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Appel à articles pour le numéro spécial « Problématiques d’Ethique en SHS »

Dans les sciences de l’information et de la communication, l’éthique est envisagée dans le cadre de la philosophie de l’information, un domaine qui étudie la nature conceptuelle et les principes de base de l’information, y compris ses conséquences éthiques (Floridi 2011). Avec son concept de « l’infosphère ou éthique télématique », Floridi a mis en relation les êtres humains, l’information, les technologies de l’information, la société et les intérêts des personnes d’un point de vue éthique. Contrairement au modèle classique, « l’éthique télématique » au sens de Floridi s’intéresse avant tout à l’environnement où se génère et se propage l’information (appelé aussi « infosphère »). Étant une question plus générique que l’éthique du numérique, l’éthique de l’information s’intéresse aux biais par lesquels tous les systèmes, numériques ou non, organisent l’information en réponse à des utilisateurs. Ce peut être une bibliothèque, un moteur de recherche ou tout autre système informatique de traitement, d’analyse ou de stockage de l’information. Luciano Floridi développe à travers ses travaux un cadre éthique original pour décrire les nouveaux défis posés par les technologies de l’information et de la communication (TIC), qui ont profondément bouleversé de nombreux aspects de la vie – éducation, travail, santé, production industrielle – et des affaires, des relations sociales, conflits, loisirs, propriété intellectuelle, liberté d’expression, responsabilité. C’est un nouveau domaine de recherche au carrefour de l’épistémologie, de l’organisation des connaissances, de la métaphysique, de la logique, de la philosophie des sciences, de la sémantique et de l’éthique. À cet égard, les principaux sujets de préoccupation en matière d’éthique de l’information, comme l’ont souligné Bawden et Robinson (2012), sont les suivants : la contradiction entre la censure et la liberté intellectuelle ; la vie privée, la confidentialité et la protection des données ; la propriété de l’information et l’utilisation commerciale éventuelle des informations publiques ; l’accès universel, la pauvreté de l’information et la fracture numérique ; le respect de la propriété intellectuelle combiné à une utilisation équitable ; les questions d’équilibre et de partialité dans la diffusion d’informations ; le développement des collections et la création de métadonnées. En ce qui concerne les sciences de l’information, ces questions éthiques ont été identifiées et typiquement regroupées sous le terme d’« éthique de l’information » (Floridi 2013). Les questions éthiques ont été historiquement abordées par les bibliothèques et autres institutions culturelles, les entreprises, les institutions à but non lucratif, les universités, les agences gouvernementales à tous les niveaux, la recherche en sciences de l’information et dans les médias.

Un aspect central de cette réflexion est la violence épistémique, qui désigne les mécanismes par lesquels certaines formes de savoirs, notamment indigènes ou issus de groupes marginalisés, sont réduites au silence, négligées ou détruites entravant ainsi la production et la transmission du savoir. La psychologie empirique illustre ces dynamiques en ayant historiquement produit des savoirs racistes, sexistes ou classistes, qualifiés de connaissances nuisibles. Ces savoirs, en essentialisant et en hiérarchisant les groupes sociaux, participent d’une forme de violence épistémique qui influence la perception et le traitement de l’Autre.

Un autre aspect relève des épistémologies sociales féministes et la critique des classifications universelles. Ce courant analyse l’influence du genre, de la race et d’autres catégories sociales sur la production et la diffusion des savoirs. La théorie du point de vue féministe et la notion de savoirs situés occupent une place centrale, remettant en question l’objectivité présumée des classifications traditionnelles. Les épistémologies sociales féministes critiquent le rôle du genre dans les processus normatifs et visent à élaborer des méthodologies de production des connaissances affranchies des rapports de pouvoir. En intégrant une perspective sociale et critique, ces approches réévaluent la production du savoir et ses implications, soulignant que la connaissance est toujours influencée par des dynamiques de pouvoir et des conditions socio-historiques spécifiques. En intégrant une perspective sociale et critique, ces approches réévaluent la production du savoir et ses implications, soulignant que la connaissance est toujours influencée par des dynamiques de pouvoir et des conditions socio-historiques spécifiques.

