1La campagne électorale 2021 au Maroc a été incontestablement placée sous le signe du numérique. De ce fait, les outils de communication en ligne ont permis de contourner la limite des rassemblements à cause des contraintes de l'état d'urgence sanitaire dû à la pandémie du Covid-19.
2Alors que beaucoup d'observateurs nationaux et étrangers avaient prédit un recul de participation des citoyens aux élections à cause de la pandémie, c’est le contraire qui s’est produit puisque l’édition de 2021 a permis une implication assidue de la société dans la compagne.
3Les électeurs auront délaissé les discours idéologiques pour se concentrer sur ce que chaque formation politique a à offrir, à l’heure où la crise sanitaire sévissait au Maroc. Le point qui a fait basculer la donne était le taux de viralité des contenus publiés par chaque formation.
4La déontologie des médias sociaux s'est développée à un point tel qu’elle a permis d’améliorer l'interaction et l’enrichissement du débat public. Les mises à jour des codes déontologiques ont revêtu diverses formes et ont abouti à un consensus général sur le potentiel inhérent de ces plateformes pour enrichir les pratiques de communication (Milette, 210). Cette nouvelle donne a permis aux partis politiques de former un réseau composé de communautés qui sont devenues plus concernées par les programmes électoraux.
5Au terme de cette analyse, notre problématique porte sur l’évaluation du rôle que peuvent jouer les outils de communication moderne tels que les médias sociaux pour la promotion des campagnes électorales au Maroc, et aussi d’examiner l’impact que pourrait avoir l’activisme numérique des partis politiques dans l’adhésion des citoyens aux différents programmes électoraux lors des élections législatives de 2021.
6La présente étude se propose de répondre aux questions ci-après :
7Q1 : Peut-on dire que l’activisme numérique a stimulé l’action politique au Maroc ?
8Q2 : A quel niveau les médias sociaux ont-ils aidé les partis politiques à gagner les voix des électeurs ?
9Q 3 : Y a t-il une corrélation, positive ou négative, entre les compagnes sur les médias sociaux et les résultats de vote ?
10Pour répondre à ces questions, nous essayerons dans cet article d'explorer le cadre théorique en lien avec le militantisme, la communication par l’entremise des médias sociaux et du rôle de ces médias dans l’action des partis politiques. Dans le même ordre, on s’est basé sur une étude réalisée en juillet 2022 par trois experts, Douhan, Landucci et Richter (2022) du German Institute of Global and Area Studies qui suit l'évolution politique et sociale en Afrique et au Moyen-Orient, de même que sur les conclusions du rapport d’évaluation publié en septembre 2021 par l’Observatoire des Opinions Publiques Numériques marocain et relayé par les principaux journaux électroniques, notamment LesEcos.ma, pour justement soustraire les informations permettant de nous indiquer les outils véhiculés par les partis politiques et la réaction des citoyens lors des élections législatives marocaines de 2021 en période de Covid-19.
11Nous ferons une comparaison avec une autre enquête quantitative publiée en décembre 2019 par les deux chercheurs, Evangelista et Bruno (2019), respectivement de l’Université d’État de Campinas et l’Université fédérale de Rio de Janeiro, qui se sont basés sur l’analyse d'un échantillon des images les plus diffusées sur la plateforme Whatsapp au cours des élections présidentielles au Brésil en 2018, pour faire un rapprochement subtil sur l’utilisation des médias sociaux en compagne électorale. Nous présenterons au final deux schémas de communication qui résument l’essentiel des éléments qu’on a exposé pour tirer l’essentiel des conclusions nécessaire à notre étude.
12Selon Chijioke (2013), les médias sociaux sont caractérisés comme des plateformes interactives en ligne qui permettent aux utilisateurs d'échanger des informations en temps réel. Cette définition englobe des plateformes telles que Facebook, YouTube, Twitter, LinkedIn, Instagram, et bien d'autres, qui facilitent cet échange dynamique.
