استقبال فيلم وتمثيل اللغة الفرنسية: طلاب العلوم الإنسانية والاجتماعية بجامعة المسيلة وفيلم "معركة الجزائر"
الصــورة الحاملة لرسالة، المثيرة لتأويل شخصي والتي لديها تأثير معنوي من حيث المعارف والتعلم، هي جزء من الحياة اليومية وعلى الخصوص الصورة السينمائية التي لديها تأثير على المشــاهد لاسيما التمثيل للغـة الأجنبيــة مثل اللغـــة الفــرنسية الراسخة تاريخيـا بالجـــزائر وكــذا المكانة الممنوحــة لهـا. وبهذا الصــدد، فقد تم اجــراء تجــربة مع طــلاب ذوي تخصـصات متعــددة والمتمثــلة في مشــاهدة مقــاطع من فيلــم تــاريخي (معركةالجــزائر،جيـوبونتيكوفرو 1966) وبعض من المشاهـد باللغــة الفــرنسيـة. وقـد تم اختيار هذا الفيلــم طـوعا لحــث الطلبــة الناطقين باللغــة العــربية إعـــادة النظــر في التمثيلات الاجتماعية الثابتة. ترفق تجربتنا هذه باستبيــان أولي حول تمثيلهم للغــة الفــرنسية واستبيــان ثــاني عند مشــاهدة العرض السينمائي من أجــل ملاحظــة مدى تأثير المقاطع السينمائيـة على رأي الطــلاب. بعـد نهــاية المشــاهدة، كشفت الإحصــاءات في بداية الأمـر عن تــردد للتعبيــر عن رأي مثيــر للجــدل، ثم الاعتراف بالــدور الذي لعبتــه اللغــة الفــرنسية خــلال أحــداث الكفــاح المسلــح أو السيــاسي للمناضلين الجــزائريين. وبالتــالي فهل استخــدام المقــاطع السينمائية في تعليميــة اللغــة الفــرنسية يمكن أن يساهم ليس فقط في اكتساب المعرفة باللغة الفرنسية ولكن أيضا في إعادة تقييم هذه اللغة.
تعليمية اللغة الأجنبية الفرنسية, فيلم ,استقبال ,تمثيل, مشاهدة.
1L’image est partout autour de nous, dans le monde, occupant une place importante, attrayante et surtout motivante. « Nous sommes dans un siècle de l’image. Pour le bien comme pour le mal, nous subissons plus que jamais l’action de l’image »1. Les propos de Bachelard donnent à réfléchir sur ce que pourrait être le pouvoir de l’image. Comment subissons-nous son action ? Surtout que celle-ci envahit notre quotidien, étant donné sa présence dans tous les domaines de la vie, aussi bien privés que professionnels.
- 2 Robert, 2008 : 104.
- 3 Muller, 2011.
- 4 Gombrich, 2002 : 187.
2L’image occupe une place privilégiée en didactique des langues. Susceptible de faciliter la compréhension, elle peut aussi jouer le rôle de déclencheur de la parole et d’une interaction en classe2. À ce titre, l’image comme support d’enseignement fait intervenir des univers fictionnels, favorisant l’entrée de l’ailleurs dans les cours3. En effet, l’image est « un outil de connaissance »4 capable de faciliter l’interprétation et de développer la créativité. Parler de l’utilisation de l’image en classe, c’est évoquer, même implicitement, tous les supports visuels possibles, qu’il s’agisse de l’image fixe, de la vidéo, ou encore des images filmiques qui constituent l’objet de cet article.
3Aujourd’hui, avec l’intégration des TIC dans le domaine pédagogique, il est très facile d’utiliser les images filmiques en classe de langue. En effet, elles sont d’une très grande variété, ce qui permet de proposer de nombreuses activités aux apprenants, évitant ainsi toute monotonie dans les apprentissages. Elles recouvrent un large éventail de sujets et de genres, qui sont autant de supports authentiques potentiels, pouvant donner lieu à une exploitation pédagogique. Elles permettent aussi de contextualiser l’apprentissage d’une langue étrangère, qui s’avère une langue authentique, vivante et naturelle.
