultures et les histoires. En examinant le type de document, son classement et sa description, il souligne que les archives reflètent leurs créateurs et que les documents incarnent leurs activités, intérêts et routines.
-
Le troisième texte de Christian Cote présente une méthode d’indexation pour un corpus massif de données issues du web. Le chercheur aborde la constitution d’un corpus issu des archives du web et composé principalement de créations littéraires nativement numériques et en grande partie issues de blogs et de sites. Il a développé une méthode basée sur des outils du TALN à partir de modèles vectoriels pour parer à l’absence d’un vocabulaire contrôlé permettant de décrire ces milliers de textes. Christian Cote a exploité des grammaires formelles existantes basées sur une syntaxe simple pour observer des régularités et qualifier des aspects des textes. L’étape suivante a consisté à élaborer un vocabulaire d’indexation à partir des caractéristiques structurées sous une forme proche de la formalisation (FCA) afin d’indexer le corpus.
-
Et, enfin article de José Augusto C. Guimarães, José Antonio da Silva, and Lucia Maria Velloso de Oliveira intitulé « Provenance dans l’organisation des connaissances archivistiques : défis de la lutte contre les fausses nouvelles sous l’angle de l’épistémologie sociale » examine le principe de la provenance archivistique face au défi actuel que constituent les fakes news. Les chercheurs proposent d’élargir le concept d’archivistique pour valoriser les connaissances comme outil contre la désinformation.
Pour citer cet article
Référence électronique
Mabrouka El Hachani, Omar Larouk, Widad Mustafa El Hadi et Angèle Stalder, « Présentation », Communication, technologies et développement [En ligne], 17 | 2025, mis en ligne le 01 mai 2025, consulté le 10 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/ctd/13242 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14140
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page