13En revanche, Kaplan et Haenlein (2010) définissent les médias sociaux comme un regroupement d'applications en ligne construites sur les fondements technologiques du Web 2.0. Ces plateformes encouragent l'élaboration et le partage de contenu engendré par des utilisateurs. Ces chercheurs ont segmenté les médias sociaux en six catégories bien délimitées :
141. Les sites de réseaux sociaux (Facebook, Instagram)
152. Les blogs et microblogs (Twitter)
163. Les communautés de contenu (YouTube)
174. Les projets collaboratifs (Wikipédia)
185. Les mondes virtuels de jeux (Guild Wars)
196. Les mondes sociaux virtuels (Horizon World)
20Parmi ces catégories, les trois premières se démarquent par leur pertinence particulière pour stimuler l'engagement politique. Ainsi, dans le cadre de notre étude, lorsque nous faisons référence aux « médias sociaux », nous faisons spécifiquement allusion à ces trois catégories majeures : Les plateformes de réseaux sociaux (comme Facebook et Instagram), les blogs et microblogs (à l'instar de Twitter) ainsi que les communautés de contenu (représentées par YouTube).
21De la sorte, au cours de cette recherche, les médias sociaux sont appréhendés en tant qu'outils de communication en ligne. Au sein de la population marocaine, ces plateformes sont particulièrement populaires pour faciliter les échanges, permettant aux individus de commenter des contenus sur la toile. De plus, elles offrent aux diverses formations politiques l’opportunité de présenter leurs programmes électoraux et d’impacter directement les citoyens.
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23Les médias sociaux ont transformé la manière dont nous interagissons, ouvrant de nouvelles opportunités d'échanges. Cependant, ces plateformes du Web 2.0 ont émergé à une époque où les médias traditionnels suscitaient un certain malaise, un terme décrivant l'impact négatif des médias traditionnels sur la participation civique (Deželan & Vobič, 58). Ce phénomène influence la façon dont les citoyens s'engagent dans les affaires publiques, leur sentiment de confiance envers le gouvernement et leur propension à s'impliquer dans le militantisme politique.
24Les médias sociaux ont acquis une importance cruciale pour établir des connexions entre les candidats, les électeurs et plus spécifiquement les groupes d'intérêt associés au parti politique du candidat (Timmons, 27). Cependant, leur utilité ne se limite pas à atteindre le public et à l'encourager implicitement à voter, ils offrent également la possibilité de planifier les activités de campagne, facilitant ainsi l'engagement des individus souhaitant s'investir en leur offrant des moyens réels pour y parvenir (Timmons, 28).
25Les plateformes de médias sociaux ont transformé la façon avec laquelle les candidats interagissent avec les électeurs. Elles offrent une voie pour un partage rapide et direct des positions politiques, créent un espace d'interaction en temps réel et facilitent la construction d'un lien solide entre les candidats et les suffragants. Cette évolution favorise un engagement actif et des échanges constructifs, enrichissant ainsi le processus démocratique dans son ensemble (Timmons, 29).
26Indéniablement, les médias sociaux ont aussi modelé les campagnes électorales contemporaines. Du fait que de nombreuses personnes fréquentent ces plateformes, elles se sont avérées un moyen efficace pour atteindre une audience étendue tout en permettant d’établir une base électorale solide (Timmons, 29).
27En outre, ces canaux permettent une communication directe avec les électeurs, dispensant ainsi les candidats de dépendre exclusivement des méthodes traditionnelles comme les grands rassemblements publics pour informer leurs partisans de leurs priorités et programmes, laissant dire à certains que ces plateformes de communication en ligne ont réellement démocratisé le dialogue et la communication politique.
28La communication politique repose sur la capacité à créer des narratives convaincantes et à établir une connexion émotionnelle dans le but de crée des relations avec les citoyens et promouvoir des idées et des objectifs.
29Les intérêts et les contributions liés à la communication politique demeurent immuables, car au cœur de ce dispositif transversal réside la nécessité d’impliquer la communication dans l'exercice du pouvoir, qu'il soit institutionnel ou familier (Gingras, 3). Plusieurs éléments essentiels de l'organisation politique tirent leur substance de cette communication : La préservation de la cohésion sociale, la facilitation des débats citoyens, la construction du consensus et la lutte pour le pouvoir.
Tableau 1 : Théories de la communication politique et de la stratégie des partis politiques dans le contexte des
médias sociaux
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Théorie
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Auteurs
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Principes clés
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Théorie de la sphère publique
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Jürgen Habermas (1989)
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Il y a une interaction entre les citoyens dans l'espace public. Ce modèle met l'accent sur le rôle des médias, des discussions publiques et des délibérations dans la formation de l'opinion publique et la prise de décision politique.
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Théorie de la
communication
politique interactive
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Norris (2000)
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Les interactions permettent aux citoyens d'exprimer leurs préférences et leurs opinions, aux politiciens de communiquer leurs idées et leurs objectifs, et aux partis politiques de mobiliser et d'organiser le soutien public.