Cet appel à articles invite des propositions questionnant la manière dont les systèmes d’organisation des connaissances peuvent perpétuer des biais structurels à travers l’injustice épistémique, l’injustice documentaire et la destruction ou la dévalorisation systématique des systèmes de connaissances non dominants—souvent ceux des communautés marginalisées—provoquée par le colonialisme et l’effacement culturel. Aborder ces injustices n’est pas seulement une question académique, c’est une responsabilité sociale, politique et éthique.

Nous invitons des propositions qui sont en lien avec des études de terrain mais également des réflexions théoriques plus larges sur les enjeux de la production, de la circulation, de la transmission et validation des connaissances dans les disciplines des SHS et qui s’inscrivent dans les thématiques suivantes :

  • L’éthique de l’organisation des connaissances du point de vue de la violence sociale

  • Les épistémologies sociales féministes qui critiquent le rôle du genre dans les processus normatifs et vise à élaborer des méthodologies de production des connaissances affranchies des rapports de pouvoir

  • Les défis de la diversité (race, religion, langue, orientation sexuelle, origine géographique et autres lignes de séparation)

  • Les biais des classifications dites universelles

  • Le changement de perspectives de connaissances dans l’espace et dans le temps

  • Ethique de l’organisation des connaissances archivistiques ; Décolonisation et contextualisation des instruments de recherche en archives (représentativité, des communautés (la notion de co-création)

  • L’éthique du care dans les archives : proposer un cadre théorique vers un changement de paradigme dans la représentation archivistique

  • Les questionnements sur les formes viables de l’IA en création de contenus

  • L’éthique de l’IA et biais algorithmiques

  • Ethique et rhétorique et argumentative

  • Analyse des dynamiques de la justice informationnelle

  • Éducation aux médias et à l’information, enjeux éthiques et politiques (appropriation et application de principes éthiques

  • L’éthique de la recherche en sciences humaines et sociales (l’intégrité scientifique, l’éthique de la recherche et la déontologie)

Cet appel d’articles pour le numéro spécial de l’Ethique en SHS est proposé par le Réseau Thématique International de l’Ethique en SHS https://reseau-international-ethique-shs.univ-lille.fr/ a été fondé en juin 2021 à l’Université de Lille lors d’un des séminaires européens de l’Ecole doctorale pilotés par Sylvie Condette (CIREL). Ce réseau rassemble les universités membres fondatrices suivantes : l’Université de Lille (CIREL et Geriico), University of Brasilia (Brésil), University –UNESP, at Marilia, (Brésil), Bar-Ilan University (Israël), Université Carlos III de Madrid et University of Leon (Espagne), Fluminense University (Brésil), University of Kent at Canterbury (UK), Université de Lausanne (Suisse), Université Sorbonne Université - LIP6, Université de Varsovie (Pologne). D’autres membres ont rejoint le Réseau à l’occasion de la tenue de la conférence internationale de 2023, Fluminense University, Brésil, les nouveaux membres 2023 : Linnaeus University, Suède, Université Polytechnique Hauts de France, Valenciennes. Depuis sa fondation, le Réseau a organisé quatre rencontres : deux séminaires internationaux d’une journée (1er juin 2021 et le 8 juin 2022) ainsi qu’une conférence internationale les 8-9 juin 2023 : https://ethique-information.univ-lille.fr/ et enfin un séminaire-anniversaire le 20 juin 2024.