4Il ne s’agit plus seulement de lire, d’écrire, de parler, mais surtout d’agir en langue étrangère. Mais nous pensons que l’utilisation d’extraits filmiques peut être le meilleur moyen pour motiver les apprenants. Notre article se propose de répondre aux questions suivantes. Existe-t-il des liens entre les représentations sociales sur la langue et la culture française et son apprentissage ? Les images filmiques peuvent-elles contribuer à la formation et l’évolution des représentations sociales des étudiants algériens de l’université de M’sila ?
5Il s’agit donc de mettre la langue en contexte et de travailler en priorité les compétences de compréhension et d’expression orales. Il se pose alors la question des supports à utiliser pour travailler ces compétences. Il est certes nécessaire de trouver des moyens intéressants qui peuvent motiver les étudiants et surtout tenir compte des compétences culturelles à acquérir.
6Pour ce faire, nous avons tenté, à partir d’un visionnement d’extraits du film « La Bataille d’Alger, Gillo Pontecorvo, 1966 » et d’une enquête fondée sur des questionnaires, de montrer l’impact de l’image en général et l’image filmique en particulier sur la formation ou la transformation des représentations sociales des étudiants de plusieurs filières, de l’université de M’sila. Le film choisi est une reconstruction de la réalité, plus vivante et moins neutre, et par conséquent, il tient un discours sur le réel et permet ainsi de dépasser les représentations figées.
- 5 Metz, 1976 : 189.
- 6 Deleuze, 1983 : 10-11.
- 7 Odin, 2002 : 19.
- 8 Marin, 1981 : 7.
- 9 Bezin, 2014 : 9.
- 10 Metz, 1976 : 189.
7L’image filmique, par opposition à l’image fixe, se définit comme une succession d’« images photographiques mouvantes »5ou encore comme une image-mouvement. L’image filmique n’est pas une image à laquelle s’ajoute le mouvement, mais plutôt il [le mouvement] lui appartient comme « donnée immédiate ».Le mouvement « ne s’ajoute pas, ne s’additionne pas : le mouvement appartient à l’image ». L’image filmique est donc « une suite d’images (un plan, une scène, une séquence), une image-mouvement c’est-à-dire une image possédant le mouvement »6. Or le mouvement est loin d’être le critère décisif de cette distinction. En effet, il relève des composantes de la spécificité « la plus superficielle et la plus manifeste » du cinéma, car « tous les films bougent »7. Et si le mouvement n’est pas réellement ce qui fait la spécificité de l’œuvre cinématographique, le « son », en revanche, radicalise la différence entre l’image fixe et l’image filmique. Ainsi, un film est considéré comme un « tissage, d’une haute complexité, de multiples matières de l’expression »8 et aussi, comme un « tout composé d’images [filmiques] et de son »9. Par « son » nous entendons non seulement les paroles (sons phoniques), mais également les sons musicaux et les bruits10.
- 11 Regimbeau, 1997 : 286.
8L’autre caractéristique qui permet de distinguer l’image filmique de l’image fixe est en relation avec les conditions spatiotemporelles de la réception : tandis que la première « impose à l’observateur son propre déroulement spatial et temporel réel »11, la seconde n’impose pas au spectateur un cadre aussi prédéfini. L’image fixe abolit le temps et l’espace. Elle est lecture instantanée et présence immédiate du monde.
- 12 Bourgatte, 2014 : 83.
- 13 Michaud, 1961 : 8.
- 14 De Margerie et Porcher, 1981 : 92.
9Outre les caractéristiques que nous venons de citer ci-dessus, l’image-cinéma est considérée comme un objet culturel12, qui « reflète la société d’où il est issu »13et symbolise son dynamisme culturel. C’est pourquoi les films bénéficient d’une importance, qui ne cesse de croître de la part des enseignants des langues étrangères, notamment ceux du FLE, vu leur rôle dans « l’approfondissement de la compétence culturelle des apprenants »14.