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Théorie de la
communication
politique stratégique
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Jamieson et
Campbell (2001)
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Les acteurs politiques utilisent des messages soigneusement élaborés et choisissent des médias spécifiques pour façonner l'opinion publique.
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Théorie de l'effet en
cascade
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Sunstein (1999)
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Ce modèle insiste sur les effets négatifs potentiels des médias sociaux sur la société, bien que ces plateformes offrent une grande liberté de communication et de partage d'opinions, elles peuvent également contribuer à la polarisation.
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Source : Auteur
30Les schémas de communication politique illustrés dans le tableau ci-dessus fournissent un cadre théorique permettant de saisir et d'examiner la façon dont les acteurs politiques, tels que les partis et les candidats, transmettent leurs messages, leurs idées et leurs objectifs à l'opinion publique. Ces modèles offrent une structure conceptuelle qui éclaire les diverses stratégies et tactiques de communication déployées dans le domaine politique.
31Selon les travaux d'Oberschall (1993), l'approche de la sociologie politique axée sur le militantisme a traditionnellement mis l'accent sur des éléments spécifiques, notamment l'analyse de l'engagement au sein des partis politiques. Cette approche visait à explorer les raisons et les motivations qui incitent certains individus à participer aux processus politiques. Cependant, ces enquêtes ont été limitées dans leur capacité à véritablement dévoiler les motivations sous-jacentes à l'adoption du militantisme.
32La théorie élaborée par le chercheur Gaxie (1977) a apporté une perspective fascinante en mettant en lumière la manière dont les partis politiques offrent divers avantages, tels que l'accès à des postes de responsabilité, des opportunités d'emploi et l'accumulation de capital culturel, pour ne citer que quelques exemples. Cette approche a contribué à une meilleure compréhension des dynamiques motivant la participation militante.
33Ainsi, nous avons la possibilité de définir le militantisme comme une initiative collective structurée au sein de l'espace public, portée par une intention de mobilisation qui surgit dans le dessein de protéger des intérêts matériels concrets ou de soutenir des causes sociales particulières.
34Là où autrefois dominait le triptyque de la « démocratie de partis », caractérisé par une structuration politique autour de la mobilisation populaire, émerge désormais le triptyque de la « démocratie du public ». Cette nouvelle approche met en exergue des éléments tels que les groupes de pression, les experts en communication et les stratégies d'image (Perrineau, 116).
35À cet égard, les partis politiques émergent de la volonté de soutenir un idéal collectif. Ils incarnent donc des dynamiques sociales, et parfois, ils représentent des secteurs spécifiques de la société. Dans leur quête d'accès au pouvoir au sein de l'arène électorale, ils sont contraints d'élaborer un programme concret qui articule des objectifs pour justement répondre aux besoins de la population.
36« Il est nécessaire pour la survie des partis qu'ils disent et s'expliquent à eux-mêmes leurs propres fins. Il est indispensable qu'à travers un système de sens soient verbalisées leurs différences. L'effet de ce récit identitaire est de rendre normal, inévitable, indiscutable le sentiment d'appartenance à un groupe. ». (dominique andolfatto, page : 27).
37En ce sens, la plateforme d'un parti ne peut se réduire à une simple agrégation de toutes les demandes sociales. En réalité, cette plateforme doit représenter les fondations de la mobilisation électorale. Par conséquent, elle doit établir des objectifs mobilisateurs, susciter l'enthousiasme en faveur des candidats pour permettre de se distinguer des autres formations politiques.
38Historiquement, les partis politiques marocains se sont appuyés essentiellement sur les médias classiques, tels que la radio et la télévision, pour s’adresser directement au public. Cependant, les élections de 2021 ont marqué un tournant subtil alors que les circonstances exceptionnelles imposées par la pandémie ont propulsé les outils de communication en ligne sur le devant de la scène.
39Selon les travaux d’une étude réalisée en juillet 2022 par trois experts du German Institute for Global and Area Studies, le rôle de ces médias est devenu même indispensable pendant la pandémie du COVID-19 lorsque les grands rassemblements étaient devenus quasi impossibles (Douhan, Landucci & Richter, 4). Dans ce contexte de crise sanitaire, la nature même de la campagne électorale a dû évoluer en raison des mesures de plus en plus restrictives pour les rassemblements dans les espaces publics. La levée progressive de plusieurs de ces retenues a coïncidé avec une campagne courte et limitée en deux semaines, de fin aout jusqu’à la mi-septembre.