Comité scientifique

  • Bangerzako Haydée (Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar)

  • BAUJARD Corinne, (CREL, University of Lille, SHS)

  • Bolfarini Tognoli Natália, (Universidade Federal Fluminense - UFF, Brazill)

  • CASENAVE Joana, (Geriico & iSchool University of Lille SHS, France)

  • CONDETTE, Sylvie (CIREL, University of Lille SHS, France, SHS)

  • DE BRITO, Marcilio, (University of Brasilia, Brazil)

  • FAVIER Laurence (Geriico & iSchool University of Lille SHS, France)

  • FRAISSE Amel (Geriico & iSchool University of Lille SHS, France)

  • Guimarães, José Augusto Chaves, (UNESP - São Paulo State University, Brazil)

  • KOREN Roselyne (Bar-Ilan University, Israel)

  • KANE, Aminata, (EBAD, Université Cheikh Anta Diop, Dakar)

  • MARTINEZ-AVILA, Daniel, (University of Leon, Spain)

  • MUSTAFA EL HADI Widad, (Geriico & iSchool University of Lille SHS, France)

  • Oliveira Milani, Suellen, (Universidade Federal Fluminense - UFF, Brazil)

  • PITTALIS Sophie, (Geriico & iSchool University of Lille SHS, France)

  • WIOROGÓRSKA, Zuzanna, (Department of Information Studies / Faculty of Journalism, Information and Book Studies & The Library, University of Warsaw, Poland)

Bibliographie

Beghtol, C. (2002). Universal Concepts, Cultural Warrant and Cultural Hospitality. In M. López-Huertas (ed.). Advances in Knowledge Organization: Vol. 8, Ergon-Verlag.

Casenave, J., Mustafa El Hadi, W. (2019). Developments in Ethics of Knowledge Organization: From Critical Approaches to Classifications to Controlled Digital Communication Practices. In D. Haynes, J. Vernau (eds.). The Human Position in an Artificial World: Creativity, Ethics and AI in Knowledge Organization (114–127). Baden-Baden: Ergon Verlag.

Didier, Ch. (2008), Penser l’éthique des ingénieurs, Presses universitaires de France Collection « Questions d’éthique, Année : 2008, 208 pages.

Floridi, L. (1999). Information ethics: On the philosophical foundation of computer ethics. Ethics and Information Technology 1, 33–52 (1999).

Floridi, L. (2013). The Ethics of Information. Oxford: Oxford University Press.

Fox. M. J (2016). “Priorities of Arrangement” or a “Hierarchy of Oppressions?”: Perspectives on Intersectionality in Knowledge Organization. Knowledge Organization, 43(5), 373–383.

Genard, Jean Louis Marta Roca i Escoda, Éthique de la recherche en sociologie, Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur, 2019, 264 p.

Guimarães, J. A. C., Pinho, F. A., Milani, S. O. (2016). Theoretical Dialogs About Ethical Issues in Knowledge Organization: García Gutiérrez, Hudon, Beghtol, and Olson. Knowledge Organization, 43(5), 338–350.

Hauptman, R. (1991). Five Assaults on Our Integrity. In F.W. Lancaster (ed.). Ethics and the Librarian (83– 91). Urbana-Champaign: University of Illinois, Graduate School of Library and Information Science.

Haynes, D., Vernau, J. (eds.). (2019). The Human Position in an Artificial World: Creativity, Ethics and AI in Knowledge Organization. Baden-Baden: Ergon-Verlag.

Mai, J.-E. (2013). Ethics, Values and Morality in Contemporary Library Classifications. Knowledge Organization, 40(4), 242–53.

Olson, H. A. (1996). The Power to Name: Marginalizations and Exclusions of Subject Representation in Library Catalogues. Dissertation, University of Wisconsin

Olson, H. A. (2000). Difference, Culture and Change: The Untapped Potential of LCSH. Cataloging & Classification Quarterly, 29(1–2), 53–71.

Tennis, J. T. (2013). Le poids du langage et de l’action dans l’organisation des connaissances : Position épistémologique, action méthodologique et perspective théorique. Études de communication, 39, 15–40.39

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