10En effet, l’image filmique restitue, mieux que toute approche, la dimension d’une communication totale, en créant un environnement authentique, qui peut mener l’apprenant à l’accès au sens. Ainsi l’image filmique prend en charge tous les éléments de la situation de communication linguistique et non linguistique, ce qui offre à l’apprenant la possibilité d’identifier, d’interpréter et de répéter des structures authentiques, et par voie de conséquence, faciliter son apprentissage.
11Parler de représentations, c’est parler d’une « notion transversale », qui n’est pas propre à la linguistique ni d’ailleurs à la didactique des langues. Ses premiers usages remontent au XIXe siècle avec les travaux de Durkheim, père fondateur de la sociologie moderne. Ce dernier confère aux représentations un caractère à la fois « collectif » et « figé ». Une représentation est collective dans la mesure où elle est partagée par tous les membres de la société, car c’est elle qui» impose les représentations et les individus s’y soumettent ».Elle est figée dans le sens où elle est statique et inchangeable15.
- 16 Cuq, 2003 : 214.
- 17 Groult, 2011.
- 18 Rouquette, 1994 : 22.
12Contrairement aux recherches développées par Durkheim, la psychologie sociale a eu le mérite de « promouvoir l’usage actuel » du concept16. Il ne s’agit cependant plus de représentations collectives, mais plutôt de représentations sociales, qui sont dynamiques et modifiables. Elles se forment et transforment grâce à la communication et à l’interaction entre les sujets sociaux17. Ainsi, les représentations ne sont pas un objet stable ou un système clos, mais « une configuration absorbante, essentiellement dynamique capable d’intégrer des informations nouvelles en les reliant de manière spécifique à des informations mémorisées, capable de dériver des opinions particulières d’attitudes déjà installées »18.
13De ce fait, les représentations sociales constituent une modalité particulière de la connaissance, dite « de sens commun » dont la spécificité réside dans le caractère social des processus qui les produisent. Il s’agit donc de l’ensemble des connaissances, des croyances, des opinions partagées par un groupe à l’égard d’un objet social donné.19
- 20 Labov, 1976.
- 21 LeBlanc, 2010 : 19.
- 22 Castellotti, Moore, 2002 : 10.
- 23 Amireault, 2017 : 47.
14En sociolinguistique, le concept de représentations linguistiques a fait son apparition dans les années 1970 en grande partie grâce aux travaux de William Labov dans lesquels il établit la relation entre les représentations et l’insécurité linguistique20. Par représentations linguistiques, on entend l’image mentale que les locuteurs se font de leur langue, de leur façon de la parler, de sa légitimité21. Les représentations linguistiques vont, désormais, occuper une position centrale en didactique des langues étrangères. De par leur importance, ces images peuvent constituer un obstacle à l’apprentissage d’une langue22. L’image filmique nous semble un bon prétexte pour « mettre en mouvement »23 les représentations qu’ont les étudiants algériens de la langue française.
- 24 Béguelin, 2018 : 13.
- 25 Compte, 2013 : 7.
- 26 Gravas, 2016 : 188.
15Le cinéma est un art, une industrie et une machine à rêver. À travers des images mouvantes mettant en relation le réel avec l’imaginaire, il permet à l’individu de rêver, d’aspirer et d’espérer. Pour un spectateur, voir un film est une « [...] expérience à la fois esthétique, affective, cognitive et existentielle »24. Il se trouve impliqué dans l’histoire, la coconstruit25 et participe, même, d’une certaine manière à sa réalisation vu que « la production ultime »26 de l’objet filmique se fait au moment de son visionnage par les spectateurs.
- 27 Metz, 1975 : 33.
- 28 Compte, 2013 : 1.
16Les gens vont au cinéma par besoin, par loisir et par amour ; ainsi, lors de la projection, une interaction entre le spectateur et le film se crée. L’image capture le spectateur, qui s’identifie à la caméra et aux personnages27. Les images diffusées sont facilement mémorisables et s’imprègnent dans l’esprit du spectateur au point de pouvoir changer ses représentations mentales28.