40Si en 2021 l’essentiel des partis ont orienté leurs dynamismes vers la toile, ils se sont différenciés sur la façon dont ils ont utilisé les médias sociaux pour aboutir à leur fin. Le rapport d’évaluation de l’Observatoire des Opinions Publiques Numériques a indiqué que chaque marocain ayant accès à Internet se sera arrêté sur plus de 31 publications concernant un parti politique. Sur leur page Facebook officielle, le RNI et le Parti de l'Istiqlal auront publié 630 posts en deux semaines (Parti de l’Istiqlal : 400, RNI : 230), augmentant ainsi l'exposition de leur programme électoral (Bennajah, 2021).
41Alors que jusqu’ici la plupart des campagnes menées en ligne utilisaient des outils classiques tels que des messages ou des vidéos en direct, cette édition a permis aux différentes formations de polir leurs plans de communication et d’affirmer leur visibilité et leur image en ligne, avant même que le coup d’envoi ne soit donné pour les élections.
42Les analystes du German Institute for Global and Area Studies ont souligné que la campagne menée par le RNI s'est avérée, à de nombreux égards, plus performante et innovante que celles de ses homologues (Douhan, Landucci & Richter, 5). En effet, Aziz Akhannouch, à la tête du RNI, s'est démarqué en tant que candidat politique le plus présent sur les différentes plateformes numériques avant et pendant le déroulement des élections.
43La campagne numérique de la formation libérale a été menée par des experts, notamment par le recrutement de consultants étrangers qui ont conseillé efficacement la direction du parti, dont la stratégie comprenait l'embauche de jeunes, la combinaison d'outils en ligne avec de l’activisme sur le terrain, en plus de la production de divers supports pour les différents réseaux sociaux.
44En zoomant de plus près, on découvre un écart en termes de contenu, de structure et de thématiques proposées. En effet, l’univers en ligne du RNI est organisé de manière fluide et attrayante, avec des playlists soigneusement conçues qui s'adaptent à différents publics, des femmes aux jeunes, des artistes aux Marocains Résidant à l'Etranger (Douhan, Landucci & Richter, 6). Chaque playlist est un dossier thématique, exposant les réalisations accomplies et les projets à venir.
45En revanche, si l'on se penche sur les playlists YouTube du PJD, un contraste clair se dessine. Le contenu est moins abondant, la présentation visuelle est moins soignée et les thématiques semblent dépassées et s’éloignent des préoccupations de la population (Douhan , Landucci & Richter, 6).
46De ce constat, l'utilisation stratégique des médias sociaux pour mobiliser les foules et influencer les campagnes électorales demeure efficace. Les partis politiques marocains ont su aussi que maîtriser le contenu tout en utilisant un langage séduisant sont des éléments essentiels pour créer une image puissante du parti et gagner la confiance du plus grand nombre d'électeurs possible.
47Le RNI a également fait preuve de créativité en collaborant avec des acteurs marocains renommés pour produire plusieurs courtes vidéo (Douhan, Landucci & Richter, 6). Ces mini-clips ont capturé des interactions de la vie quotidienne, utilisant à la fois la langue arabe marocaine et l'amazighe, et mettant en valeur la vision et le logo du parti.
48Ces vidéos ont eu un véritable effet catalyseur, inspirant les citoyens à exercer leur droit de vote tout en renforçant l'identité et l'image du parti. Ces initiatives audacieuses ont permis à cette formation de se connecter avec un public plus large, de différentes régions, tout en créant une source précieuse de contenu pour ses plateformes numériques, donnant vie aux aspirations et aux voix des citoyens marocains les plus inculte et qui ont une méconnaissance du processus électoral dans son ensemble.
49Dans ce processus justement, le RNI a utilisé l'alliance entre la puissance de la communication en ligne et l'authenticité des interactions humaines pour forger une campagne électorale séduisante. (Douhan, Landucci & Richter, 7). C'était un pat en avant qui s’articulait vers plus de proximité, qui a permis à la formation libérale de se démarquer et de susciter l'enthousiasme des électeurs à travers le pays, réussissant ainsi à créer une campagne où les frontières entre le virtuel et le réel s'estompent.
Source : Auteur
50Vu les éléments exposés dans notre étude, on peut résumer notre schéma de communication tel qu’il a été suivi par la formation libérale du RNI en période de la crise du Covid-19 comme un gabarit qui s’approche de celui de Norris (2015) (Tableau 1).