17En prenant appui sur ces effets, nous avons invité des étudiants des facultés des lettres et des facultés des lettres et des sciences humaines et sociales de l’université de M’sila à une séance libre, au cours de laquelle nous avons projeté des extraits de film à fin d’évaluer l’impact de l’image cinématographique sur la formation et la transformation des représentations sociales.
18Partant des idées soutenant l’impact considérable de l’image filmique sur le spectateur, la malléabilité des représentations sociales et de leur analysibilité, nous avons mené une enquête qui comprend trois étapes :
19La première consiste en un questionnaire avant le visionnage des séquences filmiques distribué aux étudiants dans le but de collecter des données concernant leurs profils sur l’apprentissage des langues étrangères puis l’apprentissage et l’utilisation de la langue française ainsi que les représentations qu’ils se font de la France, des Français et de la langue française.
20La deuxième met en œuvre l’expérimentation, qui se fonde sur des visionnements par nos enquêtés de deux extraits distincts du film « La Bataille d’Alger ». Les séquences seront adaptées au niveau de ses étudiants, à leur degré de connaissance de la langue française et sa culture. Nous avons tenu compte de plusieurs paramètres tels que l’intérêt, la longueur, le niveau de langue, les structures et le lexique. En effet, les séquences filmiques, comme tout support multimédia authentique, permettent à l’enseignant de mettre en œuvre plusieurs tâches en fonction de ses objectifs.
21La dernière comprend aussi un questionnaire distribué aux étudiants après le visionnement des deux extraits du film portant sur le comportement des personnages principaux de la bataille d’Alger et l’aspect linguistique et culturel à travers le verbal et le non verbal aussi le recours à la langue française par Yacef Saadi et Larbi Ben M’hidi, deux grandes figures de la bataille d’Alger.
22Le choix du film La Bataille d’Alger n’est pas fortuit. C’est un film-culte qui retrace la lutte en 1957 pour le contrôle de la Casbah d’Alger entre les parachutistes du « général Massu » et les réseaux de l’armée de libération nationale (ALN). Les actions du FLN n’étaient peut-être pas justifiées, mais légitimes, face à l’injustice de l’occupation et de la domination française de l’Algérie. Le FLN s’est trouvé obligé de recourir aux mêmes méthodes que son ennemi. À la suite des nombreux attentats perpétrés contre la population par le FLN, le général Massu est appelé la rescousse pour faire face aux actions du FLN et démanteler l’organisation de la Zone autonome d’Alger du FLN et ainsi mettre fin aux attentats. La Bataille d’Alger s’est soldée par l’arrestation de Yacef Saadi et Larbi Ben M’hidi ainsi que l’élimination d’Ali La Pointe.
23Les Algériens s’identifient à « Ali la Pointe », un petit truand, devenu combattant sans concession et figure légendaire de la Casbah à travers son sacrifice final. Si le film est moteur de décolonisation des esprits, il permet, notamment, aux Français ainsi qu’aux Algériens de se regarder à travers le regard de l’Autre.
24Malek Bensmaïl, dans son film documentaire intitulé La Bataille d’Alger, un film dans l’Histoire (2018) précise les conditions de réalisation du film à l’aide d’une recherche très fondée, mobilisant de nombreux interviews et documents, mais aussi sur la réception du film encore aujourd’hui. Il explore comment ce film a nourri l’Histoire et comment l’Histoire l’a nourri. Le film est le produit des deux scénaristes, Yacef Saadi ancien chef FLN de la Zone autonome d’Alger, qui tient son propre rôle dans le film et Franco Solinas, célèbre scénariste italien.
25C’est un film riche en contenu socioculturel et linguistique. Nous pensons qu’il fera un bon moteur pour la réflexion et l’imagination des étudiants et aussi un bon support pour faire évoluer leurs représentations individuelles et collectives. Avec ces deux extraits, nous avons tenté d’amener les étudiants à se sentir concernés par les évènements comme s’ils se déroulaient près de chez eux. Ils peuvent se saisir d’informations réelles et construire une vision claire et objective à partir d’un pan de leur histoire.
26Les échantillons d’étude concernent 75 étudiants ; 51 filles et 24 garçons, répartis selon les filières suivantes : 29 Langue et Littérature arabe, 21 Histoire, 15 Sociologie. La moyenne d’âge des étudiants est de 22 ans. Ces étudiants ont accepté volontairement de participer à notre expérience. Nous avons refusé de travailler avec les étudiants du Département de français, puisque notre objectif de départ était de savoir la véritable représentation de la langue française chez les étudiants de l’Université de M’sila. Ces étudiants ont fait tout leur cursus scolaire en langue arabe. Dans leurs spécialités, le français est un module secondaire.
27Nous avons eu une seule rencontre avec les participants. La notion de temps n’a pas été prise en considération. Dans cette rencontre nous avons d’abord ramassé le premier questionnaire, expliqué la méthodologie du travail, distribué le deuxième questionnaire et visionné les extraits du film.
28Notre enquête est fondée sur deux questionnaires ; le premier est distribué avant le visionnement, tandis que le deuxième est distribué après le visionnement des séquences filmiques.
29Le premier questionnaire a été distribué aux participants quatre jours avant la rencontre avec les participants. Nous avons pris le soin de distribuer le questionnaire à 150 étudiants avec une invitation à participer à la séance de visionnement des séquences du film. 75 étudiants seulement se sont présentés avec le questionnaire dûment rempli.
30Le questionnaire est organisé en quatre rubriques. Chaque rubrique est composée de plusieurs questions. La première est destinée à recueillir des informations générales sur le questionné, la deuxième concerne l’apprentissage des langues étrangères, la troisième l’apprentissage des langues étrangères et l’utilisation de la langue française, tandis que la dernière rubrique s’intéresse à l’image ainsi qu’à la représentation de la France et des Français.
Document 1. Questionnaire utilisé avant le visionnage des séquences filmiques
- 29 Harraga : terme tiré de l’arabe algérien désignant des migrants nord-africains qui tentent de rejoi (...)
|
Première rubrique : informations générales
- Sexe : masculin féminin
- Âge : moins de 20 ans entre 20 et 22 plus de 25
- Filière :
- Lieu de résidence : ville campagne
- Suivez-vous des émissions télévisées en langue française ?
- Quelle langue utilisez-vous sur Facebook ?
Deuxième rubrique : Apprentissage des langues étrangères
- Êtes-vous pour l’apprentissage des langues étrangères ?
- Quelle(s) langue(s) étrangères aimeriez-vous apprendre ?
- Quels sont les critères de votre choix ?
- L’apprentissage d’une langue étrangère est-il difficile ?
- Quelle est l’influence de la culture sur l’apprentissage d’une langue étrangère ?
Troisième rubrique : Apprentissage et utilisation de la langue française
- Êtes-vous motivé pour l’apprentissage du français ? Pourquoi ?
- Dans quelles situations utilisez-vous la langue française ?
- Utilisez-vous uniquement votre langue maternelle dans le quotidien ?
- Vous arrive-t-il d’utiliser le français dans vos échanges quotidiens ?
- À quel degré la langue française vous est-elle utile ?
Quatrième rubrique : Représentation de langue française
- Que représente la langue française pour vous ?
- La langue française a-t-elle le même poids culturel et historique chez les Algériens que les langues étrangères ?
- Acceptez-vous de vivre avec les Français ?
- Que représente la France pour vous ?
- En tant que jeune Algérien, comment expliquez-vous l’ampleur du phénomène Elharga29 ?
- Pensez-vous que le français en Algérie soit plus utilisé dans le Nord que dans le Sud ?
|
31La faculté des lettres de l’université de M’sila a mis à notre disposition un amphi équipé en matériel audiovisuel nécessaire. Nous avons veillé à réunir toutes les conditions indispensables pour mettre à l’aise les participants. L’ambiance était agréable et les étudiants avaient hâte de découvrir le document.