51En effet, la communication politique devient un processus interactif au sein duquel l'information est échangée entre les acteurs politiques et les électeurs. Les médias sociaux jouent un rôle fondamental dans ce modèle, en permettant la diffusion fluide et spontanée de l'information. Cette théorie souligne l'importance cruciale des médias sociaux en tant qu'outils pour faciliter l'interaction entre les politiciens et les citoyens, incitant ces derniers à participer au processus électoral. Cette dynamique interactive confère ainsi une plus grande intensité à la communication politique en ligne, renforçant les liens entre les acteurs politiques et leur public.
52D'après les conclusions d’une enquête quantitative réalisée par Evangelista et Bruno (2019), respectivement de l’Université d’État de Campinas et l’Université fédérale de Rio de Janeiro, l'une des explications du triomphe électoral du PSL de Jair Bolsonaro lors de sa campagne présidentielle au Brésil en 2018 réside dans la mise en place d'une stratégie de communication particulière par l'usage singulier des médias sociaux par certains de ses partisans.
53Intéressé à comprendre comment les fausses nouvelles ont été diffusées par les groupes politiques sur WhatsApp, il eut le recueil de données sur une période d’intense activité au Brésil un mois précédent le premier tour des élections (Evangelista & Bruno, 7). L’enquête visait à développer une méthode automatisée pour déterminer si les images partagées dans les groupes de discussion analysés avaient déjà été examinées et rejetées par les services de vérification des faits.
54Les auteurs ont remarqué que 95% des images étaient non contrôlées. Le contenu a d'abord été publié sur le Web, puis dans des groupes WhatsApp surveillés. 45 % des images contenant des informations erronées sont apparues en premier sur le Web, 35 % ont été affichés sur WhatsApp et 20 % ont été partagés sur les deux plateformes le même jour. Selon les auteurs, cela suggère que WhatsApp a agi comme une source de désinformation pendant la campagne électorale (Evangelista & Bruno, 8). Le but était de diffuser des messages pour exacerber les sentiments présents dans le débat politique.
55Les partis politiques s'efforceront donc d’inciter des réactions émotionnelles et de tirer profit des divisions politiques préexistantes afin de mobiliser leurs partisans sur les plateformes de médias sociaux. Néanmoins, cette intensité d'engagement peut aussi être à l'origine de la diffusion de la désinformation et de fausses nouvelles, contribuant ainsi à accroître la polarisation de l'opinion publique et à renforcer la création de bulles de filtrage.
Source : Auteur
56Cette étude s'inscrit dans la lignée du modèle de l'effet en cascade élaboré par Sunstein (1999) (Tableau 1), qui met en évidence comment les algorithmes des plateformes de médias sociaux ont tendance à présenter aux utilisateurs du contenu en accord avec leurs préférences et croyances, contribuant ainsi à la formation de bulles de filtrage où les individus sont moins exposés à des informations différentes. Ce phénomène peut accentuer la polarisation et favoriser la propagation de la désinformation au sein de groupes d'utilisateurs partageant des opinions similaires.
57En analysant l'exploitation des médias sociaux par les partis politiques au Brésil, il devient manifeste que des éléments déterminants tels que la connectivité et la manière dont ces plateformes sont mises à profit peuvent exercer une influence considérable sur l'efficacité de la communication et de la stratégie politique.
58Notre étude ne peut nous permettre d’atteindre une conclusion globale et définitive sur l’efficacité des médias sociaux en période électorale, mais elle nous autorise à tirer des enseignements précieux sur la façon avec laquelle ces médias sont appréhendés par les politiques dans des situations différentes, aboutissant à des résultats tout aussi distincts.
59Nous discernons ainsi comment les dirigeants politiques utilisent ces plateformes pour façonner leur image publique, mobiliser leur base électorale et influencer l'opinion. Ainsi, la pertinence des contenus, le choix des plateformes, et même le degré d'interaction avec les citoyens varient de manière significative en fonction même des attentes et des aspirations du public cible.
60En somme, les médias sociaux ont profondément transformé la nature des campagnes électorales en offrant de nouvelles opportunités pour la communication, l'engagement et la mobilisation des électeurs. Cependant, ces plateformes présentent également des défis, notamment en ce qui concerne la désinformation, la polarisation et la gestion des interactions en ligne. La manière dont les campagnes et les électeurs utilisent ces médias façonne désormais la manière dont l'information politique est perçue, diffusée et reçue.
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