32Nous avons choisi des séquences courtes qui ne sont pas lourdes pour ne pas être une entrave au plaisir de voir et de comprendre. Ces extraits ont été choisis dans le but de permettre aux étudiants de comprendre globalement l’histoire, même s’ils éprouvent des difficultés en français. Or nous étions conscients l’une des principales difficultés est d’amener les étudiants à être actifs face aux images filmiques.
33Le premier extrait met en scène trois femmes algériennes, pendant la guerre de libération, en train de se changer. Elles enlèvent leurs Haïk, habits traditionnels pour s’habiller à l’européenne pour sortir de la casbah sans se faire fouiller. Elles sont chargées de déposer des bombes, qui explosent dans deux cafés et dans une agence Air France.
34Le second extrait montre Yacef Saadi et Larbi Ben M’hidi, responsables FLN de la zone d’Alger et hommes politiques s’exprimant en français pour défendre la cause algérienne ; « Il reste encore Ali La Pointe dans la Casbah », disait Yacef Saadi aux soldats français, sous la torture, et « donnez-nous vos avions et on vous donne nos bombes » répondait Larbi Ben M’hidi à un journaliste.
35Rappelons que notre objectif était d’amener les étudiants à construire progressivement du sens et transformer ainsi leurs représentations sociales à partir du visionnement des séquences filmiques ; déduire à partir du verbal, du non verbal, déduire le sens à partir du contexte ou d’éléments connus. Dans cette perspective, plusieurs questions ont été posées pour permettre aux étudiants d’accéder à la compréhension des deux extraits et développer ainsi leurs stratégies de recherche du sens.
36Une fois le visionnement des séquences terminé, nous avons distribué le deuxième questionnaire. Ce dernier se compose de cinq entrées, qui ont pour thématique l’influence de la culture de la langue française pendant l’occupation française de l’Algérie. Nous avons accordé un quart d’heure aux participants pour répondre au questionnaire.
Document 2. Questionnaire utilisé après le visionnage des séquences filmiques
|
Dans quelle(s) situation(s) les héros de la guerre de libération nationale s’expriment-ils en français ?
Selon vous, pourquoi ?
Pendant la période coloniale, la langue française était-elle une langue utile ?
Êtes-vous d’accord pour des échanges culturels entre la France et l’Algérie ? Justifiez.
Acceptez-vous d’apprendre le français sans sa culture ? Pourquoi ?
|
37La première rubrique a été dûment complétée par tous les étudiants. Elle a été introduite en guise d’entrée pour inciter les étudiants à parler d’eux-mêmes et les mettre en confiance.
38La deuxième rubrique porte quant à elle sur l’apprentissage des langues étrangères. 92 % des questionnés sont favorables à l’apprentissage des langues étrangères. Le classement des langues étrangères a été en faveur de l’apprentissage de l’anglais. En effet, 79 % des participants ont choisi l’anglais au détriment des autres langues, car, selon les questionnés, c’est la première langue internationale et la langue de l’économie. Le français arrive en deuxième position avec seulement 10 %. En revanche, le français est relativement bien classé par rapport à l’allemand (4 %), l’espagnol (4 %) et l’italien (1 %).
39La troisième rubrique a réellement montré un écart entre les étudiants qui sont pour l’apprentissage et l’utilisation de la langue française et ceux qui sont contre. Ainsi, 32 % des questionnés sont favorables à l’apprentissage du français, alors que 68 % y sont défavorables. Ceux qui sont contre pensent que la langue française ne permet pas d’établir des échanges dans les quatre coins du monde.
40La dernière rubrique montre aussi la déconsidération de la langue française due à l’histoire du pays. En effet, dans l’esprit de beaucoup d’Algériens, le français renvoie à la langue du colonisateur. 72 % des participants approuvent cette idée, 12 % la désapprouvent et 16 % sont indifférents.
41L’ambiance pendant le visionnement était agréable, les étudiants étaient calmes et attentifs. Connaissant le profil des étudiants, nous craignions le rejet du document, sous prétexte qu’ils avaient déjà vu le film. Nos craintes étaient infondées, car nous avons vu qu’ils étaient captivés par les séquences filmiques. Ils sont entrés très vite dans l’univers fictionnel. Grâce à l’image, ils sont entrés à l’intérieur des personnages et s’imaginent à leur place. Les émotions exprimées par les apprenants peuvent être de l’ordre de l’identification.
42Les participants ont légitimé le comportement des jeunes femmes, tout en approuvant le recours à la violence. Ils ont qualifié ces actes de « patriotiques » et de « légitime défense ». Ils se sont identifiés à Ali La Pointe en pleurant sa mort. Ils ont partagé la douleur de Yacef Saadi et apprécié l’éloquence de Larbi Ben M’hidi.
43Les données recueillies et les impressions des étudiants après le visionnement des extraits du film nous ont permis de démontrer qu’au-delà de la variabilité individuelle, il existe bien des opinions partagées par les individus. En effet, les étudiants portent bien des jugements de valeur ; ils évoquent la difficulté de l’apprentissage ou la complexité de la langue française ; ils sont également plus nombreux à insister sur le fait qu’ils n’ont eu du tout d’enseignants de français ou d’enseignants compétents durant leur cursus scolaire. Cette faille dans leur scolarité à développer chez eux un complexe en vers cette langue. À cela s’ajoutent les croyances socialement enracinées et partagées par tous les Algériens, dues à la violence et l’injustice endurées pendant la période coloniale.
44Il faut signaler que le visionnement des deux extraits du film a eu un impact favorable sur les étudiants et contribué à faire évoluer leur représentation de la langue française. Ainsi, ils acceptent le fait que les héros légendaires de la guerre de libération s’expriment en français pour porter et faire valoir la cause algérienne.
45Néanmoins, les étudiants restent partagés l’enseignement de la langue et la culture française. Les défenseurs de la langue française avancent des arguments en faveur de cette langue étrangère considérée comme une langue de culture et d’altérité. Par contre, les détracteurs voient en cette langue un facteur de déracinement des origines et de décadence progressive des valeurs.
46Les recherches actuelles ont montré que les représentations sociales, contrairement aux représentations individuelles, peuvent se transformer, évoluer. Nous avons cherché à montrer que l’apprentissage d’une langue est tributaire des représentations sociales, qui peuvent évoluer en contact de situations contextualisées. Il était donc intéressant et utile de chercher à savoir jusqu’à quel point les représentations sociales sont susceptibles de modifications.
47L’image filmique, de par sa nature même, et par les histoires qu’elle développe, authentiques et chargées de sens, constitue une grande source de motivation pour les apprenants. De plus, elle peut être à la base de nombreuses activités ludiques et variées, permettant d’acquérir les notions indispensables à la communication, puis de les réinvestir en situation. Elle modifie notre conception de la réalité et oriente nos actions. Elle peut affecter nos émotions et influer sur nos prises de décisions. Elle ne contribue pas seulement à construire et à former les individus sur le plan personnel et culturel, mais aussi à confronter leurs représentations préalablement conçues avec de nouvelles représentations. Son effet sur l’individu peut ainsi constituer un facteur d’évolution et d’acquisition de nouvelles conceptions.
48Il est vrai que l’image et le son affectent l’esprit du spectateur. Ils peuvent changer ses représentations conditionnées par son milieu familial ou sociétal. La représentation de la langue française chez les étudiants de la faculté des lettres et la faculté des sciences humaines et sociales de l’université de M’sila trouve son sens dans un héritage idéologique appartenant à l’histoire du pays, alimentés par les discours politiques et médiatiques. Notre expérimentation a montré que les étudiants pouvaient s’ouvrir sur l’Autre, grâce notamment à l’utilisation de séquences filmiques, qui sont à la fois des objets fortement polysémiques et des moyens de communication entre les cultures.
Flux RSS
-small120.png)
